Malika dans la périphérie de l’agglomération urbaine de Dakar
La périphérie urbaine est l’espace situé autour de la ville qui, selon Brunet, « est une agglomération d’immeubles et de personnes de quelques importances, qui à l’origine se distinguait de la campagne agricole… (qui) rassemble des personnes qui vivent fondamentalement du commerce et des services (y compris les services de police et de défense)… Elle est le lieu où se sont développés l’information, la formation et l’innovation. » L’espace périphérique s’y caractérise par endroits par une densification du bâti souvent dans des bas-fonds destinés aux activités maraîchères. Ces lieux sont parfois dépourvus de tous services urbains de base. Malika, localité dans la périphérie de l’agglomération dakaroise, joue un rôle important dans l’approvisionnement de Dakar en légumes, fruits, œufs et poulets malgré la diminution progressive de ses terres d’activité agricole. Outre ses avantages nutritionnels, la localité reste très attractive à l’égard des migrants, du fait de l’existence d’emplois liée à l’activité maraîchère. La localité s’identifie par ses activités agricoles, caractéristiques des zones rurales, avec ses avantages socio-économiques importants. La localité est non seulement le lieu d’insertion professionnelle des migrants ruraux, sousrégionaux et intra-urbains mais aussi d’approvisionnement en légumes aux citadins. Elle subit, au niveau de ses espaces maraîchers d’intenses agressions spatiales dues à sa situation d’exutoire à l’égard de la ville recevant des masses importantes de populations chaque année. L’arrivée incontrôlée de population d’origines diverses (citadins et ruraux) dans une zone à conditions favorables à l’agriculture, crée une interpénétration de deux genres de vie ainsi qu’une occupation anarchique de l’espace sans aménagement préalable. Malika comporte des caractères typiques de la zone périurbaine. Mais, du point de vue des modes de vie, du bâti, des activités, la voie vers la citadinité s’y dégage lentement malgré la résilience des populations attachées aux pratiques rurales.
Composition ethnique et répartition par âge et par sexe
Composée de deux ethnies (Wolofs et Peuls) au départ, la localité, s’agrandit à l’épreuve du temps, en accueillant des personnes d’origines diverses. Elle se caractérise par une diversification ethnique, marquée majoritairement par les Wolofs 47.3% et les Peuls 30%, les deux couches les plus anciennement installées. S’en suivent ensuite les Sérères 10.8%. Cependant d’autres ethnies y sont notées, les Bambaras 2.2%, les Mandingues 1.6%. Par ailleurs, une analyse spatiale de l’occupation des personnes, fait ressortir une concentration ethnique dans certaines zones. Le quartier Santhiaba Ndiago, communément appelé « quartier Ndiago », situé au Sud-est de la localité, est majoritairement peuplé de Manjacques, avec un taux de 3.7% par rapport à la population locale. Egalement, au Sudouest, dans la partie rattachée actuellement à la commune de Yeumbeul nord, se concentrent les Diolas représentant 2.2%. A l’Ouest de la commune, est cependant notée une concentration des Peuls. Cette observation de la concentration spatiale ethnique témoigne que les premières vagues de migrants se sont installées dans la zone grâce à des réseaux de sociabilité. Au fait, les premiers migrants arrivés dans la localité se chargeaient de l’accueil de leurs parents ou de leurs voisins de villages dernièrement venus qui, à leur tour, s’installaient à leur proximité. Par analogie à la population dakaroise à laquelle elle tire ses caractères démographiques, Malika reste également très marquée par la jeunesse de sa population dépassant 50%, entretenue par un indice de fécondité élevé. Par ailleurs, la population féminine y est plus représentative que celle masculine, avec respectivement en 1988, 3750 et 3635 individus soit un rapport de masculinité de 96.93%, et en 2002, 7215 et 6952 individus soit également un rapport de masculinité de 96.35%.24 Au fait, la baisse du rapport de masculinité entre ces deux périodes est due quelque part à la diminution de la croissance démographique, entretenue par les surplus migratoires composés majoritaires d’hommes. Ceux-ci sont attirés dans la localité par les facilités d’insertion professionnelle dans le maraîchage ainsi que la facilité d’accès au logement.
Les faits spatiaux à Malika
Le village, avec sa croissance démographique, a connu depuis son origine, diverses vagues de migrants d’origines diverses. Composés au départ de migrants d’origine rurale, en général du bassin arachidier, à la suite de son érection en C.A, les nouveaux installés de niveau de vie assez élevé contrairement aux premiers venus, sont désormais d’origine urbaine. Ces derniers, ayant connu déjà une longue histoire en centre-ville, sont orientés dans la zone par la recherche d’un espace plus ouvert et de coût foncier abordable. Cette diversité d’origine se remarquant dans le bâti, recrée une concentration des populations dans des zones spécifiques. En fait, en fonction des origines rurales ou urbaines, des regroupements spatiaux s’opèrent, commandés par les prix du foncier se différant selon les zones. Les populations d’origine urbaine sont concentrées en général à Malika sur mer et à la cité SONATEL alors que les dernières vagues d’origine rurale s’installent souvent dans les zones maraîchères. La constance de la croissance démographique, finit par susciter la consommation de la quasitotalité des terres occupables. Par conséquent, elle participe à la formation d’une connexion du tissu urbain d’avec les localités environnantes, par le mitage des anciennes terres de parcours et d’agriculture sous pluie, constituant les traits de ruralité de la localité. Désormais, de par ses fonctions, ses caractères démographiques, le mode de vie de ses populations, Malika vit au rythme de la ville.
Etapes et faits de la croissance spatiale de l’occupation humaine
L’évolution urbaine de la localité, par le rythme des installations et les origines des populations, se caractérise par diverses phases. De 1976 à 1988, phase contemporaine aux sécheresses, la population y a plus que doublé, passant de 3079 à 7391, soit une croissance annuelle moyenne de 6.7%. Les facteurs migratoires évoqués plus haut étaient particulièrement le moteur de cette évolution spectaculaire. Cette situation de croissance, sans connaître de répit, continue dans l’intervalle de 1988 à 2002 mais à un rythme peu modéré, débouchant sur une population de 14167 individus, soit un accroissement annuel moyen de 4.5%. Cependant, face au découpage administratif consécutif à la décentralisation, l’espace communal subit des amputations. Cette situation, entraînant une diminution des capacités d’accueil et d’extension, reste à la base de la décélération de la croissance urbaine, se situant désormais à 2.5%. Cette concentration de la population en zone périphérique, s’accompagne sans nul doute des besoins en logements, en nouveaux équipements et infrastructures. La satisfaction de ces exigences, pour un cadre de vie décent, aboutit à un accroissement de la surface bâtie. Cependant, en vue de satisfaire ces besoins et de prévenir une occupation irrégulière, les services de l’urbanisme et de l’Aménagement du territoire (SNHLM, SICAP, SCATURBAM), ont été installés depuis l’époque coloniale. Or, non seulement les obligations à remplir en vue de bénéficier des logements de ces organismes défavorisent les ménages démunis (composant en grande partie la population urbaine), mais avec le rythme démesuré des installations, ces services parapublics et privés demeurent incapables d’assouvir toutes les demandes en logement. La croissance urbaine échappe donc à tous les services urbains. L’augmentation de la population régionale aboutit à une forte urbanisation, 96.7%. Celle-ci est marquée par une forte concentration dans les agglomérations de Pikine, Dakar, et Guédiawaye dont les densités sont respectivement de 8868, 12146 et 20029 habitants au km2. Cette situation a provoqué une défaillance des services en charge de la gestion urbaine, perceptible dans la localité par l’utilisation irrationnelle des sols et la prolifération des quartiers irréguliers. Au lendemain de l’érection du village en C.A, en vue d’assouvir les demandes foncières dans la zone de destination des néo-citadins ainsi que des ruraux, de nouveaux lotissements, s’adjoignent aux premiers quartiers d’extension spontanée. En effet, au sud le seul quartier d’habitat planifié, érigé en 1996, profite aux employés de la SONATEL. Ce quartier, occupé par des personnes de niveau de vie plus élevé, est plus desservi par les réseaux d’adduction d’eau et d’électricité ; ainsi, il bénéficie également d’un bon niveau d’équipement. Aussi, se localise, au nord, le quartier né des lotissements opérés en 1998 par le pouvoir traditionnel, très influent dans la gestion foncière de la localité, avec le concours de la municipalité et d’un géomètre. Malgré le découpage en lots à l’image d’un quartier planifié, l’implication du pouvoir traditionnel, dans la parcellisation porte préjudice au statut du quartier. A l’intérieur de ce dernier, aucun espace destiné à une création d’équipements futurs n’est identifié. Ce quartier, ayant fortement participé au recasement des migrants intra-urbains, se détourne de son objectif premier consistant à recaser les autochtones en proie à la promiscuité des concessions familiales. La quasi-saturation de l’espace communal constituant 10% des terres du département de Pikine, suite aux fortes demandes accroissant par conséquent le prix foncier, oriente désormais les installations dans les bas-fonds, lieux des cultures maraîchères. En plus du caractère spontané des occupations, l’un des problèmes da la forte croissance urbaine dans la zone reste l’occupation des terres agricoles, impropres au bâti. Ces quartiers périphériques s’élargissant par extension spontanée, se distinguent des autres par ses ruelles sinueuses, impénétrables, mais aussi par ses parcelles hétérogènes à l’inverse de celles des quartiers planifiés de taille standard. Ces situations y rendent difficile une surimposition des VRD. Leurs populations vivent donc dans des risques plus particulièrement celles du quartier Diamalaye, jouxtant la décharge de Mbeubeusse dont il n’est séparé que par une ruelle d’environ 5m. La densification du bâti dans ces zones à multiples risques témoigne la saturation de l’espace. En somme, la croissance spatiale urbaine, appuie la mise en place d’une conurbation partant de la connexité de la localité d’avec celles environnantes. Cette situation intègre désormais Malika, de par sa démographie, ses fonctions, ses habitations dans le rythme de la ville, même s’il subsiste quelque part des traits de mode de vie villageoise. L’évolution constante de la population de Malika, due en partie à ses fonctions d’accueil de migrants attirés par la ville de Dakar, passant de 3079 en 1976 à 16107 habitants en 2007, se conjugue sans nul doute d’une extension spatiale de l’espace bâti. De 5 ha en 1954, 100 ha en 1980, 1564.1 ha en 1989, Malika connaît une rapide extension spatiale, résultant de nos jours sur l’occupation des zones impropres à l’habitat face à la saturation de l’espace. Ceci se matérialise par l’évolution du nombre de concessions qui de 1988 à 2002 est passé de 696 à 1596. Les terres d’agriculture sous-pluie 60 ha, maraîchères et pastorales 63.8 ha en 1989, séparant Malika de Keur Massar et Yeumbeul, disparaissent pour céder la place à une connexité des localités. La substitution des zones agricoles en des lieux d’habitation a été facilitée par la dégradation climatique dépréciant ainsi l’agriculture face à la spéculation foncière prévalant dans la localité suite aux besoins de terres formulés par les ruraux chassés par la misère dans les campagnes. C’est à partir des années 1970 que la vente des terres a commencées. L’octroi de parcelles se faisait sans contrepartie monétaire. Seul du sucre, en guise de reconnaissance, était donné au cédant. La valeur financière du foncier l’emporte de nos jours, même avec de bonnes conditions climatiques, sur l’importance économique du maraîchage. Ceci justifie la vente intense des parcelles d’activité maraîchères pour l’habitation, malgré les risques d’occupation de ces zones de nappe affleurante. La tendance de telles pratiques est perpétuelle, si l’on prend en compte le nombre déjà important des installés ainsi que des bâtiments en construction. En dehors des installations dans les sites marécageux à multiples risques, la décharge de Mbeubeusse qui, jadis était très esseulée par rapport aux habitations, accueille désormais des individus, nonobstant les risques sanitaires probables qu’elle recèle. Outre les maisons des récupérateurs installées dans la décharge, le quartier Diamalaye n’est séparé de celle-ci que par une ruelle. Ces faits y traduisent l’acuité de l’extension spatiale. En somme, Malika connait une extension spectaculaire qui se heurte cependant à des barrières infranchissables telles que la décharge de Mbeubeusse et les deux lacs. A défaut de cela, l’occupation humaine, qui a connu le noyau originel, situé près de la mosquée entre les deux lacs, comme point d’appui à l’extension, et qui s’est ensuite successivement orienté vers l’ouest (donnant naissance aux quartiers Médina Peulh 1 et 2), l’Est, le sud et sud-ouest, le nord et désormais les zones maraîchères, ne laisserait vacant aucun espace. Les extensions se sont opérées de diverses manières, obéissant à des réseaux de sociabilité, débouchant sur des occupations par affinités ethniques. En effet, Malika est caractérisée par une organisation ethnico-spatiale. Au fait, les migrants venant rejoindre leurs familles, s’installaient souvent à proximité de celles-ci, créant ainsi la continuité du tissu urbain. A l’encontre d’autres ethnies, les Diolas et Manjacques s’installaient dans des lieux isolés de l’espace habité, résultant sur un habitat entrecoupé de champs qui de nos jours ont accueilli les habitations. L’intense extension spatiale concourant à la saturation spatiale s’aperçoit à travers les caractères des habitations marqués par la promiscuité surtout dans les zones d’extension résultant de la densification du bâti. La rare existence de la cour dans ces maisons, contrairement aux quartiers centraux, témoigne la saturation de l’espace communal liée à l’épanchement de l’espace habité. Cette extension spatiale a suscité en 2009 l’érection de deux nouveaux quartiers à savoir Darou Salam extension situé à l’Est et Arafat à l’Ouest de la localité.
L’électrification
Malika a connu l’électrification en mai 1963. L’éclairage public est assuré dans les rues secondaires ainsi que sur le long de la route des Niayes traversant la localité. Néanmoins il fait défaut dans certaines zones. La superposition des cartes du degré d’équipement électrique à celles de la durée d’occupation des personnes révèle un sous équipement des zones périphériques du Nord-ouest et du Nord-est anciennement constitués de terres maraîchères. Dans ces zones, en dehors de la rare électrification des rues, contrairement à celles d’occupation originelle, la coélectrification à l’aide de fils enfouis est récurrente dans les habitations. Cependant, dans les zones de Malika Nord et cité SONATEL de niveau de vie assez élevé, ces problèmes ne s’y rencontrent pas.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : DU VILLAGE AU QUARTIER DE LA BANLIEUE DE L’AGGLOMERATION DE DAKAR
CHAPITRE I : L’ESPACE ET LES HOMMES A MALIKA
CHAPITRE II : LES SERVICES URBAINS DE BASE
CHAPITRE III : DES DONNEES PHYSIQUES, ATOUT POUR LE MARAICHAGE
DEUXIEME PARTIE : UNE ZONE DE MARAICHAGE DANS LA PERIPHERIE URBAINE DAKAROISE
CHAPITRE I : IMPORTANCE DE L’ACTIVITE MARAICHERE DANS LA LOCALITE
CHAPITRE II : LES SYSTEMES DE PRODUCTION
CHAPITRE III : TYPOLOGIE DES ACTIVITES RELATIVES AU MARAICHAGE
TROISIEME PARTIE : ENJEUX DU MARAÎCHAGE FACE A LA PRESSION URBAINE A MALIKA
CHAPITRE I : LE MARAICHAGE : UNE ACTIVITE PERCUE DIFFEREMMENT
CHAPITRE II : L’EXTENSION SPATIALE DE LA VILLE : AVANTAGE OU CONTRAINTE POUR LE MARAÎCHAGE A MALIKA ?
CHAPITRE III : PERENNITE DU MARAICHAGE FACE A L’EXTENSION SPATIALE URBAINE
CONCLUSION GENERALE
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