Endommagement anisotrope et comportement dynamique des structures en béton armé

Comportement en traction uniaxiale

   La réalisation d’un essai de traction directe sur une éprouvette est compliqué à réaliser. On préfère souvent, si l’on cherche à connaître uniquement la résistance en traction d’un béton, utiliser un essai de flexion 4 points ou un essai de fendage (également appelé essai brésilien). Ces différents essais sont représentés à la figure 3.5. En revanche, pour accéder au comportement post-pic du béton, il faudra avoir recourt à des techniques plus sophistiquées. La figure 1.3 représente la réponse d’un essai de traction. Au début du chargement (jusqu’à 50-60 % de la résistance en traction, ft) le comportement est quasiment linéaire. Le module d’Young commence ensuite à lentement diminuer jusqu’au pic de contrainte. Une fois le pic atteint (σ = ft), la contrainte chute brutalement (on parle d’adoucissement) et les fissures s’orientent perpendiculairement au chargement. En traction, la non-linéarité apparaît très rapidement et de façon importante. Elle est principalement liée à la fissuration : les microfissures progressent et coalescent jusqu’à donner naissance à une fissure macroscopique perpendiculaire à la sollicitation. C’est un endommagement directionnel, le matériau, en se fissurant devient orthotrope (voir aussi figure 1.5). Cependant la propagation des fissures s’effectue dans la pâte de ciment en contournant les granulats, plus résistants. La fissuration n’est donc pas parfaitement perpendiculaire au chargement ce qui provoque des frottements internes qui se traduisent par des déformations permanentes, comme on peut le voir lors des décharges effectuées en fin d’essai

Formulation d’un modèle d’endommagement pour le béton

   La formulation thermodynamique d’un modèle d’endommagement est similaire à celle des modèles de plasticité précités. Cependant, il peut être dans certains cas plus commode de considérer le potentiel d’état comme étant l’enthalpie libre de Gibbs ρψ∗[DGR07] (écrite en fonction des contraites) plutôt que l’énergie libre ρψ de Helmoltz [Mar81]. Le passage de l’une à l’autre se fait par une transformée de Legendre. Les variables intervenant dans le potentiel varient d’un modèle à l’autre. On trouve ou non une variable d’écrouissage pour décrire l’évolution de la surface seuil d’endommagement. On trouve aussi, et ce choix est maintenant largement contesté, des modèles à deux variables d’endommagement, une pour la traction et une pour la compression. Ce choix n’est pas thermodynamiquement admissible, une variable d’endommagement traduit un état (au sens thermodynamique) de micro-fissuration et ne peut dépendre, dans sa définition, du signe de la contrainte (ou de la déformation). On préférera la notion d’anisotropie induite de l’endommagement que l’on retrouve dans les modèles à une seule variable pour les matériaux quasi-fragiles. Cette variable d’endommagement peut être scalaire D ou tensorielle D, les conséquences de ce choix seront détaillées par la suite. L’opposé de la force thermodynamique associée à l’endommagement Y (ou Y pour un endommagement tensoriel) est appelée taux de restitution de densité d’énergie.

Couplage endommagement et plasticité

   Le fait de coupler l’endommagement et la plasticité permet de décrire à la fois l’irréversibilité des déformations, la dégradation des caractéristiques élastiques et l’adoucissement postpic de la réponse contrainte-déformation. On distingue parmi les modèles alliant plasticité et endommagement trois grandes catégories. Il y a tout d’abord les modèles où la plasticité et l’endommagement sont réellement couplés. Dans ce cas on utilise des variables d’état différentes pour modéliser l’endommagement et la Endommagement anisotrope et comportement dynamique des ouvrages en béton armé jusquà la ruine Modèle d’endommagement anisotrope initial plasticité [Ju89, LOD96, PT96, HD00, Bur97, JHPCG06]. Ces variables sont d’une part le tenseur de déformation plastique εp et éventuellement une variable d’écrouissage(r ou X) pour le comportement irréversible et d’autre part la variable d’endommagement D, généralement scalaire (et l’endommagement est alors isotrope). Cette modélisation conduit généralement à considérer deux fonctions critère différentes comme limite d’élasticité. Les évolutions des deux variables peuvent alors être pilotées dans deux espaces différents par des quantités différentes (généralement les contraintes pour la plasticité et les déformations pour l’endommagement). Cette modélisation permet de coller au plus prés du comportement réel du béton mais présente l’inconvénient de nécessiter un grand nombre de paramètres. D’autre part il y a les modèles de comportement où les deux phénomènes ne sont gouvernés que par une seule variable d’état. Pour les modèles de plasticité couplé à l’endommagement, le comportement non-linéaire du matériau est uniquement défini par des variables d’état irréversibles. L’effet de la micro-fissuration sur les caractéristiques mécaniques du matériau est introduit en écrivant ces caractéristiques comme des fonctions des déformations plastiques. On a alors un seul type de variable macroscopique pour modéliser à la fois l’apparition des déformations permanentes, l’évolution du module de Young et l’adoucissement (ou écrouissage) [FD87, Ulm96, ML06]. Le modèle de Matallah et La Borderie. propose une formulation nouvelle, où l’anisotropie des déformations élastiques module l’effet de l’endommagement représenté par une variable scalaire. L’introduction d’une variable interne supplémentaire εOUF désactive partiellement l’évolution de l’endommagement en compression si bien que l’on obtient des réponses différentes, malgré un endommagement qui reste isotrope avec une unique variable scalaire D. Enfin la dernière approche est le pendant de la seconde, qui sans introduire de variable d’état supplémentaire reproduit l’endommagement et le caractère anélastique du comportement en pilotant les déformations permanentes via la variable d’endommagement. C’est le cas du modèle de La Borderie [LaB91] où interviennent néanmoins deux variables d’écrouissage qui sont en fait l’équivalent de la déformation plastique cumulée

Alternance des sollicitations en dynamique rapide

  Un des cas les plus courants où le comportement cyclique du béton est pris en considération est le cas des chargements sismiques. Le bâtiment ou l’ouvrage soumis à un séisme subit un déplacement alterné de sa base qui induit dans la structure une alternance de sollicitations de traction et de compression (entre autres). Ce cas d’alternance se retrouve également pour les structures soumises aux vibrations (vent, trafic, …). Le comportement cyclique du béton est donc un sujet d’étude important, notamment parce que ce type de chargement conduit souvent à des dégradations importantes, voire, au pire, à la ruine de la structure. Dans le cas de sollicitations dynamiques rapides, comme l’impact ou le souffle, la structure est mise en vibration, et la prise en compte du comportement cyclique ou tout du moins alterné est de ce fait nécessaire. Cependant, la rupture sous impact arrive souvent en quelques millisecondes, bien avant que la structure ne se mette à vibrer. Les déformations engendrées par le premier pic d’effort sont suffisantes pour endommager très sévèrement la structure. On ne peut néanmoins s’affranchir de modéliser le comportement cyclique. Dans le cas d’un impact, par exemple, la zone sous le projectile est d’abord sollicitée en compression, mais l’onde qui se développe suite au choc, en atteignant le bord libre de la structure se réfléchit en une onde de traction. Du fait de la dissymétrie du comportement entre traction et compression, il se peut, si le chargement n’est pas trop violent, que l’onde en compression n’endommage que partiellement le béton alors qu’une macro-fissure se développe au passage de l’onde de traction. C’est ce phénomène qui se produit lorsque l’on observe de l’écaillage en face arrière d’une structure soumise à un impact. Il sera étudié en détail au paragraphe 4 du chapitre 3. Pour ces deux raisons (vibrations et reflexions d’ondes), il est également indispensable en dynamique rapide de reproduire le comportement du béton sous sollicitations alternées. Cette partie est donc consacrée à la présentation et l’interprétation des résultats expérimentaux, et aux manières de modéliser le comportement alterné dans le cas des modèles d’endommagement et en particulier pour le modèle anisotrope utilisé lors de cette thèse.

Effet de la vitesse de sollicitation en compression

   Historiquement, les essais dynamiques sur le béton ont consisté dans un premier temps, à pratiquer des essais de compression classiques sur machines hydrauliques, mais en faisant varier la vitesse de sollicitation. Cependant la manière la plus courante de caractériser le comportement dynamique du béton en compression repose sur des essais au barres de Hopkinson (essai SHPB, Split Hopkinson Pressure Bars),développés par [Hop14] puis améliorés par [Kol53]. Comme le montre la synthèse de ces essais réalisée par Bischoff et Perry [BP91], la résistance apparente du béton augmente avec la vitesse de sollicitation (fig. 3.1). Il est classique d’exprimer (surtout dans le cas d’une synthèse d’essais sur des bétons différents) l’augmentation de résistance comme le rapport de la résistance dynamique fdync sur la résistance en quasi-statique fc(à ε˙ = 10−6s−1). L’échelle des vitesses de sollicitation est alors une échelle logarithmique.

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Table des matières

Introduction
1 Modélisation du comportement et de l’endommagement anisotrope du béton 
1 Généralités
2 Modélisation du comportement monotone du béton 
2.1 Anisotropie induite par le chargement
2.2 Modèles de plasticité
2.3 Modèles d’endommagement
2.4 Couplage endommagement et plasticité
3 Modèle d’endommagement anisotrope initial 
3.1 Potentiel d’état pour l’endommagement anisotrope
3.2 Lois d’état
3.3 Fonction critère
3.4 Loi d’évolution
3.5 Identification des paramètres
3.6 Réponse du modèle pour les sollicitation uniaxiales
4 Modélisation du comportement cyclique du béton 
4.1 Alternance des sollicitations en dynamique rapide
4.2 Résultats cycliques expérimentaux et interprétation
4.3 Modélisation de l’effet unilatéral
4.4 Modèle initial pour les chargements alternés [Sou08]
5 Domaine de validité du modèle initial 
6 Conclusion et bilan des équations du modèle 
2 Implantation numérique et développements complémentaires 
1 Implantation numérique du modèle initial dans un code éléments finis
1.1 Schéma numérique d’intégration du modèle initial
1.2 Schéma numérique d’intégration du modèle pour chargements alternés
1.3 Modification de la gestion de la rupture
2 Calcul de la dissipation intrinsèque
2.1 Deux expressions de la dissipation intrinsèque
2.2 Discrétisation temporelle pour le calcul de l’incrément de dissipation
2.3 Méthode indirecte
2.4 Choix de la méthode de calcul
2.5 Estimation de l’élévation de température
3 Estimation de l’ouverture de fissures
4 Première application : l’essai brésilien 
4.1 Description de l’essai
4.2 Apport de l’anisotropie
4.3 Dissipation intrinsèque
4.4 Estimation de l’ouverture de fissure
5 Conclusion
3 Modélisation du comportement dynamique du béton 
1 Effet de la vitesse sur la résistance du béton 
1.1 Effet de la vitesse de sollicitation en compression
1.2 Effet de la vitesse de sollicitation en traction
1.3 Interprétation de l’effet de vitesse
1.4 Effet de vitesse pour des sollicitations alternées
2 Modélisation du comportement et de l’endommagement du béton en dynamique 
2.1 Modèles élasto-plastiques avec effet de vitesse
2.2 Modèles élasto-visco-plastiques
2.3 Modélisation des effets de vitesse par un écrouissage visqueux
2.4 Modèles visco-endommageables
2.5 Un modèle visco-plastique visco-endommageable
2.6 Identification des paramètres
3 Extension du modèle d’endommagement anisotrope initial aux chargements dynamiques
3.1 Loi d’évolution de l’endommagement
3.2 Bilan des équations du modèle d’endommagement anisotrope pour sollicitations dynamiques
3.3 Schéma numérique d’intégration
3.4 Identification des paramètres
3.5 Influence de la viscosité sur la dissipation intrinsèque
3.6 Désactivation des dommages en dynamique
4 Application à l’essai de traction dynamique par écaillage
4.1 Description de l’essai
4.2 De la nécessité de l’effet de vitesse en calcul de structures
4.3 Influence de la viscosité sur la dissipation intrinsèque
5 Conclusion
4 Instabilités, dépendance au maillage et régularisations 
1 Origine du phénomène de localisation des déformations en dynamique
1.1 Illustration du phénomène de localisation
2 Les limiteurs de localisation 
2.1 Les modèles à énergie constante
2.2 Les modèles non-locaux intégraux
2.3 Les modèles de type second gradient
2.4 L’effet retard
2.5 La multifragmentation
3 Sensibilité à la méthode de régularisation 
3.1 Impact rapide
3.2 Impact lent
4 Un nouveau type d’instabilité due à l’anisotropie induite
4.1 Origine de l’instabilité
4.2 Existence d’une instabilité en compression simple
4.3 Influence du choix du schéma
4.4 Influence de la dicrétisation du chargement
4.5 Influence de la viscosité sur l’instabilité
4.6 Nouvelle direction d’endommagement
4.7 Influence de l’instabilité sur le résultat d’un calcul de poutre en flexion
5 Conclusion 
5 Résultats expérimentaux sur structures en dynamique 
1 Comportement dynamique des structures en béton armé 
1.1 Chargements et structures étudiés
1.2 Identification des mécanismes locaux sous impact
1.3 Modes de ruine globaux
1.4 Combinaison des mécanismes
1.5 Classification des impacts
2 Essais d’impact sur tour de chute
2.1 Dispositif expérimental
2.2 Instrumentation
2.3 Mesures de champs
3 Essais brésiliens dynamiques
3.1 Géométrie des éprouvettes et chargement expérimental
3.2 Caractéristiques des bétons testés
3.3 Mesure de la force d’impact
3.4 Cinématique globale de l’impact
3.5 Analyse de l’enregistrement de la caméra rapide
3.6 Analyse par mesure de champs
4 Essais d’impact sur poutre 
4.1 Géométrie, ferraillage et chargement expérimental
4.2 Rupture en flexion
4.3 Rupture en cisaillement
4.4 Cinématique globale de l’impact
5 Conclusion
6 Modélisation de structures en béton armé soumises à l’impact et au souffle 
1 Essai brésilien dynamique 
1.1 Paramètres de la modélisation
1.2 Résultats de simulation
2 Essai d’impact sur poutre 
2.1 Paramètres de la modélisation
2.2 Résultats de simulation
3 Essai de souffle sur dalles armées 
3.1 Description des essais
3.2 Paramètres de la modélisation
3.3 Résultats de simulation
4 Difficultés numériques liées à l’endommagement isotrope
4.1 Essai brésilien dynamique
4.2 Impact sur poutre
4.3 Essai de souffle
4.4 Discussion sur l’endommagement isotrope pour des calculs de structures en dynamique
5 Conclusion
Conclusion et perspectives
Annexe A
Annexe B
Annexe C
Bibliographie

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