Enseignement de l’histoire des femmes et du genre

Enseignement de l’histoire des femmes et du genre

L’homogénéisation et le « nous » exclusif

Lorsque des institutions ou des entités abstraites, comme des nations, deviennent des agents historiques, les élèves risquent de ne pas être en mesure de comprendre la complexité des changements historiques. Pensons aux phrases suivantes : « Le Japon attaque les États-Unis à Pearl Harbor », « L’Église condamne l’usage du contraceptif oral ». Bien que ce type de simplification soit, à un moment ou un autre, inévitable, il faut être conscient que le « Japon » et « l’Église » ne sont pas les entités qui ont pris les décisions36, mais bien que ce sont des individus et des groupes à l’intérieur de ces dernières qui en sont responsables. De la même manière, ces entités sont hétérogènes et la réalité est plus complexe qu’elle ne l’apparait à la simple lecture de ces phrases. Si cela peut nous sembler évident, tel n’est pas nécessairement le cas pour les élèves. L’usage de catégories (les Canadiens, les États-Unis, les Québécois, les anglophones, les Iroquoiens, les femmes – ou pire encore la femme) se heurte aux mêmes obstacles. S’il semble évidemment difficile de ne pas se référer à de tels regroupements pour faciliter la compréhension, il ne faudrait pas négliger qu’ils ont tendance à « [polariser] les identités » (Lefrançois et coll., 2011, p. 78) en naturalisant les éléments soi-disant communs aux membres d’une communauté, donnant une image sans doute beaucoup plus uniforme que la réalité.Par ailleurs, l’utilisation du « nous » dans un récit historique, si elle est elle aussi une homogénéisation de la réalité, semble encore plus perverse, puisqu’elle se réfère directement à un sentiment d’identité qui est très loin d’être inclusif.À ce sujet, une recherche empirique néo-zélandaise a attiré notre attention (Alton-Lee et coll., 1993). Bien que limitée à l’observation et aux entrevues dans une même classe de sixième année du primaire, elle permet d’élaborer certaines pistes de réflexion sur les effets possibles d’un enseignement qui utilise l’homogénéisation et le « nous ». Ainsi, 36 Lefrançois et coll. (2011) parlent d’anthropomorphisme pour décrire ce phénomène, soit l’attribution de caractéristiques humaines à des entités impalpables.l’enseignant observé donnait une leçon sur les origines de la ville de New-York aux ÉtatsUnis. L’enseignant utilisait indistinctement les termes « explorateurs néerlandais », « blancs », « Européens », « nos ancêtres » et « nous » (en opposition aux Autochtones habitant le territoire avant l’arrivée des colonisateurs et parfois en comparaison avec les colonisateurs anglais de la Nouvelle-Zélande). Le récit historique, tel que présenté par l’enseignant, tendait aussi à présenter les Amérindiens comme des victimes n’exerçant aucune agentivité. Les auteurs ont noté, pendant la leçon, que les dialogues entre les élèves d’origine caucasienne (s’identifiant au « nous ») et un élève d’origine maori (aborigène) étaient marqués par un certain racisme renforcé, inconsciemment, par le discours de l’enseignant. Les chercheurs en sont aussi arrivés à une conclusion similaire par rapport à l’absence, dans la leçon, de toute référence au genre, le récit pouvant ainsi laisser croire à un groupe homogène (« les Européens »), alors que les colonisateurs ne représentaient qu’une très petite proportion (une élite masculine) (voir aussi : Epstein, 1997; Levstik, 2000).

L’idéalisation

Lorsque les femmes sont incluses dans la trame narrative, il est aussi commun qu’elles soient représentées comme un groupe homogène englobant : « la femme », « les femmes », « les féministes ». En plus des problèmes d’homogénéisation évoquée plus tôt, un deuxième danger guette ce type de récit. Trop souvent, les rôles joués par les femmes sont alors stéréotypés. Le biais est parfois inconscient, mais même les récits historiques tendent à prôner un certain « idéal » de féminité à travers leurs choix interprétatifs. Ainsi, Alridge (2006) constate dans son analyse que l’implication des femmes dans la lutte pour les droits civiques est présentée dans les manuels comme se limitant à l’appui et à l’assistance à Martin Luther King Jr. En outre, les femmes s’insèrent parfaitement dans un cadre de référence « maternisant », reproduisant des rôles correspondant aux clichés communs (bonne mère et bonne épouse) et déformant complètement le rôle actif des femmes dans cette lutte en restreignant leur rôle à la complémentarité avec les hommes. Lamoureux (1991), s’intéressant à la manière de décrire la représentation des femmes dans les mouvements politiques, note qu’« alors que l’activité des femmes dans le mouvement de
réforme du début du siècle est fondamentalement analysée en termes de philanthropie, l’activité des hommes y est vue comme le prélude aux mouvements politiques radicaux tels le socialisme ou le communisme » (p. 51). Les femmes se voient une fois de plus attribuer une étiquette correspondant à une certaine idée de la féminité, alors que des hommes ayant pourtant œuvré au sein des mêmes groupes réformistes sont présentés comme des avantgardistes.Évidemment, « les féministes » n’échappent pas à une image stéréotypée. S’il est clair qu’elles sont représentées de manière parfois quasi caricaturale dans l’espace médiatique (Blais, 2009; Dumont et Lanthier, 1998)37, les simplifications, dans les récits historiques, sont certainement moins flagrantes, mais n’en sont pas pour autant absentes. Par exemple, le mouvement féministe ne forme manifestement pas un ensemble monolithique (voir à ce sujet Weedon, 1997) 38 et pourtant les récits scolaires parlent généralement « du » féminisme et non « des » féminismes (Zancarini-Fournel, 2005).Il faut souligner que les simplifications et les stéréotypes ne sont pas toujours utilisés consciemment par les auteurs et les interprétations offertes dans ces récits n’ont généralement pas comme objectif avoué de limiter l’agentivité des femmes. Cependant, il serait tout à fait sensé de croire que les constructions sociales liées aux identités de genre influencent les manières de représenter le rôle des hommes et des femmes dans l’histoire.
Il importe toutefois de rappeler que la transposition didactique n’est pas une tâche simple. Il peut paraitre complexe d’amener les élèves à comprendre l’oppression des femmes dans leur ensemble tout en présentant les femmes comme un groupe hétérogène. La diversité des parcours de femmes selon leur classe sociale et leur identité autoassignée est indéniable, mais des recherches démontrent aussi que les obstacles à l’intégration de cette pluralité d’expériences par les élèves sont nombreux, à l’intérieur comme à l’extérieur de la classe d’histoire (Levstik, 1998, 2009; Levstik et Groth, 2002). Dans la prochaine

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Table des matières

Résumé
Abstract
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Remerciements
Introduction
CHAPITRE 1 : Problématique
1.1 Le contexte social
1.1.1 L’antiféminisme
1.1.2 Le programme et l’égalité homme-femme
1.1.3 La progression des apprentissages
1.1.4 Les débats autour du programme
1.2 Pertinence scientifique
1.2.1 Les effets réels de la réforme encore peu connus
1.2.2 Les manuels
1.2.3 Peu de recherches sur les adolescents et le genre en histoire
1.3 Objectif général de la recherche
1.4 Objectifs spécifiques de la recherche
1.5 Retombées attendues
CHAPITRE 2 : Cadre conceptuel
2.1 Enseignement de l’histoire des femmes et du genre
2.1.1 L’apport du concept de genre
2.1.2 Histoire des femmes et du genre dans l’enseignement
2.2 L’agentivité
2.2.1 Définir l’agentivité
2.2.2 Les obstacles à la compréhension de l’agentivité historique
2.2.3 Comment intégrer l’agentivité des femmes en classe ?
2.3 La pensée historienne
2.3.1 Les habiletés liées à la pensée historienne
2.3.2 Quelques recherches empiriques sur la pensée historienne
2.3.3 La pensée historienne et l’histoire des femmes à l’école
2.4 La médiation avec le manuel
2.4.1 Le manuel d’histoire et les enseignants
2.4.2 Le manuel d’histoire et les élèves
2.4.3 L’analyse des contenus de manuels
2.4.4 Définir la médiation avec le manuel
2.4.5 Quelques recherches sur la médiation en classe d’histoire
2.5 Rappel des objectifs de recherche
CHAPITRE 3 : Cadre méthodologique
3.1 Critique de cadres méthodologiques existants
3.2 Choix méthodologiques
3.3 Instruments de collecte
3.3.1 L’analyse de contenu
3.3.2 Le questionnaire (annexe I)
3.3.3 Entretien avec inducteur (annexe II)
3.4 Limites de la recherche
3.5 Retombées attendues de la recherche
CHAPITRE 4 : Présentation des résultats
4.1 Choix de l’inducteur
4.2 Le questionnaire
4.2.1 Données démographiques (questions un et deux)
4.2.2 Le manuel (questions trois, quatre et sept)
4.2.3 Le féminisme et l’agentivité (questions cinq, six et sept)
4.2.4 Le féminisme et l’agentivité (questions à développement – huit et neuf)
4.3 Les entrevues
4.3.1 Béatrice
4.3.2 Benoît
4.3.3 Coralie
4.3.4 Cyril
4.3.5 Jacynthe
4.3.6 Julia
4.3.7 Patricia
4.3.8 Samantha
4.3.9 Samuel
4.4 Synthèse des résultats
CHAPITRE 5 : Discussion
5.1 Les conceptions du manuel en histoire
5.1.1 Les fonctions du manuel
5.1.2 La véracité du manuel
5.1.3 La confrontation de récits contradictoires
5.2 Les idées des élèves à propos du féminisme
5.2.1 Un discours dominé par le droit de vote
5.2.2 Une lutte associée surtout à une autre époque ou à un autre lieu
5.2.3 Stéréotypes de genre et antiféminisme
5.2.4 Une certaine conscientisation
5.2.6 Le sentiment d’appartenance au mouvement féministe
5.3 L’agentivité
5.3.1 L’agentivité des femmes dans les récits d’élèves
5.3.2 La compréhension de l’agentivité proposée par le manuel
Conclusion
Rappel des chapitres
Retombées scientifiques et sociales
Perspectives de recherche
Références

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