« Depuis son accession à la souveraineté internationale, le Sénégal a institué des réformes touchant l’administration territoriale, par ce biais, la prise des décisions ainsi que la gestion des affaires publiques ne seraient plus concentrées ou centralisées aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie administrative. » En effet, pour arriver à s’approprier et à contrôler l’espace territorial d’un Etat, une division politique de la superficie nationale apparaît fondamentale. Celle-ci aboutit à la création de division administratives qui différent de niveaux et nature en fonction des Etats et des cultures politico administratives. Ainsi de 1960 à nos jours, le Sénégal a connu plusieurs découpages administratifs, donnant naissance à différentes sortes de communautés.
En effet, la volonté d’une prise en charge correcte des populations et des ressources a entraîné la mise en place de nouvelles politiques comme la décentralisation qui intervient dans un cadre d’organisation de l’espace. Ce schéma institutionnel a été d’abord, l’oeuvre de la centralisation, fondement des traditions de l’Etat jacobin, qui était la première option du Sénégal après l’indépendance sur le plan administratif.
De ce fait, un Etat fort et centralisateur était au sommet de leur structure administrative et leur centre unique de décision car ils estimaient que seul l’Etat était à même de résoudre les problèmes liés au développement économique et social. Il avait le monopole exclusif de la définition des projets et programmes susceptibles de promouvoir le développement et ne laissant pas beaucoup d’initiatives aux citoyens. Cette centralisation est héritée de l’ancienne puissance colonisatrice, où tout était conçu et décidé par les autorités administratives centrales, où les populations ne participaient pas à la gestion des affaires publiques.
PROBLEMATIQUE
ANALYSE CONCEPTUELLE
En effet, pour une facile compréhension de notre champ d’étude, on a jugé nécessaire de faire une analyse de l’ensemble des concepts que regroupe notre thématique à savoir la décentralisation et le développement local. En effet pour Paul Houe : « Il n’est pas de décentralisation véritable sans changement d’esprit, d’attitudes et de comportement pour saisir le développement local en terme de démarche globale de mise en valeur des ressources humaines et matérielles d’un territoire en relation négociée avec les centres de décisions des grands ensembles économiques, sociaux et politiques dans lesquels ils s’intègrent ».
Ainsi il s’agit de renforcer les moyens d’actions des collectivités locales. La décentralisation se mesure à la liberté dont disposent les collectivités locales au sein de l’Etat. Pour réussir, il faut une forte détermination politique permettant une remise en cause du rôle central de l’Etat et d’accepter de faire le pouvoir du sommet à la base. C’est ainsi soutient Bagnard (J) : « Décentraliser, c’est opérer un mouvement contraire à la centralisation. Il s’agit donc d’une démarche seconde, supposant une centralisation préalable, en quelque sorte initiale qu’il faut contrecarrer ».
La décentralisation est une question d’actualité, un thème à la mode, diront certains. On l’évoque particulièrement dans le domaine des institutions et de la coopération. Ici la décentralisation politique et administrative est proposée dans le cadre plus large de la démocratisation et de la recherche d’une grande participation des populations à la gestion de la Cité. La décentralisation a pour objectif essentiel à la fois de rapprocher les décisions des citoyens et de rendre l’action publique plus efficace. Il s’agit de transférer des compétences et de confier aux échelons décentralisés du pouvoir à la fois, la gestion d’un certain nombre de biens publics et la perspective de la recherche d’une meilleure efficacité de l’action publique par son affectation aux niveaux d’administration locaux les plus susceptibles de la mettre en œuvre efficacement. Pour Baehrel (M) : « La décentralisation doit être accompagnée pour permettre que les territoires les plus défavorisés puissent aussi jouer leur rôle et de manière à ce qu’on garde une cohésion sociale au niveau national ».
Les projets de décentralisation ont pour objectif principal de faire émerger des capacités locales de gestion susceptible d’agir de manière plus juste et plus efficace que l’administration centrale. Richard Stren 1991 souligne ainsi que « La décentralisation est d’abord un moyen de trouver des ressources financières et une échelle plus efficace d’applicabilité des projets, tout en rappelant que cette redécouverte des pouvoirs locaux n’est propre aux pays africains mis sous ajustement structurel ».
Ainsi Elong Mbassi (J.P) souligne « Pendant très longtemps, à cause de l’ajustement structurel, l’attention s’est focalisée sur les politiques macro-économiques, et très souvent, tout ce que était lié à l’organisation spatiale du développement était relégué au second plan. Avec la décentralisation qui remet à l’ordre du jour des niveaux territoriaux, avec une certaine autonomie, il apparaît très clairement que, vraisemblablement, les questions d’organisation de l’espace du développement vont devenir de plus en plus des questions cruciales » .
Il y’ a décentralisation si et lorsque les autorités administratives locales ont le pouvoir de prendre des décisions de leur seule volonté et librement. En effet, avec cette nouvelle politique mise en œuvre, François Perroux évoque que « La terre n’est plus « seule » ; c’est une pluie d’innovations fécondantes que fait tomber la conquête des espaces circumterrestres et planétaires qui est pour les républiques naissantes d’Afrique, une occasion et un moyen de réaliser des conditions économiques de leur autodétermination ».
LE TERRITOIRE DE LA COMMUNAUTE RURALE DE TATTAGUINE
En 1972 le Sénégal s’engage dans une véritable politique de décentralisation. La réforme administrative et territoriale, par la loi 72-25 du 19 août 1972, crée les communautés rurales. C’est dans cette phase de la décentralisation, fondée sur la responsabilité à la base, que la communauté rurale de Tattaguine a été créée. La CR de Tattaguine qui se trouve dans l’arrondissement du même nom, Département et Région de Fatick, est située au centre ouest du Sénégal. Elle est limitée à l’Est par les CR de Diouroup et de Diarrère ; à l’Ouest et au Nord-est par l’arrondissement de Thiadiaye, au Sud et au Sud-ouest par la CR de Loul-Sesséne (arrondissement de Fimela).
A l’image des autres communautés rurales qui regroupent l’arrondissement, la CR de Tattaguine est très riche en ressources mais qui sont mal exploitées. Malgré l’importance des ressources, beaucoup de contraintes ont été identifiées par les populations pour la valorisation de celles-ci. Mais le plus regrettable reste les effets d’une mauvaise politique agricole dont est victime cette population qui est à 99% agricole. Cependant, on note entre autre une croissance démographique rapide de la population de Tattaguine entraînant beaucoup de disparités dans sa répartition. Dans l’optique de renforcer le revenu des ménages les populations de la CR sont dispersées dans différentes activités socio-économiques. La CR de Tattaguine couvre une superficie de 159,4 km². Ainsi dans cette première partie, nous aborderons l’étude administrative et le cadre physique de la CR, mais aussi le processus de développement socio-économique dans son état actuel.
Présentation et cadre physique
Présentation de la CR de Tattaguine
Actuellement, la CR de Tattaguine est composée de 15 villages dont Ndiosmone, Tattaguine Escale, Ngoyé Ndoffongor, Tattaguine Sérère, Thiamène, Mbédap, Keur Mangary, Khondiogne, Ngohé Poffine, Bacobof, Ngohé Mbouguel, Ngohé Mbadatt, Poultock, Kamyack, Mbellongouth et plus de 62 hameaux. Le village de Tattaguine Escale est le centre administratif et économique de la CR. Tous les services et bâtiments administratifs s’y trouvent ainsi que le magasin de stockage des semences agricoles. Ainsi les villages de Ndiosmone, Tattaguine Sérère et Tattaguine Escale sont traversés par la route nationale n° 1 Dakar-Kaolack. Aujourd’hui, Tattaguine Escale concentre un marché hebdomadaire tous les mardis, la plupart des commerces de détails et de gros mêmes, les infrastructures administratives et résidentielles.
Outre ce village, on note l’importance des villages de Ngohé Ndoffongor et Ndiosmone qui sont traversés par la route qui va à Fimela. Contrairement à Tattaguine Escale ; village hautement privilégié, monopolisant la presque totalité des investissements, les autres villages sont sous équipés en infrastructures. Dans ces villages, on trouve un type d’habitat dispersé constitué de concessions. En effet, on note avec le dernier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) que la CR de Tattaguine comptait 1398 concessions des 4080 que compte l’arrondissement. Chaque village de la CR est regroupé par des concessions L’aménagement permet d’avoir une meilleure perception de l’occupation, de l’utilisation de l’espace.
Il se veut un ensemble de méthodes et techniques à mettre en œuvre pour satisfaire les différentes préoccupations soulevées, apporter des solutions aux contraintes identifiées au niveau de la CR. Une telle situation se traduit par une insuffisance de l’éclairage public, une faible extension du réseau téléphonique concentré uniquement à Tattaguine Escale et par de nombreuses pistes impraticables surtout en saison humide. Cela pose sans doute des problèmes d’enclavement provoquant ainsi des difficultés de communication. Tout compte fait l’aménagement souffre de l’insuffisance et d’une mauvaise répartition des infrastructures et des équipements. Cette tendance peut créer ce qu’on appelle l’effet « îlot d’attraction » c’est-à-dire un terroir qui se développe en ignorant le milieu qui l’entoure.
La plupart des équipements et infrastructures se concentrent uniquement à Tattaguine Escale. En effet, les apports positifs de ces infrastructures (poste de santé, maison communautaire, marchés quotidien et hebdomadaire, foyer de jeunes et femmes, réseau téléphonique, lycée CEM…) font de Tattaguine Escale un pôle d’attraction des populations environnantes où s’appuient les flux et les interrelations qui existent au niveau de la communauté rurale. De façon globale, le constat qui se dégage dans l’étude de l’occupation et de l’utilisation de l’espace, est la forte concentration des équipements et infrastructures à Tattaguine Escale.
Malgré l’émergence de villages relais comme Ngoyé Ndoffongor, Ngoyé Mbadatte, Ndiosmone cette situation entraîne un déséquilibre entre Tattaguine et les autres villages. Il convient donc à ce titre de renforcer les services des autres villages surtout relais afin que ces derniers puissent assurer éventuellement un rôle de correction du déséquilibre. Un tel aménagement rendrait le développement de la communauté rurale plus opérationnel, harmonieux, judicieux et équilibré. Cet aménagement devrait se réaliser au niveau de trois échelles d’organisation. D’abord, il y’aura une échelle d’organisation principale, c’est-à-dire le village centre (Tattaguine Escale) relativement polarisateur, et qui pourra jouer un rôle de contrôle et d’accélération du développement local. Ensuite vient une échelle intermédiaire constituée de villages relais qui fonctionnent comme des structures intermédiaires enfin les villages périphériques marqués par une faiblesse des infrastructures.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PROBLEMATIQUE
PREMIERE PARTIE : LE TERRITOIRE DE LA CR DE TATTAGUINE
Chapitre I : Présentation de la CR et cadre physique
I) Présentation de la CR de Tattaguine
II) Cadre physique
Chapitre II : Le cadre humain
I) Les caractéristiques démographiques
II) Les caractéristiques socio-économiques
DEUXIEME PARTIE : DYNAMIQUE ORGANISATIONNELLE : rôle et place des structures dans la gestion du développement
Chapitre I : Diagnostic des acteurs locaux
I) L e cadre institutionnel et organisationnel du conseil rural
II) L’Administration territoriale et les services techniques
Chapitre II : Dynamique organisationnelle
I) Les structures communautaires
II) Domaines d’activités des structures communautaires
III) les structures de développement
TROISIEME PARTIE : ENJEUX ET CONTRAINTES DE LA DECENTRALISATION SUR LE DEVELOPPEMENT LOCAL
Chapitre I : Les enjeux de la décentralisation sur le développement local
I) Les enjeux de la politique de décentralisation
II) Les ONG et programmes d’appui à la décentralisation
III) Les initiatives de développement local
Chapitre II : Limites et contraintes des processus de décentralisation et de développement local dans la CR
I) Limite de la décentralisation
II) Les contraintes de la décentralisation
III) Les perspectives de développement LOCAL
IV) Les recommandations
CONCLUSION GENARALE