Enjeux et principes de la gestion communautaire des ressources forestières

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Dimension structurelle, relationnelle et cognitive du capital social

Nehapiet et Ghoshal, acceptent avec Bourdieu (1986) que le capital social comprenne à la fois le réseau dans sa dimension structurelle et les avantages susceptible d’en être tirés. Selon Bourdieu, « le capital social est défini comme la somme des ressources actuelles ou potentielles disponibles au travers et dérives du réseau de relation possédé par un individu ou une unité sociale » . Cependant Nehapiet et Ghoshal vont plus loin en discernant trois dimensions interconnectées du capital social : la dimension structurelle, la dimension cognitive et la dimension relationnelle.

La dimension structurelle

La dimension structurelle du capital social vise à saisir la structure du réseau de connexion entre les acteurs. Pour Nehapiet et Ghoshal, « la structure sociale du capital sociale se compose de différents côtés dont les principales se rattachent respectivement à la présence ou l’absence de liens entre les acteurs, à l’appropriation de ces liens et à la configuration du réseau…Cette dimension intervient en ce qu’elle favorise à la fois le transfert et l’étendue de l’information qui peut être accessible »19. La dimension structurelle du capital social décrit ainsi la capacité individuelle de faire des liens forts et faibles à d’autres dans un système. « Le degré de cette interconnexion des relations interpersonnelles agit sur la qualité de l’échange » et elle pourrait ainsi orienter les actions des individus dans un sens conforme aux intérêts de chacun. Selon Coleman, « une structure fermée est davantage porteuse de capital social »21.

La dimension cognitive

La dimension cognitive met l’accent sur le sens commun et la compréhension que les individus ou les groupes ont les uns sur les autres. Elle se réfère donc « aux ressources fournissant une représentation partagée et un système de représentation entre les acteurs » . Par exemple, « le langage commun qui rend possible l’interaction et la coopération entre les membres d’une structure sociale ce qui est d’ailleu rs indispensable à la création de représentation partagée » . Au-delà de l’existence des languages partagés, par exemple, il y aurait émergence d’expérience et même d’histoire commune pour une communauté ce qui favoriserait la création de nouvelles interprétations de telle sorte qu’elles soient facilitées par la combinaison des différentes connaissances.
Par ailleurs, à travers sa représentation sociale, l’individu donnerait un sens à son expérience et intègrerait des connaissances nouvelles dans leur cadre de pensée. Ainsi, la communication se renforce ce qui est favorable pour les actions collectives. Elle engendre donc des attitudes, des opinions et des comportements dont la compréhension permet d’envisager une gestion au sens d’une conduite « h abile ».

La dimension relationnelle

La dimension relationnelle du capital social correspond à la nature des relations que les acteurs ont développé entre eux ; c’est-à-dire, le caractère de la connexion entre les individus. Selon Nehapiet et Ghoshal, cette dimension se caractérise par un fort degré de confiance, de normes, de perception d’obligation partagée et par l’identité commune. La confiance qui se constitue à l’intérieur d’une communauté est régie par «un comportement régulier, honnête et coopératif, fondé sur des normes habituelles partagées de la part des autres membres de cette communauté » , ce qui montre le lien étroit entre capital social et la confiance entre les membres.
Bref, le concept de capital social regroupe les dimensions culturelles, sociales et institutionnelles d’une communauté spécifique influant conjointement sur sa capacité à traiter les enjeux collectifs. Son idée de base est la valeur qu’on accorde à un réseau social et aux relations existantes entre des individus agissant ensemble dans ce dernier.
On va voir ci-après, le concept de gestion communautaire, son fondement théorique, sa pertinence et ses limites.

La gestion communautaire des ressources naturelles

La gestion de l’environnement est perçue comme une nécessité de préservation des ressources foncières, forestières, fauniques, halieutiques, aquatiques et l’ensemble des autres ressources. Cependant, la définition de la notion de gestion communautaire engendre plusieurs débats. Dans ce qui suit, nous allons voir une illustration par les différentes théories sur la gestion communautaire et après nous verrons la gestion communautaire des ressources naturelles comme alternative à la gestion publique et à la gestion privée.

Les théories sur la gestion communautaire des ressources naturelles

« La tragédie des communaux » écrit par G. Hardin 1968)( constitue une référence fondatrice de la conscience écologique. L’analyse de Hardin repose sur l’hypothèse centrale que l’absence de droit de propriété provoque la surexploitation des ressources naturelles. Le libre accès à un pâturage conduit à ce que chaque é leveur qui l’utilise, aille jusqu’à la surexploitation. Chacun va agir de façon à maximise r son propre intérêt, sans se soucier de la dégradation et en pensant que le risque serait partagé. L’essence du mot tragédie n’est pas le malheur. « Elle réside dans la solennité du déroulement sanspitié des choses » . « Cette logique de gestion des communaux a été comprise depuis longtemps, peut-être depuis la découverte de l’agriculture. Mais elle n’est surtout comprise que dans des cas particuliers qui ne sont pas suffisamment généralisés » . Elle se reflète sous différents aspects selon le bien « communaux » concerné.

La tragédie des communaux : le surpâturage

« La tragédie des communaux se présente ainsi. Imaginez un pâturage ouvert à tous. On doit s’attendre à ce que chaque éleveur essaie de mettre autant de bétail que possible sur le terrain commun. Un tel arrangement pouvait fonctionner d’une manière raisonnablement satisfaisante pendant des siècles parce que les guerres tribales, le braconnage et la maladie maintiennent le nombre tant des hommes que des bêtes bien au-dessous de la capacité de support de la terre » 27.
Cependant, comme le risque du surpâturage engendré par l’ajout d’un autre bétail supplémentaire serait partagé, un éleveur rationnelserait amené à maximiser son usage personnel. Chacun va ainsi augmenter son troupeau sans limite et sans tenir compte de la dimension de la zone de pâturage. Et lorsqu’ils ser ont tous satisfaits, le pâturage serait déjà surexploité. À ce point, « la logique inhérente des communaux génère implacablement la tragédie » .
La ruine serait cet objectif de maximisation de l’intérêt individuel vers lequel tous les hommes, qui croient en la liberté des communaux, sejettent. Les ponctions individuelles dans l’environnement conduisent à son épuisement. Cette liberté des communaux apporte ainsi la ruine à tous.

La tragédie des communaux : la pollution

La pollution est une des conséquences des activitéshumaines. Dans cette optique, la tragédie des communaux ne consiste pas à l’épuisement suite à une exploitation abusive des biens communaux, mais à la pollution de l’air et de l’eau suite à l’émanation des substances et éléments nocifs et dangereux. L’homme se comportant comme des libres entreprises indépendantes et rationnelles, constate qu’il lui serait préférable, en matière de coût, de déverser ses déchets dans la nature que de les retraiter et les épurer avant de s’en débarrasser . Agissant ainsi, les être humain s’enferment dans unsystème de « souiller son propre nid ».
Cependant, « Quand la population devient plus dense, les processus naturels de recyclage chimique et biologique sont devenus surchargés » . Cela exige des dispositions sociales qui constitueront des contraintes pour les membres de la société.
Les solutions traditionnellement proposées par Hardin pour résoudre ces problèmes de surexploitation sont l’intervention étatique ou la privatisation qui nécessitent la définition des droits de propriété.

La théorie des droits de propriété

A travers les droits de propriété sont codifiés lesrapports entre les individus, ces rapports ayant trait à l’usage des ressources natur elles.

Définition des droits de propriété

Les droits de propriété sont perçus par les économistes sous l’angle de l’échange et de l’usage des ressources. « Le système de droits des propriétés prévalant dansune société (communauté) peut être décrit alors comme l’ensemble des relations économiques et sociales définissant la position de chaque individu par rapport à l’utilisation des ressources rares » 31. Les droits de propriété régissent le rapport lié l’usageà des ressources entre les individus. « Le système de droits de propriété rend égalementprévisibles les réactions que chaque individu peut attendre de la part des autres membres de la communauté » .
Dans les ressources naturelles, trois types d’institution peuvent exister pour sa gestion : l’Etat, le marché et les communautés. A esc trois institutions correspondent des régimes de droits de propriété.

Régime de propriété privée, publique et communautaire

Pour un régime privé, l’exclusivité des droits estabsolue, ce qui permet à l’individu seul de contrôler les coûts et les bénéfices de sesdroits sur une ressource. C’est le marché qui est le mode d’organisation des activités. L’agent peut échanger ses droits avec d’autres agents économiques par un transfert. Ainsi, dans ce système marchand, les sanctions et les récompenses sont individualisées, et l’individu agit dans une grande liberté d’actions compatibles avec celles des autres agents. Il y a là une unité de décision organiquement intégrée, et les « coûts de gouvernance » sont négligeables. L’influence du nombre des utilisateurs d’une ressource naturelle et de l’hétérogénéité des usagers sur la gestion efficace des ressources naturelles justifient son appropriation privée.

Le régime de propriété publique

Pour un régime public, les droits sur les ressource naturelles appartiennent à l’Etat ou à une collectivité publique mais non plus à une seu le personne. On peut envisager plusieurs modalités d’intervention publique comme l’imposition des amendes aux émetteurs des effets externes (pollution) ou la mise aux enchères des droits de propriété. Ainsi, on considère que seul l’Etat est capable de bien gérer les ressources naturelles : il peut surveiller les ressources par exemple par l’intermédiaire des services fonciers et forestiers et peut mettre en œuvre des sanctions. Cependant, des auteurs33 ont montré l’existence d’une solution autre que la privatisation et la gestion étatique. C’est la gestion communautaire qui est fondée sur le principe de négociation.

Le régime de propriété communautaire

Un régime de propriété communautaire vis-à-vis d’une ressource suppose que la ressource soit commune. Les ressources communes sont des ressources naturelles ou artificielles partagées par différents utilisateursen même temps; l’exploitation de ces ressources crée une rivalité, souvent à l’origine de leur dégradation, voire de leur destruction.
Le régime de propriété communautaire est le régimeselon lequel un groupe d’utilisateurs partage des droits et des obligations vis-à-vis d’une ressource commune. Les groupes d’individus agissent collectivement pour s’ approprier d’une ressource, et leur rapport sur l’usage de cette ressource est régi par des accords fondés sur des négociations et persuasions. Ainsi, « la ressource appartient à une communauté identifiable dont les membres sont interdépendants avec des règles d’accès à la ressource qui sont bien définies » . Les théories des auteurs, comme Ronald Coase et Wiliamson, sur les coûts de transaction sont impliquées considérablement dans esl théories sur les droits de propriété. Ils sont, en effet, appliqués dans la propriété des ressources naturelles.

Les coûts de transaction dans la propriété des ressources naturelles

L’apport des théories sur les coûts de transaction est très indispensable dans l’étude des différents régimes de propriété des ressourcesnaturelles. « Les coûts de transaction sont les coûts qui affectent les transactions entre les agents économiques » . Généralement, ce sont les coûts liés à la négociation d’un contrat, à l’incertitude d’information avant la réalisation d’une transaction économique et aussi esl coûts liés aux effets externes engendrés par une transaction économique. Appliqués dans la propriété des ressources naturelles, les principaux coûts de transaction sont ceux de la surveillance, de l’exclusion, de l’ information, de la négociation et de l’imposition des règles.
– Le coût d’exclusion:
L’exclusion est une possibilité d’empêcher quiconque d’avoir accès à une ressource naturelle en évitant les dommages ou les comportements clandestins. La clôture d’une ressource comporte des coûts pour pouvoir empêcherun individu par exemple d’entrer dans une forêt pour couper un bois.
Malgré la clôture, rien n’assure qu’un individu n’e ntrera pas illicitement dans cette ressource. La surveillance permet au propriétaire des droits de vérifier l’intrusion des individus.
– Le coût de surveillance:
La surveillance exige des moyens financiers et physiques qui sont probablement importants pour l’Etat et une société privée. Ilaudraitf engager des agents de sécurité (agents forestiers par exemple), rémunérés et équipés desoyensm de défense et de déplacement. La difficulté réside dans la surveillance d’une ressource naturelle de milliers d’hectares.
Bref, le fait d’exclure et de surveiller le comportement de « free-riding » dans une ressource naturelle par le propriétaire nécessiteun coût très important. Mais, les coûts existent aussi dans la négociation et dans l’information des individus, sur les règles de la gestion de la ressource.

La gestion communautaire des ressources naturelles : alternative entre la gestion publique et privée

L’accent mis sur l’approche communautaire constitu e une réaction à la prescription systématique de la propriété privée et de la gestion publique comme seules alternatives face à la tragédie des communaux de Hardin.

La gestion publique et la gestion privée des ressources naturelles

En l’absence des coûts de transaction, la propriété communautaire permet d’internaliser les externalités aussi efficacement que la propriété privée. Sous« cette condition, les deux régimes de propriété sont doncéquivalents du point de vue de l’efficience »40.

La gestion privée des ressources naturelles

Si les ressources communes sont rares, alors que des règles d’usage n’ont pas été adoptées, le régime de propriété communautaire tendrait à dégénérer en système d’accès ouvert lorsque le nombre des membres devient assez grand. Pour aboutir à l’établissement de telles règles, des coûts devront être encourus dansle processus de négociation comme déplacements, temps de réunion, etc.
La possibilité de parvenir à un accord pour réglementer l’usage d’une ressource naturelle dépend de la taille du groupe et du degréd’homogénéité de ses membres. Tout d’abord, plus le nombre d’ayants droit est petit, p lus les coûts de négociation pour mettre un accord seront faibles. Ensuite, quant à l’impact de l’hétérogénéité,si«les objectifs poursuivis concernant l’utilisation d’une ressource divergeron t, il sera plus difficile de conclure un accord de régulation»41. Par exemple, les conflits entre éleveurs et agriculteurs à propos de la manière d’utiliser la terre : les éleveurs défendent le maintien des droits de parcours traditionnels pour leurs troupeaux alors que les agriculteurs veulent obtenir une délimitation nette des terres en vue d’une appropriation plus ou moins exclusive. Et enfin, même si un accord comportant des gains d’efficience et permettant d’améliorer la situation de chaque utilisateur de la ressource puisse être décidé, certains individus peuvent adopter des comportements opportunistes42.
Bref, du seul point de vue des coûts de gouvernance, le bilan est favorable à la division et à l’appropriation privée des ressources naturelles, mais la situation sera inverse compte tenu des coûts directs de transaction.
Les coûts directs de transaction sont les coûts d’établissement et de la protection des droits de propriété. Du point de vue de ce coût, al propriété privée est plus coûteuse par rapport à la propriété communautaire. On peut comprendre cette situation par un simple exemple et à travers le schéma ci-dessous.
Imaginons des ressources naturelles couvrant l’espace d’un carré de superficie égale à une unité. Donc, les quatre côtés du domaine ont chacun une longueur d’une unité. Supposons que le coût unitaire de la protection (comportant par exemple, une clôture et une surveillance) soit égal à une unité monétaire. Si le groupe est orméf de quatre membres, le coût direct de transaction moyen par personne est d’une unité monétaire.
Dans le cas où le domaine est divisé en parts égales entre les quatre membres, il y a six frontières mesurant chacune une unité et le coût total direct de transaction sera de six unités monétaires. Ainsi, la dépense moyenne par personne sera de 1,5 unité monétaire. La privatisation de la ressource a donc entrainé une hausse de 0,5 unité du coût individuel de transaction direct, soit une hausse de deux unitésau total.

La gestion publique des ressources naturelles

La gestion publique des ressources naturelles nécessite l’intervention de l’Etat en tant que propriétaire. Les coûts de négociation pour l’Etat sont les coûts de la mise en place des accords, ils seront faibles pour l’Etat et probablement plus onéreux pour le privé. En effet, au niveau de l’Etat, il suffit de prendre un décret pour prendre une décision comme la période de la coupe du bois, l’organisation de sa commercialisation, etc. Les décisions sont imposées de fait. Par exemple en Burkina Faso, « une entreprise privée dans l’activité forestière, arp exemple, devrait avoir l’accord des services forestiers qui contrôlent ces activités puisque le domaine foncier (droit public) national inclut les forêts. Mais les coûts d’imposition, à savoir les coûts de mises en applications des règles peuvent être élevés». Par ailleurs, la population riveraine se sentirait moins concernée par ces règles édictées qui ne tiennent pas comptent de leur besoin vis-à-vis de ces ressources. Par conséquent, cette ressource pourrait faire face à une exploitation illicite de certaines personnes. Toutefois, en attribuant un droit de propriété à la communauté locale, ces coûts sur la gestion de cette ressource pourraient être minimisés.

La gestion communautaire des ressources naturelles

Comme on l’a vu, un régime de propriété commune meten exergue l’indivisibilité de la ressource et en imaginant une gestion commune. Il y a donc un groupe d’individus identifiable et agissant collectivement, qui partagent des droits et des obligations vis-à-vis d’une ressource. La gestion communautaire est un mode de gestion fondé sur le principe de négociation et elle s’applique dans une exploitation des ressources en propriété commune. Une « même vision des choses » dans une communautéfavorise les actions collectives. La confiance en l’institution locale est donc un aspect fondamental dans une action collective telle que la gestion communautaire des ressources naturelles.

La gestion communautaire et les institutions locales

La gestion communautaire est une solution alternative, mise en évidence et analysée par E.Ostrom44. C’est la gestion des ressources par les acteurs locaux à travers des normes sociales et des arrangements institutionnels. Les institutions locales sont donc un aspect important de la coopération dans des actions collectives.
Les institutions locales sont considérées comme lesnormes qui gouvernent la vie sociale dans une société. «Elles permettent la coordination des actions des membres, ce sont « les règles informelles » et donc les valeurs socioculturelles d’une communauté »45. L’avantage de se fonder sur la connaissance locale des utilisateurs permettrait non seulement l’efficacité de toute structure qui va être établiemais aussi elle conditionne l’obtention du but communément envisagé.
La gestion communautaire offre une opportunité aux populations locales de prendre part dans la gestion des ressources naturelles qui leur est indispensable dans la vie de tous les jours. La population locale est donc un acteur à pa rt entière dans la gestion, ce qui exige la mobilisation et la valorisation des normes sociales. Dans une communauté locale bien identifiée, les décisions qui affectent la vie de al communauté sont discutées lors des conseils de village sous le respect de la hiérarchie dans lasociété. Ainsi les règles sont imposées et acceptées par tout le monde. Dans la communauté,« La conformité aux règles est facilitée par les relations d’obligation et d’interdépendance mutuelle dans l’ensemble de la vie sociale » 46.
Par ailleurs les règles, que la communauté elle même a établi, sont aussi des facteurs qui favorisent leur l’intégration et la participation des membres dans la gestion, au contrôle et à la mise en œuvre des sanctions.

Les institutions locales et les coûts de transaction

Les coûts de transaction sont les coûts qui affectent la transaction entre des agents économiques et aussi les coûts du déroulement et dela négociation d’un contrat. Selon « le théorème de COASE », l’allocation optimale d’une ressource exige la minimisation des coûts de transactions dans l’allocation même de cette resource.
Pour les modes de gestion privée et étatique des ressources naturelles, les coûts de transaction acquièrent beaucoup plus de moyens physique et financier que dans une gestion communautaire d’une ressource. Il y a par exemple des coûts pour la surveillance, l’information, l’exclusion et l’imposition des règles par l’Etat. Par contre, dans une communauté locale ces coûts pourraient être plus faibles à cause de l’existence d’une institution qui la régie : ce sont les coutumes, les habitudes de penser et les règles de juste conduite de la société. Et c’est plutôt le cas pour la forêt de TIOGO en Burkina Faso.
« Dans les villages riverains de la forêt de Tiogo,les règles d’attributions des terres et de gestion des ressources naturelles végétales sontconnues de tout le monde. La surveillance est mutuelle et se fait par les membres de la communauté… Elle réduit les risques de comportement opportuniste au sein de la communauté.Les régulations intra-communautaires où règnent l’honneur, la confiance, la tradition permettent de faire l’économie d’un contrat ».47
Cette minimisation des coûts de transactions repose ainsi particulièrement sur la confiance des institutions locales. Ces dernières minimisent les coûts de transaction par les règles exclusives et autosanctionnantes établies par la communauté elle-même.
Bref, la gestion communautaire des ressources naturelles est une voie nouvelle entre la gestion par le marché ou les droits de propriété ivéepr et la gestion étatique. Elle répond à la condition de l’allocation optimale d’une ressource en minimisant les coûts de transaction. La gestion communautaire des ressources naturelles vise une allocation optimale des ressources naturelles mais son application présente quelques difficultés au niveau d’une communauté donnée.

Les limites de la GCRN

Même si la GCRN est considérée comme la plus efficea en matière d’allocation des ressources naturelles, cela ne veut pas dire que toutes les ressources communes seraient toujours mieux gérées par leurs utilisateurs directs ; les contextes qui permettent l’émergence des institutions spécifiques dans une communauté locale, leurs avantages et leurs inconvénients doivent être étudiés. Ce qui a fait,d’ailleurs, l’objet des travaux d’Elinor Ostrom ; elle a conclu que différents mécanismes ociaux,s tels que les valeurs partagées et le réseau social existant au sein de la communauté d’utilisateurs, influent sensiblement sur l’efficacité des systèmes institutionnels de gestion des ressources communes48 . Ainsi, la GCRN génère certains comportements qui nuisent à la cohésion dans les actions collectives à savoir les comportements déviants et le phénomène ’exclusiond.

Les comportements déviants

La gestion communautaire des ressources naturelles doit se référer à une communauté au sens d’un ensemble de populations localement identifiées par un espace géographique. Or, « les négociations menées entre plusieurs partenaires dans le cadre de la gestion des ressources naturelles montrent généralement, en raison des intérêts divergents de ces partenaires, des comportements de passagers clandestins et l’aboutissement à un consensus instable peu favorable à une bonne gestion »49. Les communautés locales apparaissent alors comme l’institution adéquate puisque les normes communautaires produisent généralement des coûts significatifs pour les personnes ne les respectant pas (exclusion de la communauté par exemple). Or, l’identification d’une communauté pose de sérieuses difficultés puisqu’elle n’implique pas que la communauté soit homogène, et laisse la place à des stratégies individuelles de pouvoir et d’exclusion dont les effets sur l’environnement peuvent être néfastes.
« Il en découle alors une efficacité très discutable de la GCRN puisque les comportements de passagers clandestins ne seront probablement pas éliminés, mais surtout les comportements opportunistes visant à l’utilisat ion des ressources à des fins personnelles ne sont pas exclus »50.

La gestion communautaire des ressources forestières à Madagascar

Dans ce chapitre, nous allons essayer de mettre en évidence le cadre législatif de la gestion communautaire de la ressource forestière à Madagascar pour la durabilité de cette dernière ; et ceci dans le but de montrer le rôle du capital social dans le cadre de ce mode de gestion. Nous allons donc analyser la politique environnementale et à partir de cela, les enjeux et principes de la gestion communautaire des ressources forestières à Madagascar.
Parler de politique environnementale malagasy c’est parler du programme national d’action environnemental (PNAE) car il reflète les stratégies que l’Etat a mis en œuvre.

Le PNAE et son évolution

La Loi n° 90-033 du 21 décembre 1990 relative à la « Charte de l’Environnement malagasy » fixe le cadre général d’exécution de laolitiquep environnementale adoptée par la République de Madagascar. Le Programme National d’Actions Environnemental (PNAE) est la traduction opérationnelle de cette politique. Ilconstitue donc le socle de toute action dans le domaine de l’environnement.
Le PNAE se fixe comme objectif final, de « réconcilier la population malagasy avec son environnement en vue d’un développement humain durable »55.
Le PNAE est exécutable en trois phases successivesde cinq ans chacune56, à savoir :
– le programme environnemental I ou PEI (1992-1996) pour créer un cadre institutionnel et tester les approches.
– le programme environnemental II ou PEII (1997-2001) : il poursuivra et renforcera le travail entrepris lors de la première phase .
– le programme environnemental III ou PEIII (2002-2006) pour achever de faire passer la dimension environnementale dans la gestion au quotidien.

Le programme environnemental I

Cette première phase du programme (1991-1997) vise l’intégration de toutes les activités en faveur de l’environnement dans un seul et même programme particulièrement celles qui concernent la préservation de la biodiversité, la conservation des sols et l’élaboration des politiques. Elle a été surtout axée sur la mise en place des fondations institutionnelles du Programme d’action environnemental (PAE) ainsi que des outils nécessaires pour la gestion de l’environnement et la lutte contre les problèmes d’urgence dans les régions et les zones où les impacts économiquesnégatifs sont les plus marqués.
Les principaux objectifs de cette première phase sont d’aider la population à protéger et d’améliorer son environnement pour un développement économique et social plus durable.
« Ce programme touche et concerne six domaines précis d’intervention :
i. Etablissement des aires protégées.
ii. Mise en place des Micro-projets de conservation des sols et amélioration du cadre de vie des populations rurales des zones prioritaires dans les zones périphériques des aires protégées.
iii. Amélioration de la cartographie et de l’information géographique.
iv. Délimitation des aires protégées et forêts classées pour l’attribution des titres fonciers correspondants et l’élaboration d’un code domanial et foncier.
v. Appui au plan d’action environnementale.
vi. L’exécution d’un programme de Recherche environnementale »57
L’exécution de ces programmes étaient plutôt initiée pendant la seconde phase.

Le programme environnemental II

Les principaux objectifs de cette deuxième phase sont de reverser les tendances à la dégradation de l’environnement dans les zones non encore sensibilisées ; de promouvoir l’utilisation durable des ressources naturelles (sol, eau, forêts et biodiversité) et de créer les conditions pour que la préservation de l’environnement devienne une préoccupation et une démarche normale du développement. C’est une approche régionale et locale de conservation.
Cette seconde phase comprend des composantes58 telles que la promotion d’une gestion durable multi-usages des ressources forestières et aménagement des grands bassins versants; l’établissement et la gérance d’un réseaunational d’aires protégées représentatif des écosystèmes existant à Madagascar; la planificationparticipative de la gestion des ressources naturelles au niveau régional; le transfert de gestion des ressources naturelles aux communautés locales de base et sécurisation foncière (TDG)59, la satisfaction des besoins en information géographique nécessaire pour la mise enœuvre du programme; le développement d’une stratégie nationale de valorisation durable de la biodiversité, à travers des filières porteuses et une recherche finalisée.

Le programme environnemental III

Le PEIII a été signé avec les bailleurs de fonds en2004. Le Programme Environnemental phase III entend consolider les acquis des deux premières phases. Il visera essentiellement la conservation et la valorisation de l’importance et de la qualité des ressources naturelles pour permettre une croissance économique durable et le bien-être de la population. Pour arriver à cette fin, le PE III pou rsuivra deux objectifs majeurs : « des modes de gestion durable des ressources naturelles renouvelables et de conservation de la biodiversité adoptées et appropriées par les populations et la pérennisation au niveau national de la gestion des ressources naturelles et environnementales est assurée » .
A cet effet, un cadre logique a été élaboré par leGouvernement et les principaux domaines concernés par le PE III. Ceux qui nous intéressent dans ce cadre sont les actions de développement dans les zones prioritaires d’intervention ; la gestion rationnelle des forêts et la gestion du réseau d’Aires Protégées et de Sitesde Conservation.
Le PEIII est une responsabilisation réelle des acteurs locaux, c’est ce que les essais de transfert de gestion à Madagascar avec la GELOSE v ont présenter.

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Table des matières

Partie I : APPROCHE THEORIQUE
chapitre I: Le concept de capital social
Section 1: Approche théorique sur le capital social
1.1 Définitions et typologie de capital social
1.1.1 Définition du capital social
1.1.2 Typologie de capital social
1.2 Mesure du capital social
Section 2: Dimension structurelle, relationnelle et cognitive du capital social
2.1 La dimension structurelle
2.2 La dimension cognitive
2.3 La dimension relationnelle
chapitre II: La gestion communautaire des ressources naturelles
Section 1: Les théories sur la gestion communautaire des ressources naturelles
1.1 Concept originel : la théorie de Garett Hardin
1.1.1 La tragédie des communaux : le surpâturage
1.1.2 La tragédie des communaux : la pollution
1.2 La théorie des droits de propriété
1.2.1 Définition des droits de propriété
1.2.2 Régime de propriété privée, publique et communautaire
a- Le régime de propriété privé
b- Le régime de propriété publique
c- Le régime de propriété communautaire
d- Les coûts de transaction dans la propriété des ressources naturelles
1.3 La théorie des ressources communes
Section 2: La gestion communautaire des ressources naturelles : alternative entre la gestion publique et privée
2.1 La gestion publique et la gestion privée des ressources naturelles
2.1.1 La gestion privée des ressources naturelles
2.1.2 La gestion publique des ressources naturelles
2.2 La gestion communautaire des ressources naturelles
2.2.1 La gestion communautaire et les institutions locales
2.2.2 Les institutions locales et les coûts de transaction
Section 3: Les limites de la GCRN
3.1 Les comportements déviants
3.2 L’exclusion
Partie II : LE ROLE DU CAPITAL SOCIAL DANS LES PRATIQUES DE LA GESTION COMMUNAUTAIRE DES RESSOURCES FORESTIERES A MADAGASCAR : CAS DE LA STATION FORESTIERE DE MANJAKATOMPO ET DE LA FORET DES MIKEA
chapitre III: La gestion communautaire des ressources forestières à Madagascar
Section 1: Le programme environnemental
1.1 Le PNAE et son évolution
1.1.1 Le programme environnemental I
1.1.2 Le programme environnemental II
1.2.3 Le programme environnemental III
1.2 La GELOSE
1.3 La politique forestière malagasy
Section 2: Enjeux et principes de la gestion communautaire des ressources forestières à Madagascar
2.1 De la décentralisation de la gestion des ressources naturelles et forestières à la gouvernance communautaire des ressources
2.2 La gouvernance communautaire des ressources naturelles à Madagascar
chapitre IV: Rôle du capital social dans la gestion communautaire des ressources forestières
Section 1: Le capital social et la station forestière de Manjakatompo
1.1 Les spécificités socioculturelles et institutionnelles des réseaux de parenté
1.2 La production de capital social dans des réseaux de parenté
1.3 Le rôle du capital social dans la gestion communautaire des forêts
Section 2: La forêt des Mikea
2.1 Contexte et situation de la forêt des Mikea
2.2 Structure socioculturelle et institutionnelle des Mikea
2.3 Le capital social dans la gestion communautaire de la forêt des Mikea
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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