La « grande » histoire de Cossé
La Première guerre mondiale
A l’instar de nombreuses communes français, Cossé-en-Champagne a payé un lourd tribu lors de la Grande guerre. Le recensement de 1911 faisait état d’une population de 614 habitants. Le monument aux morts répertorie 17 jeunes hommes. Le pourcentage des décès durant le premier conflit mondial s’élèverait donc à un peu moins de 3% des habitants de la commune, soit 6,18% de la population masculine et 18,54 % de la génération 20-40 ans de cette même population. Le monument aux morts avait été inauguré en 1921 dans le cimetière communal puis il a été restauré et déplacé pour être davantage mis en valeur devant la mairie en 2005. Un second monument aux morts se trouve dans l’église. Il a été financé à 50% par les Américains après la Seconde guerre mondiale.
La vie des femmes restées au village a été pénible car elles ont dû assumer en plus de leurs tâches domestiques les travaux agricoles des hommes. Ceux restés à Cossé sont peu nombreux mais aussi peu utiles : « Pendant la guiére y avait pus personne, y avait pus qu’des vieux ou des estropiés de la guiére » rapporte Marie-Thérèse BYRAM selon des interviews d’anciens de la commune réalisées en 1980. Dès la fin de 1917, plusieurs dizaines de soldats américains sont logés à Cossé, représentant 20% de la population. Je me dois néanmoins ici de préciser qu’au moment des deux conflits mondiaux, mes ancêtres n’habitaient plus la commune. Aucun de mes aïeux n’a été directement touché dans sa chair durant ces deux affrontements. Je reviendrai ultérieurement sur la manière dont mon grand-père, Jean HUBERT, a traversé ces deux conflits.
Lors de la Seconde guerre mondiale, de nombreux hommes du village ont été mobilisés, ont combattu puis ont été faits prisonniers. Certains soldats ont combattu lors de l’arrivée des Allemands dans le village en juin 1940 puis ce fut la débâcle, les chefs n’ayant aucune velléité de se battre.
Les soldats ont fui plus au Sud et, épuisés par de longues marches, ont été désarmés et arrêtés par les Nazis. D’autres ont essayé de passer la Loire afin d’atteindre la Zone libre. Vingt-deux Cosséens passeront cinq années en captivité en Saxe à travailler dans les fermes des soldats mobilisés par l’armée du Reich. Seuls deux ne reviendront pas. Dès 1940, le village se trouve en zone occupée et dépendant de la Kommandantur de Laval, à 40 km. Des soldats allemands passent à Cossé sans jamais l’occuper physiquement. Ceci semble avoir eu pour conséquence de ne pas inciter les villageois à créer de cellules de résistance. Afin d’assurer la vie quotidienne, les bras masculins ont manqué mais les jeunes hommes en âge de faire leur service n’ont pas été appelés. Ils sont passés de ferme en ferme pour faire les récoltes.
D’autres restés à Cossé ont réalisé des spectacles organisés par le curé et l’instituteur en vue de récolter des fonds pour constituer des colis à adresser aux prisonniers. Les chevaux des villageois de la commune ont été réquisitionnés et échangés avec ceux malades délaissés par les Allemands. La majorité des biens de consommation courante était troquée, volaille contre sabots ou lapin contre tabac.
Le 8 août 1944, c’est à Cossé-en-Champagne qu’a lieu la première rencontre entre la Division blindée des Français libres commandée par le général Leclerc, des résistants FFI de l’Ouest et des éléments de la 3ème armée américaine commandée par le général Patton. Pour commémorer ce moment de la Libération, une borne a été inaugurée en septembre 2013.
La commune aujourd’hui
Selon les dernières statistiques de l’INSEE , relevées en 2017, les Cosséens sont au nombre de 323. Depuis une décennie au moins, la population reste stable. Elle est composée de 115 ménages. La commune possède 185 logements, 20% sont des résidences secondaires et 20% autres sont des logements vacants, ce qui ne fait que renforcer la sensation de désertification de ce village. Aujourd’hui encore, Cossé-en-Champagne demeure une commune tournée vers l’agriculture comptabilisant 12 exploitations agricoles : élevage de bovins et culture fourragère ou céréalière, une coopérative agricole, un haras, cinq artisans (électricien, serrurier,…) et un seul commerce multi-services qui regroupe un bar, une épicerie, un dépôt de pain et un restaurant. L’école maternelle et primaire publique accueille une cinquantaine d’enfants répartis en deux classes, venant de deux villages environnants, Banne et Epineux-le-Seguin. La monographie du village mentionne un chiffre similaire d’élèves il y a 120 ans lors de l’inauguration de l’école publique en 1888. Une autre école mixte existait préalablement depuis 1838 mais sans garantir la présence d’un enseignant chaque année.
Bien que la commune n’offre aucune solution d’hébergement touristique, un plan d’eau poissonneux et une aire de pique-nique permettent aux personnes de passage de se relaxer.
Le blason de Cossé-en-Champagne
Blasonnement : parti au un d’argent à un épi de blé de sinople,tigé et feuillé du même, au second d’or à trois fasces de sable dentelées en partie basse, au chef de gueules.
Cossé vient du mot Coccius, un nom d’origine gauloise dérivé d’un adjectif signifiant rouge, écarlate d’où la présence du chef de gueules. La détermination « -en-Champagne » s’applique à un paysage plat et ouvert, propice à la culture (blé). Le 2nd parti reprend les armes de la famille du Duc de Cossé-Brissac, famille noble originaire de Cossé-en-Champagne.
Cossé-en-Champagne au XIXème siècle
A partir des données figurant dans les registres de recensement ainsi que des tables décennales d’état-civil naissance, mariage et décès, j’ai pu réaliser un petit dépouillement de la population de Cossé-en-Champagne et de ses évolutions au cours du XIXème siècle. Le choix de ce siècle a une double origine : il correspond au siècle qu’a traversé mon couple principal, François Jean HUBERT et Adèle Louise Marie CHALOPIN, et il repose sur le fait que ce siècle marque le début des recensements de population fiables où tous les individus sont pris en compte, enfants compris, et non plus les foyers ou feux correspondant davantage à des registres à but d’imposition.
Il est également intéressant de voir comment les professions exercées au sein du village ont évolué et comment cette population rurale s’est peu à peu transformée et vidée de ses forces vives.
Au début du XIXème siècle, la population de la commune de Cossé-en-Champagne est estimée à 700 habitants environ, puis elle croît jusqu’en 1851 où, à son apogée, elle atteint à quelques unités près le millier d’habitants. Il s’ensuit une décroissance, de l’ordre de 8% en moyenne par période de cinq années. En l’espace d’un demi-siècle, le village a perdu plus d’un tiers de Cosséens (35,4%).
Étonnamment, le nombre de ménages est resté quant à lui d’une plus grande stabilité avec seulement un recul de 11%. Il est possible d’en déduire qu’au fil du temps, les ménages sont moins étoffés et par conséquent sans doute vieillissants.
En toute logique le nombre de mariage le plus élevé se situe dans la décennie précédant le pic de population. Dans cette première moitié du XIXème, les naissances se produisent majoritairement durant le mariage. Elles sont encore nombreuses car ne bénéficiant que de peu de contrôle, les progrès agricoles restent faibles et nécessitent encore une main d’œuvre nombreuse. La révolution industrielle poussant les ruraux vers les villes n’est pas encore amorcée.
Près de 2000 naissances ont eu lieu durant ce siècle. On dénombre moins de 50 enfants morts nés durant cette même période. Le ratio garçon/fille est de 1,06 ce qui est tout à fait la norme française. A titre d’exemple, en 2019 en France, le sexe-ratio est de 1,04 soit la naissance de 104 garçons pour 100 filles.
Jusqu’en 1870, le ratio naissance/décès reste positif de l’ordre de 1,3. Par la suite, cette tendance s’inverse, passant à un ratio négatif de 0,9. Je n’ai relevé que peu de jumeaux sur la période, pas plus de 20 pairs dont deux dans une même famille.
Le nombre de décès de personnes de sexe masculin est supérieur à celui des personnes de sexe féminin, de 1,05 en pleine cohérence avec le sexe-ratio des Cosséens à leur naissance.
L’analyse du tableau des âges ci-dessous fait apparaître qu’au cours des 65 années étudiées, la population a baissé d’un tiers et qu’elle a vieilli. En 1836, les moins de 50 ans, c’est-à-dire les forces vives, représentaient 86,1% de la population en incluant les enfants contre 74,4% en 1901. Le pourcentage des personnes âgées de 51 et plus a doublé sur cette même période. Il est à noter que le nombre d’individus de plus de 75 ans reste totalement stable. L’âge du doyen ou plus exactement des doyennes des Cosséens évolue légèrement, passant de 82 à 86 ans. Les personnes du « quatrième âge » restent en nombre négligeable.
En 1901, le nombre de nourrissons a fortement chuté par rapport au premier recensement de 1836, il est semblable à celui des aînés du village.
Les Métiers
Enfin, je me suis intéressée aux métiers exercés. Dans le tableau ci-dessous, ils sont répertoriés de manière exhaustive sur les trois recensements étudiés précisément: 1836, 1861 et 1901 (pas de données numérisées avant 1836). Il nous livre un large éventail d’activités déclarées, soit plus de 50.
Il est nécessaire de rester prudent sur les déclarations effectuées sur les fiches de renseignement car les qualifications de domestique pourraient être bien souvent similaires en termes d’emploi à cultivateur car il semble surprenant dans un monde paysan que le nombre de domestiques soit supérieur à celui des cultivateurs en 1861, cités 102 fois contre 88.
Le « Top 5 » des professions citées est : cultivateur, domestique, journalier, fileuse et ouvrier.
Certaines professions apparaissent ou disparaissent totalement au cours de l’étude comme celles de fileuses, de mineurs, de carriers ou bien encore de gendarmes. Entre les termes carriers et mineurs, il s’agit sans doute là aussi d’une évolution de linguistique, ces deux professions n’en formant en réalité qu’une seule car les mines d’anthracite de Cossé enChampagne ont été exploitées durant tout le XIXème siècle. En 1901, apparaissent de nouveaux métiers comme mécaniciens, couturières ou épiciers.
Enfin, si l’on fait un ratio, le nombre d’individus pour lesquels une activité est déclarée en comparaison avec la population recensée, le taux le plus élevé (47%) est obtenu en 1836 pour un taux moyen de 40,5% sur l’ensemble de la période.
Le mariage le 29 septembre 1828
L’acte de mariage
Ce document est essentiel à plusieurs titres. Il permet de connaître en détail des éléments de l’union de deux familles. D’un point de vue purement généalogique, l’acte de mariage permet de remonter d’une génération car il reprend de manière détaillée l’identité des parents des futurs époux. A partir d’informations relevées dans plusieurs actes d’état civil, je vais tenter de rapprocher le cas particulier de mon couple principal aux pratiques de leur siècle, le XIXème.
François Jean HUBERT et Adèle Louise CHALOPIN se sont mariés le lundi 29 septembre 1828 dans la commune qui les a vu naître tous les deux, Cossé-en-Champagne. Il est de tradition que le mariage se déroule dans la paroisse de la commune de l’épouse, le couple résidant ensuite dans celle de l’époux. Dans le cas présent, la problématique ne se pose pas.
A l’heure actuelle, où la tradition catholique marque une préférence pour le mariage religieux le samedi, on remarquera que le couple s’est marié un lundi. Est-ce surprenant au XIXème ?
Les deux jours de mariage privilégiés sont le lundi et le mardi et ce n’est pas dû au hasard. En effet, le vendredi et le samedi étaient considérés comme des jours de mauvais augure, rappelant la passion du Christ. Le dimanche était et est toujours réservé aux offices religieux donc c’est tout naturellement que nos ancêtres choisissaient de se marier dans 20% des cas le lundi et à pourcentage équivalent le mardi.
Le choix de la fin du mois de septembre n’est pas anodin non plus. Bien que n’appartenant pas à des familles d’agriculteurs, il était de tradition de ne pas se marier durant l’été car les travaux des champs y sont intenses avant les moissons et ne permettent pas d’aller à la noce.
A la lecture de l’acte, on note que François Jean est majeur à la date de son mariage, c’est-àdire qu’il a plus de 25 ans, un décret du code civil napoléonien fixant cet âge pour les garçons et 21 ans pour les femmes. Au moment de son mariage, il est âgé de 27 ans et trois mois. Son épouse a 25 ans, ce qui indique qu’elle est également majeure. Contrairement aux idées reçues, les mariés ne sont pas particulièrement jeunes. Ils se sont même mariés de manière plus précoce que la moyenne d’âge des premiers mariages de la France rurale de l’époque, celle-ci étant de 28,5 ans pour les garçons et 26,4 pour les filles.
Le contrat de mariage
Étonnamment, aucun contrat de mariage n’est stipulé dans l’acte de mariage. Néanmoins, au cours de mes recherches dans les minutes des notaires lors de ma visite aux Archives départementales de la Mayenne , j’ai pu retrouver leur contrat de mariage.
Cet acte, très courant, nous permet d’apprendre plusieurs éléments sur les futurs époux, leur régime matrimonial, leur patrimoine ainsi que les personnes qui leur étaient proches au moment de leur mariage.
La transcription de divers articles ou paragraphes de cet acte permettra de répondre à plusieurs points. Cet acte a été réalisé seulement deux jours avant leur mariage à savoir le 27 septembre 1828 devant le notaire royal de Cossé-en-Champagne, Me Michel FROGER. Bien que nous soyons ici en 1828, le notaire continue de porter la dénomination de « royal » alors que depuis le décret du 29 septembre/6 octobre 1791, les notaires sont dits « publics ». Il est possible d’émettre l’hypothèse d’une certaine nostalgie de l’Ancien régime chez ce notaire, d’autant plus que la France est à nouveau une royauté à cette date (Charles X). Au travers de l’introduction, on comprend que c’est une réunion familiale au grand complet qui s’est rassemblée autour de lui. François Jean vient accompagner de ses parents mais également de ses quatre frères et sœurs survivants âgés à l’époque de 7 à 22 ans. Sa future épouse vient accompagnée de sa mère, veuve, et de son oncle et tante maternels.
Le régime matrimonial : la communauté
« Il y aura communauté de biens entre les époux suivant le principe établi par le code civil ».
Ceci signifie que les biens meubles et immeubles des époux acquis avant et surtout pendant le mariage seront mis en commun. Néanmoins, il est stipulé qu’ils « ne seront pas tenus par les dettes et hypothèques de l’autre créées et contractées avant la célébration », ce qui permet de les protéger mutuellement d’un passif créé par l’autre conjoint.
L’article 6 du contrat indique que « Les vêtements, linges et bijoux à l’usage personnel de la future n’entreront point dans la communauté […] En conséquence, ceux du survivant ne pourront être compris dans aucun inventaire ». Il faut comprendre ici que l’épouse en cas de dissolution ou renonciation à la communauté pourra repartir avec ces quelques biens. Au vue des biens cités, même si l’on en connaît pas leur valeur, il est probable qu’ils soient modestes et de faible valeur. Un indice nous aiguille vers cette théorie est le montant de la dot perçue par les deux époux.
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Table des matières
1.Le village de Cossé-en-Champagne
1.1 La géographie physique
1.2 La toponymie
1.3 Le climat
1.4 L’agriculture
1.5 Institutions religieuses et monuments remarquables
1.6 L’industrie et le commerce
1.7 La démographie
1.8 La « petite » histoire de Cossé
1.9 La « grande » histoire de Cossé
1.9.1 La Première guerre mondiale
1.9.2 La Seconde guerre mondiale
1.10 La commune aujourd’hui
1.11 Le blason de Cossé-en-Champagne
1.12 Cossé-en-Champagne au XIXème siècle
2 Le couple principal François Jean HUBER et Adèle Louise CHALOPIN
2.1 Anthroponymie
2.2 Le mariage le 29 septembre 1828
2.2.1 L’acte de mariage
2.3 Le contrat de mariage
2.3.1 Le régime matrimonial : la communauté
2.3.2 La dot
2.3.3 La succession
2.3.4 Les signataires
2.4 L’époux
2.4.1 L’acte de naissance
2.4.2 Le registre militaire
2.4.3 Les recensements
2.4.4 Le patrimoine
2.4.5 Le citoyen
2.4.6 Le menuisier
3 La famille
3.1 Les enfants du couple
3.1.1 Adelle Marie
3.1.2 Victoire Emilie
3.1.3 François
3.1.4 Clémentine Aimée
3.1.5 Eugène Adolphe
3.1.6 Ernestine Honorine
3.1.7 Adolphe Auguste
3.2 Les frères et sœurs de François Jean HUBERT
3.2.1 Alexis Frédéric
3.2.2 Virginie Marie Perrine
3.2.3 Félicité Magdelaine
3.2.4 Julienne
3.2.5 Prosper Alexis
3.2.6 Auguste Frédéric
3.2.7 Eugène
3.3 La fratrie d’Adèle Louise Marie CHALOPIN
4 Le décès du couple
5 Les petits-enfants du couple
5.1 Enfants du couple Adelle Marie HUBERT et Constant Amédée BARBIN
5.1.1 Adèle Constance Jeanne BARBIN
5.1.2 Les jumeaux
5.2 Enfants du couple Victoire Emilie HUBERT et Almire Benoît RICHARD
5.2.1 Victoire Adèle Valérie RICHARD
5.2.2 Eugènie Marie Denise RICHARD
5.3 Enfant du couple Victorine Félicité BOUCHER et Eugène Adolphe HUBERT
5.3.1 Georges Pascal HUBERT
5.4 Enfants du couple François HUBERT et Sophie NOURRISSON
5.4.1 Camille Adolphe HUBERT
5.4.2 Clodomir Félix HUBERT
5.4.3 Anatole Victor HUBERT
5.4.4 Adelina Sophie HUBERT
5.4.5 Léa Félicie HUBERT
6 Les ascendants de François Jean HUBER
6.1 Les parents, oncles et tantes de François Jean HUBERT
6.1.1 Les parents
6.1.2 Les oncles et tantes paternels de François Jean
6.2 Les ascendants de François Jean HUBERT, 2ème génération
6.2.1 La naissance et le mariage du couple Jean HUBERT et Marie LANDEAU
6.2.2 Le décès de Jean HUBERT et Marie LANDEAU
6.2.3 Les collatéraux de Jean HUBERT et Marie LANDEAU
6.3 Les ascendants de François Jean HUBERT, 3 ème génération
6.3.1 Le couple Mathurin HUBERT et Julienne ESNAYS
6.3.2 Les collatéraux de Mathurin HUBERT
6.3.3 Les collatéraux de Julienne ESNAY
7 Annexes
8 Bibliographie
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