Le couplage entre l’endommagement et la perméabilité des roches suscite un intérêt grandissant pour des applications liées à différents problèmes industriels. On peut citer la fissuration des argilites autour des galeries de stockage de déchets radioactifs, pouvant augmenter considérablement leur perméabilité et constituant, de ce fait, un risque sérieux pour l’étanchéité et la sûreté de ces ouvrages. Mais le même phénomène peut se produire dans le béton des enceintes des centrales nucléaires et poser des risques analogues pour l’étanchéité et la sûreté de ces enceintes. On peut également citer la fissuration des roches réservoirs pétrolifères suite à l’extraction du pétrole et l’augmentation de la contrainte effective dans la roche.
Une spécificité du stockage de déchets radioactifs à haute activité réside dans les processus couplés (mécaniques, hydrauliques, thermiques etc.) mis en jeu. Tous ces phénomènes sont fortement couplés, en grande partie du fait de la présence d’eau dans la roche. On ne peut négliger aucun des effets susceptibles de compromettre la sûreté à long terme du stockage. C’est le cas par exemple de l’endommagement. Ce phénomène ne se traduit pas nécessairement par une incidence majeure sur la tenue mécanique des ouvrages. Toutefois, ce phénomène étant lié à la fissuration du matériau, il peut induire une modification de la perméabilité de la roche et de ses propriétés de confinement. Ces aspects sont très importants dans la conception des ouvrages de stockage souterrains. Il faut donc pouvoir identifier dans quelles conditions cet endommagement apparaît, quelle est son extension autour des ouvrages et quelle est son incidence sur la perméabilité de la roche.
Stockage souterrain des déchets radioactifs
Les déchets radioactifs
Les déchets radioactifs sont d’origines diverses mais proviennent, pour l’essentiel, de l’industrie électronucléaire. Les déchets radioactifs sont classés en trois catégories différentes:
• Les déchets A, de faible activité, sont dès à présent stockés en surface. L’ordre de grandeur de leur volume sera d’au moins 800 000 m³ en 2020.
• Les déchets B, de moyenne activité mais contenant des radionucléides à vie longue, représentent eux aussi un volume de l’ordre de 100 000 m³ en 2020.
• Les déchets C actuels vitrifiés sont le siège d’une activité et d’une thermicité élevée, et contiennent l’essentiel des radionucléides à vie longue. L’ensemble des produits de fission restant pourrait alors être quelques milliers de m³ en 2020.
Le gouvernement a décidé de stocker en surface, les déchets de faible et de moyenne activité à vie courte dans les centres de La Hague (Manche) et de Soulaines-Dhuys (Aube). En revanche, la gestion des autres types de déchets radioactifs fait l’objet d’études en cours.
Les déchets à haute activité et à vie longue (HAVL)
La France produit annuellement 1200 tonnes de combustible usé qui sont acheminées à l’usine de La Hague, après une période de refroidissement de 1 à 2 ans en piscine près des centrales (MCCG 2000). Sur ces 1 200 tonnes, EDF fait retraiter annuellement environ 850 tonnes, ce qui donne: 811,5 tonnes d’uranium, 8,5 tonnes de plutonium et 30 tonnes de « cendres » qui seront ultérieurement « vitrifiées » (29,2 tonnes de produits de fission et 0,8 tonnes d’actinides mineurs). Les flux annuels après conditionnement sont ainsi de:
• 350 tonnes de combustible usé, entreposées en piscine où elles refroidissent en attendant les décisions qui seront prises sur leur destination;
• 100 m³ de produits vitrifiés sous forme de fûts en inox de 200 litres (appelés déchets C), résultant d’un mélange intime des “ cendres ” à du verre en fusion. Ces fûts représentent 99% de la radioactivité des déchets (hors combustible usé qui en France n’est pas considéré comme un déchet) ;
• 300 m³ de matériaux de structures et de divers produits technologiques. Ces déchets (appelés déchets B) sont beaucoup moins irradiants que les précédents et dégagent peu de chaleur.
Un historique de la gestion des déchets HAVL
L’évolution des idées en matière de gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue s’inscrit, tant en France qu’à l’étranger, dans celle des contextes économiques, politiques et sociaux (SPR 2003). Au cours des cinquante dernières années, les objectifs de la gestion des déchets radioactifs ont ainsi été profondément modifiés. La question des déchets radioactifs ne peut être dissociée du contexte général du développement de la recherche nucléaire et, en particulier, de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins de production d’électricité. Sur le plan international, les programmes de construction de centrales nucléaires ont démarré dans les années 50. En France, par exemple, la construction du premier réacteur de la filière uranium-graphite-gaz à Chinon a été décidée en 1956 et son couplage au réseau est intervenu en 1963.
L’évolution des recherches sur le stockage géologique
Le stockage géologique, qui consiste à placer les déchets dans les profondeurs du sous-sol pour une durée illimitée et sans intention de les récupérer, a été l’option retenue de façon prioritaire au niveau international à partir des années 1960-1970. Des programmes de recherche importants ont été lancés dans la plupart des pays dotés de programmes nucléaires civils pour développer ce concept sur le plan technique. Historiquement, le terme d’enfouissement géologique a été employé en premier, puis les termes d’évacuation géologique définitive et enfin de stockage géologique sont apparus. Pendant longtemps, on trouvait indifféremment dans les documents techniques les termes d’évacuation ou de stockage pour qualifier l’évacuation définitive des déchets radioactifs dans des formations géologiques. Avec l’apparition récente du concept d’entreposage, la terminologie s’est progressivement précisée et l’on emploie désormais le terme de stockage (en anglais « disposal ») quand il s’agit d’évacuation à caractère définitif par opposition au terme d’entreposage (en anglais « storage », « repository ») qui, par définition, inclut la possibilité d’une reprise des déchets. Ce glissement de terminologie est en partie dû à l’importance croissante de la notion de « réversibilité » : même pour un stockage ayant vocation à être définitif, on s’efforce de ménager une période assez longue (un siècle ou plus par exemple) pendant laquelle on pourrait reprendre aisément les déchets.
A l’étranger :
Ce sont initialement les pays dotés de programmes nucléaires civils et non engagés dans la fabrication d’armes nucléaires qui se sont préoccupés les premiers du stockage profond des déchets : l’Allemagne dès les années 1960 et la Suède dès les années 1970. Ainsi en Allemagne, un laboratoire de recherche a été créé en 1965 dans l’ancienne mine de sel de Asse (canton de Wolfenbüttel). D’importants programmes de recherche et développement ont ensuite été lancés pour la caractérisation de deux sites éventuels de stockage en mine : Konrad à partir de 76 et Gorleben à partir de 79.
En Suède, une première installation souterraine de recherche a été créée à Stripa en 1977 dans une ancienne mine de fer dans un environnement granitique. Des programmes de recherche y ont été menés en collaboration avec les Etats-Unis, puis à une échelle multinationale élargie jusqu’en 1992. Un laboratoire souterrain en formation cristalline a été réalisé en 1994 à Äspö, destiné à tester et vérifier différents modèles d’évolution géologique et des méthodes de remplissage des cavités. Sept pays participent à ce projet (Allemagne, Canada, Finlande, France, Japon, Royaume-Uni et Suisse).
La Suisse a opté pour le retraitement d’une partie de son combustible usé dans le cadre de contrats avec COGEMA (France) et BNFL (Grande-Bretagne). Elle envisage pour le longterme de commencer le dépôt des déchets hautement radioactifs et du combustible usé dans un centre de stockage géologique à l’horizon de 2020-2050. Le concept de dépôt actuellement envisagé consiste à placer les déchets de haute activité et le combustible usé dans des galeries souterraines en profondeur.
Le gouvernement britannique, dans son Livre Blanc de 1995, a décidé de renoncer aux programmes de recherche sur le stockage des déchets radioactifs de haute activité sous les océans et de privilégier l’évacuation dans des formations géologiques continentales après une période initiale de refroidissement. La politique de recherche et de développement, très récemment redéfinie, sera prochainement soumise à consultation. Elle indiquera notamment quelles sont les mesures et décisions à prendre, et quel processus doit éventuellement conduire à la construction d’un dépôt géologique pour les déchets radioactifs, que ceux-ci soient ou non retraités.
En France :
En France, les premières recherches concernant le stockage géologique ont débuté au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) en 1974. La spécificité de la gestion des déchets nucléaires a été officiellement reconnue par la création au sein du CEA, le 7 novembre 1979, de l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs (ANDRA). Cette agence a été ultérieurement détachée du CEA. En France, la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN) a défini une Règle Fondamentale de Sûreté (Rfs III 2f) qui donne les objectifs à retenir dans les phases d’études et de travaux pour le stockage en formation géologique profonde afin d’assurer la sûreté après la période d’exploitation du stockage. Partant de cette situation, la loi du 30 décembre 1991 a ouvert un large champ d’explorations.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 Stockage souterrain des déchets radioactifs
1.1. Introduction
1.2. Les déchets radioactifs
1.3. Les déchets à haute activité et à vie longue (HAVL)
1.4. Un historique de la gestion des déchets HAVL
1.4.1.L’évolution des recherches sur le stockage géologique
1.4.1.1.A l’étranger
1.4.1.2.En France
1.5. La loi du 30 décembre 1991
1.6. Les trois Axes de recherche
1.6.1.Les priorités de recherche selon l’axe 2 de la loi de 1991
1.7. Programme de recherche
1.8. Le concept du stockage en formation géologique
1.9. Définition de l’Argilite
1.10. Les caractéristiques du site
1.11. La zone de roche endommagée (EDZ)
1.12. Un problème du stockage souterrain
1.13. Conclusion
Chapitre 2 Endommagement mécanique des argilites
2.1. Introduction
2.2. Mécanismes d’endommagement
2.3. Variable d’endommagement
2.4. Endommagement élastoplastique anisotrope pour les argilites
2.5. Evolution de l’endommagement mécanique-Potentiel thermodynamique
2.6. Critère d’endommagement
2.7. Critère de plasticité – endommagement
2.8. Milieux poreux et endommagement
2.9. Conclusion
Chapitre 3 Description de l’état de fissuration du matériau
3.1. Introduction
3.2. Modèles d’état de fissuration
3.2.1.Coordonnées du centre
3.2.2.Rayons, épaisseurs et orientations
3.2.2.1.Répartition des rayons
3.2.2.2.Répartition des épaisseurs
3.2.2.3.Fixer les bornes géométriques grâce aux observations in-situ
3.2.2.4.Angle θ et φ
3.3. Distribution de E (θ)
3.3.1.Distribution trigonométrique de E (θ)
3.3.1.1.Cas de l’extension simple
3.3.1.2.Cas de la compression simple
3.4. Méthode numérique de génération des fissures
3.5. Volume Elémentaire Représentatif (VER)
3.6. Passage du 3D au 2D pour la modélisation des fissures
3.7. Tenseur d’endommagement de fissuration
3.7.1.Modèle complet de l’endommagement de fissuration
3.8. Conclusion
Chapitre 4 Méthode de calcul de la perméabilité
4.1. Introduction
4.2. Concept d’écoulement dans un plan de coupe
4.3. Perméabilité équivalente
4.4. Perméabilité directionnelle
4.4.1.Comparaison entre la compression et l’extension
4.5. Prise en compte de la perméabilité initiale du milieu poreux
4.5.1.Valeurs des paramètres prises en compte pour le réseau de porosité initiale
4.6. Conclusion
Chapitre 5 Couplage entre endommagement et perméabilité
5.1. Introduction
5.2. Modèles existants pourle couplage entre endommagement et perméabilité
5.3. Modèle adopté pour le couplage
5.4. Schéma général de modélisation
5.5. Concept de seuil de percolation
5.5.1.Suppression de la porosité initiale
5.5.1.1.Compression
5.5.1.2.Extension
5.5.2.Diminution de l’effet de la porosité initiale
5.5.2.1.Compression
5.5.2.2.Extension
5.6. Comparaison des deux approches
5.7. Évolution de la perméabilité avec l’endommagement de fissuration
5.7.1.Effet de la variation du nombre de fissures
5.7.1.1.Compression simple
5.7.1.2.Extension simple
5.7.1.3.Extension isotrope
5.7.2.Effet de la variation du rayon
5.8. Perméabilité directionnelle
5.9. Résumé des résultats
5.10. Analyse et vérification du modèle
5.10.1.Forme d’évolution de l’endommagement avec la perméabilité
5.10.1.1.Phase initiale
5.10.1.2.Phase secondaire
5.10.1.3.Phase finale
5.10.2.Ordre de grandeur de l’évolution
5.10.3.Type d’équation choisie
5.11. Couplage Perméabilité – Endommagement
5.12. Conclusion
Chapitre 6 Modélisation numérique
6.1. Introduction
6.2. Cadre de modélisation
6.3. Algorithme du modèle de couplage endommagement–perméabilité
6.4. Modélisation de la compression simple
6.4.1.Modification des paramètres élastiques
6.5. Modélisation d’une galerie de stockage
6.5.1.Contraintes
6.5.2.Déformation
6.5.3.Déplacement
6.5.4.Endommagement
6.5.5.Perméabilité
6.5.6.Pression et Flux
6.6. Analyse des résultats
6.7. Conclusion
Conclusion générale
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