L’industrie électrique européenne est définie par Thomas P. Hughes comme un « système sociotechnique comprenant des composantes technologiques, mais aussi institutionnelles et organisationnelles, de même que des ressources naturelles et une législation » [35]. Elle s’est construite au fil des années d’abord dans une perspective nationale pour évoluer ensuite vers un large système interconnecté. Son évolution est le résultat d’une mutation cherchant à minimiser les coûts et à trouver les moyens les moins chers et les plus accessibles pour la production. A ses débuts, l’hydroélectricité et le charbon ont été les ressources les plus plébiscitées à cet effet. L’héritage fossile en particulier fait de la production d’électricité et de chaleur la première source d’émission de gaz à effet de serre devant le transport en Europe. L’engagement dans la décarbonisation du secteur entraîne un besoin de restructuration de l’appareil productif qui doit continuer à garantir une sécurité d’approvisionnement et l’adéquation entre l’offre et la demande.
Le bilan environnemental de la production mondiale d’électricité
L’électricité tient indéniablement une place prépondérante dans l’ensemble de nos sociétés modernes. Elle constitue un vecteur aujourd’hui presque exclusif pour de nombreux usages déterminant le niveau global de développement économique et humain d’un pays. La disponibilité de la ressource électrique conditionne l’activité industrielle, la fourniture de services tels que l’éducation, la conservation des aliments, la communication, le fonctionnement des centres de santés, des institutions financières, pédagogiques… [36] Ainsi, les pays les moins avancés (PMA) sont ceux où les taux d’accès à l’électricité sont les plus faibles. Selon le rapport 2017 du CNUCED sur les pays les moins avancés [37], 62% de la population desdits pays n’a pas accès à l’électricité contre 10% dans les autres pays en développement. A l’échelle mondiale, la demande finale d’électricité a connu une croissance spectaculaire au cours des 50 dernières années. En 2017, elle représentait 18,9% de la demande finale énergétique contre 9,4% en 1973. En volume, elle a été multipliée par 4 sur la même période, passant de 6131 à 25606 TWh [38].
La production électrique mondiale est largement dominée par l’utilisation de ressources fossiles. En 2017, elles ont fourni près de 61,5% de l’électricité finale [38]. Dans les centrales de production utilisant ces dernières, l’énergie cinétique et/ou thermique issue la combustion de charbon ou de gaz naturel – et dans une plus faible part de pétrole ou d’autres ressources fossiles (lignite, tourbe, schistes bitumineux) – est convertie en énergie mécanique pour l’alternateur puis en électricité. L’élément déclencheur de cette chaîne, la combustion du fossile carboné, s’accompagne également d’émissions de CO2 et d’autres polluants atmosphériques. Sur le plan statistique, la fourniture d’électricité et de chaleur représente un peu plus de 40% des émissions mondiales de CO2 en 2017. Ces RFCs illustrent les implications du réchauffement et de l’adaptation limitée pour les personnes, les économies et les écosystèmes. Il apparaît clairement qu’une augmentation non maîtrisée de la température moyenne du globe augmentera le risque d’évènements climatiques extrêmes.
Les plans de maîtrise des émissions
Au vu de cette perspective et de l’augmentation globale d’environ 1°C déjà atteinte, l’Accord de Paris a affirmé l’engagement des Parties signataires à agir pour «contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels …». Chaque Partie est ainsi tenue de communiquer une contribution déterminée au niveau national qui participe de l’effort commun pour atteindre un plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre ‘dans les meilleurs délais’ [39]. Dans les différentes projections du GIEC en lien avec les objectifs ∆T<2°C, ce plafonnement des émissions de CO2 sera atteint entre 2020 et 2030 [40]. Au nombre des contributions des différentes Parties, celle l’Union Européenne, responsable aujourd’hui d’environ 10% des émissions mondiales de CO2, se décline en trois paquets climatiques. Le premier paquet climat-énergie, dit paquet 3 fois 20, fixe comme objectifs pour 2020 : 20% de réduction des émissions de GES par rapport à 1990, 20% de la production totale d’énergie issue de renouvelables, amélioration de l’efficacité énergétique de 20%. A l’horizon 2030, les objectifs sont : une réduction des émissions de GES de 40% par rapport aux niveaux de 1990, une part des énergies renouvelables d’au moins 32% et une amélioration de l’efficacité énergétique d’au moins 32,5%. Enfin, dans une vision à plus long terme, l’Union vise une réduction des émissions de GES de 80 à 95% et une neutralité carbone en 2050 portées par sept piliers stratégiques :
◆ Une maximisation des avantages de l’efficacité énergétique dans l’industrie et le bâtiment portée par la rénovation, une meilleure intégration des sources d’énergie renouvelables et des outils financiers adaptés,
◆ Une maximisation du déploiement des énergies renouvelables et une forte électrification des usages,
◆ Une mobilité propre, sûre et connectée,
◆ Une économie circulaire plus généralisée,
◆ Une optimisation de l’utilisation de la ressource bioénergétique et la création de puits de carbone,
◆ Un développement du captage et stockage du carbone.
A ce titre, les différents pays membres sont tenus de communiquer chaque nouvelle décennie depuis 2010 leurs stratégies nationales de réduction des émissions des GES en lien avec les objectifs de l’UE.
Quelle place pour le secteur électrique dans la réduction des émissions ?
Tant en Europe que de manière générale à l’échelle mondiale, le secteur électrique joue un rôle déterminant dans l’atteinte des objectifs environnementaux. Dans le scénario SDS de l’AIE visant une augmentation de la température moyenne globale d’environ 1.7-1.8°C et une atteinte des objectifs (3), (7), (13) et (6) du développement durable , la production électrique mondiale augmente de 45% en 2040 par rapport à 2017. Cette croissance de la demande électrique est le reflet d’une plus grande utilisation de l’électricité dans les autres secteurs notamment l’industrie (+16%), les transports (+1020%) et les bâtiments (+43%). L’électricité représente à terme 28% de la demande finale énergétique en 2040 avec des émissions de CO2 qui baissent de 75% par rapport à 2017. En Europe, le secteur électrique est projeté comme le réceptacle de nouveaux usages et la production électrique pourra d’après les projections de la Commission Européenne augmenter jusqu’à 2,5 fois les niveaux actuels en 2050 [41]. Eurelectric [42], [43] délivre un message similaire en identifiant le rôle transversal de l’électricité de par son interaction avec les autres secteurs énergétiques. L’électrification directe et indirecte dans le transport, les bâtiments et l’industrie seront cruciales pour réaliser le découplage de la croissance (de la demande) et des émissions de GES. Dans les projections les plus ambitieuses, l’électricité pourrait représenter jusqu’à 63% de la demande du transport, 63% de la demande des bâtiments et 50% de la demande industrielle pour une « décarbonisation profonde » de l’économie Européenne en 2050.
La satisfaction de cette demande devra néanmoins passer par un appareil productif complètement renouvelé, troquant une bonne partie de sa production thermique –polluanteclassique contre des moyens de production peu ou nullement émissifs de CO2 et d’autres polluants atmosphériques. Les sources de production renouvelable sont indéniablement les plus plébiscités aujourd’hui. L’AIE estime pour atteindre les objectifs de son scénario SDS, environ 66% de la production électrique mondiale en 2040 devrait provenir de sources renouvelables. Entre 2000 et 2017, la part des renouvelables variables (solaire et éolien) a connu une forte croissance, passant de 0,2% de part de la production électrique à 6%. Cette dynamique a été fortement différenciée par régions du monde. L’Asie, tirée par la Chine, a connu un développement fulgurant des capacités éoliennes et solaires installées entre 2007 et 2017. La capacité totale installée en Asie a été multipliée par 25 (par 91 pour le solaire et par 15 pour l’éolien) sur cette période, atteignant 411 GW en 2017.
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Table des matières
Remerciements
TABLE DES MATIÈRES
LISTEDES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
Acronymes
Unités
INTRODUCTION GENERALE
Le projet Clim2Power
Objectifs et contributions de cette thèse
Organisation du mémoire
VALORISATION DU TRAVAIL DE THÈSE
Publications
Communication dans un congrès
Posters
CHAPITRE 1 : ENJEUX ACTUELS ET FUTURS DU SYSTEME ELECTRIQUE EUROPEEN
Introduction du chapitre 1
1. Le bilan environnemental de la production mondiale d’électricité
2. Les plans de maîtrise des émissions
3. Quelle place pour le secteur électrique dans la réduction des émissions ?
4. L’appareil productif européen
5. L’essor des interconnexions
6. Le marché électrique européen
Conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2 : CONSTRUCTION D’UN MODELE PROSPECTIF POUR L’ETUDE DU SYSTEME ELECTRIQUE EUROPEEN
Introduction du chapitre 2
La complexité du système électrique
Le réseau électrique
Grandeurs de contrôle : fréquence et tension
La fiabilité du système électrique
Dispatch et planification des investissements
Enjeux de planification : positionnement de la démarche prospective adoptée
Typologie des modèles de systèmes énergétiques
Classification des modèles de prospective
Le choix d’une modélisation TIMES pour étudier le système électrique européen
Le modèle eTIMES-EU pour le secteur électrique européen
Couverture géographique du modèle
Horizon temporel et décomposition en pas de temps
Structure du système énergétique de référence
La confrontation des sources de données
La modélisation des filières non renouvelables
Le nucléaire
Le charbon
Le gaz
Les produits pétroliers, les schistes et les déchets non renouvelables
La modélisation des filières renouvelables
Le solaire
L’éolien
La ressource hydraulique
La géothermie
La biomasse
L’énergie marine
Les moyens de stockage de l’électricité
Le stockage dans les batteries et les STEP
Le stockage sous forme d’hydrogène
Réseaux et interconnexions
La réserve de pic
Les technologies CSC
Conclusion du chapitre 2
CHAPITRE 3: ETUDE PROSPECTIVE DU SYSTEME ELECTRIQUE EUROPEEN AVEC LE MODELE eTIMES-EU
Introduction du chapitre 3
Construction du scénario de référence
La demande de services finaux
L’électricité
La demande électrique du secteur du transport
La demande de chaleur
Le prix des ressources
Le prix des ressources fossiles
Le prix de la tonne de CO2 et les facteurs d’émissions
Le taux d’actualisation
Les rythmes de déploiement de capacité
Le nucléaire
Les sources non renouvelables hors nucléaire
Le solaire
L’éolien sur terre
L’éolien en mer
La ressource hydraulique
La ressource géothermique
La bioénergie
Les centrales marines
Apports de la décomposition temporelle
Construction d’une représentation sur 12 pas de temps
Résultats de la comparaison
L’opération du système électrique
L’évolution des flux d’investissements
Le système électrique dans le scénario de référence
L’évolution du mix de production
A l’échelle globale
L’équilibre offre-demande
A l’échelle des pays
Focus sur des pays particuliers
Les échanges d’électricité
Les émissions de CO2
Les investissements dans les capacités de production
CONCLUSION GENERALE
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