Enjeux actuels et futurs de la recherche pour le diagnostic de l’IRA 

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Nouvelles approches d’optimisation du diagnostic d’IRA

A la vue de l’importance clinique de l’IRA et des limites des critères diagnostiques actuels et de leur mise en œuvre, la nécessité de développer de nouveaux outils pour optimiser le diagnostic de l’IRA est évidente. Ce domaine a fait et fait l’objet d’une recherche intensive ces dernières années.
Ces nouveaux outils sont de deux sortes :
– d’une part de nouveaux marqueurs, principalement des biomarqueurs, plus performant pour la détection de l!IRA et qui permettront à terme d!en redéfinir les critères diagnostiques 254,261–263,307;
– d’autres part des outils basés sur les critères actuels mais optimisant leur mise en œuvre pour leur permettre une efficacité maximale 20.
L’ensemble de ces nouvelles approches pourraient améliorer la prise en charge en permettant :
– une détection plus exhaustive des épisodes de souffrance rénale ;
– un diagnostic plus précoce, à un stade où une intervention thérapeutique a le plus de chance d’être efficace ;
– une meilleure caractérisation de l’IRA tant sur le plan du mécanisme lésionnel en jeu, de la localisation ou de la gravité de la souffrance tissulaire ;
– une meilleure prédiction et évaluation précoce de la réponse aux traitements.

Les nouveaux marqueurs d’IRA :

Outre des marqueurs déjà existant mais moins disponibles en routine, des recherches intensives ont été menées ces dernières années pour développer des outils plus performants 254,261–263,307. La liste de ces nouveaux biomarqueurs candidats est extrêmement longue, raison pour laquelle nous limiterons notre étude détaillée aux mieux validés.
Ces nouveaux marqueurs peuvent être séparés en fonction de l’anomalie qu’ils décrivent (Figure 14). On distingue ainsi :
– des marqueurs fonctionnels pouvant évaluer la fonction de filtration rénale (cystatine C sanguine, proenképhaline, mesure du DFG inuline/EDTA) mais aussi la fonction de réabsorption tubulaire (albuminurie, B2-microglobuline, cystatine C urinaire),
– des marqueurs de stress épithélial (TIMP2*IGFBP7),
– des marqueurs de lésion épithéliale (NGAL, LFABP, KIM1, NAG),
– des marqueurs inflammatoires (MCP1, IL18…),
– des signatures sans mécanisme précis associé (Omics).
Malgré les améliorations apportées par certains d’entre eux, leur utilisation reste limitée en pratique clinique quotidienne avec actuellement une utilisation restreinte à la recherche ou à des situations très particulières. L’approbation récente de certains de ces marqueurs dans certains pays (TIMP2*IGFBP7 en Europe et aux Etats-Unis 308, LFABP au japon 309) fait espérer un élargissement des possibilités d’accès à certains de ces marqueurs en routine.

Marqueurs fonctionnels :

Cette première famille de marqueurs sert à évaluer la fonction rénale soit sur le plan de la filtration soit sur le plan de la fonction tubulaire, c’est-à-dire le retentissement de l’agression. Cependant ces marqueurs possèdent une limite commune en ne renseignant pas sur les lésions ou la souffrance  tissulaire.

Mesure DFG Inuline/EDTA :

Ce groupe de biomarqueur constitue le véritable gold standard de l’évaluation de la fonction de filtration rénale en permettant une évaluation quasi parfaite 310–314.
Le principe consiste en l’administration parentérale (IV ou SC) d’un biomarqueur purement exogène, dont la quantité administrée est précisément connue. Après administration, le biomarqueur se distribue dans le milieu intérieur sans liaison aux protéines avant d’être exclusivement éliminé par filtration rénale sans phénomène de sécrétion ou réabsorption 313,314. Plusieurs biomarqueurs ont été utilisés avec de bonne performances (Inuline, Sinistrine, Iohexol, Iothalamate, EDTA, EDPA) 310. Ils sont détectables soient nativement par dosage spécifique (Iothalamate, Iohexol, Inuline, Sinistrine), soit couplés à un radiomarqueur (51Cr-EDTA, 125I-Iothalamate, 99mTc-DTPA) soit couplés à un autre agent de contraste (Gad-DTPA).
Deux méthodes peuvent ensuite être utilisées à partir de ces biomarqueurs pour mesurer le DFG : soit l’évaluation de la cinétique de décroissance de la concentration plasmatique, soit la mesure de sa clairance urinaire. Le choix doit s’adapter au contexte et aux sources de biais potentielles 310,312–315.
Néanmoins l’utilisation de ces marqueurs, possible en contexte chronique, n’est pas compatible avec la pratique clinique en contexte aigu en raison de la lourdeur de leur mise en œuvre, des contraintes techniques et de la lenteur d’obtention des résultats en particulier en présence d’une clairance altérée. Leur utilisation dans ce domaine est donc exclusivement limitée aux activités de recherche sans perspective de transfert en pratique.

Cystatine C :

La cystatine C a été l’un des premiers biomarqueurs alternatifs à la créatinine identifié. Cette protéine non glycosylée de poids moléculaire réduit (13 kDa), appartenant à la superfamille des cystatines, est exprimée et sécrétée par toutes les cellules nuclées, ce qui garantit une production relativement constante à l’échelle de l’organisme, en particulier indépendamment de la masse musculaire ou de l’alimentation 263,316,317,317–320. Cependant, certaines conditions ou stimuli environnementaux modulent son expression comme l’âge, le sexe, l’exposition à de fortes doses de glucocorticoïdes, les dysthyroïdies ou encore la grossesse 316,317,321– 323,323–326. Une fois sécrétée, elle est complètement soluble dans le milieu intérieur sans liaison aux protéines et son volume de distribution se limite au secteur extracellulaire 262,263. La cystatine C est éliminée par voie rénale en étant librement filtrée au niveau glomérulaire avant réabsorption au niveau tubulaire proximal par endocytose grâce au système mégaline/cubuline en compétition avec les autres protéines filtrées telle l’albumine 262,327. Après endocytose, elle est complètement dégradée 316,317. Aucun phénomène de sécrétion significatif n’existe au niveau tubulaire en condition physiologiques. En condition pathologique, en présence d’un épithélium tubulaire endommagé, les échanges tubulaires de cette molécule peuvent néanmoins être perturbés avec apparition d’une rétrodiffusion (back-leak) ou d’une sécrétion passive.
La cystatine C peut être utilisée comme marqueur de l’AKI soit par dosage plasmatique soit par dosage urinaire.
Au vu de sa production constante, indépendante de facteur environnementaux tels l’âge ou la masse musculaire et de l’absence de sécrétion tubulaire, la concentration de Cystatine C plasmatique est principalement déterminée par le débit de filtration glomérulaire. Elle constitue un estimateur de la fonction de filtration rénale en situation chronique aux performances supérieures à la créatininémie ou aux estimations du DFG qui en découlent 328. En contexte aigu, en plus des avantages sus-cités lui conférant toujours des performances supérieures à la créatininémie, son volume de distribution réduit, confère à la cystatine un profil de variation plus rapide après agression permettant ainsi une détection plus précoce (24-48h) de l’altération fonctionnelle. Cela a été confirmé par plusieurs études dans différentes situations d’agression rénale 263,329–336.
Malgré ces avantages certains, la cystatine plasmatique reste un marqueur imparfait de la fonction rénale en particulier en situation aiguë pour plusieurs raisons :
– Certains facteurs indépendants du DFG peuvent moduler la concentration sérique de cystatine rendant impropre son utilisation dans ces situations mais imposant de les rechercher en pratique (dysthyroïdie, grossesse, glucocorticoïdes fortes doses, sepsis …).
– En situation aiguë la valeur brute, à l’image de la créatinine, n’est pas toujours un bon reflet de l’ampleur de l’altération fonctionnelle aigue imposant plutôt de s’intéresser à la cinétique de Cystatine C pour de meilleures performances 260,272,337.
– Enfin, en situation aigue, se rajoute le problème que les variations détectables de ce marqueur sérique sont toujours retardées par rapport à la perte de fonction de filtration rénale bien que moins que pour la créatinine.
– Il s’agit d’un marqueur purement fonctionnel évaluant le retentissement de l’agression sur la fonction de filtration et non la présence d’une souffrance ou de lésions tissulaires accessibles à un traitement.
La concentration urinaire est d’interprétation plus difficile mais peut être utilisée comme marqueur de dysfonction tubulaire proximale indépendamment du DFG sous la forme du ratio cystatine urinaire / Créatinine urinaire 329,338–341. Une augmentation de ce ratio étant alors le reflet d’une dysfonction de la réabsorption au niveau de ce segment tubulaire. Néanmoins, une saturation du système mégaline cubuline par une protéinurie excessive est possible 342. Cette augmentation survient précocement (24h) après l’agression à l’image de l’augmentation des taux sérique 336. Ce marqueur permet une évaluation plus fine avec détection d’une souffrance ou de lésions tubulaires proximales, sites particulièrement sensibles aux mécanismes lésionnels, même en l’absence d’altération de la fonction de filtration.

Proenképhaline (PENK) :

Proenkephaline A 119-159 (PENK ou pENK ou penKid ou Proenkephaline), est un polypeptide (40 aa, 4.5 kDa) obtenue par clivage d’un précurseur des enképhalines 343–345. Ce précurseur est exprimée en conditions basales par de nombreux tissus en particuliers au niveau du rein 343,344,346 mais sa production est possiblement augmentée en cas d’atteinte d’organe notamment au niveau cardiaque 343,347. Son clivage permet la libération d’enképhalines, médiateurs de la réponse au stress, mais aussi du peptide PENK. PENK, bien que supposé inactif, a une durée de vie prolongée (> 48h) et est facilement dosable dans le plasma 344. Sa production, supposée être le reflet de la production d’enképhalines 343,348, est connue comme indépendante de certains paramètres généraux 348,349 mais aussi de certains contextes pathologiques tels le sepsis 348. Ce peptide, non lié aux protéines plasmatiques, est supposé librement filtré par le glomérule sans sécrétion ni réabsorption ultérieure 343.
Sa concentration plasmatique s’élève en cas d’insuffisance rénale aiguë 343,350–362 ou chronique 360,363. Cette augmentation, attribuée essentiellement à un défaut de filtration rénale bien qu’une augmentation de la production intra-rénale ou autres (cardiaque) puisse aussi participer 343, est fortement corrélée au DFG en contexte instable 348,353,356–359,364 mais aussi stable 349,360,363 en particuliers quand celui-ci est mesuré avec la technique de référence 349,360,364. Ainsi l’évaluation de ce taux permet de diagnostiquer précocement (Admission ou < 24h 353,354,356,359–361) l’apparition d’une insuffisance rénale aiguë (critères variables) avec des performances élevées, comparables aux biomarqueurs les plus performants (AUROC = 0.725-0.87 348). Plus encore l’étude de la cinétique (J1/J2) de PENK après agression optimise encore les performances diagnostiques 356,359.
Cependant ce marqueur reste imparfait pour plusieurs raisons :
– Il n’est bien évalué que dans le contexte des patients de réanimation et à fortiori avec un sepsis. Sa concentration plasmatique pourrait être potentiellement dépendante d’autres paramètre que la fonction de filtration rénale, ce qui pourrait limiter son utilité dans d’autres situations.
– La quantification d’un marqueur s’accumulant en réponse à une insuffisance rénale aigue est toujours retardée par rapport au timing de l’agression.
– Il s’agit d’un marqueur purement fonctionnel évaluant le retentissement de l’agression sur la fonction de filtration et non la présence d’une souffrance ou de lésions tissulaires accessibles à un traitement.

Marqueur de stress épithélial : Le couple Tissue Inhibitor of Metalloproteinase 2 (TIMP-2) et Insulin-like Growth-factor Binding Protein 7 (IGFBP7) :

Ce produit de marqueurs, seul représentant de sa catégorie est un marqueur de stress épithélial permettant de mettre en évidence que l’épithélium en souffrance tente de s’adapter.
Tissue Inhibitor of Metalloproteinase 2 (TIMP-2) est une glycoprotéine de 220 aa (21 kDa) 394 exprimée notamment au sein de l’épithélium tubulaire rénal en conditions basales 395,396 avec une régulation complexe surajoutée faisant intervenir des intermédiaires essentiels de la réponse au stress cellulaire (TGFβ1 397 ou HIF 398). TIMP2 joue un rôle de signal auto et paracrine permettant d’arrêter le cycle cellulaire via l’induction de l’expression de p27, un inhibiteur des complexes CDK-Cyclines (Cdk4-CyclinD, Cdk2-CyclinE), bloquant ainsi les cellules à la transition G1/S 399–401. Insulin-like Growth-factor Binding Protein 7 (IGFBP7) est une protéine de 282 aa (29 kDa) fortement exprimée dans le rein en condition basale en particulier au sein de l’épithélium tubulaire proximal 396. Elle serait capable d’exercer des fonctions de signalisation directes, de manière autocrine et paracrine 399, telle l’induction d’expression de P21 et P53, deux inhibiteurs des complexes CDK-Cyclines, jouant ainsi un rôle direct dans l’arrêt du cycle cellulaire399,402–404.
TIMP-2 et IGFBP7, sont considérés comme un couple de biomarqueurs associé à l’arrêt du cycle cellulaire, une réponse cellulaire classique à divers stress physiologiques ou pathologiques comme nous l’avons vu précédemment 254,399. Leurs concentrations urinaires augmentent, bien que de manière variable, en réponse à diverses agressions rénales aussi bien dans les modèles animaux 395 qu’en pathologie humaine 405–420. Cela serait la conséquence d’une libération accrue du contenu cellulaire épithélial principalement tubulaire proximal bien que d’autres mécanismes tels une augmentation de l’élimination urinaire des molécules plasmatiques secondaire à une augmentation de perméabilité glomérulaire ou une réduction de la réabsorption tubulaire proximale soient possibles (protéinurie > 1g/L) 395. Cette augmentation, bien que de timing variable suivant le contexte, est précoce : détectable dès 1h post agression avec un maximum vers 4 à 6 heure en post-chirurgie cardiaque par exemple 406–408,411,421,422.
Le produit de ces concentrations [TIMP2] *[IGFBP7] /1000, sans normalisation 399,423, a pu être validé dans le diagnostic précoce de l’AKI en contexte divers. Les performances semblent très correctes pour la détection des AKI modérées à sévères (KDIGO 2/3) dans diverses agressions (AUC variables 0.7-0.97 mais généralement voisines de 0.85) 399,405,406,408,411–416,419,420,422,424. Le bénéfice de cet indicateur semble moins net pour le diagnostic d’IRA tout stade (AUC 0.58-0.9) 407,409,410,412,413,416–418,420–422,425–431. Le seuil utilisé, bien qu’encore débattu, se situerait entre 0.2 et 0.4 (ng/mL)². En complément de cet intérêt diagnostique, ce produit présente un possible intérêt pronostique permettant de détecter les AKI persistantes 432 et le risque de progression vers des stades plu élevés 433. C’est également le seul marqueur ayant prouvé sa capacité, dans le contexte d’une chirurgie cardiaque avec circulation extra-corporelle, à identifier précocement (4h post CBP) un sous-groupe de patient pour lequel une prise en charge plus intensive (optimisation glycémique, optimisation hémodynamique, éviction néphrotoxique, surveillance rapprochée…) permet de réduire le risque d’IRA 434.
Néanmoins ce produit présente plusieurs inconvénients :
– Bien que considéré comme un marqueur de souffrance épithéliale, il est surtout performant pour détecter des IRA modérées à sévères et moins les IRA légères ou infracliniques. Pourtant, ces dernières sont également associées à un pronostic général ou fonctionnel péjoratif et potentiellement autant, voire même plus, accessibles à un traitement 10,28.
– Ses performances surtout validées dans des indications standardisées principalement en réanimation mais sont moins clairement évaluées en contexte tout venant avec parfois des performances décevantes 435.
– Leurs performances semblent dépendantes de l’étiologie de l’IRA et des anomalies urinaires associées. Celles-ci sont altérées dans certaines pathologies comme la néphrotoxicité des sels de
platine où leur apport diagnostique est rapporté comme nul par certaines études 429 ou encore en cas de protéinurie > 1g/L 395.
– Le cut-off optimal est aussi potentiellement dépendant du contexte notamment en présence d’une insuffisance rénale pré-existante 436.
Ces marqueurs ont été approuvés pour utilisation en Europe et aux États-Unis et peuvent être dosés par des kits de dosage commerciaux (NephroCheck®, AKIRisk®).

Marqueurs de souffrance épithéliale :

Cette famille de marqueurs témoigne de la présence d’une souffrance avec changement de différenciation au sein de l’épithélium tubulaire.

NGAL :

Neutrophil gelatinase-associated lipocalin (NGAL), aussi appelée lipocaline-2 (LCN2) ou sidérocaline, est un polypeptide de 25 kDa, exprimé faiblement par de nombreux tissus et types cellulaires en conditions basales 261,437,438. Son expression est fortement et précocement (dès 1 à 3 heures) induite en réponse à une agression ischémique ou toxique au sein du tissu rénal accompagnée d’une accumulation particulièrement importante au sein du tubule proximal 439,440. Cette augmentation d’expression s’accompagne d’une augmentation précoce de sa concentration urinaire et plasmatique, détectable dès 1 à 3 heures avec un maximum 6 à 12 heures après l’agression 440–446. Il présente des performances diagnostiques variables (AUC 0.60-0.95) en fonction de la situation d’étude avec une particulière efficacité dans certains contextes, en cas d’agression précisément datée et d’absence de MRC préexistante 261,263,340,341,392,446–452. Dans certaines études il semble même le plus performant 341.

Soluble Kidney Injury Molecule-1 (KIM-1) :

KIM-1, aussi appelé T cell immunoglobulin mucin domains-1 (TIM1) ou Hepatitis A virus cellular receptor-1 (HAVCR-1), est une glycoprotéine transmembranaire de type 1 (104 kDa) 135. KIM-1 n’est pas détectable dans le rein en conditions normales 134,453 mais son expression est fortement induite en contexte de diverses agressions rénales au pôle apical des cellules tubulaires proximales en souffrance/dédifférenciées chez l’animal ou l’humain 134,453–461. KIM-1 est potentiellement clivé enzymatiquement par des métalloprotéases dans sa région juxta-membranaire libérant KIM-1 soluble (sKIM-1 90 kDa) détectable dans les urines 135,454,460,462–464. Son excrétion urinaire est corrélée à la souffrance tubulaire proximale et à l’expression tissulaire rénale induite de KIM1 dans des modèles animaux 454 mais aussi en pathologie humaine 453,460. La cinétique de ce sKIM1 dans les urines est variable suivant le type d’agression mais semble relativement précoce. Dans le modèle de l’agression rénale ischémique (ischémie reperfusion ou chirurgie cardiaque programmée avec CEC), mécanisme lésionnel le plus classique, une augmentation très précoce (2-3h) est détectable avec un maximum à 48h puis une décroissance lente sur plusieurs jours 446,460,464–466. Plusieurs études ont confirmé que l’utilisation du ratio sKIM-1/Créatinine permet de diagnostiquer de manière efficace et précoce une souffrance tubulaire proximale dans divers modèles animaux avec une meilleure efficacité que les marqueurs traditionnels (créatinine sérique, urée sanguine) 454,467. Chez l’homme, les résultats sont plus contrastés avec des performances variables suivant les études et les mécanismes de l’IRA AUC = 0.71 – 0.92 340,341,446,448,465,466,468,469. La seule méta-analyse disponible estime une performance globale AUC à 0.86 dans le diagnostic de l’IRA en divers contextes d’agression 470.

Liver Fatty Acid Binding Protein (L-FABP):

Liver Fatty Acid Binding Protein (L-FABP ou FABP-1) est une protéine de 127 aa (14-15 kDa) principalement exprimée au sein du foie mais également par de nombreux autres organes tel le rein, le tube digestif, le pancréas ou encore le poumon dans divers type cellulaires 262,471,472. Dans le rein humain, L-FABP est fortement représentée, au sein des cellules de l’épithélium tubulaire proximal 262,471,473. L’origine de la protéine identifiée dans le tubule proximal n’est pas clairement identifiée, celle-ci pouvant être issue d’une expression locale mais aussi d’une réabsorption via le couple mégaline/cubuline après filtration dans l’urine primitive 474. A noter que chez les rongeurs, son expression rénale est extrêmement faible justifiant le recours à des modèles transgéniques pour étudier sa fonction et sa redistribution après agression 475,476. Son expression basale est potentiellement régulée au niveau transcriptionnel par de nombreux facteurs de transcription (HNF1, SRE, PPAR…) 472, des conditions pathologiques (dyslipidémie) mais aussi certains traitements (Statines, Fibrates) 262,472. Son expression tissulaire rénale et sa libération urinaire sont augmentées très précocement 261,443,448,451,477–483 en contexte de diverses agressions à la fois chez l’homme et l’animal 448,450,451,473,476–482,484,485.
Son dosage urinaire peut être utilisé comme marqueur de lésion épithéliale (marqueur de souffrance épithélial) de l’IRA avec de bonnes performances (AUC 0.7 – 0.96) dans divers contextes d’agression et à différents timing précoces (H0-H12) 261,340,341,448–452,477–483. Il pourrait même avoir des propriétés prédictives avant certaines agressions pour la survenue d’une IRA 478,486 ou après d’autres pour la progression 487. L’utilisation de son taux sanguin, bien que moins documentée, est aussi évoquée comme marqueur diagnostique potentiel dans une forme particulière d’IRA, notamment la (survenue d’un retard à la reprise de fonction rénale post-transplantation) dans une petite cohorte de 67 malades, avec des bonnes performances (AUC 0.9) 488.

Interleukine 18 :

L’interleukine 18 (IL-18) est une cytokine appartenant à la superfamille IL-1 254,262,489,490. Le précurseur de cette cytokine est exprimé par les cellules immunitaires, mais aussi certaines cellules épithéliales notamment un sein du tubule proximal rénal, sous la régulation de NFKb. Ce précurseur nécessite un clivage, principalement par la Caspase 1 après assemblage de l’inflammasome NLRP3, pour former son dérivé bioactif, l’Il-18 (18kDa), ensuite libérée dans le milieu extérieur où il va agir sur différents récepteurs spécifiques (Il18r) induisant un effet proinflammatoire (stimulation de l’expression de IFNγ, stimulation de la cytotoxicité, expression des molécules adhérence, expression de chimiokines pro-inflammatoires…). L’IL18 est décrite comme impliquée dans de nombreuses pathologies inflammatoires (Psoriasis, NigA, MICI, Still, SEP, asthme, SARS…) 254,489,490. L’expression de l’Il18 est induite dans le rein, principalement en lien avec une augmentation de l’expression épithéliale, de manière caspase-1 dépendante, en réponse à de nombreux modèles animaux d’IRA 262,491,492. Sa concentration urinaire est également augmentée précocement (admission ou <24h) en pathologie humaine dans de nombreuses situations d’IRA avec lésions tubulaires proximales et associées à un pronostic péjoratif 392,493–496. Néanmoins ces performances sont imparfaitement reproductibles et au plus équivalentes aux autres biomarqueurs pour le diagnostic IRA AUC 0.7 (0.58-0.83)
340,341,392,495,497–500.

Les Omics :

L’avènement de nouveaux outils technologiques, notamment la spectrométrie de masse et éventuellement les procédés de séparation moléculaire, a permis l’évaluation à grande échelle et sans a priori certaines classes molécules dans les urines ou le sang après agression avec l’objectif de permettre un diagnostic plus précoce et une stadification plus fine de ces épisodes 501–504. Plusieurs classes moléculaires peuvent ainsi être évaluées avec chacun leurs avantages et inconvénients :
– Le protéome : Il correspond à l’étude des assemblages d’acides aminés de plus fort poids moléculaires (> 10 kDa). Il est porteur d’une information assez étendue avec des concentrations assez facilement détectables dans divers fluides biologiques. Il présente l’avantage d’être très proche de la physiologie, déterminé par l’abondance de la protéine issue de sa production et/ou de sa libération avec une interprétation possible sur le plan mécanistique. Il présente l’inconvénient de nécessité un pré-traitement plus important et d’une moins grande reproductibilité. Il est également peut stable dans les échantillons après collection notamment en lien avec l’hydrolyse spontanée ou enzymatiques des protéines dans les fluides biologiques 502,504.
– Le peptidome : Il correspond à l’étude des peptides, assemblages d’acides aminés de faible poids moléculaires (< 10 kDa). Il est porteur d’une information complexe en raison de sa très grande diversité avec des concentrations assez facilement accessibles dans les fluides biologiques et des variations plus rapides après exposition à un stress aigu tel l’ARA. Il ne nécessité qu’une procédure d’extraction simple sans digestion préalable avant analyse sur machine. Il présente également l’avantage de plus grandes reproductibilité et stabilité dans les échantillons que le protéome ou le métabolome. (Klein 2016) Cependant il présente certaines limites : il est déterminé certes par la disponibilité des protéines sources mais également par l’activité de protéases et endopeptidases rendant une interprétation physiopathologique complexe ; il est porteur d’une diversité importante posant des problèmes lors de l’analyse biostatistique (fausse découverte, overfitting) .
– Le métabolome : Il correspond à l’évaluation des composés de très faible poids moléculaire (< 1-1.5 kDa) à l’image des lipides simples, des acides aminés, des hydrates de carbones et de leurs dérivés. Son étude est plus récente en lien avec des difficultés techniques supplémentaires. Il est porteur d’une information plus simple, en raison de sa plus faible diversité. Cependant, les concentrations de métabolites varient plus rapidement (“en temps réel”) que les protéines ou même les transcrits, en faisant un candidat intéressant pour évaluer l’adaptation à des situations de stress aigu comme l’ARA notamment dans l’optique d’identifier des biomarqueurs précoces. Il présente également l’avantage de pouvoir être exploré par certaines techniques ne nécessitant qu’une préparation limitée (RMN) comparativement aux autres techniques 501,502. Il présente néanmoins un certain nombres de limites : une moindre stabilité de ces composants dans les échantillons nécessitant une analyse rapide après prélèvement sous peine de biais techniques important ; une possible influence par des facteurs environnementaux indépendant de la situation pathologique étudiée (apport alimentaire ou IV…) ; une plus grande simplicité limitant de facto l’information apportée ; la moindre sensibilité notamment de certaines techniques ne permettant une quantification que des espèces les plus abondantes notamment dans certains fluides biologiques 501,502,504.
Ces diverses approches sans à priori, ont permis la découverte ou la confirmation de nouveaux candidats biomarqueurs, détectables principalement dans les urines de modèles animaux d’IRA 505–508 ou de patients IRA 393,505,509–515 mais également dans le sérum 506,516.
Ces nouvelles techniques ont aussi abouti à l’émergence du concept de signature. Ce concept pousse à l’extrême l’idée de base qu’un seul biomarqueur ne permettant pas d’appréhender la complexité de ce syndrome, une combinaison d’un nombre plus ou moins important de ces marqueurs serait bien plus performante pour détecter et classifier les épisodes d’IRA. 502 Plusieurs études ont identifié des signatures Omics permettant un diagnostic précoce d’IRA avec des performances supérieures (AUC 0.8-0.9) aux biomarqueurs traditionnels dans différentes situations aussi bien par peptidomique 517–520, qu’en protéomique 521,509,512ou par métabolomique 507,514.

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Table des matières

1. Généralités
A. Définition de l’insuffisance rénale aiguë (IRA)
B. Epidémiologie et étiologies
C. Evolution et importance clinique
2. Physiopathologie
A. Description physiopathologique schématique
A.1. Mécanismes lésionnels de l’agression rénale aiguë
A.2. Réponse tissulaire rénale à l’agression, de l’adaptation à la lésion
A.3. Apparition d’une altération fonctionnelle
A.4. La réparation, séquelles et transition IRA-MRC
B. Régulation de l’adaptation à l’agression et de la réparation : un rôle pour HNF-1β ?
B.1. Description générale
B.2. Maladie liée aux anomalies du gène HNF1B
B.3. Rôles rénaux d’HNF-1β et la piste métabolique
3. Diagnostic et prédiction de l’IRA
A. Avantages et limites des critères diagnostiques actuels
B. Nouvelles approches d’optimisation du diagnostic de l’IRA
B.1. Les nouveaux marqueurs d’IRA
B.2. Les outils d’optimisation de la mise en oeuvre des critères diagnostiques
B.3. Enjeux actuels et futurs de la recherche pour le diagnostic de l’IRA
C. Prédire l’IRA
C.1. Identification des facteurs de risque
C.2. Création de scores cliniques ou clinico-biologiques sur les données de routine
C.3. Identification des marqueurs prédictifs spécifiques et éventuelle combinaison aux scores
C.4. Prédiction automatisée et alertes
C.5. Enjeux actuels et futurs de la recherche pour la prédiction de l’IRA
4. Conclusion
Travaux de thèse
Axe 1 : Rôle du facteur de transcription HNF-1β dans les cellules épithéliales tubulaires proximales sur l’orientation du métabolisme en conditions basales et après agression
Axe 2 : Anomalies de la biosynthèse du NAD et efficacité d’une supplémentation alternative
Axe 3 : Utilisation des « Omics » dans le diagnostic précoce de l’IRA post-chirurgie cardiaque avec CEC
Conclusion générale
Références

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