La problématique : intérêts du transport de surface
Le transport participe à la construction de la vie des hommes, à leurs choix de lieux de résidence, d’activités et de loisirs. Il est aussi un outil qui nous permet d’organiser la vie, avec moins de contraintes de déplacement, d’une manière autonome. C’est la raison pour laquelle le besoin d’utiliser les transports ne cesse d’augmenter. Cependant, l’automobile est aujourd’hui mise en cause au regard des défis du développement durable pour des raisons liées aux nuisances que son utilisation induit (bruit, pollution, insécurité), à « consommation » d’espace qu’implique ce mode, et plus encore à sa contribution au changement climatique du fait de l’utilisation massive d’énergie d’origine fossile. De plus, le nombre et la taille des infrastructures ne pouvant évoluer au même rythme que le nombre de véhicules routiers en raison de la double pression des contraintes économique et environnementale, le développement d’une mobilité « tirée » par l’automobile se heurte à la congestion croissante des zones urbaines denses.
Or la ville d’aujourd’hui est elle-même en pleine mutation. Les enjeux en sont liés à la fois au cadre de vie et à l’environnement, à la qualité des services et à leurs conditions socio-spatiales d’accès, et de manière inséparable, à la maîtrise de l’urbanisation, pour rendre celle-ci plus compatible avec la maîtrise les consommations d’énergie. Dans ce contexte, la démographie, l’évolution des modes de vie, les « tensions » des marchés foncier et immobilier sont observées avec une plus grande attention. Dans ce contexte, le transport apparaît plus que jamais comme une composante essentielle non seulement du bon fonctionnement de la ville en lien avec les activités commerciales, industrielles, sociales, culturelles et touristiques, et la possibilité pour chacun de réaliser ses « programmes d’activités » quotidiens, mais aussi comme partie intégrante des politiques d’aménagement, en bref, comme un élément majeur des politiques publiques urbaines.
Constatons ici que le transport public a connu au cours des quarante dernières années une remarquable évolution. Ainsi, la redécouverte de certains systèmes de déplacements « modernes » et performants dont le tramway par les grandes métropoles françaises a fortement contribué à la croissance de l’offre de transport public et à l’amélioration de leur qualité de service. Hors Ile de France, les réseaux en site propre assurent désormais la moitié des déplacements de transport en commun dans cinq agglomérations, alors qu’en 1998 ce n’était le cas que pour celle de Lille.
La création de nombreuses lignes de transport en site propre (TCSP) a permis de diversifier l’offre de transport et a entraîné une amélioration qualitative de l’offre de transport des réseaux concernés. Les véhicules des transports en commun en site propre sont plus confortables que les autobus classiques. Ils sont tous climatisés et disposent d’un plus grand nombre de places assises. La vitesse commerciale des lignes de TCSP constitue pour les usagers le principal avantage de ce mode de transport. Pour les métros, elle se situe entre 26 et 35 km/h et pour les tramways entre 15 et 21 km/h, alors qu’elle est habituellement beaucoup plus faible pour les lignes de transports urbains classiques sans site propre. Par ailleurs, les TCSP permettent une forte amélioration des conditions d’exploitation, et les agglomérations dotées d’un TCSP offrent en général de meilleures fréquences moyennes sur l’année que les réseaux sans « site propre ».
En montant d’investissement, les tramways représentent globalement la masse la plus importante sur la période 1994-2002 avec 58 % du total, contre 37 % pour les métros et 5% pour les bus . On constate un net renforcement des transports de surface au détriment des métros beaucoup plus coûteux. Par ailleurs, les avantages d’un projet de TCSP dépassent souvent le strict cadre des transports publics pour s’inscrire dans une politique globale des déplacements et une stratégie de développement de l’agglomération. Il n’est pas qu’un moyen de transport mais considéré comme un incontestable fil conducteur de la politique des déplacements et de l’urbanisme pour la ville et l’agglomération. Les TCSP, moins polluants et moins bruyants que les modes de transports collectifs plus classiques, puisqu’il s’agit souvent de véhicules électriques, devraient en outre favoriser l’amélioration de l’environnement. La réalisation de « sites propres » est enfin l’occasion de développer des projets urbains comportant l’aménagement de la voirie, la rénovation de l’éclairage public, la création d’espaces verts, de pistes cyclables et l’élargissement de trottoirs pour favoriser la marche à pied. Les lignes de TCSP deviennent alors des axes d’aménagement urbain dont la vocation est de redistribuer les activités dans la ville et de revitaliser les centres urbains ou les quartiers disqualifiés afin de renforcer la cohésion sociale. Enfin, ils peuvent faciliter l’intégration du transport ferroviaire dans les dessertes urbaines (tram/train, pôles d’échange multimodaux).
C’est la raison pour laquelle les collectivités qui se sont engagées dans des Plans de Déplacements Urbains ont parfaitement intégré les multiples possibilités offertes par un projet de transport en site propre. De plus, par l’engagement du développement durable, nous nous intéressons de plus en plus au développement des réseaux de transport en commun qui nous semble un des éléments importants pour limiter les nuisances émises par la voiture et assurer les besoins de déplacement du futur. Avec le développement des TCSP de surface (tramways, bus en site propre), les autorités organisatrices peuvent favoriser un partage plus équilibré de la voirie entre ses différents usages, collectifs et individuels. Elles obligent ainsi, par la matérialisation d’espaces réservés aux usages collectifs, à une redistribution de la voirie au profit des transports en commun.
À la différence des couloirs de bus, qui assurent théoriquement une voie de circulation réservée aux transports collectifs mais sont souvent obstrués par des automobiles, les « sites propres » sont exclusivement affectés aux transports en commun et ne sont pas soumis aux aléas de la circulation, puisqu’ils sont inutilisables et non franchissables par les voitures particulières sur la majeure partie de leur tracé et bénéficient d’une priorité lorsqu’ils traversent le réseau viaire urbain. À titre d’exemple, dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, l’État français a pris des mesures concrètes afin de mettre en œuvre ce développement du transport public et favoriser la mobilité urbaine durable . Rappelons que le gouvernement s’est alors engagé à consacrer une enveloppe de 2 milliards d’euros aux TCSP, les 2/3 de cette enveloppe étant actuellement engagés ou en cours d’engagement.
le transport guidé de surface
Nous avons évoqué les différents intérêts du transport collectif en site propre (TCSP). Actuellement, en France, il existe en principe deux systèmes: un système basé sur la technique ferroviaire dont le tramway et un système basé sur la technique routière dont l’autobus. Mais cette dichotomie se trouve remise en cause par le développement de plusieurs gammes du système de transport dit « intermédiaire » plus ou moins différentes, et se situant « entre » le tramway et l’autobus.
Ces systèmes de transport « intermédiaire » font presque toujours l’objet de deux argumentations contrastées : l’une favorable et l’autre défavorable. Du côté des « pour », on parle d’une véritable « révolution » dans le domaine du transport : « le même service que le tramway à moindre coûts » ou « un meilleur service que celui offert par l’autobus aux mêmes coûts ». Il est vrai qu’avec une image de marque supérieure à celle de l’autobus, l’accès à de réels sites propres grâce au guidage, une traction électrique non-polluante, une grande flexibilité, un plancher bas intégral, le système intermédiaire basé sur la technique ferroviaire ou routière présente des atouts incontestables.
Mais du côté des « contre », on constate que cela ne permet pas d’atténuer la polémique autour du transport en commun, notamment en terme d’utilisation de fonds publics : « gaspillage d’argent public » ou inefficacité de son utilisation. Les comparaisons sont d’autant plus difficiles que le coût d’estimation des systèmes guidés de surface peut varier considérablement selon qu’on compte ou pas les frais de maîtrise d’œuvre et de maîtrise d’ouvrage, les acquisitions foncières, les coûts liés à la réfection de la voirie et des canalisations. En outre, l’appréciation des premiers effets induits par les TCSP est malaisée, en raison du manque de précision des objectifs visés. Rares sont d’ailleurs les autorités organisatrices à s’être véritablement livrées à des évaluations socioéconomiques rigoureuses.
De plus, les nouveaux systèmes de transport n’ont pas amené la « révolution » que promettaient les promoteurs des systèmes intermédiaires, mais au contraire ils ont parfois été confrontés à des difficultés techniques. Plusieurs incidents ont par exemple contrarié la vie des usagers du transport sur voie réservée (TVR) exploité à Nancy puis à Caen. La direction des transports terrestres a diligenté une expertise sur la sécurité du système de guidage utilisé, au terme de laquelle le Conseil Général des Ponts et Chaussées a formulé en 2003 un certain nombre de recommandations techniques visant à assurer une plus grande sécurité du dispositif. En parallèle, le tramway, jugé dans les années trente comme un système obsolète, tout au moins par certains pays dont la France, a fait un grand retour en améliorant ses performances, montrant sa capacité d’adaptation à s’intégrer dans les enjeux actuels du transport et même de la ville.
Dans ce contexte compliqué, il est difficile de juger si les systèmes intermédiaires constituent une alternative aux systèmes classiques, et si oui, sous quelles conditions. Pour autant, la question ne peut pas être éludée : ces « systèmes intermédiaires » sont particulièrement évoqués pour assurer une offre de transport pour les villes de taille moyenne ou dans les grandes agglomérations pour la desserte de banlieues de densité moyenne, là où la capacité nécessaire varie entre 2 000 et 6 000 passagers par heure et par sens. Ce besoin, en pleine croissance dès lors que l’objectif est d’étendre les territoires bien desservis par les TC, montre bien l’intérêt potentiel de ces systèmes et leur place possible dans l’offre des systèmes de transport entre le tramway et l’autobus, ce dernier incluant le développement des BHNS .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : ENJEUX ACTUELS DU TRANSPORT ET LES PROBLEMES LIES A SON EVALUATION
1. DEFINITION DES TERMES DU TRANSPORT
1.1. HISTOIRE DU TRANSPORT EN COMMUN
1.2. TRANSPORTS EN COMMUN EN SITE PROPRE (TCSP)
2. L’EMERGENCE DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT DURABLE
3. ENJEUX ACTUEL DU TRANSPORT : LE TRANSPORT « DURABLE »
4. ÉVALUATION ET CHOIX DES SYSTEMES DE TRANSPORT
4.1. ANALYSE COUTS/AVANTAGES
4.1.1. Principes de l’analyse coûts/avantages
4.1.2. Critiques de l’analyse coûts/avantages
4.2. RECOMMANDATION DU CERTU POUR LE CHOIX DU TCSP
4.2.1. Problèmes liés à la recommandation du Certu
4.3. DEMARCHE PROPOSEE
CHAPITRE II : METHODES D’ANALYSE MULTICRITERE
1. METHODES DE CHOIX
1.1. METHODES BASIQUES (ELEMENTAIRES)
1.1.1. Méthode catégorique (Timmermans 1986)
1.1.2. Méthode de la somme pondérée (Timmermans 1986)
1.1.3. Méthode du « Maxmin » (Guitouni et Martel 1998)
1.2. METHODES D’OPTIMISATION MATHEMATIQUE MULTICRITERE
1.2.1. Goal programming
1.2.2. Méthode du critère global (Vincke 1989)
1.2.3. Méthode ε-Contrainte (Festa, Grandinetti et al. 2010)
1.2.4. Programmation mathématique à objectifs multiples (Zopounidis et Pardalos 2010)
1.3. METHODE D’ANALYSE MULTICRITERE : LES METHODES D’AIDE A LA DECISION MULTICRITERE
1.3.1. Rappels
1.3.2. Méthode d’agrégation complète : approche du critère unique de synthèse
1.3.2.1. TOPSIS : Technique for Order by Similarity to Ideal Solution (Hwang et Yoon 1981)
1.3.2.2. SMART : Simple Multi-Attribute Rating technique (Edwards 1971)
1.3.2.3. MAVT : Multiple Attribute Value Theory (Keeney et Raifa 1976)
1.3.2.4. MAUT : Multiple Attribute Utility Theory (Keeney et Raifa 1976)
1.3.2.5. UTA : Utility Theory Additive (Jacquet-Lagreze, Meziani et al. 1987)
1.3.2.6. AHP : Analytic Hierarchy Process (Saaty 1980)
1.3.3. Méthode d’agrégation partielle: approche de surclassement de synthèse
1.3.3.1. PROMETHEE (Brans, Vincke et al. 1986)
1.3.3.2. ELECTRE (Roy 1985)
2. CHOIX D’UNE METHODE ELECTRE
2.1. COMMENT EFFECTUER UN CHOIX ?
2.2. LIMITE D’UNE APPROCHE TRADITIONNELLE POUR LE CHOIX DU TRANSPORT GUIDE DE SURFACE
2.3. AVANTAGES DES METHODES MULTICRITERES
2.4. METHODE RETENUE : ELECTRE
CHAPITRE III : DESCRIPTION DES SYSTEMES DE TCSP ETUDIES
1. PETITE HISTOIRE DES TRANSPORTS URBAINS
2. TRAMWAY
2.1. TRAMWAY SUR FER « MODERNE »
2.1.1. Explication générale
2.1.2. Aspect technique
2.1.2.1. Les voies d’un tramway moderne
2.1.2.2. Revêtement
2.1.2.3. Matériels roulants
2.1.2.4. Alimentation électrique
2.1.3. Aspect économique
2.1.4. Aspect urbanistique
2.1.4.1. Emprise au sol
2.1.4.2. Accessibilité
2.2. TRAMWAY SUR PNEU : TRANSLOHR
2.2.1. Explication générale
2.2.2. Aspect technique
2.2.2.1. Les voies du Translohr
2.2.2.2. Matériels roulants
2.2.2.3. Capacité
2.2.2.4. Le guidage
2.2.3. Aspect économique
2.2.4. Aspect urbanistique
2.2.4.1. Emprise au sol
2.2.4.2. Accessibilité
3. BHNS « BUS A HAUT NIVEAU DE SERVICE »
3.1. TVR
3.1.1. Explication générale
3.1.2. Aspect technique
3.1.2.1. Les voies de TVR
3.1.2.2. Matériels roulants
3.1.2.3. Guidage
3.1.2.4. Traction électrique
3.1.3. Aspect économique
3.1.4. Aspect urbanistique
3.1.4.1. Emprise au sol
3.1.4.2. Accessibilité
3.2. AUTOBUS AVEC GUIDAGE OPTIQUE : « CIVIS »
3.2.1. Explication générale
3.2.2. Aspect technique
3.2.2.1. Matériels roulants
3.2.2.2. Guidage optique
3.2.3. Aspect économique
3.2.4. Aspect urbanistique
3.2.4.1. Emprise au sol
3.2.4.2. Accessibilité
3.3. AUTOBUS AVEC GUIDAGE MAGNETIQUE : « PHILEAS »
3.3.1. Explication générale
3.3.2. Aspect technique
3.3.2.1. Infrastructure pour Phileas
3.3.2.2. Matériels roulants
3.3.3. Aspect économique
3.3.4. Aspect urbanistique
3.3.4.1. Emprise au sol
3.3.4.2. Accessibilité
3.4. TROLLEYBUS
3.4.1. Explication générale
3.4.2. Aspect technique
3.4.3. Aspect économique
3.4.4. Aspect urbanistique
3.5. AUTOBUS
3.5.1. Explication générale
3.5.2. Aspect technique
3.5.2.1. Matériels roulants
3.5.2.2. Capacité
3.5.2.3. Autobus hybride
3.5.2.4. Autobus électrique
3.5.3. Aspect économique
3.5.4. Aspect urbanistique
3.5.4.1. Emprise au sol
3.5.4.2. Accessibilité
CONCLUSION