Enregistrement, maintien et retrait des médicaments essentiels dans les pays émergents

L’enregistrement est une étape clé dans le cycle de vie du médicament permettant sa commercialisation dès l’obtention de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Pour chaque indication, l’autorité compétente évaluera l’efficacité thérapeutique et l’innocuité du médicament face à la maladie. Ceci est généralement désigné par la « balance bénéfice/risque ».

Les médicaments essentiels sont selon l’Organisation Mondiale de la Santé  (OMS) des médicaments qui répondent aux besoins de santé prioritaires d’une population. Ils sont sélectionnés en fonction de la prévalence des maladies, de l’innocuité, de l’efficacité et d’une comparaison des rapports coût-efficacité. Ils devraient être disponibles en permanence dans le cadre de systèmes de santé opérationnels, en quantité suffisante, sous la forme galénique qui convient, avec une qualité assurée et à un prix abordable au niveau individuel comme à celui de la communauté.

Pendant longtemps l’industrie pharmaceutique était surtout tournée vers les pays industrialisés (Europe, Etats-Unis, Japon). Cependant aujourd’hui, le potentiel de croissance des marchés émergents, avec notamment des besoins médicaux importants et une population en augmentation, fait de cette zone (Amérique Latine, Afrique, Moyen-Orient, Eurasie, Asie) le deuxième plus grand marché consommateur de médicaments après les États-Unis et donc devance l’Europe.

Nous allons nous intéresser ici au cycle de vie réglementaire des médicaments essentiels dans les pays émergents : de l’obtention de l’AMM jusqu’au retrait. Le marché émergent est un ensemble de pays dont le PIB par habitant est inférieur à celui des pays développés, mais qui connaît une croissance économique rapide. Les pays émergents développent progressivement leur réglementation pharmaceutique, pour mettre en place une législation conforme aux exigences internationales, cependant la mise en place de la réglementation est très contrastée d’un pays à l’autre. Leur développement économique et réglementaire et les enjeux de santé publique poussent donc les industriels de la santé à s’adapter aux spécificités géopolitiques, économiques et réglementaires évolutives et contrastées. Face à ces enjeux, l’objectif est d’atteindre une qualité et une sécurité optimale des produits dans ces pays et d’améliorer l’accès au marché des médicaments essentiels dans cette région pour couvrir les besoins médicaux et garantir l’accès au soin aux populations locales.

Enregistrement d’un produit

Nouveau produit directement issu de la R&D

Champs d’application

Le développement d’un médicament, de la découverte de la molécule à sa commercialisation, est strictement encadré par la loi. Les activités du département des affaires réglementaires permettent de s’assurer que toutes les opérations réalisées au cours de la vie du médicament sont conformes aux réglementations en vigueur de chaque pays dans lequel le produit va être enregistré et commercialisé. Ces activités sont particulièrement importantes dans les pays émergents, où la règlementation pharmaceutique est en constante évolution et où les autorités de santé sont de plus en plus exigeantes.

Lorsqu’il s’agit de produit directement issu de la R&D, suite à des résultats prometteurs de molécules pendant les essais cliniques, l’enregistrement peut être lancé. Plusieurs départements se réunissent alors notamment le marketing et les affaires réglementaires pour mettre en place la stratégie d’enregistrement et le planning de lancement.

Les études de marketing ont identifié une classe de molécule à développer et à lancer dans certains pays considérés comme des « pays émergents ». La première étape consiste à évaluer les requis et contraintes règlementaires pour chaque pays concerné pour ensuite faire des recommandations en termes de développement et d’enregistrement du produit en question dans les pays initialement identifiés par le marketing. En effet, le marketing évalue d’abord l’intérêt commercial du produit et détermine la liste des pays dans lequel le produit doit être enregistré (« country scope »). Les affaires réglementaires mettent alors en place la stratégie d’enregistrement en évaluant les requis et les contraintes réglementaires pour chaque pays. Il faut savoir que la grande majorité des pays émergeant nécessitent d’avoir une Autorisation de Mise sur le Marché dite de référence pour un enregistrement local. En effet, les pays n’étant pas autonomes réglementairement se basent sur l’expertise réalisée au préalable par un autre pays, alors considéré comme pays de référence, pour évaluer les dossiers d’AMM qui leur sont présentés. Les critères de choix du pays de référence sont :

– la langue utilisée : le niveau d’anglais est un facteur important ;
– le nom de marque enregistré : certains pays demande à avoir le même nom de marque que celui du pays de référence ;
– le niveau d’expertise pour l’évaluation : l’Europe, les USA et le Japon sont souvent sélectionnés pour leur expertise ;
– la réactivité pour les échanges et la communication ;
– le dosage / la présentation du produit enregistré car toutes les présentations ne sont pas enregistrées partout ;
– le lancement ou non du produit dans ce pays : parfois le produit est enregistré dans un pays pour qu’il puisse servir de pays de référence mais il ne sera pas commercialisé car il n’y a pas d’intérêt marketing dans ce pays. Or cela peut poser problème si on a besoin d’échantillon du pays de référence pour enregistrer dans un autre pays et d’un prix de référence. La commercialisation dans le pays de référence est parfois une exigence réglementaire ;
– l’entente entre les pays : par exemple pour le Qatar le pays de référence était généralement un pays du GCC (Arabie Saoudite, Bahreïn, Oman, Émirats Arabes Unis, Koweït) mais dû à des récents conflits politiques entre le Qatar et les autres pays du Golfe les pays de références sont plutôt l’Europe ou les USA.

Globalement, les pays de référence sont le plus souvent les pays étant sur la liste des « stringent regulatory authority » (SRA) qui sont des autorités à réglementation rigoureuse conformément à la Politique d’assurance qualité du Fonds mondial pour les produits pharmaceutiques. Ces autorités sont membres ou observateurs du Conseil International d’Harmonisation des exigences techniques pour l’enregistrement des médicaments à usage humain (ICH). Ce sont les pays membres de l’Union Européenne, les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou le Japon, ce qui nécessite d’avoir déjà enregistré au préalable le produit dans le pays de référence avant de pouvoir l’enregistrer dans le pays émergent. C’est pourquoi, lors de la découverte d’une nouvelle molécule en R&D l’enregistrement se fait d’abord en Europe et aux USA avant de procéder à un enregistrement international.

Cependant, pour certains pays comme la Russie ou l’Afrique du Sud, il est possible de soumettre de façon simultanée avec l’EU ou les USA sans devoir attendre l’approbation d’un pays de référence ce qui permet d’accélérer la disponibilité du produit sur le marché. Le planning d’enregistrement est ensuite mis en place selon les stratégies élaborées avec les équipes marketing et selon les contraintes réglementaires auxquelles nous allons devoir nous plier pour mener à bien le développement et le futur lancement du produit. On comprend alors l’importance du travail d’équipe (Supply Chain, Médical, Marketing, Juridique) dans la mise en place d’un projet à l’échelle mondiale, ainsi que l’importance du respect des dates butoirs pour se placer avant les concurrents. De même, il est important de savoir analyser le risque de rejet lors de la soumission d’un dossier et les impacts que cela peut avoir sur l’enregistrement de façon globale, dû notamment à la publication sur le site officiel des autorités de santé du résultat de l’évaluation du dossier pouvant alors influencer d’autres autorités.

Procédures d’enregistrement

Il existe deux types de procédure d’enregistrement : la procédure Nationale et la procédure Centralisée. La procédure Nationale consiste à soumettre le dossier auprès de l’Autorité compétente du pays dans lequel on souhaite enregistrer le produit pour un enregistrement national. La procédure centralisée consiste à soumettre le dossier auprès d’une Agence représentant un ensemble de pays dans lesquels on souhaite enregistrer le produit de façon simultanée. Sur le marché émergent, la procédure la plus utilisée reste la procédure nationale, cependant il y a une volonté d’harmonisation des requis réglementaires et de l’évaluation des enregistrements des médicaments. Il existe 4 agences permettant une procédure centralisée :
• L’EAEU (Eurasian Economic Union) : créé en 2015 sur le modèle de l’EMA cette agence permet un enregistrement en Russie, Biélorussie, Arménie, au Kazakhstan et au Kirghistan. Tous les médicaments enregistrés par procédure nationale dans ces pays membres devront être réenregistrés par procédure centralisée d’ici 2020, de même pour les nouveaux enregistrements issus de la R&D. Pour les variations et renouvellements, la période de transition va jusqu’en 2025. Donc d’ici 2025 la législation de l’EAEU remplacera la législation nationale de chaque pays membre .
• L’AMA (Agence Africaine des médicaments)  : encore en cours de création en 2019 cette future agence serait composée de 55 pays d’Afrique et permettrait entres autres une harmonisation de la réglementation des produits médicaux en Afrique.
• Le GCC (Gulf Central Comittee) : créé en 1981 ce Conseil regroupe 7 pays membres qui sont les Emirats Arabes Unis, Bahrein, l’Arabie Saoudite, Oman, Qatar, Koweit, et Yemen. Cependant, les tensions récentes avec le Qatar font que l’enregistrement national reste le plus utilisé dans cette région.
• Le ZAZIBONA (Zambia, Zimbabwe, Botswana, Namibia)  : lancé en 2013, cette collaboration entre la Zambie, le Zimbabwe, le Botwana et la Namibie vise à faciliter l’évaluation des médicaments et les inspections des sites de fabrications mais ne remplace pas la nécessité de soumettre des demandes d’enregistrement dans les pays participants conformément aux exigences nationales.

Pour déterminer la meilleure stratégie d’enregistrement, une réunion de présoumission avec les autorités de santé locales est parfois possible, comme c’est le cas dans certains pays d’Afrique et au Moyen-Orient, voire obligatoire comme c’est le cas au Mexique.

Evaluation des requis réglementaires

Les documents requis peuvent être demandés sous différentes formes : simple copie, originaux, apostille ou légalisation. La légalisation complète est celle qui prend le plus de temps à obtenir. Tout cela doit être pris en compte lors de la commande des documents requis pour pouvoir soumettre à temps. Voici une liste non exhaustive des différents documents requis pour un enregistrement et voir les spécificités de certains pays .

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Table des matières

Introduction
1. Enregistrement d’un produit
1.1. Nouveau produit directement issu de la R&D
1.1.1. Champs d’application
1.1.2. Procédures d’enregistrement
1.1.3. Evaluation des requis réglementaires
1.1.4. Cas particuliers
1.1.5. Délais d’enregistrement
1.1.6. Propriété industrielle
1.1.7. Réponse à l’évaluation du dossier
1.1.8. Mise en place du prix/remboursement
1.2. Produit déjà commercialisé
2. Maintenance des produits
2.1. Renouvellement d’AMM
2.1.1. Renouvellement de l’AMM conformément à la réglementation locale
2.1.2. Durée de validité de l’AMM
2.1.3. Processus de renouvellement de l’AMM
2.1.3.1. Préparation du Plan de Renouvellement
2.1.3.2. Constitution et envoi du dossier de renouvellement à la filiale
2.1.3.3. Soumission aux autorités de santé
2.1.4. Réponse à l’évaluation du dossier
2.2. Variations
2.3. Gestion des ruptures d‘approvisionnement
2.4. Lutte contre la falsification de médicament
3. Retrait du produit
3.1. Modalités
3.2. Principes
3.3. Réponse des autorités
3.4. Autres procédures possible
Conclusion
Bibliographie

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