Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Physiologie de la glande mammaire
La glande mammaire a pour rôle la production du colostrum et du lait destiné principalement à nourrir le petit, de sa naissance au sevrage. A l’exception du fer totalement absent de sa composition, le lait satisfait pleinement les besoins de survie et de croissance du petit jusqu’à ce qu’il acquiert la capacité de digérer d’autres aliments. L’obtention, grâce à la sélection génétique de races hautes productrices de lait, vient ajouter un aspect économique très marqué à l’importance biologique de la sécrétion lactée. Ces races assurent, en effet, des revenus considérables aux éleveurs spécialisés dans la production laitière.
Au niveau de la mamelle, la production du lait se fait en deux phases : la lactogenèse (ou déclenchement de la sécrétion du lait), et la galactopoïèse (ou entretien de la sécrétion lactée).
La lactogenèse : Ce terme décrit l’ensemble des phénomènes et des facteurs associés à l’initiation de la lactation et la synthèse du lait. Elle caractérise la première phase de l’activité de la glande mammaire. Elle donne naissance au colostrum qui diffère du lait par sa composition et le mécanisme de sa production ; il s’agit d’une sécrétion mérocrine (libération par exocytose). La lactogenèse est rendue possible par la disparition de l’équilibre hormonal de la gestation qui permet à la prolactine d’agir sur la glande mammaire. En effet, la parturition s’accompagne d’une baisse importante de la progestéronémie, d’une élévation du taux plasmatique du 17ß-œstradiol, d’une augmentation de la prolactinémie et d’un pic de glucocorticoïdes qui déclenche la parturition chez les ovins et les bovins grâce à une intervention fœtale (CONCANNON et al., 1978). Ces modifications hormonales entraînent une synthèse abondante de lait. La sécrétion est ensuite maintenue par les tétées ou les traites quotidiennes : c’est la galactopoïèse.
La galactopoïèse : Après la mise bas, la production de lait par les glandes mammaires se maintient grâce à la tétée ou à la traite( arc reflexe dont le point de départ correspond aux corpuscules tactiles de PACINI). La galactopoïèse est la phase d’entretien de la lactation. L’excitation de la glande est à l’origine de deux réflexes : le réflexe galactopoïétique qui favorise la production du lait et le réflexe galactocinétique qui provoque la vidange des mamelles indispensable à la poursuite de la sécrétion lactée.
Les mécanismes de défense de la mamelle
En cas d’agression, la mamelle fait intervenir de nombreux mécanismes de défense aussi bien spécifiques que non spécifiques impliquant non seulement l’organe lui-même mais aussi l’organisme animal.
Au niveau du trayon
A l’invasion de la glande mammaire par les microorganismes, le canal du trayon constitue la barrière naturelle, et sans doute la plus efficace, qui s’oppose aux infections de la mamelle (POUTREL, 1985). Ainsi, les moyens de défense locale sont représentés par :
Le sphincter : il est formé de fibres musculaires lisses, disposées autour du canal papillaire. Il joue le rôle de fermeture et d’ouverture du canal du trayon et s’oppose ainsi à la pénétration des germes.
L’ubiquitine est une protéine bactéricide produite par la rosette de Fürstenberg. La rosette de Fürstenberg sert également de point d’entrée des leucocytes dans la glande mammaire.
La kératine tapisse la paroi du trayon et a une action bactéricide par la captation des bactéries. Les protéines basiques et les lipides de la kératine du canal auraient aussi un pouvoir bactériostatique ou bactéricide (DUPONT, 1980 ; POUTREL, 1985).
L’éjection du lait est un phénomène qui s’oppose à la progression des bactéries. En effet, la traite, par son effet vidange, jouerait un rôle important en réalisant un nettoyage des parties distales du trayon.
En dehors des moyens dont la mamelle dispose, l’organisme animal réagit aussi lors de l’infection mammaire par un mécanisme de défense générale.
Au niveau de la glande mammaire
Une fois la barrière locale franchie, la glande en elle-même, relativement désarmée, assure la plupart de ses moyens de défense par l’intermédiaire de la réaction inflammatoire. Celle-ci mobilise des protéines plasmatiques, comme les immunoglobulines et la transferrine puis les cellules sanguines telles que les polynucléaires neutrophiles, les cellules lymphoïdes et les macrophages. La synthèse locale de la transferrine est également stimulée (RAINARD, 1985).
L’augmentation de la perméabilité vasculaire qui accompagne l’inflammation permet le passage des immunoglobulines du sang (Ig-G1, Ig-G2, Ig-M), simultanément à la sérumalbumine qui est un bon indicateur de l’amplitude de la réaction vasculaire. A noter qu’en dehors de la période colostrale, le lait de vache est relativement pauvre en immunoglobulines. Se basant sur le mode de sécrétion et sur la composition, il existe une différence fondamentale entre le lait et le colostrum.
Les immunoglobulines du type Ig-A n’interviennent que lorsque la mamelle est déjà le siège de l’infection (DUPONT, 1980).
Les polymorphonucléaires neutrophiles (PMNN) de la glande mammaire représentent plus de 90% des cellules dans la sécrétion lactée lors de mammite (RAINARD, 1985). Ils jouent un rôle essentiel dans la protection de la glande et l’élimination de l’infection en participant, d’une part, à l’induction et à l’entretien de la réaction inflammatoire et d’autre part, à la phagocytose des bactéries.
Les macrophages sont des cellules capables de phagocytose, mais elles sont peu efficaces pour combattre les microorganismes pathogènes, car la phagocytose des microorganismes est plus active en présence des opsonines, des immunoglobulines et du complément qui font habituellement défaut dans la mamelle. L’activité phagocytaire des macrophages est faible, mais elle est renforcée par diverses substances sécrétées (prostaglandines, leucotriènes, cytokines) qui attirent des neutrophiles dont les activités sont stimulées (RAINARD, 1985).
Selon LE ROUX (1999), les systèmes de défense internes propres à la mamelle sont sous tendus par :
La combinaison active de lactoperoxydase-thiocyanate-h202 encore appelée bactéricidie oxygéno-dépendante dont l’activité a été reconnue sur Streptococcus agalactiae et Streptococcus uberis ;
La lactoferrine qui a une action sur les colibacilles en milieu de tarissement mais son activité est inhibée pendant la lactation.
Le système du complément et des lysozymes.
Malgré l’existence des moyens de défense naturelle de la mamelle, les femelles laitières sont prédisposées aux affections mammaires.
Les pathologies des glandes mammaires
Sous cette désignation globale peuvent se retrouver des maladies affectant la peau de la mamelle et celles affectant le parenchyme mammaire.
Pathologies de la peau du trayon
Une peau, même saine est en permanence un milieu de vie pour certains germes tels que Staphylococcus epidemidis, Microcoques,…
Dans certaines circonstances (couchage, traite, agressions diverses), la peau du trayon devient le site de prédilection de certains germes et présente des lésions variables.
Lésions infectieuses de la peau du trayon
Lésions d’origine bactérienne
La staphylococcie : C’est une affection purulente, banale, à caractère contagieux avec formation de petites pustules qui peuvent devenir coalescentes et donner des lésions de formes variées (Figure 3a). Elle est due à la colonisation des plaies par Staphylococcus aureus, germe majeur dans les affections mammaires. Il existe une corrélation entre la colonisation de l’orifice du trayon et celle des lésions cutanées de ce trayon. Staphylococcus aureus étant, en général sensible à de nombreux antibiotiques et antiseptiques, une bonne hygiène, avant et après la traite, associée à un traitement adéquat permet la maîtrise de l’infection (COUSSI, 1995).
Les streptococcies : Le streptocoque est surtout présent dans le lait et les quartiers atteints, mais également au niveau des plaies du trayon, des mamelles impubères où il peut se maintenir jusqu’au premier vêlage et enfin dans le milieu extérieur. Les génisses impubères peuvent constituer une source de contamination mais cette dernière a lieu essentiellement pendant la traite. Les staphylocoques et les streptocoques constituent les principales causes de mammite subclinique même si la durée de l’infection causée ici est plus courte. Streptococcus agalactiae est sensible à la pénicilline et à la plupart des antibiotiques, mais le traitement est souvent décevant en raison des réinfections fréquentes. L’éradication est obtenue essentiellement par une traite hygiénique et un traitement systématique au tarissement.
La Thélite nodulaire tuberculoïde : C’est une affection chronique à allure enzootique, spécifique du trayon et touchant généralement les jeunes vaches, rarement au-delà du troisième vêlage (COUSSI, 1995). Sa chronicité la rend persistante dans les exploitations pendant deux ou trois ans. Elle est due à Mycobacterium aquae qui présente une communauté antigénique avec les bacilles tuberculeux. L’agent causal résiste bien dans le sol et dans l’eau, il est sensible au chlore, mais, étant saprophyte, la désinfection n’aboutit pas à son élimination. Son mode de contamination est peu connu, sinon inconnu. Il n’existe pas de traitement spécifique.
a) Lésions de thélite pustuleuse staphylococcique b) Trayons de vache dont l’un est atteint (1) et de thélite ulcéreuse herpétique (2) de thélite nodulaire tuberculoïde (*)
Lésions d’origine virale
Cow-pox ou variole : C’est une affection rare causée par un Poxvirus qui pénètre à la faveur de microlésions de la peau (fissures, crevasses, gerçures). Elle débute sur le trayon par des zones érythémateuses puis des papules surélevées et fermes qui se transforment en vésicules puis en pustules avec un centre en dépression. (COUSSI, 1995). La rupture de la pustule précède la formation d’une croûte rouge, épaisse et solidement fixée aux tissus sous-jacents. La lésion mesure un à deux centimètres de diamètre. S’il y a traite, les croûtes seront arrachées, laissant apparaître des zones rouges, ulcérées. En l’absence de surinfection bactérienne, souvent par les staphylocoques, les lésions se cicatrisent spontanément en deux à trois semaines, et il s’ensuit une immunité durable pendant plusieurs années. Il est donc nécessaire de mettre en place un traitement antiseptique dirigé contre les germes de surinfection.
Pseudo cow-pox : Affection très fréquente dans les troupeaux des vaches laitières. Elle est due à un Parapoxvirus présent chez presque 100% des animaux des troupeaux, mais seuls 5 à 10% présenteront des lésions (COUSSI, 1995). Sur les trayons, des zones localisées d’œdème apparaissent suivies d’un érythème associé à la douleur. Des petites papules se développent en quarante-huit heures puis se transforment parfois en vésicules et en pustules qui éclatent facilement en donnant une croûte épaisse qui tombe au bout de dix à douze jours (Figure 4a). Une autre évolution permet à la papule de passer directement à une croûte fine ; la lésion guérit en son centre mais s’étend de manière centrifuge. L’ensemble des lésions, ainsi formées, dessinera un cercle ou un fer à cheval caractéristique de l’affection, mesurant 15 à 20 mm et guérissant en trois à quatre semaines. C’est une affection du mauvais temps favorisant les microlésions de la peau des trayons. Cette maladie peut se transmettre à l’Homme et donner ce qu’on appelle les nodules des trayeurs. Il n’y a pas de traitement spécifique.
Dermatite ulcérative bovine ou Thélite ulcérative herpétique : Elle est due à un Herpesvirus bovin type II. Après une incubation d’environ sept jours, un gonflement œdémateux et douloureux du trayon précèdera la formation de papules plates et grandes (1 à 3 cm de diamètre). En vingt-quatre heures environ, une ou plusieurs vésicules se forment et se rompent laissant échapper un liquide séreux plus ou moins abondant, mais qui passe souvent inaperçu. Les vésicules peuvent fusionner et laisser un trayon totalement dénudé. En séchant, l’exsudat se transforme en une croûte plate et lisse qui tombera au bout de trois semaines (COUSSI, 1995). Dans la réalité, à la faveur de la traite, la croûte est arrachée, et la peau devient alors dure et prend une couleur brune noirâtre. À ce stade, la lésion semble sèche ; mais, en dessous, se forment des ulcères qui peuvent intéresser tout le trayon. La cicatrisation se fera depuis le bord des ulcères. Elle sera longue du fait des surinfections à S. aureus et à Clostridium pyogenes. Il n’y a pas de traitement spécifique ; seule la lutte contre les surinfections bactériennes peut être envisagée.
Papillomatose : Plus connue sous le nom de verrue, c’est une affection tumorale fréquente, bénigne due à un Papillomavirus. Les verrues sont les affections virales, transmissibles, se présentant sous la forme sessile ou pédonculée. Suivant la taille ou la longueur de leur pédoncule, les verrues peuvent représenter une gêne à la traite. Il est fréquent de trouver des verrues sur les trayons des vaches. Petites, en forme et à l’apparence de grains de riz, les plus grosses peuvent être rondes ou aplaties ou en forme d’excroissance allongée (Figure 4b). Enfin, les verrues en grappe sont les plus graves et affectent la peau du trayon, de la mamelle et de la région ombilicale. Les verrues sont fréquentes chez les jeunes animaux et cette fréquence semble être associée à une carence en magnésium (COUSSI, 1995). Si la cryothérapie (attouchements avec un tampon de coton imbibé d’azote liquide) peut donner des résultats sur les petites verrues, c’est par la chirurgie qu’on élimine les verrues peu nombreuses et de taille assez importante. Cette chirurgie se fait soit au bistouri, soit par la pose d’un anneau « elastrator » pour les verrues pédonculées.
Importance médicale et hygiénique
Les mammites sont responsables d’une morbidité très grande dans les troupeaux laitiers. Dans le cas des mammites cliniques, le diagnostic de la forme aiguë ou suraiguë est relativement simple, tant les signes généraux et locaux sont évidents (fièvre, abattement, quartier tuméfié…) avec une modification de l’aspect du lait. Cependant, le nombre de vaches présentant de tels symptômes reste faible dans le troupeau. Parmi ces mammites, certaines sont mortelles ; c’est le cas des mammites gangréneuses à Nocardia, ou des mammites colibacillaires (POUTREL, 1985).
D’autres germes peuvent occasionner des avortements chez la femelle gestante, des atteintes de l’état général, des difficultés motrices ou même le refus de se faire traire.
L’importance hygiénique des mammites n’est pas à négliger car la contamination du lait par certains germes (Staphylococcus, surtout aureus, Listeria, Salmonella) fait l’objet de préoccupations en Santé Publique (BRADLEY, 2002 ; SEEGERS et al., 1997).
En effet, selon POUTREL (1985), le lait « mammiteux » peut être vecteur d’agents responsables de toxi-infections alimentaires (Salmonella, Listeria, S. aureus, etc.)
D’après les études réalisées par LE ROUX (1999), parmi les bactéries les plus impliquées dans les intoxications alimentaires par ingestion des produits laitiers, on peut noter les:
Staphylocoques dorés : ils produisent des entérotoxines thermostables qui se retrouvent dans les laits crus et les pâtes molles au lait cru et peuvent entraîner des troubles digestifs graves.
Listeria : Les formes graves de listériose peuvent entraîner des avortements, des méningites, et sont parfois mortelles chez l’Homme.
Coliformes et Salmonelles : Ils entraînent des troubles digestifs.
De fait, en l’absence de pasteurisation, des germes provenant de quartiers infectés, pathogènes pour l’Homme peuvent contaminer les produits laitiers (BRADLEY, 2002 ; SEEGERS et al., 1997). Par conséquent, pour produire un lait sain, la vache doit rester saine et la solution réside, malheureusement parfois, en une antibiothérapie qui n’est pas sans danger. Notons que la pénicilline et ses dérivés sont largement utilisés dans le traitement des mammites et peuvent de ce fait contaminer le lait. En effet, hormis l’interférence dans la transformation de certains produits laitiers, les résidus d’antibiotiques dans le lait sont potentiellement néfastes pour la santé humaine. Leur présence dans le lait constitue un risque toxicologique pour le consommateur, notamment en ce qui concerne les pénicillines (allergies, foetotoxicité, souches résistantes, etc.). C’est le cas des résidus de Pénicilline qui peuvent entraîner des réactions cutanées chez des personnes suite à des réactions allergiques (LEBRET et al., 1990). Mais ces dernières peuvent être évitées en respectant les délais d’attente.
Impact économique
Les mammites constituent le trouble sanitaire le plus fréquent et aux plus fortes répercussions économiques en élevage bovin laitier (POUTREL, 1985 ; SEEGERS et al., 1997). Ces répercussions tiennent principalement du fait de leur fréquence, des frais vétérinaires qu’elles entraînent (honoraires, coût des traitements) et de leurs répercussions néfastes tant qualitatives que quantitatives sur la production laitière. En effet, cette production s’en trouve réduite tandis que l’altération de la composition du lait qui en résulte (baisse du lactose, des caséines, de calcium, de phosphore, l’augmentation des protéines solubles inutilisables pour la fabrication de fromages) se répercute sur les aptitudes technologiques du lait (baisse des rendements fromagers, etc.). Ce qui a pour conséquences des pénalités de paiement du lait et une moindre rémunération de l’éleveur (POUTREL, 1985).
La mammite subclinique est encore plus coûteuse car elle s’installe, de façon plus silencieuse, avec des risques élevés de contamination et des pertes importantes liées aux altérations quantitatives et qualitatives de la production laitière.
L’impact économique résulte de la somme des coûts des actions de maîtrise des mammites (traitements et préventions) et des pertes (réductions de production, lait non commercialisé, pénalités sur le prix de vente, mortalités et réformes anticipées) (COULON et LESCOURRET, 1997 ; SEEGERS et al., 1997).
Impact technologique
Cet impact concerne le transformateur pour lequel les conséquences majeures des mammites sont liées à la diminution de la teneur du lait en protéines insolubles (caséines) et aux différentes modifications que ce lait peut subir.
En effet, lors de mammites, les modifications physico-chimiques et biologiques du lait diminuent sa qualité technologique et perturbent les processus de sa transformation. Ce qui a pour conséquence, une diminution du rendement fromager, et une modification de la texture, du goût et de l’odeur (SERIEYS, 1985). Par ailleurs, le passage de protéines sanguines (immunoglobulines, sérumalbumine, plasmine…) dans le lait lors de mammite réduit la stabilité du lait lors des traitements thermiques. En outre, l’augmentation de la protéolyse par la plasmine sanguine réduit la stabilité lors du stockage du lait U.H.T. Aussi, il faudra ajouter la persistance des antibiotiques dans le lait après le traitement des mammites, leur présence entraîne une inhibition partielle ou totale des ferments bactériens entraînant, de ce fait, un mauvais égouttage et l’envahissement par la flore colibacillaire et les moisissures. Par exemple, une dose standard de pénicilline suffit pour arrêter la fermentation lactique de 1000 litres de lait (PLOMMET, 1972 cité par GUERIN et GUERIN-FAUBLEE, 1997).
Causes et pathogénie des mammites
Nature des germes
De très nombreux microorganismes sont susceptibles de franchir la barrière constituée par le canal du trayon et de se multiplier dans la mamelle. C’est le cas des bactéries, des virus, des levures, et des algues qui peuvent être la cause de mammites (HANZEN, 2006). Cependant, les bactéries constituent les principales causes des mammites (POUTREL, 1985). La grande diversité des germes en cause et la résistance de certains d’entre eux aux traitements rendent l’approche thérapeutique complexe.
De ce fait, la connaissance des principaux agents pathogènes, responsables de mammites, représente un intérêt réel pour aider le praticien dans le choix de thérapeutiques adaptées au contexte épidémiologique propre à chaque élevage (BOUVERON, 2001 ; FABRE et al., 1997). Traditionnellement, on classe les espèces bactériennes responsables de mammites en deux groupes :
Les espèces pathogènes majeures : Elles sont potentiellement responsables de mammites cliniques, et regroupent les streptocoques (Streptococcus uberis, Streptococcus dysgalactiae subsp. dysgalactiae 1, Streptococcus agalactiae), les entérocoques (Enterococcus faecalis…), les staphylocoques à coagulase positive (Staphylococcus aureus subsp. aureus), ainsi que les entérobactéries (Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae subsp. pneumoniae, Enterobacter aerogenes…). Ces quatre groupes de germes sont responsables de la majorité des mammites cliniques, à hauteur de 80 à 90% (ARGENTE et al., 2005, FABRE et al., 1997). D’autres germes tels que Arcanobacterium pyogenes, Pseudomonas aeruginosa, des mycoplasmes et des bactéries anaérobies sont plus rarement isolés dans le cas de mammite.
Les espèces pathogènes mineures : Elles sont exceptionnellement responsables de mammites cliniques, contrairement aux mammites subcliniques auxquelles elles sont souvent associées. On trouve, dans ce groupe, les staphylocoques coagulase négative et les corynébactéries.
D’autres germes sont également impliqués dans l’apparition des mammites, mais leur fréquence reste faible ; c’est le cas de Mycoplasma spp, Nocardia asteroides, Histophilus somni, Leptospira spp, Candida spp…
Les germes de mammites sont également classés en germes contagieux et en germes d’environnement.
Germes contagieux : Ces germes occasionnent des mammites cliniques ou subcliniques avec un passage très fréquent à la chronicité. Il s’agit de S. aureus, Str. dysgalactiae, Str. agalactiae. Souvent, l’on retrouve le même S. aureus ou le même streptocoque dans les différents quartiers d’un même troupeau ce qui prouve qu’il y a le plus souvent, une transmission d’un quartier à l’autre ou d’une vache à l’autre lors de la préparation de la mamelle ou au cours de la traite.
Germes d’environnement : Les germes souvent en cause sont les entérobactéries, Streptococcus uberis, et les streptocoques du groupe D (entérocoques) dont la transmission est essentiellement faite entre les traites, par contact du trayon avec la litière souillée lors du décubitus. Ces germes occasionnent une inflammation plus violente du quartier et provoquent des infections en général plus brèves. On retrouve rarement les mêmes sérotypes des germes responsables dans les différents quartiers d’un même troupeau. Ce qui montre qu’il ne s’agit pas de la même souche qui est transmise de quartiers infectés à quartiers sains.
Pathogénie
Données générales
Certains germes atteignent la mamelle par voie sanguine, lymphatique voire transcutanée. Mais selon FLANDROIS et FLEURETTE, cités par DUPONT (1980), l’infection de la glande mammaire emprunte, dans la majorité des cas, le canal du trayon.
En effet, au cours de la traite, mais aussi durant l’inter-traite (période de tarissement), des bactéries, essentiellement pathogènes, colonisent l’extrémité du trayon et l’intérieur du canal et franchissent ainsi la première ligne de défense de la mamelle (ROGUINSKY, 1978 ; POUTREL, 1985).
Parmi elles, certaines peuvent se fixer sur les cellules de l’épithélium des canaux galactophores, se multiplier et progresser vers le parenchyme de la mamelle. La capacité d’adhésion des germes à l’épithélium glandulaire, et donc de résistance au flux de lait lors de la traite varie selon les germes. D’autres bactéries, par contre, vivent dans le lait et profitent des mouvements de la vache ou des mouvements impulsés par la machine de traite et/ou par le trayeur (phénomène d’impact, reverse-flow, traitements intra-mammaires et autres manipulations) pour se mouvoir.
Ainsi, le lait issu d’une mamelle infectée constitue, un milieu idéal pour la culture des germes pathogènes et ce pour deux raisons :
la lyse des béta-caséines libère des peptones favorables à la multiplication bactérienne.
les globules rouges détruits par les toxines bactériennes libèrent du fer qui favorise la croissance bactérienne.
Etapes de la réaction cellulaire
Une fois adaptés à leur nouvel environnement, les germes et leurs produits de sécrétion, génèrent des agressions épithéliales. Si l’infection n’est pas grave, les bactéries attaquent les plus petits canaux lactifères et libèrent des toxines qui vont endommager les cellules épithéliales sécrétrices. Les fractions cellulaires issues des tissus altérés exercent une action chimiotactique sur les polynucléaires dont la destruction in situ prolonge et intensifie la réaction inflammatoire.
Parfois, les microorganismes sont détruits et l’infection disparaît. Par contre, si l’infection persiste, les bactéries commencent donc à détruire les tissus des grands canaux galactophores avant de faire face aux leucocytes (deuxième ligne de défense) naturellement présents dans le lait. Les canaux seront bouchés, et le lait à l’intérieur des alvéoles augmentera de pression. Les cellules sécrétrices perdront alors leur capacité de synthèse et les alvéoles commenceront à s’atrophier. Des substances sécrétées par les leucocytes provoqueront la destruction des structures alvéolaires qui seront remplacées par une fibrose. Cette fibrose constitue la troisième ligne de défense pour le contrôle de l’infection.
Il est à noter que l’établissement de l’infection et le déclenchement d’une réaction inflammatoire (mammite) dépendent, non seulement de la virulence des microorganismes mais également des capacités de défense de l’hôte. Ainsi, l’infection peut guérir spontanément ou évoluer vers une forme plus sévère avec les signes cliniques ou bien encore persister sous une forme inapparente (POUTREL, 1985).
Aspects particuliers
Streptocoques
Ces bactéries vivent uniquement dans le pis et ne survivent que quelques minutes à l’air libre. Ce sont des bactéries à Gram positif, oxydase -, catalase -, immobiles, se regroupant par deux ou en chaînettes plus ou moins longues. La contamination se fait essentiellement pendant la traite.
Staphylocoques
Il ne sera évoqué que Staphylococcus aureus et les staphylocoques coagulase négative (ou CNS).
Staphylococcus aureus encore appelé staphylocoque coagulase+, est une bactérie à Gram positif, immobile, non sporulée et dépourvue de capsule. Elle est présente presque partout à la surface de la peau, et en particulier au bout du trayon. Elle est équipée d’un appareillage enzymatique complexe et est capable de produire des toxines (hémolysines, leucocidines, entérotoxines) et des enzymes (coagulase, fibrinolysine, hyaluronidase, désoxyribonucléase, pénicillinase). Au microscope optique, la bactérie se présente sous forme de coques isolées, en diplocoque ou le plus souvent en amas sous l’aspect d’une grappe de raisin ; leur diamètre moyen varie entre 0,8 à 1 micromètre. Le staphylocoque coagulase+ est l’un des principaux germes responsables de mammites dans l’espèce bovine. La contamination des vaches se fait surtout lors de la traite.
Staphylocoques coagulase négative (ou CNS) : Ils se distinguent par des propriétés biochimiques notamment l’absence de coagulase. Ils se composent de S. hyicus, S. xylosus, S. epidermitis, S. chromogenes, S. warneri, S. simulans et S. sciuri. Les CNS sont des hôtes normaux des animaux et sont fréquemment considérés comme des agents opportunistes. La prévalence de leurs infections semble être plus élevée chez les primipares et/ou dans les jours qui suivent le vêlage (HANZEN, 2008).
Les entérobactéries :
Ce sont des bactéries à Gram négatif du tube digestif. Les germes les plus importants en pathologie mammaire sont les germes lactose + plus spécifiquement appelés coliformes c’est-à-dire Escherichia coli (pathogène majeur), Klebsiella pneumoniae, Enterobacter clocae et aerogenes, Hafnia sp. et Citrobacter freundi (pathogènes mineurs). La mammite colibacillaire peut être précédée d’une phase diarrhéique résultant d’une dysbactériose intestinale entraînant une élimination massive de germes dans le milieu extérieur qui est un facteur de risque supplémentaire. Les coliformes, en général mais Escherichia coli en particulier sont essentiellement responsables de mammites cliniques au début et en fin de tarissement (risque 3 à 4 fois plus élevé en période de tarissement qu’en période de lactation) mais surtout au moment du vêlage. L’auto-guérison n’est pas rare lors de mammite subclinique ou subaiguë.
|
Table des matières
NTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
Chapitre 1. Structure et fonctions de la mamelle
1. Morphologie de la mamelle
2. Physiologie de la glande mammaire
3. Les mécanismes de défense de la mamelle
3.1. Au niveau du trayon
3.2. Au niveau de la glande mammaire
Chapitre 2. Les pathologies des glandes mammaires
1. Pathologies de la peau du trayon
1.1. Lésions infectieuses de la peau du trayon
1.1.1. Lésions d’origine bactérienne
1.1.2. Lésions d’origine virale
1.1.3. Autres lésions
1.2. Lésions non infectieuses de la peau du trayon
1.2.1. Congestion et œdème
1.2.2. Hyperkératose et éversion du canal du trayon
1.2.3. Lésions internes du canal
1.2.4. Pétéchies
1.2.5. Anneaux de compression
2. Les mammites
2.1. Définition et conséquences
2.1.1. Définition
2.1.2. Importance médicale et hygiénique
2.1.3. Impact économique
2.1.4. Impact technologique
2.2. Causes et pathogénie des mammites
2.2.1. Nature des germes
2.2.2. Pathogénie
2.3. Facteurs de risque
2.3.1. Facteurs liés à l’animal
2.3.2. Facteurs liés aux pratiques d’élevage et de traite
2.4. Diagnostic
2.4.1. Diagnostic de terrain
2.4.2. Diagnostic de laboratoire
2.5. Stratégies thérapeutiques et mesures de prévention
2.5.1. Traitement par voie galactophore
2.5.2. Traitement par voie générale
2.5.3. Aspects pharmacocinétiques des médicaments
2.5.4. Traitement des mammites et santé publique
2.6. Prophylaxie
Chapitre 3. Contexte de la production laitière au Sénégal
1. Élevages bovins laitiers au Sénégal
1.1. Typologie des systèmes de production
1.2. Races exploitées
1.2.1. Les races locales
1.2.2. Les races exotiques
1.2.3. Les produits de croisement
2. Apport de la production laitière actuelle à l’économie sénégalaise
2.1. Apport du système pastoral
2.2. Apport des systèmes semi intensif et intensif
3. Projets de développement et avenir de la filière laitière
4. Contraintes de la production laitière
4.1. Contraintes génétiques et sanitaires
4.2. Contraintes climatiques et alimentaires
4.3. Contraintes socio-économiques
DEUXIEME PARTIE : ENQUETE EPIDEMIOLOGIQUE SUR LES MAMMITES BOVINES SUB-CLINIQUES DANS LES ELEVAGES PERIURBAINS DE DAKAR
CHAPITRE 1. Cadre d’étude
1. Zone d’étude et caractéristiques des fermes
1.1. Fermes intensives
1.1.1. Ferme de WAYEMBAM
1.1.2. Ferme de PASTAGRI
1.2. Fermes semi intensives
1.2.1. Ferme de BAYAKH
1.2.2. Ferme de MBOUSS
1.2.3. Ferme de NIAGUE
1.2.4. Ferme de KEUR MASSAR
Chapitre 2 : Matériel et méthodes
1. Matériel
1.1. Matériel animal
1.2. Matériel de terrain
1.3. Matériel de laboratoire
2. Méthodes
2.1. Échantillonnage
2.2. Suivi et collecte des informations
2.2.1. Sur les vaches
2.2.2. Sur les pratiques d’élevage et de traite
2.3. Test de CMT
2.3.1. Principe et technique de réalisation
2.3.2. Lecture et interprétation
2.4. Prélèvement de lait
2.5. Étude des lésions de la peau du trayon
2.6. Analyses bactériologiques
2.6.1. Isolement des germes
2.6.2. Identification phénotypique des germes
.7. Analyses statistiques
CHAPITRE 3. Résultats et discussion
1. Résultats
1.1. Caractéristiques des échantillons
1.2. Résultats du CMT
1.2.1. Prévalence des mammites subcliniques
1.2.2. Calcul de l’incidence des mammites subcliniques
1.2.3. Calcul du taux de persistance des mammites subcliniques
1.3. Principaux facteurs de risques possibles identifiés
1.4. Relation entre prévalences observées de mammites et principaux facteurs de risques identifiés
1.5. Résultats bactériologiques
1.6. Résultats de l’étude des lésions de la peau du trayon
2. Discussion
2.1. Matériel et méthodes
2.1.1. Sur le terrain
2.1.2. Au laboratoire
2.2. Résultats
2.2.1. Résultats du CMT
2.2.2. Relation entre prévalences observées de mammites et principaux facteurs de risques identifiés
2.2.3. Résultats bactériologiques
2.2.4. Résultats de l’étude lésionnelle
3. Recommandations
3.1. Amélioration du niveau technique et sanitaire des élevages
3.2. Développement de la filière laitière bovine
CONCLUSION GENERALE
LISTE BIBLIOGRAPHIQUE
ANNEXES
Télécharger le rapport complet