Dans le monde, malgré la multiplication des aires protégées, la dégradation des ressources naturelles en général, et des ressources forestières en particulier, n’a cessé de persister, amenant les politiques à se tourner vers la responsabilisation des populations rurales pour assurer la gestion de ces ressources. L’idée que la forêt ne peut être gérée aux dépens des populations qui en vivent, ni en l’absence de leur participation active, constitue aujourd’hui l’un des concepts consensuels du discours international sur la protection de l’environnement (MILOL, 2006).
A Madagascar, la biodiversité qui fait la renommée du pays connait le même sort de dégradation. Les écosystèmes malgaches comptent plus de 12000 espèces de faune et de flore, dont le degré d’endémisme est de 80% à 85 %. Pourtant 200 000 à 300 000 Ha de forêts disparaissent chaque année (BLANC-PAMARD & RAMIARANTSOA, 2003). Il fut constaté de manière récurrente que malgré la politique de protection centrée sur des interventions d’agents de l’Etat, les réglementations officiellement en vigueur n’étaient pas ou peu respectées par les populations et les communautés locales (MONTAGNE & RAKOTONDRAINIBE, 2007).En vue de remédier à cette situation, la politique environnementale malgache a connu plusieurs phases d’évolution, partant de la politique d’exclusion et de répression vers la promotion de la gestion communautaire des ressources. A partir de1990, malgré la reconnaissance de l’inefficacité des politiques d’exclusion, des années 1930 à 1990 (MONTAGNE & RAMAMONJISOA, 2009), il a fallu attendre plusieurs années avant de concrétiser le transfert de la gestion (TG) des ressources naturelles, de l’Etat aux communautés locales de base (CLB) ou Vondron’olona Ifotony (VOI). A ce titre, le premier programme environnemental malgache (PE I, 1991-1997) a été consacré aux aires protégées (AP), tandis que la gestion communautaire des ressources n’a tenu une place prépondérante que dans le PE II (1997-2002). Le transfert de gestion des ressources naturelles renouvelables (TGRNR) fut concrétisé par la loi 96-025 ou loi Gelose dite Gestion Locale Sécurisée, du 30 septembre 1996. Cette dernière pose l’importance de l’association des populations riveraines à toute volonté de conservation des écosystèmes (RAZAFINDRALAMBO, 2007).
Problématique et hypothèses
Problématique
Les perceptions de la conservation de l’environnement et du développement ont toujours été différentes pour l’Etat et les communautés rurales. Si les institutions étatiques et ses organismes d’appuis fondent leurs décisions sur les connaissances techniques et scientifiques, les communautés s’appuient sur leurs connaissances traditionnelles. Pourtant, le processus de transfert de gestion contraint ces acteurs à rallier leurs logiques en vue de la réalisation d’un objectif commun. Dans le cadre du contrat de transfert de gestion, politique de gestion décentralisée des ressources, différents outils techniques sont mis à la disposition des communautés locales. Toutefois, l’appropriation de ces outils techniques reste incertaine. L’introduction d’innovations techniques dans le milieu rural a souvent abouti à des échecs, ce qui a imposé une remise en question des méthodes traditionnelles de transfert de technologies (JANKOWSKI, 2012). De tels échecs ont contribué à l’émergence du concept de participation, reconnue aujourd’hui comme une condition essentielle au processus de développement.
En effet, le concept de participation pose le fait que les scientifiques et les hommes politiques ne sont plus considérés comme infaillibles et doivent nécessairement prendre en considération les connaissances et les savoirs faire des paysans (AGRAWAL ARUN, 1995, BARNAUD, 2008, D’AQUINO, 2007). En particulier, l’approche participative appliquée au suivi-évaluation de la gestion communautaire des ressources naturelles vise un plus grand partage entre les acteurs locaux et les acteurs extérieurs. La cogestion des ressources naturelles met l’accent sur un échange entre les communautés et l’Etat (CARLSSON & BERKES, 2004 in BARNAUD, 2008). Un enjeu de la démarche participative de suivi-évaluation est de proposer un cadre de formation mutuelle à l’ensemble des acteurs impliqués dans les transferts de gestion et vise le renforcement des « capabilités » de ces acteurs (AUBERT, RAHAJASON, & GANOMANANA, La modélisation d’accompagnement pour le suivi de l’impact des transferts de gestion à Madagascar, 2012). L’évaluation participative devient alors, pour les communautés locales, un moyen d’analyser leurs pratiques plutôt qu’un instrument de contrôle social entre les mains de l’État (GARON & ROY, 2001). D’autre part, de nombreuses critiques pèsent sur démarche participative et notamment sur les systèmes participatifs de suivi-évaluation. Leur appropriation effective par les populations rurales est souvent remise en question. COTE & GAGNON, en 2005, fait état d’un bilan mitigé la stratégie de participation à l’évaluation et au suivi des impacts, malgré l’ampleur des moyens déployés, à cause des lacunes des dispositifs participatifs et de la conduite des acteurs. Selon (THOMAS, 2006), les stratégies de promotion des savoirs autochtones ne servent que rarement les intérêts de ceux qui en sont détenteurs.
Présentation du SITG
Définition et objectifs du SITG
Le SITG est un ensemble de procédures et d’outils permettant, aux acteurs, d’apprécier les effets et impacts des TGRNR. L’objectif principal du SITG est de promouvoir une vision partagée sur l’impact réel des TGRNR sur la conservation de la biodiversité (impact écologique), sur le respect et l’acceptation des règlementations de gestion (impact juridico-institutionnel) et, sur l’amélioration des conditions de vie des populations (impact socioéconomique). Un autre objectif est d’appuyer une démarche d’évaluation participative qui favorise un cadre d’échanges d’informations permettant à chaque acteur/ partie prenante du TG, d’apprécier le rôle de tout un chacun dans la gestion durable des RNR et de réorienter ses pratiques de gestion.
Conception du SITG
La conception du SITG a mobilisé la « modélisation d’accompagnement » (ComMod).L’objectif initial de la démarche ComMod vise à construire, à partir de la multiplicité des points de vue, une représentation partagée d’un processus impliquant des dynamiques écologiques et des dynamiques sociales. L’application de la modélisation d’accompagnement à la conception et à l’utilisation d’un système de suivi-évaluation des transferts de gestion vise le renforcement des « compatibilités » de ces acteurs au travers d’un processus pérenne d’élaboration, d’échange, d’analyse et de stockage d’informations (AUBERT, RAHAJASON, & GANOMANANA, La modélisation d’accompagnement pour le suivi de l’impact des transferts de gestion à Madagascar, 2012).
Le processus de conception du SITG s’est déroulé en trois phases :
1) Une phase d’explicitation des enjeux a conduit à la formulation participative des objectifs (principes et critères) du suivi évaluation
2) Une phase de confrontation des points de vue a conduit à l’identification participative des indicateurs du suivi-évaluation avec les acteurs parties prenantes de l’alimentation et de l’utilisation du SE
3) Une phase d’appropriation du système de suivi-évaluation (SSE) défini a reposé sur le test, l’alimentation et l’analyse du SSE au travers de plusieurs formations-actions.
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Table des matières
INTRODUCTION
METHODOLOGIE
1 Problématique et hypothèses
1.1 Contexte et problématique
1.2 Hypothèses
2 Les zones d’étude
3 Présentation du SITG
3.1 Définition et objectifs du SITG
3.2 Conception du SITG
3.3 Principes de fonctionnement du SITG
3.4 Le processus du SITG
4 Etat des connaissances
4.1 Suivi-évaluation participatif
4.2 Suivi-évaluation des TGRNR à Madagascar
5 Méthodologie de recherche
5.1 Démarche préliminaire
5.2 Méthodes de collecte des données
5.3 Analyse de données
5.4 Synthèse de la méthodologie
RESULTATS ET INTERPRETATIONS
1 Mise en œuvre effective du SITG par les acteurs locaux
1.1 Effectivité de fonctionnement du SITG au niveau des trois parties au contrat de TG
1.2 Réponses du SITG aux besoins des parties prenantes
2 Mise en œuvre effective du SITG au niveau central
2.1 Appropriation du SITG par l’Administration forestière
2.2 Réponses du SITG aux besoins de l’Administration et de ses partenaires
2.3 Faisabilité du SITG
DISCUSSIONS
1 Discussion sur la méthodologie
1.1 Représentativité des informateurs
1.2 Limite de la démarche participative
1.3 Limite de l’étude
2 Discussions sur la mise en œuvre du SITG par les acteurs locaux
2.1 Echange inégal entre les acteurs
2.2 Appropriation sélective des outils et rôles des organismes d’appuis
2.3 Implication des communautés dans le SITG et intérêts perçus
2.4 Non implication des acteurs dans le SITG malgré l’existence d’intérêts
2.5 Pérennité du SITG au niveau local
3 Discussions sur l’appropriation du SITG par l’Administration forestière
3.1 Entre l’implication de l’AF et l’appropriation du SITG
3.2 Intérêts de l’AF dans l’appropriation du SITG
3.3 Utilisation des résultats d’analyses par les bailleurs de fonds
3.4 Entre volonté et faisabilité de l’appropriation
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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