Comprendre, prévenir, guérir la maladie, mais aussi comprendre, prévenir et soulager la douleur sont les deux fondements de la médecine [1]. La considération de la douleur s’est longtemps heurtée à de nombreux préjugés erronés [2,3]. Pour des raisons socioculturelles et religieuses, les patients douloureux se consolaient au simple fait que la douleur était une fatalité et qu’ils préféraient vivre la douleur comme une épreuve divine [4], et ne pouvaient l’exprimer que par le silence. Il a fallu des siècles pour reconnaitre le droit au soulagement et prioriser sa prise en charge, qui jusque-là a été reléguée au second plan.
La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion [5].C’est une expérience subjective complexe revêtant un aspect multidimensionnel. Elle fait partie du quotidien des patients, surtout les patients hospitalisés et sa prise en charge représente des problèmes récurrents de santé publique [6,7]. Sa négligence entraine des conséquences néfastes sur la qualité de vie de l’individu.
Des progrès considérables sont indéniables dans la prise en charge de la douleur dans les pays développés au cours de ces dernières années [8]. Actuellement, des considérations éthiques et morales obligent les soignants à une meilleure application des protocoles de soins antalgiques [9,10]. Dans notre pays, des actions ont été entrepris en vue d’améliorer sa prise en charge au sein de l’Hôpital Universitaire Joseph Ravoahangy Andrianavalona [11] à travers le Comité de Lutte Contre la Douleur (CLUD) et la collaboration avec l’ONG Douleurs Sans Frontières (DSF), pourtant, elle reste encore sous-évaluée, sous-estimée et donc insuffisamment traitée. Une réactualisation continue des connaissances est donc indispensable pour améliorer notre conduite.
Définitions
Douleur
Selon l’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur [IASP], la douleur est définie comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou décrite en termes d’un tel dommage [5]. Selon Nanda Noc, la douleur est un état dans lequel l’individu vit et rapporte la présence d’un inconfort sévère ou d’une sensation désagréable [12]. Selon Littré, la douleur est une impression anormale et pénible reçue par une partie vivante et perçue par le cerveau [13]. Selon Anand et Craig [14], la douleur est une qualité inhérente à la vie qui apparaît tôt dans l’ontogénie pour servir de signal d’alarme lors d’une lésion tissulaire. La douleur est ainsi une expérience subjective complexe revêtant un aspect multidimensionnel, à la fois sensoriel, affectivo-émotionnel, cognitif et comportemental. C’est un symptôme à l’origine de multiples plaintes pouvant aboutir à des situations particulièrement invalidantes, empêchant les patients d’imaginer qu’une vie agréable puisse être possible. La quantification de la douleur est strictement individuelle car elle dépend de l’état affectif ou émotionnel ainsi que la motivation du sujet.
Nociception
La nociception est l’ensemble des mécanismes mis en jeu en réponse à une stimulation qui menace l’intégrité de l’organisme [15].
Antalgiques
Les antalgiques désignent les médicaments qui permettent de soulager la douleur.
Hyperalgésie
L’hyperalgésie se définit comme une réponse douloureuse plus intense en réponse à un stimulus nociceptif [16]. On parle souvent d’hyperalgésie en général en postopératoire, si la douleur parait plus intense que celle qu’on anticipait ou si on constate une surconsommation d’analgésique ainsi qu’une douleur prolongée. Elle pourrait être associée à un risque accru de douleur chronique postopératoire et la kétamine est l’antihyperalgésique de référence.
Composantes de la douleur
On décrit quatre composantes de la douleur :
− la composante sensorielle qui est très importante et indispensable car permet le décodage des caractéristiques de la douleur. Elle informe sur la qualité, l’intensité, la durée, et la localisation de la douleur. Elle correspond aux mécanismes neurophysiologiques et donc varie selon l’individu. [17-19]
− la composante affectivo-emotionnelle est une part fondamentale et indissociable de l’expérience de la douleur expliquant sa tonalité désagréable, pénible, difficile ou non à supporter.
− la composante cognitive qui correspond à la mémorisation des expériences douloureuses antérieures, permet d’influencer la perception de la douleur et dicte le comportement à adopter.
− et enfin, la composante comportementale qui englobe les réactions des patients douloureux suite à la perception de la douleur. Elle peut être proportionnelle à l’intensité de la douleur, au soutien l’entourage, et aux apprentissages antérieurs.
Physiopathologie de la douleur
Mécanismes de la douleur
Mécanismes périphériques
La détection des stimuli nociceptifs est assurée par des récepteurs spécialisés constitués par des terminaisons libres amyéliniques dans les tissus cutanés, musculaires, articulaires, viscérales. L’influx nociceptif est ensuite véhiculé par des fibres nerveuses périphériques, les fibres peu myélinisées et de faible calibre A delta assurent les sensations thérmoalgique de courte durée et localisée. Tandis que les fibres amyéliniques C n’évoquent que des douleurs prolongées et diffuses. Cet influx atteint la corne dorsale de la moelle épinière où il s’effectue le premier relais.
Mécanismes spinaux
La plupart des fibres nerveuses périphériques atteint le système nerveux central par les racines rachidiennes postérieures. Les fibres A delta et C projettent leurs collatérales vers la corne postérieure de la moelle .
Mécanismes cérébraux
Les messages nociceptifs arrivent au niveau du thalamus :
− soit directement par les faisceaux spinothalamiques et atteignent le thalamus latéral
− soit indirectement par les faisceaux spino-réticulo-thalamiques après relais dans la formation réticulée et rejoignent le thalamus médian, essentiellement dans les noyaux laminaires et submedius.
Mécanisme de contrôle de la douleur
La perception de la douleur résulte d’une rupture d’équilibre de la balance entre les influences excitatrices et inhibitrices, soit par excès de stimulation, soit par déficit des contrôles inhibiteurs. Mais pour atténuer la douleur, sont impliqués divers systèmes d’inhibition de la transmission des messages nociceptifs tels :
− les interneurones présents dans la substance gélatineuse de la corne postérieure de la moelle « gate control theory of pain » constatés par la théorie de Melzack et Wall. Selon cette théorie, les fibres myélinisées de gros calibre inhibent le transfert des messages nociceptifs. [22]
− la libération de la sérotonine et des opioïdes endogènes par les voies inhibitrices descendantes.
− la boucle spino-bulbo-spinale qui est responsable du contrôle inhibiteur diffus de la nociception CIDN .
Classification de la douleur
Selon le mécanisme physiopathologique
Douleur nociceptive
Ce type de douleur résulte d’une atteinte ou d’une agression tissulaire suite à une brulure, un traumatisme, une suite opératoire, une maladie dégénérative ou infectieuse. Les lésions des tissus périphériques provoquent un excès d’influx douloureux, qui sera véhiculé par un système nerveux intact. [17, 24, 25] On distingue les douleurs nociceptives somatiques (par stimulation des nocicepteurs cutanés, des tissus mous, osseux, ligamentaires, articulaires, musculaires), et les douleurs nociceptives viscérales (par stimulation des nocicepteurs viscéraux). Leur topographie est régionale ; il n’existe pas de systématisation neurologique. Ces douleurs répondent habituellement aux antalgiques des trois paliers de l’OMS, si la posologie est adaptée à l’intensité douloureuse. On identifie également deux catégories de douleur, de profil évolutif différent : les douleurs nociceptives mécaniques qui comportent des facteurs déclenchant comme la mobilisation, et les douleurs nociceptives de rythme inflammatoire, à persistance nocturne, volontiers associées à une raideur matinale.
Douleur neuropathique
Elle est secondaire à une lésion primitive ou un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique, et se voit le plus souvent au cours du zona, maladie de système, amputation d’un membre, paraplégie. Elle se caractérise par sa systématisation topographique, son diagnostic est purement clinique mais peut être aussi facilité par l’utilisation du questionnaire DN4. Une fois que le diagnostic est établi, ses composantes sémiologiques peuvent être appréciées par le questionnaire NPSI (Neuropathic Pain ScaleInventory). La douleur neuropathique est habituellement insensible aux antalgiques classiques et aux anti-inflammatoires non stéroidiens.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE: RAPPELS
I. Définitions
II. Composantes de la douleur
III. Physiopathologie de la douleur
IV. Classification de la douleur
V. Evaluation de la douleur
VI. Prise en charge de la douleur
DEUXIEME PARTIE: METHODES ET RESULTATS
I. MATERIELS ET METHODES
I.1. Cadre de l’étude
I.2. Type d’étude
I.3. Durée et période de l’étude
I.4. Population d’étude
I.5. Paramètres étudiés
I.6. Collecte des données
I.7. Analyse des données
I.8. Limites de l’étude
I.9. Considérations éthiques
II. RESULTATS
II.1. Description de la population
II.2. Analyse de la douleur
II.3. Prescription d’antalgique
II.4. Efficacité du traitement jugé par les patients
II.5. Satisfaction des patients sur la prise en charge de la douleur
II.6. Confidents des patients
II.7. Disponibilité des antalgiques
II.8. Situation financière des patients
II.9. Suivi des patients après sortie de l’hôpital
II.10. Etude analytique des données
TROISIEME PARTIE: DISCUSSION
I. Modalité de l’étude
II. Profil épidemio-clinique des patients
III. Selon le service d’hospitalisation
IV. Analyse de la douleur
V. Aspects de prise en charge de la douleur
VI. Situation financière et profession des patients
VII. Avis des patients pour un suivi à domicile dans la gestion de la douleur
VIII. Place de lutte contre la douleur à Madagascar
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES