Enfance et violences

La problématique des violences faites aux enfants est au cœur de la pratique des médecins généralistes, par leur fréquence et leurs nombreuses implications somatiques et psychologiques à court et long terme. C’est un enjeu de santé publique d’actualité à l’échelle nationale et internationale. On estime que les enfants en danger représentent 10% des mineurs dans les pays développés. (1) En tant qu’acteur de premier recours en soins primaires, le médecin généraliste est souvent l’intervenant principal pour les consultations d’urgence et de suivi pédiatrique. Son rôle de dépistage est primordial pour faciliter l’accès aux soins des victimes, voire effectuer une mise en sécurité si nécessaire. La mission du médecin généraliste n’est pas de poser le diagnostic formel de maltraitance, qui peut être complexe car il repose sur un faisceau d’arguments mais de transmettre ses inquiétudes aux services médicaux et judiciaires compétents.

L’identification des violences et des négligences est difficile, impliquant un travail global et interprofessionnel qui optimise le repérage, le diagnostic et le parcours de soins des victimes. En 2020, la maltraitance est encore sous-évaluée par les professionnels de santé. (2) La littérature rapporte ce défaut de repérage des enfants en danger (3–5) et identifie plusieurs facteurs : le manque de sensibilisation et de formation du corps médical, la crainte des poursuites judiciaires et de l’ingérence dans le fonctionnement familial, voire le déni du soignant face à la difficulté de la situation. (3–5) Ainsi, il nous a semblé utile de répondre à la volonté du corps médical enseignant de mieux former les futurs médecins généralistes nantais à cette problématique médicale. Cet enseignement vise ainsi l’amélioration de leur sentiment d’efficacité personnelle pour le dépistage, l’orientation et le suivi des enfants victimes de violences.

Définitions et repérage

Définitions

L’une des premières difficultés dans l’appréhension des situations de maltraitance infantile vient avec le choix des mots qu’on utilise pour en parler, et de l’acception commune de leur sens. Il y a aussi la variabilité des personnes touchées et de leurs histoires de vie. Un effort d’harmonisation a été réalisé par une démarche de consensus récente. (6) On y trouve une précision concernant la notion de vulnérabilité : « Premièrement, la vulnérabilité est entendue non pas comme un état de fait irréversible mais comme une situation appelée à évoluer : elle relève donc, dans bien des cas, d’une éventualité et non d’une nature de la personne qu’elle concerne, elle peut être aussi ponctuelle et réversible. En effet, elle est soumise à des facteurs individuels mais aussi à des facteurs environnementaux et relationnels. » (6) Ainsi, ces travaux statuent sur la définition suivante : « Une personne se sent ou est en situation de vulnérabilité lorsqu’elle se trouve en difficulté voire dans l’impossibilité de se défendre ou de faire cesser une maltraitance à son égard ou de faire valoir ses droits du fait de son âge (dans le cas d’un mineur), de son état de santé, d’une situation de handicap, d’un environnement inadapté ou violent, d’une situation de précarité ou d’une relation d’emprise. » .

La maltraitance y est conçue comme un processus dynamique : puisqu’une situation de maltraitance peut résulter de différents mécanismes, elle peut revêtir des formes diverses (physiques, psychiques…) qui se cumulent et/ou s’associent. Elle peut s’installer dans le temps, s’intensifier. La maltraitance, comme processus évolutif, est donc soumise à de nombreux facteurs personnels mais aussi environnementaux et sociétaux. Elle n’est pas toujours perçue de la même manière par les victimes. Par ailleurs, une « maltraitance expose la victime à une vulnérabilité accrue la présentant à la répétition de sévices ou crée les conditions la conduisant à devenir à son tour auteur de maltraitance ».

Nous livrons ici la définition consensuelle de ces travaux qui s’attachent ensuite à préciser chacun des termes : « Il y a maltraitance d’une personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action, compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux, et/ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement ». Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non, et leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle.

Parmi les définitions existantes, nous avons aussi retenu celle établie par l’Organisation mondiale de la santé : « La maltraitance infantile désigne les violences et les négligences envers toute personne de moins de 18 ans. Elle s’entend de toutes les formes de mauvais traitements physiques, affectifs, de sévices sexuels, de négligences ou d’exploitation commerciale, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa survie, son développement ou sa dignité, dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir. » .

Typologie des violences

Au delà de cette distinction, la maltraitance se divise en quatre grandes entités :
– Les violences physiques, incluant les ecchymoses, les hématomes, les plaies, les brûlures, les fractures…
– Les violences sexuelles, incluant l’abus sexuel, le viol, l’inceste, la pédopornographie…
– Les violences psychologiques, incluant le dénigrement, la menace, l’intimidation, les humiliations verbales ou non verbales, la marginalisation, les exigences excessives ou disproportionnées à l’âge de l’enfant, les injonctions éducatives contradictoires…
– Les négligences lourdes, incluant l’omission ou la privation de réponse aux besoins de lavie quotidienne : physique (alimentation, hygiène, environnement), éducative (scolarisation, stimulation inadaptée…), médicale, affective.

Peuvent être ajoutées deux autres entités, qui exposent les enfants à des situations de violences :
– Le syndrome de Münchhausen par procuration : il s’agit d’une pathologie psychiatrique au cours de laquelle un parent (habituellement la mère) simule des symptômes inexistants à son enfant, conduisant à de multiples examens ou interventions. Le médecin est alors utilisé comme promoteur de sévices.
– L’exposition aux violences conjugales : elles sont préjudiciables pour l’enfant à différents points de vue. D’une part, certains se retrouvent orphelins (111 enfants en 2019), et d’autre part, tous grandissent dans un climat de peur, d’insécurité et d’anxiété. Les conséquences sont lourdes pour le développement de l’enfant, il peut avoir des difficultés dans le rapport à la loi, à l’égalité des sexes et dans ses relations aux autres. L’exposition aux violences conjugales est responsable de multiples conséquences psycho-comportementales, au même titre que les autres formes de maltraitance.

Un même enfant peut être simultanément ou successivement soumis à plusieurs de ces formes de maltraitance.

Besoins fondamentaux de l’enfant

Tous les enfants ont des besoins communs et universels : répondre à ces besoins fondamentaux, c’est « bien traiter » un enfant et ne pas le faire, c’est « mal le traiter». L’importance accordée par les professionnels de santé aux besoins fondamentaux de l’enfant et aux interactions précoces entre le nourrisson et ses parents est essentielle et passe, entre autres, par le dépistage le plus précoce possible des facteurs de risque de maltraitance, et ce dès la grossesse.

Ces besoins fondamentaux sont répartis en quatre catégories :
– les besoins universels, dont la satisfaction permet le bon développement de l’enfant et son bien-être ;
– les besoins particuliers, concernant les mineurs porteurs de handicap ;
– les besoins spécifiques en protection de l’enfance, engendrés par l’exposition aux violences et/ou négligences ;
– les besoins liés aux effets iatrogènes de la prise charge (ou de la non prise en charge) pour les enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Concernant les besoins fondamentaux universels, il en existe huit, non hiérarchisés:
– Le besoin affectif et relationnel (faisant référence à la théorie de l’attachement de John Bowlby) ;
– Le besoin de protection ;
– Les besoins physiologiques et de santé (alimentation, hygiène, sommeil, sexualité, besoins matériels type vêtements…) ;
– Le besoin d’expériences et d’exploration du monde (explorations corporelles et physiques, créatives, expressives et langagières, cognitives…) ;
– Le besoin d’un cadre de règles et de limites (ensemble de codes et de valeurs sociales au service de son adaptation et de son insertion sociale) ;
– Le besoin d’estime de soi et de valorisation de soi (construction d’une image positive de soi, capacité d’empathie et de tissage de relations stables…) ;
– Le besoin d’identité (sexuelle, nationale, religieuse, culturelle…).

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Table des matières

I. INTRODUCTION
1.1. Définitions et repérage
1.1.1. Définitions
1.1.2. Typologie des violences
1.1.3. Besoins fondamentaux de l’enfant
1.1.4. Épidémiologie
1.1.5. Signes d’alerte et conséquences
1.1.6. Impact de la pandémie de COVID-19 sur la protection de l’enfance
1.2. Moyens d’action, dispositifs existants
1.2.1. Qualification pénale
1.2.2. Cadre légal
1.2.3. Alerter, l’affaire de tous : l’information préoccupante et le signalement
1.2.3.1. Les circuits d’alerte
1.2.3.2. L’information préoccupante
1.2.3.3. Le signalement
1.3. La formation médicale
1.3.1. Généralités en pédagogie
1.3.2. Maltraitance infantile et formation initiale
1.3.3. Maltraitance infantile et formation continue
1.4. L’enseignement hybride
1.4.1. Définitions
1.4.2. Une formation flexible et accessible
1.4.3. Répondre aux besoins technologiques croissants des apprenants
1.4.4. Réinventer les modalités d’apprentissage
1.4.5. L’hybridation, un format pédagogique innovant au coeur des nouveaux enjeux universitaires
1.4.6. Usages et pratiques des dispositifs hybrides
1.4.7. Méthodologie de l’Université Laval de Québec
1.4.8. Autres modèles méthodologiques
1.5. Objectif du travail
II. MATERIEL ET METHODE : CONCEPTION ET PRODUCTION D’UN ENSEIGNEMENT HYBRIDE
2.1. L’hybridation, un format pédagogique personnalisé
2.2. Le procédé de construction
2.3. La phase de conception
2.3.1. Former une équipe de travail
2.3.2. Identifier les caractéristiques du cours
2.3.3. Analyser le public cible
2.3.4. Définir le but et les objectifs généraux du cours
2.3.5. Structurer le contenu
2.3.6. Définir les objectifs spécifiques de chaque unité d’apprentissage
2.3.7. Prévoir l’évaluation des apprentissages
2.3.8. Élaborer les stratégies pédagogiques
2.3.9. S’assurer du respect des droits d’auteur, de la personne et de la vie privée
2.3.10. Choisir la formule d’encadrement
2.3.11. Dresser la liste du matériel didactique à produire
2.3.12. Établir l’échéancier de réalisation
2.4. La phase de production
2.4.1. Réaliser le matériel didactique
2.4.2. Réviser le matériel didactique
2.4.3. Mise à l’essai
III. RÉSULTATS
3.1. La phase de conception
3.1.1. Organisation du travail
3.1.2. Typologie du dispositif
3.2. La phase de production des modules
Introduction, généralités, définitions (module 1.1)
Droit médical : l’encadrement légal de la protection de l’enfance (module 1.2)
Sémiologie des violences et descriptions médico-légales (module 2.1)
Comment accueillir la parole de l’enfant ? (module 2.2)
Le psychotraumatisme (module 2.3)
Violences sexuelles et inceste (module 2.4)
Violences dans le couple, impact sur les enfants (module 2.5)
Alerter : l’information préoccupante et le signalement (module 3)
Ressources (module 4)
3.3. Après la production
IV. DISCUSSION
4.1. Résultat principal
4.2. Forces du SPOC Enfance et violences
4.2.1. Le choix du contenu
4.2.2. Le choix du format d’enseignement hybride
4.2.3. Le choix de la méthodologie de l’Université de Laval
4.2.4. Une construction engagée et durable
4.2.5. L’apprentissage par les pairs
4.2.6. La validation du contenu
4.2.7. Le soutien de l’Université de Nantes
4.2.8. L’avantage du travail en équipe
4.3. Limites du SPOC Enfance et violences
4.3.1. Le choix du contenu
4.3.2. Le choix du format d’enseignement hybride
4.3.3. Difficultés rencontrées lors de la phase de conception
4.3.4. Limites au e-learning pour l’amélioration des connaissances
4.4. Comparaison aux autres travaux
4.5. Perspectives
4.5.1. Évolution du SPOC, partie distancielle
4.5.2. Évolution du SPOC, partie présentielle
4.5.3. Evaluation du SPOC
4.6. Un territoire à la pointe des expérimentations dans le parcours de santé de l’enfant victime de violences
V. CONCLUSION
VI. BIBLIOGRAPHIE

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