Energétique du bâtiment et matériaux biosourcés

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Transferts couplés chaleur masse dans le domaine de la construction

Dans cette partie, nous verrons tout d’abord rapidement l’évolution historique de l’approche des transferts chaleur masse dans le domaine de la construction. Nous évoquerons ensuite les avantages que peuvent apporter les matériaux biosourcés dans ce domaine. Il sera ensuite donné un aperçu des méthodes expérimentales utilisées pour caractériser ces matériaux et enfin une étude détaillée du modèle prenant en compte les transferts couplés utilisé dans ce travail de thèse.

Des problèmes de condensation à une modélisation des transferts couplés

En nous basant notamment sur les travaux de Hens [Hens, 2015], nous reviendrons dans cette partie sur l’historique de l’étude des transferts d’humidité dans le domaine du bâtiment.
L’intérêt pour les transferts d’humidité dans les parois des habitations apparaît dès les années 30 aux États-Unis lorsque furent remarquées les premières pathologies liées aux transferts de masse. Ainsi, dès 1937 Teesdale [Teesdale, 1937] recommande l’installation de pares-vapeur (membranes imperméables ou peu perméables à la vapeur) et une bonne ventilation des combles dans les climats froids où la condensation de la vapeur d’eau est la plus susceptible de se produire. Durant la plus grande partie du 20e siècle, le moteur de la recherche concernant les transferts de masse dans les parois sera effectivement d’éviter les pathologies dues à la présence d’eau liquide. La théorie scientifique menant à ces recommandations était simple à appliquer pour le concepteur : tracer le profil de température à travers la paroi ainsi que le point de rosé des conditions intérieures. Si les deux se croisaient dans l’isolant, la condensation risquait de se produire contre l’enveloppe exterieure. Cette méthode est illustrée sur la figure 1.5 a). Cette approche graphique du problème fut théorisée et améliorée, avec notamment à la fin des année 50 la publication de la méthode Glaser [Glaser, 1958].
Cette méthode, encore largement utilisée et à la base de nombreuses normes nationales, suppose que les flux de chaleur et de vapeur sont découplés. On calcul d’abord le profil de température permettant d’obtenir celui des pressions de vapeur saturante.
On calcule ensuite le profil de pression de vapeur. Si les deux profils sont tangents il y a risque de condensation. Cette approche est illustrée sur la figure 1.5 b). Par la suite, les modèles se complexifièrent ajoutant notamment le transport d’eau liquide par capillarité [Vos, 1969].
A partir des années 70, l’essor du calcul numérique permet l’implémentation de codes prenant en compte le couplage chaleur masse, le transport par capillarité ou la dépendance des paramètres à la température et à la teneur en eau. Ces travaux s’inspirent de modèles développés pour la science des sols [Philip et Vries, 1957, Luikov, 1975]. Ils furent progressivement améliorés, prenant par exemple en compte l’influence du transport de l’air [Kronvall, 1980].
Avec les années 90 et l’augmentation de la puissance informatique, de nombreux modèles peuvent assurer des simulations prenant en compte le couplage chaleur masse.
Il existe plusieurs dizaines d’outil permettant d’effectuer ces calculs hygrothermiques [Karoglou et al., 2007]. On citera par exemple WUFI [Künzel, 1995, Karagiozis et al., 2001] ou MATCH [Rode, 1990]. Si les équations implémentées dans ces modèles ont une base similaire (un exemple sera détaillé par la suite), les différences peuvent concerner par exemple, la stratégie numérique, les variables retenues, la dimension du transfert ou la dépendance des paramètres à certaines grandeurs. L’utilisation de ces outils de simulation puissants permets d’apporter des réponses quant à l’impact des transferts couplés sur la consommation énergétique du bâtiment et notamment sur l’utilisation de matériaux très hygroscopiques comme les biosourcés.

Influence des transferts de vapeur et des matériaux hygroscopiques sur la consommation d’énergie

De par leur forte hygroscopicité, les matériaux biosourcés présents dans l’habitat permettent de réguler l’humidité en absorbant de la vapeur d’eau lorsque celle-ci est trop importante et en en relâchant lorsqu’elle est trop faible. Ce faisant, ils agissent comme un matériau tampon. On parlera d’ailleurs de « Moisture buffering effect ». Par ailleurs, la variété de leurs comportements diffusifs à la vapeur d’eau, permet une conception hygrothermique réfléchie [Programme HABISOL, 2015, Orosa et Baaliña, 2009]. Or, l’humidité ambiante est l’une des composantes du confort thermique des occupants qui définit la satisfaction du corps par rapport à l’environnement, l’autre étant la température. On peut d’ailleurs définir la zone de confort par un polygone sur un diagramme température/humidité relative. Ainsi, une humidité trop faible pourra entrainer des problèmes de sécheresse de la peau ou des muqueuses [Wolkoff et Kjærgaard, 2007]. Au contraire, une humidité trop importante peut favoriser l’apparition de micro-organismes comme les champignons [Adan, 1994]. Dans un bâtiment dont l’humidité est contrôlée par une ventilation mécanique, l’utilisation de matériaux biosourcés permettra donc de réduire la facture énergétique en limitant l’usage de celle-ci [Woloszyn et al., 2009]. Cette part peut être importante pour des bâtiments bien isolés.
On parlera dans ce cas d’économie d’énergie indirectes.
Osayintola et Simonson dans [Osanyintola et Simonson, 2006] quantifient quant à eux les économies d’énergie directes. Ces économies concernent à la fois les besoins en chauffage et en climatisation. Concernant le chauffage, les matériaux hygroscopiques capturent l’humidité due à la présence des habitants, procurant ainsi un surcroit de chaleur. Concernant les périodes chaudes, ils font baisser l’enthalpie en capturant l’humidité et limitent l’énergie nécessaire au refroidissement. Cependant, du fait que les matériaux vont relâcher leur humidité lors des périodes d’inoccupation, ces économies ne concernent que le pic de consommation. Des économies sur l’ensemble des périodes d’occupation et d’inoccupation ne sont viables que si une stratégie de régulation de la température et de l’humidité adaptée est mise en place. Dans ce cas, les auteurs estiment les potentielles économies d’énergie entre 2 et 3 % pour le chauffage et 5 et 30% pour la climatisation.

Mesures expérimentales des paramètres hygrothermiques

Les outils numériques évoqués précédemment doivent être alimentés par divers paramètres caractérisant les propriétés hygrothermiques des matériaux. Nous verrons dans cette partie quelles peuvent être les méthodes de mesure expérimentales de certains d’entre eux. Nous étudierons ainsi des méthodes de mesure de la diffusivité à la vapeur d’eau, de l’isotherme de sorption et de la conductivité thermique.

Diffusivité à la vapeur d’eau

La méthode de la coupelle permet de mesurer la diffusivité à la vapeur d’eau en régime permanent. Cette technique très simple est bien adaptée à la méthode GLASER évoqué en partie 1.2.1 et fait même l’objet d’une norme internationale (NF EN ISO 12572 ). On utilise un récipient contenant une solution saline saturée. L’échantillon à tester est placé sur la partie supérieure du récipient et les rebords sont étanchéifiés.
L’ensemble est placé dans une enceinte climatique contrôlée en température et humidité relative. La solution saline imposant une humidité relative connue et constante à température constante, on connait les conditions aux limites de l’échantillon. On mesure ensuite le flux de vapeur sortant ou entrant par gravimétrie afin d’en déduire le coefficient de diffusion. Cette méthode est encore largement utilisée [Rousset et al., 2004, Tarmian et al., 2012, Vololonirina et al., 2014]. Cependant, il est apparu qu’avec des matériaux très perméables, des corrections dues à la résistance de la lame d’air entre la solution et l’échantillon ou à celle de la surface de l’échantillon ne pouvaient pas être négligées [Zohoun et al., 2003]. De même, il est souligné dans [Duforestel, 2015] que sur certains types de matériaux, la non prise en compte du flux advectif à travers l’échantillon a un effet non négligeable sur le résultat.
La diffusivité peut également être mesurée en régime transitoire. Ainsi, Agoua et al. dans [Agoua et al., 2001] utilisent deux enceintes climatiques imposant des humidités relatives différentes afin de faire varier les conditions aux limites d’un échantillon. Le coefficient de diffusion est alors retrouvé par méthode inverse en utilisant l’évolution de la masse de l’échantillon. On pourra également citer des méthodes utilisant l’analyse de l’évolution du profil de teneur en eau dans l’échantillon. Le profil peut par exemple être visualisé par résonance magnétique nucléaire [Pel et al., 1996] ou radiographie à neutron [Pleinert et al., 1998].
Enfin, nous citerons le travail réalisé dans notre laboratoire [Perré et al., 2015] consistant à soumettre un échantillon à une perturbation d’humidité relative sur sa face avant et à mesurer l’évolution de l’humidité sur sa face arrière. Le coefficient est alors obtenu par méthode inverse. Une étude similaire est proposée en chapitre 4 de ce document.

Isotherme de sorption

Concernant la mesure des isothermes de sorption, une première méthode correspond à la norme internationale NF EN ISO 12571. Il s’agit d’une méthode gravimétrique où les échantillons sont placés dans un récipient contenant une solution saline saturée imposant une humidité relative connue. Contrairement à la méthode de la coupelle, le récipient est hermétiquement fermé et on mesure la masse de l’échantillon une fois l’équilibre atteint. Cette méthode est bien sûr largement utilisée [Almeida et Hernández, 2006, Vololonirina et al., 2014, Champiré et al., 2016]. Elle nécessite cependant des échantillons de poids relativement importants et un excellent contrôle de la température.
On citera également les méthodes dites dynamiques, utilisées dans ce travail de thèse. Il s’agit également de méthodes gravimétriques, mais dans ce cas l’échantillon est placé dans une chambre de mesure dont l’humidité est contrôlée et varie de façon dynamique. Elles permettent en particulier de travailler sur des échantillons très petits.
On parle de DVS (Dynamic Vapour Sorption) et ces méthodes sont également largement utilisées [Bingol et al., 2012, Rudy et al., 2017, Houngan, 2008].

Isotherme de sorption

Concernant la mesure de la conductivité thermique, pour une mesure en régime permanent on citera la méthode dite de « la plaque chaude gardée ». Il s’agit là encore 1.2. Transferts couplés chaleur masse dans le domaine de la construction 25 d’une méthode de mesure très classique dans le domaine de la construction qui est régie par une norme internationale (NF EN 12664 ). Elle consiste à imposer un flux d’énergie connu constant sur la face avant de l’échantillon alors que sa température sur sa face arrière est contrôlée. On calcul alors la conductivité thermique grâce à une mesure de température sur les deux faces. On retrouve cette méthode pour le calcul de propriétés de matériaux biosourcés [Vololonirina et al., 2014, Damfeu et al., 2016].
Concernant la mesure en régime transitoire, la méthode du ruban chaud consiste à placer un fil chauffant dont le flux sera imposé entre deux échantillon. En relevant la température du fil au cours du temps, on pourra remonter à la conductivité par méthode inverse. Une autre méthode classique est la méthode dite « flash » proposé par Parker et al. [Parker et al., 1961]. Elle consiste à appliquer sur la face avant d’un échantillon de faible épaisseur un bref flux de chaleur. La température sur la face arrière de l’échantillon est mesurée. On en déduit la diffusivité thermique par méthode inverse en observant son évolution en fonction du temps. En mesurant la chaleur massique par une autre méthode, on peut donc en déduire la conductivité massique. Ces méthodes sont toujours utilisées pour des mesures sur des matériaux de construction [Lamrani et al., 2017, Souihel et al., 2017, Pierre et al., 2014].

Modèle de transferts couplés obtenus par la méthode de prise de moyenne

Cette partie vise à détailler le modèle permettant de simuler les transferts couplés chaleur masse utilisé dans ce travail de thèse. Ce modèle est résolu numériquement par le code de calcul Transpore. La formulation utilisée dans ce code est très complète.
Elle considère en effet le bilan d’air sec, qui permet d’obtenir la pression interne et la migration d’eau liée, qui permet de considérer les matériaux fortement hygroscopiques [Perre et Degiovanni, 1990]. Initialement développé pour le séchage, il est également adapté au transferts dans le bâtiment et intègre tous les phénomènes physiques des autres modèles disponibles. Des informations complémentaires peuvent être trouvées dans [Perré et Turner, 1999, Perré, 2015]. La formulation, fortement inspiré des travaux de Whitaker [Whitaker, 1977], n’est pas obtenue par des observations phénoménologiques mais par une méthode de prise de moyenne volumique. Cette technique sera donc abordée dans une première partie avec un exemple détaillé. En seconde partie, les équations du modèle seront présentées.

Méthode de la prise de moyenne

La méthode de prise de moyenne volumique consiste à chosir un volume représentatif contenant suffisamment de pores et à supposer l’ensemble du milieu poreux comme continu et présentant des propriétés équivalentes. On calcul alors rigoureusement les équations macroscopiques à partir des équations d’équilibre microscopique en utilisant des moyennes volumiques. Cette technique a notamment permis de démontrer la loi de Darcy en moyennant l’écoulement de Stokes à l’échelle microscopique [Whitaker, 1986]. Elle est décrite précisément dans différents ouvrages ([Gray, 1975], [Whitaker, 1977]) qui peuvent être consultés pour plus de précisions. Nous en expliciterons ici certains aspects dans le cadre des transferts de masse et de chaleur dans les milieux poreux. On notera par ailleurs l’existence d’autres démarches, telles que la méthode de l’homogéneisation asymptotiques [Sánchez-Palencia, 1980, Hubert et Palencia, 1992], permettant de justifier ces équations macroscopiques à partir de la description microscopique.
La prise de moyenne se base sur l’utilisation d’un volume élémentaire représentatif (VER) entourant le point considéré (voir Figure 1.6 a) ). Ce volume V comprend les volumes des trois phases en présence : solide, liquide et gazeuse qui peuvent varier dans l’espace et dans le temps pour les deux dernières.

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Table des matières

Introduction générale 
1 Revue de littérature 
1.1 Energétique du bâtiment et matériaux biosourcés
1.1.1 L’énergétique du bâtiment : un enjeu actuel majeur
1.1.2 Les matériaux biosourcés
1.2 Transferts couplés chaleur masse dans le domaine de la construction
1.2.1 Des problèmes de condensation à une modélisation des transferts couplés
1.2.2 Influence des transferts de vapeur et des matériaux hygroscopiques sur la consommation d’énergie
1.2.3 Mesures expérimentales des paramètres hygrothermiques
1.2.4 Modèle de transferts couplés obtenus par la méthode de prise de moyenne
1.3 Une limite des modèles traitant le couplage chaleur-masse : le nonéquilibre local
1.3.1 Des limites des modèles de transferts couplés
1.3.2 Non-équilibre thermodynamique local
1.3.3 Modélisation des configurations double échelle
1.3.4 Modèles à microstructures réparties et effet mémoire
1.3.5 Sorption retardée et relaxation moléculaire
1.4 Conclusion
2 Synthèse en français 
3 Impact du couplage chaleur masse sur la caractérisation des matériaux isolants hygroscopiques 
3.1 Introduction
2 Table des matières
3.2 On the importance of heat and mass transfer coupling for the characterization of hygroscopic insulation materials
Bibliographie de l’article
4 Détermination de la diffusivité massique de différents matériaux de construction basée sur l’analyse inverse de l’évolution de l’humidité relative en face arrière 
4.1 Introduction
4.2 Mass diffusivity determination of various building materials based on inverse analysis of relative humidity evolution at the back face of a sample
Bibliographie de l’article
5 Détermination expérimentale des fonctions mémoires sur des échantillons de petite taille 
5.1 Introduction
5.2 Non-Fickian diffusion in biosourced materials : Experimental determination of the memory function using minute samples
Bibliographie de l’article
6 Prédiction du déphasage entre humidité relative et teneur en eau 
6.1 Introduction
6.2 Non-Fickian diffusion in biosourced materials : Prediction of the delay between relative humidity and moisture content
Bibliographie de l’article
Conclusions générales et perspectives 
Bibliographie 
Table des Figures
A Complément sur la formulation macroscopique avec effet mémoire
A.1 Modélisation du non-équilibre avec des fonctions mémoires
A.2 Implémentation numérique
B Complément sur le dispositif expérimental
B.1 Principe général
B.2 Fonctionnement des différents éléments
B.2.1 Enceinte climatique
B.2.2 Système de pesé
B.2.3 Porte-échantillon
B.2.4 Ensemble mobile
B.2.5 Contacteurs
B.3 Contrôle du dispositif
B.3.1 Cycle de fonctionnement
B.3.2 Boitier de contrôle et unité de communication

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