Sans exagérer le caractère multipolaire de la sociolinguistique, reconnaissons que celle-ci embrasse, à travers ses diverses tendances, l’ensemble des activités de langues : non seulement la langue et les rapports qu’elle entretient avec la société mais également le rôle que jouent les langues nationales dans l’instruction sociale et particulièrement dans l’enseignement bilingue (français- langue nationale). En effet, le constat est que ce bilinguisme pourrait être la solution au problème lié à la baisse de niveau dans le système éducatif.
Pour ainsi dire, de nos jours, la remarque est générale : « Le système éducatif sénégalais est malade de ses orientations», Mboup (2005) p.5 étant donné qu’il a eu à traverser de nombreux problèmes tels que : les débrayages répétés à l’école primaire, à l’université et même au niveau du corps professoral, les années invalidées suivies des années blanches ou des sessions uniques, les résultats catastrophiques aux examens à tous les niveaux d’étude de l’école primaire à l’université en passant par le secondaire. En effet, on constate une baisse de niveau des élèves en français ainsi que dans les autres matières.
Les politiques linguistiques
Cadre législatif et règlementaire
Ce contexte est multiforme. C’est pourquoi, pour être plus claire dans les détails nous allons le diviser en contexte historique, politique et enfin linguistique.
Historique
Le Sénégal, colonie française, faisait partie d’un grand ensemble appelé Afrique Occidentale Française (A.O.F) ; et qui évoque la colonisation dit le « processus de domination politique, d’exploitation économique et d’assimilation culturelle d’un pays par un autre », dans notre cas, la France qui, à travers l’école, nous a imposé sa langue, le français, et a asservi nos valeurs africaines.
Les langues africaines étaient prohibées : qui ne se rappelle pas du fameux « symbole », qui malheureusement, a toujours cours dans nos écoles, pratiqué par des maîtres nostalgiques de la rigueur et de l’ordre de l’école coloniale !
Cependant, à ce niveau, signalons l’expérience inédite de l’instituteur Jean DARD :
« Dans un ouvrage paru en 1968, J. GAUCHER retrace l’histoire de l’école sénégalaise. Il raconte que c’est le 7 mars 1817 que fut ouverte la première école du Sénégal, l’école mutuelle de Saint-Louis, dirigée et animée par un instituteur Jean DARD. Dans cette école(…) on a essayé d’utiliser le wolof comme langue d’enseignement.
(…), après quelques mois d’expérimentation et avant même l’ouverture officielle de l’école, J. DARD avait pu constater l’échec d’un enseignement unilingue français amenant les écoliers africains à lire et à écrire le français sans le comprendre (…) ».
C’est donc pour obéir à son souci de libérer l’homme noir par l’école que J. DARD, convaincu personnellement de la nécessité pour le blanc, surtout lorsqu’il est enseignant de s’adapter au milieu sénégalais, par la pratique du wolof, réussit également à convaincre ses supérieurs d’ouvrir une école wolofe. En résumé, l’idée de l’utilisation des langues locales dans le système éducatif date de longtemps.
Politique
En 1960, le Sénégal accède à l’indépendance avec le Président Léopold Sédar Senghor, qui choisit de conserver le français comme langue officielle et langue d’enseignement, malgré le fait qu’il soit parlé par une minorité de sénégalais. Cette décision est motivée par le souci qu’avaient les autorités politiques de maintenir à travers le français une certaine unité linguistique et au-delà une stabilité politique. En outre, de par sa position privilégiée, le français occupant tout l’espace politique, administratif et éducatif (langue des Institutions, de l’Administration et de l’école), devient une langue de promotion sociale. Cependant, signalons qu’il n’a jamais pu jouer le rôle de langue véhiculaire, de relation interethnique au Sénégal, rôle principalement tenu par la langue wolof.
Linguistique
Au Sénégal, on dénombre une vingtaine de langues locales. Cependant de six langues nationales reconnues par le décret n°71-566 du 21 mai 1971, le statut de langue nationale est étendu à toute langue codifiée comme le stipule l’article premier de la Constitution du Sénégal : « La langue officielle de la République du Sénégal est le français. Les langues nationales sont le joola, le malinké, le pulaar, le sereer, le soninke, le wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée». Ce qui fait qu’à ce jour, notre pays compte plus d’une vingtaine de langues nationales. Ce qu’il faut noter, c’est que toutes ces langues codifiées n’ont ni le même usage, ni la même distribution, encore moins la même représentation, si l’on sait que le wolof qui est utilisé comme langue de communication inter-ethnique est présent sur plus de la moitié du territoire national, et concurrence fortement le français dans l’usage jusque dans la sphère administrative. C’est dire que, cette cohabitation du français avec les langues locales et/ou nationales nécessite la définition d’une certaine politique linguistique, malheureusement encore trop timide au Sénégal. Selon le professeur Moussa Daff :
La politique linguistique du Sénégal peut être caractérisée par les deux composantes suivantes :
● Promouvoir les principales langues nationales pour en faire des langues de culture,
● Maintenir le français comme langue officielle et langue de communication internationale.
Le français, de par son statut et les fonctions qu’il assume s’est imposé comme une réalité linguistique nationale.
Il est la langue officielle de l’enseignement.
Dans la même lancée, dans le rapport LASCOLAF, il est écrit :
L’Etat du Sénégal affirme son choix du français comme langue officielle mais rend obligatoire l’alphabétisation des populations, y compris les cadres de l’administration en langues nationales.
Le décret n°71-566 du 21 Mai 1971 relatif à la transcription des langues nationales donne à celles-ci une vocation de langues d’alphabétisation et d’enseignement. Il stipule en plus que « le gouvernement sénégalais entend introduire les langues nationales dans l’enseignement de l’école primaire à l’université.
Dans le même rapport et juste après :
En janvier 1981, avec la tenue des Etats Généraux de l’Education et de la Formation (EGEF), cette question de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif est apparue comme une préoccupation majeure des populations. L’objectif visé dans les recommandations de ces Etats Généraux était essentiellement d’améliorer la qualité de l’enseignement, réduire les taux d’échecs, de redoublement et d’abandon à l’école élémentaire (…). Au regard de ce rapport qui est un véritable plaidoyer pour l’introduction des langues nationales à l’école, il s’agit, aujourd’hui pour nous, à travers une étude, de voir l’impact que ce changement de paradigme aura sur la qualité de nos pratiques pédagogiques en vue de sa généralisation. La nouvelle constitution du 7 janvier 2001 reconnaît officiellement que : « La langue officielle de la république du Sénégal est le français. Les langues nationales sont le diola, le malinké, le poular, le sérère, le soninké, le wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée.» Article 1, Constitution du 7 janvier 2001.
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Table des matières
Introduction générale
PREMIER CHAPITRE : CADRE THEORIQUE
1.Cadre théorique et méthodologique
2.Cadre de référence théorique
3.Clarification conceptuelle
4.Revue de littérature
DEUXIEME CHAPITRE : SITUATION LINGUISTIQUE DU SENEGAL
1.Les politiques linguistiques
2.Cadre sociolinguistique
3.Déclaration des institutions internationales sur les ln
4.Les différentes expérimentations bilingues
TROISIEME CHAPITRE : CADRE PRATIQUE
1.Mise en œuvre des modèles bilingues ARED et ELAN
2.Similitudes et dissemblances des modèles ARED/ELAN
3.PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
WEBOGRAPHIE
ANNEXES