Contexte contemporain de l’enseignement de la géographie en classe
Audigier (2011b) indique que les conceptions de l’apprentissage d’aujourd’hui sur lesquelles les didactique se sont développées depuis 1970 se référent en très grande majorité aux théories constructivistes et socioconstructivistes, qui mettent l’accent sur le rôle déterminant de l’activité de l’élève et de la réutilisation des connaissances antérieurs, ou prérequis, dans le processus de construction de ses connaissances, dans le domaine des sciences sociales, ces théories sont couplées au courant de la pensée sociale (Lautier, 1994, 1997), qui accorde une part importante aux effets de contexte, à la diversité des modes de compréhension et à la place centrale accordée aux échanges et aux relations verbales entre les élèves, ainsi qu’entre les élèves et l’enseignant, en ce sens, les moments de débat sont à privilégier, ainsi qu’ à celui des représentations sociales, qui constitue un mélange de la pensée naturelle issue du sens commun, c’est-à-dire, de ce qui vient des mondes dans lesquels vivent les élèves et qui souvent leur paraissent implicites, et de la pensée scientifique, constituée de fragments plus ou moins appropriés par les individus (Moscovici, 1976, cité par Audigier, 2011b), dont l’école joue un rôle essentiel pour son appropriation.
Meirieu (1991) va dans ce sens en mentionnant que l’élaboration d’une séquence didactique ne doit en aucun cas consister à remplacer le sens commun par ce qui relève du savoir scientifique, mais de construire des outils relevant en priorité du monde scientifique pour aider l’élève à mettre à distance le sens commun, à raisonner et complexifier ses savoirs de façon à ce qu’il puisse faire preuve d’une pensée systémique, surpassant ainsi les simples liens de causalité linéaire (Freudiger, Fink & Iseli, 2011).
Ainsi, en prenant en considération le niveau des prérequis du sujet, les contraintes spécifiques à un objectif d’apprentissage, il faut se demander, lors de la construction en amont de la séquence didactique, quelle tâche il est possible de proposer, de telle manière qu’en les effectuant, le sujet rencontre un obstacle cognitif, qu’il puisse en faire un problème et le résoudre par lui-même afin d’acquérir une habileté cognitive nouvelle, mobilisable en face d’autres problèmes qui auront été identifiés comme ayant les mêmes caractéristiques (Meirieu, 1991).
La construction des apprentissages
Le défi posé par un tel travail réside dans le fait d’aller à la rencontre des élèves sans pour autant perdre de vue la discipline, ce qui demande de leur part un effort pour s’habituer à travailler pour faire de la géographie et de la part de l’enseignant, une transcription adaptée aux différentes finalités. L’élaboration d’un contrat entre les élèves et l’enseignant prend alors tout son sens.
Meirieu (1991) distingue deux facteurs à prendre en compte : d’une part, il y a le thème, les événements qui constituent l’objet du travail, d’autre part, l’enjeu demandé au sens des produits à réaliser et des tâches à accomplir. Pour justifier de l’utilité d’une démarche d’apprentissage, les relations entre connaissances et actions demeurent une préoccupation nécessaire pour sortir de l’implicite et inviter ainsi les élèves à verbaliser explicitement leurs représentations.
Audigier (2011b) replace précisément cette pensée dans le domaine de la géographie : il considère qu’il existe deux phases dans l’enseignement : la construction d’un savoir au travers d’un détour disciplinaire, que les élèves doivent ensuite pouvoir mobiliser et réinvestir dans ce qu’il nomme la phase de retour, sous la forme de débats ou autres situations adidactiques dans lesquelles les tâches sont dévolues aux élèves (Brousseau, 1998). Il s’agit alors de définir précisément le terme de “ dévolution ” : Dans l’usage courant, ce terme est perçu comme une relation forte voire passionnelle entre une personne et une autre entité. Ainsi, la dévolution que peut vouer un père à son enfant outrepasse toute limite rationnellement discernable. Sans atteindre ces extrêmes, la dévolution dans le milieu scolaire suit quelque peu ce principe.
Pour Brousseau (1998), la dévolution est l’acte par lequel l’enseignant fait accepter à l’élève la responsabilité d’une situation d’apprentissage ou d’un problème et accepte lui-même les conséquences de ce transfert. Il s’agit donc d’un processus par lequel l’enseignant fait en sorte que les élèves assument leur part de responsabilité dans l’apprentissage. Ce principe est très utile pour des disciplines telles que les mathématiques ou les Sciences de la nature.
Cependant, les didacticiens des sciences sociales n’ont guère utilisé la théorie des situations de Brousseau, mais davantage celle dite des “ situations problèmes ” (Lenoir & Tupin, 2011), en favorisant la démarche d’enquête par le surpassement de dissonances cognitives, par l’élimination des contradictions, par accommodation des schèmes cognitifs, posées par une situation pour parvenir à un état d’équilibre des schèmes cognitifs (Piaget, 1937). Varcher (1998) précise qu’en géographie, une telle démarche ne réside pas forcément dans le fait de franchir un obstacle bien précis, mais plutôt comme un support ou un projet sans lequel il ne saurait y avoir d’apprentissage.
Hertig & Varcher (2004) ont alors appliqué le principe de dévolution au contexte de la géographie, en précisant que pour qu’un moment de dévolution puisse se dérouler correctement, il faut que les élèves soient mis en posture de recherche et construisent ainsi leurs savoirs sans qu’ils ne soient décontextualisés ou dénaturés par un découpage arbitraire. Cette démarche s’inscrit essentiellement sur un modèle socioconstructiviste, bien que les auteurs reconnaissent l’apport du béhaviorisme pour ce qui concerne les capacités que les élèves doivent mobiliser ou reproduire lors de la démarche d’enquête (comme par exemple, appliquer une méthodologie rigoureuse pour extraire de l’information d’un document, ce qui relève de l’objectif SHS33 dans le PER).
L’objectif consiste ainsi à faire prendre conscience aux élèves du sens de leur apprentissage, et cela se fait par un travail sur le rapport qu’ils entretiennent au savoir, afin qu’ils puissent s’investir dans un rapport de dévolution, ce qui implique que l’enseignement doit se faire en premier lieu en fonction des attentes, des questions et des aspirations personnelles des élèves, pour qu’ainsi, ils puissent véritablement ressentir que les leçons répondent à leurs attentes personnelles. Cette démarche se doit bien sûr d’être cadrée par les objectifs d’apprentissage du plan d’étude. La conciliation entre les attentes des élèves et la rigidité du plan d’étude est facilitée, puisque la prise en compte des attentes du PER indique clairement une volonté des auteurs de mener les apprenants vers des finalités scientifiques, patrimoniales et pratiques, dans le but de former les futurs citoyens.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
2. OBJECTIFS
3. PROBLEMATIQUE
4. CADRAGE
4.1 Enjeux de la transposition didactique
4.1.1 Contexte contemporain de l’enseignement de la géographie en classe
4.1.2 La construction des apprentissages
4.1.3 De quelles compétences faut-il favoriser le développement ?
4.1.4 Rôle de l’enseignant
4.1.5 Eveil à l’altérité
4.2 Le processus de problématisation
4.2.1 Enjeux
4.2.2 Principes didactiques pour organiser une séquence d’enseignement-apprentissage
4.3 Le rapport au savoir
4.3.1 Le sens des apprentissages
4.3.2 L’éducation non-formelle
4.3.3 La différenciation
4.3.4 Plus-value d’une pédagogie de projet
4.3.5 Rapport au savoir et motivation
4.3.6 Le rôle de l’enseignant
5. HYPOTHESES DE RECHERCHE
6. PRESENTATION DU DISPOSITIF
6.1 Moyen d’enseignement
6.2 Méthodologie de recherche
7. RESULTATS ET ANALYSES
7.1 Feedback général des élèves
7.2 Sens donné à l’apprentissage et rapport au savoir
7.3 Vision de la géographie et conformité avec l’esprit du PER
7.4 Effets des activités des élèves sur la motivation
7.5 Prise en compte de l’altérité
7.6 Bilans de savoirs
CONCLUSION
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