Enseignement des premières notions de topologie à l’université

Premières spécificités des notions de topologie et difficultés d’enseignement

Sur la base des premières constatations que nous venons de développer, nous avons été amenée à penser que les notions de topologie avaient des caractéristiques communes avec les notions formalisatrices, unificatrices et généralisatrices (Robert, 1998). Il s’agit de notions qui généralisent des notions antérieures tout en les unifiant grâce à un nouveau formalisme. Ces notions ont des caractéristiques épistémologiques qui tiennent à une genèse longue, le passage des notions primitives à leur généralisation étant souvent sinueux.

Les notions formalisatrices, unificatrices et généralisatrices provoquent des difficultés d’enseignement. En ce qui concerne l’introduction des notions, la distance entre l’ancien et le nouveau est souvent grande si bien qu’il n’est pas facile de s’appuyer sur les connaissances antérieures des étudiants pour concevoir un problème initial dans lequel les nouvelles notions apparaîtraient comme outil implicite de résolution adapté, en permettant à l’étudiant de les mettre en fonctionnement de manière autonome et en les généralisant. De plus, ce formalisme apparaissant dans les nouvelles définitions induit, chez les étudiants, des difficultés à donner du sens aux notions.

Pour comprendre les difficultés d’enseignement des notions de topologie et leurs conséquences sur les difficultés rencontrées par les étudiants, nous avons réalisé un diagnostic de l’enseignement visé, en étudiant le cours théorique et les exercices proposés aux étudiants, en relation avec ce qui précède. Nous avons peu questionné le cours théorique. En effet, il s’agit d’un cours magistral. Les notions y sont introduites « brutalement » par leurs définitions, sans réelle motivation. Le chapitre sur la topologie est également isolé dans le cours puisque les notions enseignées ne sont pas réinvesties par la suite en première année.

Comme nous l’avons précédemment expliqué, la majorité des exercices proposés en travaux dirigés consistent en des applications immédiates des définitions. On pourrait penser, a priori, que ce type d’exercice est facile à résoudre. Pour décrire le travail mathématique que nécessite la manipulation des définitions des notions de topologie, nous avons utilisé les outils d’analyse des contenus développés par Robert (1998). Nous avons ainsi pu caractériser les cadres et les registres utilisés, au sens de Douady (1987) et de Duval (1995), et les adaptations 3 de connaissances à réaliser.

Décrivons maintenant le travail mathématique qui a été réalisé. Le démarrage de l’exercice nécessite tout d’abord de reconnaître l’écriture formelle qui est à prouver. La structure logique à prévoir pour manipuler cette écriture est de se donner un réel quelconque x appartenant à ]a,b[ et de trouver un rayon convenable pour la boule. Il y a alors un changement de point de vue qui consiste à remarquer que la boule B(x,r) est l’intervalle ]x − r, x + r[. Un choix convenable pour r met en jeu la distance entre deux nombres réels et la notion de minimum entre deux quantités. Prouver l’inclusion d’ensembles nécessite alors la manipulation d’inégalités et par conséquent des connaissances sur l’ordre dans R.

Cette solution requiert donc la disponibilité de connaissances en logique et en théorie des ensembles. Le fait de travailler dans R mobilise des connaissances anciennes sur les inégalités. La solution comporte aussi des adaptations variées comme la reconnaissance de modalités d’application de la définition, des traductions et des changements de points de vue. La juxtaposition des connaissances à utiliser et leurs mises en fonctionnement sont telles que le travail mathématique à réaliser est complexe à ce niveau d’enseignement.

Il apparaît ainsi un décalage entre la nature de l’exercice qui est une application d’une définition et qui est donc considéré a priori comme facile à résoudre, et la nature du travail mathématique engendré, qui est quant à elle très complexe au niveau de la première année universitaire. Les analyses qui ont été menées vont toutes dans le même sens. La manipulation d’une définition de topologie est un exercice complexe, qui induit un travail dans les cadres de la logique et de la théorie des ensembles. Elle nécessite de plus la disponibilité de connaissances en cours d’acquisition telles que les notions de boule et de suite convergente. Des connaissances anciennes sur les nombres réels sont également mises en jeu.

Difficultés des étudiants 

Dans la seconde partie du travail, nous avons proposé des questionnaires aux étudiants de deuxième et troisième années, dans la filière mathématique. Ces étudiants ont suivi l’enseignement de topologie étudié ici et ont eu l’occasion d’approfondir les notions dans le cours d’analyse de deuxième année. Notre objectif était de tester leurs acquis en topologie, compte tenu des difficultés présagées dans notre diagnostic. Le dépouillement des questionnaires montre que ces difficultés se confirment au travers des réponses des étudiants. Lorsqu’ils sont amenés à s’exprimer sur les difficultés qu’ils rencontrent en topologie, ceux-ci mentionnent l’abstraction des notions et la variété des définitions rencontrées. La topologie est perçue comme un domaine construit sur une suite de contenus entre lesquels les liens sont difficiles à établir. Lorsqu’il s’agit de résoudre des exercices semblables à ceux proposés en première année, des erreurs sont encore observées dans la restitution des définitions. Par exemple, environ 75% des étudiants de deuxième année définissent la notion de fermé en termes de boule avec la caractérisation suivante, qui est en fait vérifiée par tous les ensembles :
∀x ∈ A, ∀r > 0, B(x,r)∩A ≠ ∅.

Un premier bilan du mémoire de DEA 

Le travail réalisé met à jour les premières spécificités des notions de topologie et des difficultés d’enseignement qui peuvent, selon nous, être mises en lien avec la nature des notions. En effet, le début de l’enseignement d’une notion formalisatrice, unificatrice et généralisatrice est un travail sur les définitions. Or, nous avons montré que pour les notions de topologie, il s’agit d’un travail complexe qui nécessite des adaptations nombreuses et variées, souvent implicitement cachées dans la définition. Des problèmes d’existence interviennent, des informations doivent être interprétées, faisant apparaître des quantificateurs cachés, plusieurs arguments doivent être articulés pour aboutir à ce qu’il faut prouver. Des connaissances en logique et en théorie des ensembles sont nécessaires. Or, à ce niveau d’enseignement, elles ne sont pas disponibles chez un certain nombre d’étudiants. L’enseignement décrit ici s’appuie donc essentiellement sur le caractère formalisateur des notions et le travail technique engendré ne permet pas de revenir sur leur sens. Les étudiants ne peuvent donc miser que sur leur mémoire pour restituer les définitions puisqu’ils manipulent des notions qui ne représentent rien pour eux. Le problème du sens s’est confirmé dans les questionnaires proposés aux étudiants des années ultérieures. Certains peuvent manipuler correctement le formalisme même si la définition avec laquelle ils travaillent est fausse. Mais globalement, les étudiants dépassent rarement le stade de la restitution des définitions puisque des erreurs liées à la non disponibilité de connaissances en logique et en théorie des ensembles sont repérées dès le début des questions proposées. La variété des définitions et le caractère abstrait des notions sont des éléments constamment cités par les étudiants lorsqu’ils évoquent les difficultés qu’ils rencontrent pour comprendre la topologie. En conclusion, l’enseignement décrit ici ne mène pas aux apprentissages visés. La dynamique entre les aspects formel et conceptuel ne se présente pas du tout comme étant productrice de sens chez les étudiants et la manipulation technique n’est pas du tout acquise non plus. Ce travail présente toutefois un certain nombre de limites méthodologiques quant à la question des spécificités des notions et de leurs difficultés d’enseignement qui peut, selon nous, être clarifiée. Nous n’avons en effet que peu d’éléments sur les caractères unificateur et généralisateur des notions. Un autre aspect est que nous n’avons pas pris en compte ce qui se passe pendant le cours, et précisément en travaux dirigés, et qui pourrait également influencer les apprentissages des étudiants. Des voies restent donc à explorer pour tenter d’élaborer un enseignement permettant d’améliorer l’acquisition des notions de topologie chez les étudiants.

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Table des matières

Introduction
Partie 1 ◮ Travaux antérieurs – Cadrage théorique – Questionnement didactique
Introduction
I Premières spécificités des notions enseignées
1 Contexte du travail
2 Premières spécificités des notions de topologie et difficultés d’enseignement
3 Difficultés des étudiants
4 Un premier bilan du mémoire de DEA
II Travaux antérieurs sur les notions « abstraites »
1 Notions formalisatrices, unificatrices et généralisatrices
2 D’autres approches
2.1 Modes de pensées et construction des connaissances mathématiques
2.2 Raisonnement mathématique et utilisation du langage formel
3 Bilan
III Cadrage théorique et questionnement didactique
1 Délimitation de notre champ d’étude
2 Théorie de l’activité
2.1 Hypothèses sur ce qui peut favoriser la construction de connaissances
2.2 Un intermédiaire pour étudier les apprentissages mathématiques : les activités
des élèves
2.3 Conceptualisation en mathématiques
2.4 Étudier les activités des élèves en classe
3 Inscription de notre questionnement dans la théorie de l’activité
Partie 2 ◮ Spécificités des notions de topologie et perspectives didactiques
Introduction
IV Histoire, épistémologie et didactique des mathématiques
1 Un objectif piloté par la didactique des mathématiques
2 Des précisions sur la nature du travail à réaliser
3 Interactions entre didactique, épistémologie et histoire des mathématiques
4 Conclusion
V Genèse et développement historiques de quelques notions de topologie
1 Éléments méthodologiques
2 Une vue historique globale
2.1 Délimiter l’histoire à retracer
2.2 Émergence et développement des notions
2.3 Trois sources d’émergence
3 Le recours à l’intuition géométrique
3.1 Travaux précurseurs
3.2 L’appui sur des notions intuitives chez Riemann
4 La volonté de définir rigoureusement les fondements de l’analyse
4.1 Travaux précurseurs
4.2 Élucidation des notions de base
4.3 L’étude des séries de fonctions
4.4 Cantor : une classification des ensembles de points .
4.5 Ensembles ouverts, ensembles fermés
5 La volonté de généraliser les notions antérieures
5.1 Travaux précurseurs
5.2 Les espaces abstraits
5.3 La notion d’espace topologique
6 Les traités
6.1 Les traités de Jordan
6.2 L’article de Baire
6.3 Bourbaki, les Élements de mathématique
6.4 Kuratowski, Traité de Topologie
7 Premières conclusions provenant de la réalité historique
8 Spécificités des notions de topologie
9 Limites méthodologiques et perspectives
VI Une analyse de manuels
1 Éléments méthodologiques
2 Les manuels
3 Une analyse globale de l’ensemble des manuels
3.1 Contenus théoriques
3.2 Les exercices
4 Spécificités des notions de topologie, du côté du savoir à enseigner
5 Limites méthodologiques et perspectives
Conclusion

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