Enseignant(s) de classes préparatoires: des modalités d’accès au corps, des pratiques et des représentations différenciées?

Les classes préparatoires font l’objet de beaucoup de représentations, positives comme négatives. Dans la littérature sociologique, elles ont souvent étés considérées comme une « boite noire ». Autrement dit, on s’intéressait plus à qui en entrait et qui en sortait que au comment la classe préparatoire forme, façonne les étudiants qui la traverse. C’est dans cette perspective que la sociologue Muriel Darmon a mené une étude publiée en 2013.

L’entrée dans le métier et les évolutions

L’entrée dans le métier n’est pas anodine. Comme pour une autre profession, cela signifie s’approprier un nouveau rôle social, se débattre avec les a priori qu’on avait du métier, etc. Nous verrons dans cette partie le cheminement qu’ont eu nos deux enseignants pour intégrer cette institution particulière qu’est la classe préparatoire.

Comment devient-on enseignant de classes préparatoires ?

Il faut d’emblée se dégager de ses prénotions lorsqu’on évoque le sujet des enseignants de classes préparatoires. L’image d’un corps d’élite avec des individus tous issus de ce système (et parmi les plus brillants) peut s’imposer spontanément. Pour autant, nous avons vu que cette vision est forcément loin de la réalité puisqu’il n’a suffi que de deux entretiens pour appréhender une diversité des parcours de nos deux enseignants enquêtés. M. MPSI est ainsi un pur produit de la classe préparatoire, passé par ce système, il a fait une grande école (l’Ecole Normale Supérieure de Cachan), une thèse et a intégré directement le statut d’enseignant de classe préparatoire. En revanche, M. MP est passé par l’université et a été enseignant dans le secondaire deux ans avant d’intégrer une classe préparatoire. Cette différence n’est pas rare puisque dans une enquête menée entre 2007 et 2010, Jacques-Benoît Rauscher montrait que 41% des enseignants de classes préparatoires avaient déjà exercé dans le secondaire et 25% n’étaient pas issu du système des CPGE.

Devenir enseignant de classes préparatoires ne découle pas forcément uniquement du parcours scolaire puisque celui-ci peut être varié. Une autre différence se situe dans l’aspect « vocation » du métier. Dans notre enquête, nous avons, là encore, deux profils différents avec M.MP qui ne se destinait pas à cette profession :

[>Enquêteur]:
Est-ce que tu as toujours voulu être enseignant, enseignant de prépa ? Estce que ça s’est dessiné très tôt dans la scolarité ?
[>M.MP]:
Non ce n’était pas du tout mon projet
[>Enquêteur]:
Qui était ?
[>M.MP]:
C’était la recherche. Pour des raisons personnelles ça ne s’est pas fait. Mais c’était vraiment ca
[>Enquêteur]:
Tu n’as pas tenté un master recherche ?
[>M.MP]:
Si si j’avais fait ça … le service militaire est passé par la … et donc ça s’est pas fait. Et donc je suis devenu prof (rire). Ce qui est un merveilleux métier, mais au début ce n’était pas ma vocation. 

On a clairement ici le terme vocation qui est posé par notre enquêté pour désigner le fait que son orientation vers ce métier s’est dessiné sur le tard, parce qu’il n’a pas pu faire de la recherche. Notre enseignant de deuxième année minimise également le rôle du milieu familial puisque ni ses frères et sœurs, ni son père ne connaissent le milieu de l’enseignement. Sa mère a tout de même été enseignante ce qui nous a amené à aborder le sujet :

[>M.MP]:
Ma mère a été prof quand elle était jeune après elle a été mère au foyer.
Mon père était directeur export dans une boite
[>Enquêteur]:
Donc fils de prof ?
[>M.MP]:
Non parce que ma mère a pas enseigné longtemps. Quelques années avant de passer mère au foyer
[>Enquêteur]:
Donc tu ne la voyais pas comme « prof » ?
[>M.MP]:
Non pas du tout.

Le fait d’avoir un de ses parents dans le système éducatif est minimisé par l’enquêté qui ne considère pas que cela a eu une influence sur son projet (d‘autant plus qu’il s’est dessiné sur le tard, nous l’avons dit). M.MPSI a en revanche un parcours beaucoup plus en cohérence avec son habitus puisque ses parents et ses frères ont tous connus le système des classes préparatoires, soit comme élèves, soit comme enseignants. Sa mère était également enseignante de mathématiques mais dans le secondaire. De plus, notre enquêté a construit son projet d’enseignant très tôt dans sa carrière : il se destinait dès le lycée à la profession d’enseignant. Le choix de s’orienter vers la classe préparatoire est en cohérence avec les attentes que sa mère pouvait avoir :

[>M.MPSI]:
Je crois qu’avant la fierté, elle est contente que je ne sois pas dans le secondaire ou au collège. Parce que j’ai voulu assez vite être prof et au début elle ne trouvait pas forcément que c’était une très bonne idée.

On voit ici encore une différence d’influence du milieu familial entre nos deux enquêtés avec un qui est plus assumé et l’autre qui conteste cet héritage. Cela provient certainement d’une construction de sa vocation différente avec une envie d’exercer ce métier depuis le lycée pour l’un et une orientation sur le tard pour l’autre.

Si le parcours précédent l’entrée dans la profession peut être différent, nous venons de le voir, un point commun est frappant lorsqu’on écoute les deux enseignants évoquer leur approche du métier : l’importance de l’attrait pour la matière. Jérôme Deauviau étudie déjà cet aspect à propos des enseignants du secondaire. Il montre ainsi que dans la construction de son projet de devenir enseignant, c’est l’intérêt pour la matière qui est le premier critère évoqué par les enquêtés . Dans nos entretiens, nous avons pu constater que cette caractéristique observée dans le secondaire semble plus forte encore dans l’univers des classes préparatoires puisqu’il s’agit du seul critère évoqué par nos deux enquêtés. Même chez M. MPSI, qui ne nie pas que sa mère préfère le voir enseigner en CPGE, ce n’est pas par cela qu’il justifie son choix d’orientation :

[>M.MPSI]:
Moi en tant qu’élève je ne l’ai vu que du point de vue: les mathématiques qu’on enseignait me plaisaient plus que ce que j’avais vu dans le secondaire où on admet beaucoup de choses, on nous cache beaucoup de choses. Alors qu’en prépa on démontre tout et c’est ça qui m’a vraiment attiré. Après en tant que prof, quand je discute avec d’autres collègues il y a le côté agréable dans notre métier en CPGE, c’est l’interaction avec les élèves qui est magique car les élèves sont tous volontaires. Je ne sais honnêtement pas si je m’en sortirais en tant que prof de secondaire .

On a deux aspects ici : d’un côté un attrait plus fort pour les mathématiques enseignées en classe préparatoire, de l’autre l’envie d’avoir des élèves plus volontaires pour pouvoir réellement explorer ces mathématiques. De même chez M.MP, on retrouve un réel attrait pour les mathématiques lorsqu’il évoque son parcours :

[>M.MP]:
Non je ne sélectionnais pas parce que je faisais des maths et toutes les maths j’aimais. Mais disons que je n’avais pas le côté rigide qu’on impose en prépa. En revanche quand il s’agissait de bosser cela ne me dérangeait pas. Quand j’étais en licence-maîtrise j’ai fait en parallèle licence maths-licence physique, maîtrise maths-maîtrise physique parce que les deux me passionnaient. Donc je bossais quand même. 

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Table des matières

Introduction
Processus de construction du sujet
Protocole de recherche
Organisation du mémoire
Présentation générale de l’enquête
1 – L’entrée dans le métier et les évolutions
1-1Comment devient-on enseignant de classes préparatoires ?
1-2 Illusions et désillusions à l’entrée dans le métier
1-3 Le rôle d’enseignant de classes préparatoires
1-4 Les poursuites de carrière : la difficulté de se projeter en dehors de la classe préparatoire
1-5 Conclusion
2- Une diversité des pratiques ?
2-1 L’approché pédagogique globale
2-2 La classe en train de se faire
2-3 L’évaluation : de l’apprentissage de l’enseignement supérieur à la préparation aux concours
2-4 La pratique enseignante hors de la classe
2-5 Conclusion
3- La perception du métier
3.1- Comment se vit-on « prof de prépa » ?
3-2 L’opposition aux « grandes prépas »
3-3 L’attachement au système des classes préparatoires
CONCLUSION
Critère par critère : comment différencier deux enseignants de classes préparatoires ?
Une vision globale de la classe préparatoire similaire
Annexes
Annexe 1 : Polycopié de cours
Annexe 2 : Exercices de calculs

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