Endommagements mécaniques

Endommagements mécaniques

PRÉSENTATION DU PROJET

Raison d’être du projet

La revue de littérature a permis de mettre en évidence quelques études réalisées dans le passé et orientées sur l’analyse du gain du module réversible des matériaux pulvérulents et cohérents soumis au gel. Selon les études, ces observations peuvent avoir été réalisées en laboratoire ou sur des sites expérimentaux. En laboratoire, il a été observé que la variation du module réversible d’un sol est significative lors de la solidification de l’eau (Berg et coll., 1996; Simonsen et coll., 2002). L’augmentation du MR d’un sol gelé est principalement influencée par la teneur en eau non gelée, donc par la température et par le type de sol. Également, le module dynamique des enrobés bitumineux augmente rapidement avec la chute des températures (Carter & Perraton, 2002; Doucet & Auger, 2010). Certains chercheurs ont également réalisé des essais expérimentaux (FWD) pour observer la rigidité des chaussées gelées. Ils ont observé des déflexions presque nulles en période hivernale. Cependant, les appareils de FWD sont généralement calibrés pour fonctionner sur des plages de températures bien précises excluant les températures très froides rencontrées à l’hiver. Par exemple, le FWD utilisé dans la campagne d’essais de Benson et coll. (1998) ne pouvait être utilisé à des températures inférieures à -4 °C, limitant significativement les mesures.
Tenant compte de l’augmentation de la rigidité des chaussées gelées et des besoins de l’industrie, la pression économique pour l’octroi de primes de charge en période hivernale (OPCH) ne cesse de croître. Par exemple, au Québec, le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) fait la demande au gouvernement du Québec depuis une quinzaine d’années. Malgré le manque de critère rationnel, plusieurs administrations n’ont pas tardé à développer leurs programmes d’octroi de primes de charge en période hivernale pour répondre à la demande de l’industrie locale. L’OPCH se traduit par des économies monétaires d’envergures pour les entreprises. Or, comme démontré dans la revue littéraire, les lignes directrices de ces programmes existants sont généralement basées sur des règles d’expérience et des observations réalisées par les autorités locales. Montufar & Clayton (2002) stipulent que les législations en vigueur varient énormément d’une région à l’autre et peuvent même varier au sein d’une même région. L’absence de critère rationnel explique en partie cette variation importante. Dans cette optique, il semble primordial de mettre en relation les charges des véhicules lourds, la pénétration du gel et la réponse des chaussées pour déterminer clairement un critère rationnel pour l’octroi des primes de charges en période hivernale.
Également, dans la littérature scientifique, il est possible de trouver plusieurs projets concernant le chevauchement entre les périodes de primes et les périodes de restrictions de charges dans l’optique d’améliorer la gestion des programmes gouvernementaux. L’objectif de ces projets est de maximiser le prolongement de l’octroi de primes de charge au détriment de la durée des restrictions de charge sans augmenter pour autant l’endommagement des chaussées. À ce jour, plusieurs projets semblent toujours orientés vers ces sujets, mais à l’inverse, peu de projets semblent étudier la mise en relation du gain de capacité des chaussées soumises à des véhicules lourds au début du gel hivernal. Pourtant, il semble primordial de mieux définir l’évolution des paramètres de performance pour optimiser les primes de charges et la période tout en empêchant l’accélération de l’endommagement des chaussées.
Pour étudier le gain de capacité d’une chaussée, il faut considérer sa performance structurale globale. Cet aspect n’est pas facile à quantifier et à étudier puisqu’il faut considérer simultanément les aspects mécaniques et environnementaux qui affectent le comportement des chaussées. Ces aspects nécessitent des installations particulières soumises aux conditions d’exposition naturelles similaires. Étant donné l’absence de telles considérations dans la littérature, ce projet a été pensé pour répondre à ces besoins.

Description des objectifs

L’objet principal de ce projet de recherche est d’étudier la réponse d’une chaussée flexible soumise au passage des véhicules lourds et à l’action du gel. Le but ultime est de développer des critères rationnels pour l’octroi de primes de charge. Plus spécifiquement, le projet vise les objectifs suivants :
• Documenter le comportement mécanique de la chaussée en fonction de la pénétration du gel dans la chaussée;
• Établir le lien entre le gain de portance résultant du gel des couches de la chaussée et l’endommagement;
• Établir un critère rationnel pour l’octroi de primes de charge en période hivernale.

Méthodologie de recherche

En 2009, un groupe de professeurs du département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval a obtenu une subvention de 18 millions de dollars de la Fondation Canadienne pour l’Innovation et le Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement Supérieur de la Recherche du Québec. La subvention visait à développer des infrastructures pour la recherche dans les domaines des infrastructures, notamment le traitement des eaux, des structures et des chaussées. Dans le domaine des chaussées, cette subvention a permis, entre autres, d’acquérir un simulateur de chargement accéléré ATLAS 22 (Accelerated Transportation Loading System), de construire un nouveau laboratoire avec une fosse en béton armé (2x6x2 m3) et d’acquérir des équipements connexes consacrés à la recherche et à l’éducation. Ces installations sont situées dans les laboratoires de l’Université Laval du Pavillon Adrien-Pouliot.
De manière à répondre aux objectifs du présent projet, une approche essentiellement expérimentale a été proposée. Cette approche comprend l’utilisation du laboratoire de chaussée pour analyser le comportement mécanique d’une chaussée flexible soumise au gel. L’ATLAS, la fosse et l’instrumentation nécessaire permettent, sans s’y limiter, de reproduire les sollicitations environnementales, mécaniques et de mesurer les déformations à différents niveaux dans la chaussée. La vision du projet, le montage expérimental, l’instrumentation et les paramètres d’essais ont été définis en collaboration avec FPInnovations, Alberta Transportation et la chaire de recherche i3c. Une chaussée typique de l’Alberta constituée de 180 mm d’enrobé bitumineux et 300 mm de fondation granulaire a été construite sur un sol d’infrastructure argileux. Au cours de la construction, les instruments permettant de mesurer les contraintes, déformations, teneurs en eau et températures à différents niveaux ont été installés. Ensuite, celle-ci a été soumise à 2 cycles de gel induit axialement par une température de -10 °C à la surface. Durant la pénétration du gel, des essais mécaniques à différents niveaux de chargement ont été appliqués à l’aide d’un demi-essieu à roues jumelées. Les niveaux de chargement ont été définis selon la politique d’octroi de primes de charge de l’Alberta et ils permettent d’évaluer l’effet des surcharges selon la profondeur de gel. Le montage expérimental, l’instrumentation, les matériaux de chaussée, la description de la construction de la chaussée et les paramètres d’essais sont décrits dans les sections suivantes.
Une quantité importante de données a été comptabilisée tout au long des essais expérimentaux. Ces données ont permis de tracer le comportement mécanique de la chaussée en fonction de la profondeur de gel pour observer, entre autres, l’effet des surcharges selon l’état de la chaussée. En 2014, un projet orienté sur les dégels partiels avait également documenté le comportement mécanique durant le gel d’une structure de chaussée bien différente. Cette chaussée, construite sur un sol d’infrastructure de type sable silteux, est constituée de 100 mm d’EB, 200 mm de fondation granulaire (MG20) et 450 mm de sous-fondation granulaire (MG112). L’analyse des mesures des deux projets a permis d’analyser l’effet de la structure d’une chaussée sur son comportement mécanique en contexte de gel saisonnier. À partir de ces données, le logiciel multicouche élastique linéaire et isotrope WinJULEA a permis de réaliser des simulations pour prédire les modules réversibles des couches d’une chaussée selon le gel et de vérifier si un tel logiciel pouvait être utilisé dans l’estimation des déformations d’une chaussée gelée. Une telle analyse a été possible en comparant les mesures expérimentales aux résultats des analyses multicouches linéaires élastiques. Finalement, des analyses d’endommagement selon les principes de la loi de Miner ont été complétées pour quantifier l’effet des surcharges sur la durée de vie d’une chaussée.

DESCRIPTION DU MONTAGE EXPÉRIMENTAL

Ce chapitre présente une description du montage expérimental comprenant les équipements de laboratoire ainsi que l’instrumentation utilisée dans le cadre des essais du projet.

Montage expérimental

Fosse d’essai

La fosse expérimentale en béton armé de 2 m de largeur, 6 m de longueur et 2 m de profondeur est illustrée à la Figure 24. La fosse a permis la construction d’une chaussée flexible expérimentale dédiée à ce projet de recherche. Les caractéristiques principales de cet équipement sont :
• le contrôle automatique du niveau de la nappe phréatique à l’aide d’un système de drainage et d’injection d’eau central situé au bas de la fosse;
• le contrôle de la température à la base de la fosse par un circuit de tuyaux de glycol permettant de fixer une température en base et, entre autres, de reproduire la chaleur de la terre;
• l’établissement de régimes thermiques constants dans la chaussée à l’aide des parois de béton isolées par des panneaux empêchant la chaleur du local d’affecter la chaussée expérimentale.
Ces dimensions et systèmes sophistiqués permettent de réaliser différents projets de recherche à échelle réelle dont les conditions thermiques et hydrauliques sont à la fois contrôlées et représentatives de la réalité.
Figure 24 : Fosse d’essai du laboratoire de l’Université Laval

Simulateur ATLAS

Le simulateur de véhicules lourds mobile d’une longueur de 16,15 mètres, conçu et fabriqué par la compagnie Applied Research Associates (ARA), est illustré à la Figure 25 (a), (b) et (c). Il est positionné au-dessus de la fosse et il sollicite la chaussée expérimentale à l’aide d’un chariot effectuant des passages dans une ou deux directions. Différentes configurations de roue peuvent être montées sur le chariot, en permettant de reproduire les sollicitations générées par le passage d’un demi-essieu (Figure 25 (b)). Les principales caractéristiques du simulateur sont :
• amplitude des chargements sur le chariot de 0 à 100 KN;
• gamme de vitesses de 0 à 10 km h-1;
• longueur maximale de sollicitation sur la chaussée par le chariot de 6 mètres;
• Application quotidienne maximale de 20 000 cycles de chargement;
• Contrôle de la température à la surface de la chaussée à l’aide de panneaux isolants, un système de climatisation de 4 kW et un système de chauffage de 6 kW. En conditions optimales, la température à la surface de la chaussée peut être maintenue entre -12 °C et 40 °C.
Jumelé à la fosse, le simulateur permet, entre autres, d’étudier le comportement mécanique d’une chaussée sous sollicitations, de générer un gel ou un dégel axial dans la chaussée et de reproduire plusieurs années de trafic lourd sur une courte période. Malgré la chaleur du laboratoire, les panneaux isolants installés aux pourtours du simulateur (Figure 25 (c)) permettent d’isoler et de maintenir des conditions très froides à la surface de la chaussée. Tous ces éléments sont des caractéristiques qui justifient l’utilisation de ce système dans le cadre de ce projet.
(a) (b) (c)
Figure 25 : (a) Simulateur Atlas mobile, (b) roue jumelée du simulateur et (c) simulateur installé et isolé

Présentation de l’instrumentation

Il existe plusieurs types d’instrumentation permettant de mesurer le comportement structural (contraintes, déformations et déflexions) et l’état d’une chaussée (température, teneur en eau, etc.). Étant donné que chaque type possède ses avantages et inconvénients, l’instrumentation utilisée dans le présent projet est basée sur l’expérience des techniciens et chercheurs de l’Université Laval qui ont réalisé plusieurs essais au cours des dernières années (Badiane, 2016; Doré, 2012; Grellet et coll., 2012; Yi et coll., 2016). Ces équipements permettent entre autres de mesurer, à l’aide de capteurs à fibre optique et électriques, les contraintes et les déformations verticales dans la fondation et au sommet du sol d’infrastructure, les déformations transversales et longitudinales à la base du revêtement et la déflexion en surface. De plus, l’enregistrement de la profondeur de gel et des teneurs en eau est réalisé toutes les heures à l’aide de capteurs électriques et d’un système d’acquisition automatisé. Cette section présente les caractéristiques de toute l’instrumentation utilisée.

Sondes de teneur en eau

Les conditions hydriques dans une chaussée influent directement son comportement mécanique, et ce, particulièrement dans les régions où il y a présence de cycles de gel annuels (Doré & Zubeck, 2009). Effectivement, le dégel de la glace présente dans les sols et la fonte de la neige dans l’environnement de la chaussée libèrent une quantité significative d’eau saturant temporairement les matériaux non liés. Dans le cadre de ce projet de recherche, les teneurs en eau ont été mesurées à l’aide de capteurs ThetaProbes Type ML2x installés respectivement dans les couches de MG20 et d’argile. Ces capteurs mesurent la permittivité diélectrique d’un sol et convertissent cette donnée en teneur en eau volumique. Pour ce faire, la sonde génère une onde sinusoïdale de 100 MHz de fréquence dans une ligne de transmission interne qui se prolonge jusqu’au sol par quatre électrodes métalliques de 60 mm de long (Figure 26).
Figure 26 : ThetaProbes Type ML2x (référence: http://www.label.pl/en/rekml2x.html)
Pour déterminer la constante diélectrique du sol, une différence de potentiel électrique est calculée entre le cristal oscillateur et celui réfléchi par les tiges (Delta-T Devices Ltd, 1999). La fréquence de 10 MHz a été choisie pour minimiser les effets de la conductivité ionique. Puisque la valeur diélectrique de l’eau (∼81) est nettement supérieure à celle d’un sol (typiquement entre 3 à 5) et celle de l’air (∼1), la constante diélectrique du sol est essentiellement influencée par la teneur en eau (Delta-T Devices Ltd, 1999). Les variations dans la ligne de transmission sont ainsi dépendantes de la condition diélectrique du sol seulement. La précision d’une telle sonde bien calibrée est de 1 %. L’installation dans la chaussée est très simple et consiste à enfoncer complètement les tiges dans le sol à la profondeur désirée. La sonde a été raccordée à un système d’acquisition de données permettant une lecture en continu et un enregistrement des données à la fréquence souhaitée. Dans le cadre de ce projet, les données ont été enregistrées aux heures.
Dans le cadre de ce projet, la calibration généralisée proposée par le manuel d’utilisateur a été réalisée (Delta-T Devices Ltd, 1999). Cette calibration emploie des facteurs normalisés selon le type de sol dans lequel la sonde est insérée.

Thermistances

Un câble de thermistances d’une longueur de 2 mètres munie de 12 thermistances a été utilisé pour mesurer les températures et le front de gel dans la fosse. Le câble a été connecté à un système d’acquisition qui mesure les résistances puis les convertit en températures à l’aide d’équations de calibration préalablement déterminées. Les températures dans la fosse ont été enregistrées toutes les heures. Les profondeurs des thermistances ont été de 50, 100, 300, 500, 600, 900, 1000, 1200, 1400, 1600, 1800, 2000 mm.

Déflexion de surface

La déflexion à la surface d’une chaussée permet d’apprécier la performance mécanique globale de celle-ci. Elle équivaut à l’addition de la déformation verticale de toutes les couches de la chaussée et elle permet de connaître la flexion que subit la couche d’EB. Cette flexion est importante puisque l’EB est soumis au passage répétitif des charges routières et la diminution de son élasticité (vieillissement, durcissement, etc.) cause la propagation de fissures de sa base jusqu’à la surface. Les fissures diminuent l’efficacité de cette couche à disperser efficacement les contraintes aux couches sous-jacentes tout en augmentant l’infiltration d’eau. Ces fissures sont liées au critère de performance de fatigue. Doré & Zubeck (2009) définissent un critère de déflexion qui permet de lier la déflexion maximale sous chargement et la durée de vie prévue de la chaussée tel que présenté dans la revue de connaissance.
Ce paramètre de réponse mécanique est très pertinent dans le cadre de ce projet et il a été mesuré précisément à l’aide d’un capteur de déplacement à fibre optique ODP-A, fabriqué par la compagnie Opsens. Le capteur de déflexion et ses différentes composantes sont présentés à la Figure 27 (a, b, c, d et e). Le capteur s’installe dans un support métallique prévu à cet usage (a, b et c). Le support métallique circulaire (a et b), fabriqué par les techniciens de l’Université Laval, est muni de 3 vis latérales permettant de l’ancrer fermement dans un trou circulaire préalablement foré dans l’enrobé bitumineux (c). Un câble à fibre optique relie l’instrument au système d’acquisition de données et d’enregistrement (c). La pointe de l’appareil ODP-A est appuyée sur une tige de fer fixée au fond de la fosse, immobile et mesure ainsi la déflexion de surface par rapport au fond de la fosse (d). La Figure 27 (e) présente le capteur tel qu’installé dans la couche d’enrobé bitumineux. L’amplitude maximale de lecture du capteur est de 10 mm.
Figure 27 : Capteur à fibre optique de déflexion (a) croquis, (b) capteur, support métallique et câble à fibre optique, (c) photographie du capteur sans couvercle, (d) trou foré et (e) capteur installé

Jauges de contraintes

Comme démontré dans la revue littéraire, le niveau de contrainte subi sur les différentes couches de matériau d’une chaussée est particulièrement important pour leur bonne performance. De manière à évaluer l’effet des charges et la dispersion des contraintes au sein de la structure de chaussée selon la profondeur de gel, trois jauges de contraintes électriques ont été installées dans la chaussée expérimentale. Ces jauges sont présentées à la Figure 28. Deux capteurs ont été positionnés au milieu de la fondation granulaire et un capteur a été positionné au sommet du sol d’infrastructure. Ceux-ci ont été localisés dans l’axe vertical du passage des roues du simulateur de manière à mesurer la contrainte maximale.Les capteurs ont été conçus et fabriqués par la compagnie Tokyo Sokki Kenkyujo et ont été calibrés antérieurement à ce projet dans les locaux de l’Université Laval. Ces jauges de type cellule de charge font 100 mm de diamètre, dont 78 mm de diamètre de surface effective de mesure, par 20 mm de hauteur. Les capteurs ont ensuite été recouverts d’une mince couche de sable uniforme pour assurer une distribution uniforme des contraintes avant recouvrement par le MG-20 ou le sol. Les capteurs sont installés sur les matériaux de chaussée compactés et bien nivelés. La capacité des capteurs a dicté la position prévue dans la structure, soit deux capteurs dans la couche de fondation d’une capacité respective de 200 kPa et 1000 kPa et un capteur de 200 kPa dans le sol d’infrastructure. L’erreur nominale garantie par le fabricant et de 0,3 % pour les cellules de 1 MPa et de 0,5 % pour celles de 200 kPa équivalent respectivement à ± 3 et ± 1 kPa. La capacité maximale des capteurs a été déterminée à la suite d’analyses multicouches linéaires élastiques réalisées avec le logiciel WinJULEA dans le cadre de projets antérieurs de la chaire de recherche i3c.

Jauges de déformation horizontale et verticale

Afin de compléter l’analyse mécanique de la chaussée expérimentale, il est primordial de mesurer les déformations simultanément aux contraintes mesurées dans les différentes couches de la chaussée. Pour ce faire, six capteurs de déformations à fibre optique ont été ajoutés en addition aux instruments préalablement présentés. De ces six capteurs, un mesure les déformations longitudinales et transversales à la base du revêtement et quatre mesurent les déformations verticales à différents niveaux dans la chaussée (2 dans la fondation et 2 au sommet de l’infrastructure). Tous les capteurs ont été positionnés dans l’axe vertical du sentier de roues de manière à mesurer les déformations maximales. Trois capteurs de déformation verticale ont été installés à proximité des capteurs de contraintes. Sachant que le MR d’un matériau non lié est défini par le ratio des contraintes sur les déformations verticales, il est pertinent de mesurer les deux paramètres à la même profondeur. Les déformations verticales permettent également d’évaluer la performance de la chaussée à l’aide de lois d’endommagement par déformation permanente (section 2.6). La déformation transversale à la base de l’enrobé bitumineux permet, quant-à-elle, d’évaluer la performance de cette couche selon le critère de fatigue (section 2.6). Ces capteurs sont munis de jauges développées par la compagnie Opsens. Le plastique utilisé est de type Polychlorure de vinylidène (PVDC) ayant un module de compression allant de 380 à 655 MPa. Le choix de ce matériau est justifié par la similitude de son module élastique avec ceux des matériaux de chaussée et par sa bonne compatibilité avec la colle d’époxy.
Les capteurs de déformation horizontale à la base de l’enrobé bitumineux, illustrés à la Figure 29, sont des pièces de plastique en croisillon contenant des jauges à fibre optique. Leurs installations nécessitent le carottage de l’enrobé bitumineux existant, puis l’usinage de la base de la carotte à laquelle la jauge est collée avec de l’époxy. Lorsque l’assemblage est terminé, il est primordial de procéder à la calibration des capteurs à l’aide d’un capteur LVDT (Linear Variable Differential Transformer) qui sollicite et mesure les déformations réelles de l’échantillon. Ces mesures sont comparées puis interpolées à celles du capteur (Figure 30). Dans l’ensemble, les courbes de calibrations sont précises (R2 = 0,97). Les différences de calibration entre les jauges transversales et longitudinales peuvent être causées par un usinage imparfait de la carotte d’enrobé bitumineux. Finalement, les carottes d’enrobé bitumineux munies des jauges sont recollées avec de l’époxy dans les trous de forage de la chaussée expérimentale.
Les capteurs de déformation verticale sont présentés à la Figure 31. La jauge de déformation à fibre optique est collée dans un premier cylindre de plastique fin à l’aide d’époxy. Ce tube est à son tour collé dans un tube de dimensions supérieures représentant le corps du capteur. Deux plaques circulaires en aluminium d’un diamètre de 100 mm sont vissées et collées aux extrémités du corps. Ces plaques permettent de mobiliser les matériaux granulaires sur les têtes pour mesurer les déformations verticales du sol sous le passage des véhicules lourds. Pour ce projet, des jauges électriques ont été collées sur le corps des capteurs de déformations pour augmenter la précision et la sécurité vis-à-vis l’endommagement ou la défectuosité d’un capteur. Finalement, avant de procéder à l’installation des capteurs dans la chaussée, ceux-ci sont calibrés au moyen d’un bâti œdométrique et un capteur de déplacement de haute précision permettant de comparer les déformations réelles à celles mesurées par le capteur. La Figure 32 illustre les courbes de calibration obtenues. Celles-ci permettent d’obtenir le facteur de correction à appliquer aux mesures pour calculer la déformation réelle. Les calibrations obtenues sont précises avec une de valeur de R2 moyenne de 0,99.

Système d’Acquisition de donnée

Deux systèmes d’acquisition ont été utilisés simultanément lors des essais et sont présentés à la Figure 33. Le premier (a) est le système d’acquisition National Instruments avec le logiciel LabVIEW. Grâce à sa syntaxe de programmation graphique, il a été possible de créer et de coder un système d’acquisition de données pour tous les instruments électriques. Ce logiciel a été programmé pour enregistrer aux heures les teneurs en eau et les températures dans la chaussée. Lors de chaque essai, l’enregistrement des contraintes et déformations électriques a été réalisé à une fréquence de 250 Hz pour chacun des passages de la roue.
Le second (b) est le système ProSens PSC-D utilisé avec le logiciel SoftProSens d’Opsens. Ce système a une fréquence d’enregistrement de 1000 Hz. Il a été le système privilégié pour l’enregistrement des données optiques de déformations verticales, horizontales et de la déflexion de surface. Ce système permet d’enregistrer simultanément les données de huit instruments. Au cours des essais, les mesures ont été enregistrées dans un fichier distinct à celles du premier système d’acquisition.

Type de pneus utilisés et mesure de l’empreinte (TekScan)

La configuration des roues, le type de pneu, la pression de gonflement, la charge et le type de surface de contact sont tous des facteurs influençant la transmission des contraintes à l’interface chaussée-pneu. La surface de contact est caractérisée par la pression et l’aire de contact d’une ou d’un groupe de roues à l’interface chaussée-pneu. Dans le domaine de l’analyse de chaussées, l’hypothèse d’une surface de contact circulaire, uniforme et continue est souvent considérée pour approximer les contraintes de surface lorsque le poids est connu. Dans la réalité, la surface de contrainte est discontinue entre deux pneus et la contrainte n’est pas uniforme (Figure 34, b).
Dans le cadre de ce projet de recherche où l’un des objectifs principaux est de quantifier l’effet de l’octroi de primes de charge en saison hivernale, il est plus que pertinent de mesurer la surface de contact exacte des roues jumelées montées sur des pneus, dans ce cas-ci de type 315/80R22.5. Pour ce faire, le système de mesure TireScan de la compagnie TekScan a été utilisé. Il est constitué de capteurs électroniques installés dans une feuille mince de 0,2 mm (Figure 34 a) et d’un logiciel d’acquisition nommé iScan (Figure 34 b). La feuille électronique est incompressible et fonctionne à des températures de -9 à 60 °C à des degrés d’humidité de 5 à 10 %. Deux feuilles de polyester sont nécessaires à la construction du capteur. Sur la première, un matériau conducteur est placé en lignes équidistantes alors que sur la seconde feuille, le même matériau est placé de la même manière, mais perpendiculairement à la première. Ce quadrillage forme des points de contact, donc des cellules de mesures (sensels) plus ou moins serrées lorsque les deux feuilles sont jointes. TekScan commercialise ce type de capteur sous différentes formes selon plusieurs densités de sensels. La précision typique de ces capteurs est de ± 5 %. Le capteur rectangulaire no°5400N a été utilisé pour ce projet. Il est présenté à la Figure 35 et ses caractéristiques techniques sont présentées au Tableau 15.
(a) (b)
Figure 34 : (a) Capteur d’empreintes TekScan et (b) empreintes et pression de contacte mesurées avec le logiciel iScan (5500 kg)
Figure 35 : Capteur no°5400N fabriqué par TekScan utilisé avec iScan (www.tekscan.com)
Tableau 15 : Propriétés techniques du capteur no°5400N utilisé
Les charges utilisées lors des essais ont été déterminées selon divers critères présentés à la section 6.5, Protocole d’essai. Le Tableau 16 présente les forces (N) et les aires de contact (mm2) mesurées par pneu selon chacune des charges transmises par le demi-essieu. Il est considéré que la charge est répartie uniformément entre les deux pneus.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Mise en contexte
2 Revue de littérature
2.1 Généralités sur les chaussées flexibles
2.2 Sollicitations et endommagements des chaussées
2.2.1 Sollicitations mécaniques
2.2.2 Endommagements mécaniques
2.2.3 Variations saisonnières
2.2.4 Endommagements agissant par temps froid
2.3 Modules réversibles des matériaux non liés et des sols
2.4 Prédiction des contraintes, des déformations et des MR des matériaux non liés
2.5 Modules dynamiques des enrobés bitumineux
2.5.1 Généralités
2.5.2 Calcul de la fréquence de chargement
2.5.3 Calcul des températures
2.6 Lois d’endommagements
2.7 Loi de Miner
2.8 Modules réversibles des matériaux non liés gelés
2.8.1 Essais triaxiaux, gel de l’échantillon
2.8.2 Résultats du U.S. Army Cold Regions Research and Engineering Laboratory
2.8.3 Essais de Simonsen et coll. (2002)
2.8.4 Autres projets (Boudali, 1997; Li et coll., 2010a)
2.9 Projets de recherche réalisés sur les chaussées gelées
2.9.1 Mesure de la déflexion et du MR d’une chaussée expérimentale (Wisconsin)
2.9.2 Simulateur de véhicules lourds de l’Université Laval (2014)
2.9.3 Prédiction de l’impact de l’octroi de primes de charge par le logiciel MnPAVE
2.9.4 Prédiction de la réponse mécanique d’une chaussée gelée par éléments finis
2.10 Considération du gel dans les logiciels de dimensionnement
2.10.1 Facteurs saisonniers
2.10.2 Modules effectifs et dommages relatifs (AASHTO 1993)
2.11 Survol des programmes de primes de charge hivernales existants
2.11.1 Alberta
2.11.2 Manitoba
2.11.3 Territoires du Nord-Ouest
2.11.4 Saskatchewan
2.11.5 Ontario
2.11.6 Tableau récapitulatif des programmes de prime de charges hivernales existants
2.12 Impacts positifs de l’OPCH
3 Présentation du projet
3.1 Raison d’être du projet
3.2 Description des objectifs
3.3 Méthodologie de recherche
4 Description du montage expérimental
4.1 Montage expérimental
4.1.1 Fosse d’essai
4.1.2 Simulateur ATLAS
4.2 Présentation de l’instrumentation
4.2.1 Sondes de teneur en eau
4.2.2 Thermistances
4.2.3 Déflexion de surface
4.2.4 Jauges de contraintes
4.2.5 Jauges de déformation horizontale et verticale
4.2.6 Système d’Acquisition de donnée
4.2.7 Type de pneus utilisés et mesure de l’empreinte (TekScan)
5 Caractérisation des Matériaux de chaussée
5.1 Structure de chaussée et essais de laboratoire
5.2 Couche de roulement : Enrobé Bitumineux (EB)
5.2.1 Provenance du mélange EB-10S
5.2.2 Détermination du module dynamique |E*| essais de compression-traction
5.2.3 Détermination de la fréquence de chargement générée par l’ATLAS
5.2.4 Courbes du module dynamique selon la température
5.3 Fondation granulaire : Gravier concassé MG20
5.3.1 Provenance du MG20
5.3.2 Analyse granulométrique
5.3.3 Résultats des essais de caractérisation
5.3.4 Essai de portance Californien (CBR)
5.3.5 Module réversible (MR)
5.4 Sol d’infrastructure : CL
5.4.1 Provenance de l’argile
5.4.2 Analyse granulométrique
5.4.3 Résultats des essais de caractérisation
5.4.4 Essai de portance Californien (CBR)
6 Construction de la chaussée expérimentale
6.1 Étapes de construction
6.2 Vérification du niveau de compaction au cône de sable
6.3 Synthèse de l’instrumentation du montage – Croquis
6.4 Difficultés rencontrées lors de la construction
6.4.1 Échéancier de construction serré
6.4.2 Construction de la couche d’argile
6.4.3 Tassements observés
6.4.4 Défectuosité du capteur de déformation n°1
6.5 Protocole d’essai
6.5.1 Paramètres d’essais de la fosse expérimentale et du simulateur
6.5.2 Fonctionnement du simulateur et acquisition des données
6.5.3 Frise chronologique des essais avec le simulateur
7 Présentation et analyse des résultats du simulateur
7.1 Comportement thermique
7.2 Soulèvements et tassements
7.3 Comportement hydrique
7.4 Comportement mécanique
7.4.1 Contraintes (σ) dans les couches non liées
7.4.2 Déformations verticales optiques (εZ)
7.4.3 Déformations horizontales (εH) à la base de l’enrobé
7.4.4 Déflexion de surface
7.4.5 Synthèse des résultats en valeurs relatives
7.4.6 Effet de la variation de la charge sur la réponse de la chaussée
7.5 Comparaison des mesures avec Yi et coll. (2016)
7.5.1 Méthodologie des deux projets
7.5.2 Régimes thermiques et indices de gel
7.5.3 Résultats et comparaison des réponses mécaniques
7.6 Prédiction de la réponse mécanique avec WinJULEA
7.6.1 Caractérisation des matériaux lors de la déconstruction (DCP et teneurs en eau)
7.6.2 Paramètres de calcul
7.6.3 Méthodologie de calcul
7.6.4 Résultats et analyse comparative avec les données expérimentales
7.6.5 Effet de l’enrobé bitumineux
8 Analyse de l’endommagement causé par l’OPCH
8.1 Critère de fatigue
8.1.1 Détermination de la fréquence de chargement
8.1.2 Détermination de la température
8.2 Critère de déformation permanente
8.3 Critère de déflexion maximale
8.4 Dommage relatif calculé avec la loi de Miner
8.5 Résultats de l’analyse d’endommagement
8.6 Calcul de la consommation de vie sur un cycle annuel
8.6.1 Conditions climatiques
8.6.2 Calculs et résultats
9 Discussion
9.1 Causes d’erreur et critique des résultats
9.2 Applicabilité
9.2.1 Contexte provincial
9.2.2 Contexte des changements climatiques
9.3 Limitations de l’étude
9.4 Travaux triaxiaux envisagés
10 Conclusion
Bibliographie
Annexe A : Extrait du Guide to Log Haul in Alberta, 2015-02-11
Annexe B Résultats des essais de caractérisation en laboratoire
Annexe C Données expérimentales additionnelles
Annexe D Analyses et calculs WinJULEA

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