Rôle des lésions cardiaques préalables
Il a été observé de longue date, qu’une anomalie valvulaire congénitale ou acquise est retrouvée chez la majorité des patients atteints d’endocardite infectieuse. Le modèle d’endocardite expérimentale de l’animal, proposé par GARRISON et FREEDMAN [65], est à l’origine du concept pathogénique de l’EISA. Une valve normale est peu ou pas thrombogène. Par contre une lésion de l’endothélium valvulaire conduit rapidement au dépôt de plaquettes et de fibrine, réalisant «l’endocardite thrombotique non bactérienne» (Non Bacterial Thrombotic Endocarditis : NBTE) [8, 52]. Cette lésion fibrinoplaquettaire sera ensuite rapidement colonisée par des micro-organismes au cours d’une bactériémie. Les anomalies endocardiques et de dépôt des micro-organismes peuvent être provoquées par des lésions de «jet» dues à des anomalies rhéologiques à l’intérieur du cœur et des vaisseaux, soit par l’éjection, soit par la régurgitation [152]. Le développement de la végétation au niveau d’une valve est directement proportionnel à la pression qui règne à son niveau. Ces lésions de «jet » entrainent une exposition du collagène qui favorise le dépôt fibrino-plaquettaire sur lequel se grefferont les micro-organismes. Un deuxième mécanisme favorisant la colonisation microbienne et expliquant surtout le siège des végétations est l’effet VENTURI [70]. ROBERT a montré en 1963 [133] que les bactéries projetées à travers un tube revêtu d’un milieu de culture et siège d’un rétrécissement, se fixaient et se développaient immédiatement après le rétrécissement dans la zone où la turbulence est la plus faible. L’effet VENTURI démontre l’existence, au niveau d’un conduit présentant un rétrécissement, d’une zone de haute pression et d’une zone de basse pression où se fixent les germes. Ces facteurs (lésions de jet, gradient de pression, zone de basse pression et de moindre turbulence) expliquent la localisation des végétations dans les endocardites infectieuses : face ventriculaire des sigmoïdes aortiques en cas d’insuffisance aortique, face auriculaire des valves mitrales (cette dernière lésion étant appelée patch de Mac Callum)[133] en cas d’insuffisance mitrale, endocarde ventriculaire droit au pourtour de l’orifice d’une communication inter-ventriculaire, artère pulmonaire gauche en cas de persistance du canal artériel, zone post-sténotique de l’aorte en cas de coarctation. Ceci rend compte également de la grande rareté des endocardites lorsque le débit et le gradient de pression sont faibles (communication inter-auriculaire, rétrécissement mitral, communication inter-ventriculaire large, insuffisance cardiaque, fibrillation auriculaire) et de la plus grande fréquence des endocardites du cœur gauche où les pressions sont plus élevées que dans le cœur droit.
Développement de la végétation
Dès que les bactéries ont adhéré à la végétation stérile, leur multiplication débute. Elles échappent aux mécanismes de défense locale par apposition de thrombocytes et de fibrine, les isolant ainsi des neutrophiles et créant une zone d’agranulocytose localisée [55]. De plus la végétation fournit un bon stroma pour le développement des bactéries. Ainsi la bactérie se multiplie à la surface de la végétation, celle-ci se développant par apposition de couches successives fibrino-plaquettaires enchâssant des amas bactériens. Il s’en suit une répartition non homogène des bactéries au sein de la végétation avec une activité métabolique réduite au niveau des bactéries profondément enfouies à la base de la végétation [55]. Ces différents facteurs expliquent la limitation de l’activité des antimicrobiens dans le traitement des endocardites infectieuses [59]. Du fait de la localisation cardio-vasculaire de l’infection, des bactéries sont continuellement relâchées dans la circulation, créant ainsi une bactériémie de faible amplitude, mais persistante. Ceci représente une des caractéristiques de l’endocardite infectieuse subaiguë. La végétation infectée est une entité dynamique en équilibre complexe et délicat dont la croissance permanente par apposition continuelle de thrombocytes, de fibrine et de nouvelles bactéries est compensée par les processus de fragmentation, d’embolisation et par la résorption engendrée par la réponse inflammatoire [59].
Lésions destructrices d’ulcérations
L’infection est responsable des lésions destructrices intéressant aussi bien les feuillets valvulaires eux-mêmes que l’appareil sous valvulaire et le tissu péri-valvulaire [72]. Au niveau valvulaire, ces lésions destructrices d’ulcérations sont plus ou moins étendues: tantôt simple échancrure du bord libre de la valve; tantôt perforation (figure 2 et 3) de l’étoffe valvulaire elle-même, de diamètre variable, arrondie à l’emporte-pièce ou à contours déchiquetés; tantôt résorption complète de l’étoffe de la valve jusqu’à l’anneau fibreux d’insertion [45]. Les ulcérations sont dues à la fragilisation du tissu valvulaire consécutive à la nécrose de ses constituants (fibres collagènes essentiellement) par les toxines microbiennes, les agents protéolytiques des polynucléaires et les cytokines des macrophages. L’étoffe valvulaire amincie, avant de se perforer, peut se souffler localement, donnant lieu à la formation d’un anévrisme en «doigt de gant» [45]. La principale complication de ces lésions destructrices est l’insuffisance valvulaire, elle-même responsable d’un tableau d’insuffisance cardiaque congestive. Au niveau sous-valvulaire, l’endocardite atteint fréquemment l’appareil sous-valvulaire mitral responsable de rupture de cordages ou beaucoup plus exceptionnellement de rupture de piliers mitraux responsables de fuites valvulaires massives [72].
Atteinte myocardique au cours de l’endocardite infectieuse
Les lésions anatomiques de l’atteinte myocardique observées sont variables. Il peut s’agir :
D’abcès du myocarde soit isolé soit sous forme de micro-abcès miliaires multiples, révélant des micro-embolies coronaires infectantes multiples: le centre de ces abcès miliaires, riches en colonies microbiennes, s’entoure d’une couronne de polynucléaires avec nécrose myocytaire [45, 95].
De foyers de nécrose myocardique pouvant intéresser les muscles papillaires et liés à la diminution du débit artériel, ou plus rarement pouvant siéger dans le muscle et dus à des embolies coronariennes [7].
De lésions de myocardite interstitielle diffuses ou nodulaires avec infiltrats de polynucléaires neutrophiles pouvant évoluer vers la fibrose [45, 154]. Dans la statistique anatomique de LOIRE et TABIB, les myocardites sont observées dans 27% des cas: myocardites interstitielles diffuses ou nodulaires (11%); foyers de nécrose myocardique (8%); abcès du myocarde (8%) [108].
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. PATHOGENIE DE L’ENDOCARDITE INFECTIEUSE
II. CONSEQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES
III. ANATOMO-PATHOLOGIE
IV. DIAGNOSTIC DE L’ENDOCARDITE INFECTIEUSE
IV.1. Type de description : endocardite subaiguë lente ou maladie d’Osler
IV.1.1.Signes cliniques
IV.1.2.Signes paracliniques
IV.2. Formes cliniques
IV.2.1. Endocardite infectieuse aiguë
IV.2.2. Endocardite infectieuse sur prothèse valvulaire
IV.2.3. Endocardite infectieuse sur cœur droit
IV.2.4. Endocardite infectieuse sur sonde de pacemaker
IV.2.5. Endocardite infectieuse à hémocultures négatives
V. CRITERES DIAGNOSTQUES
VI. EVOLUTION – COMPLICATIONS
VI.1. Evolution favorable
VI.2. Complications
VI.3. Rechutes
VII. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
VII.1. Terrain
VII.2. Germe
VII.3. Portes d’entrée
VIII. TRAITEMENT
VIII.1. Buts
VIII.2. Traitement médical
VIII.3. Traitement chirurgical
IX. PREVENTION
IX.1. Cardiopathies à risque
IX.2. Gestes justifiant une antibioprophylaxie
IX.3. Modalités de l’antibioprophylaxie
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
METHODOLOGIE
I. CADRE D’ETUDE
II. MALADES ET METHODES
III. EXPLOITATION DES DONNEES
RESULTATS
I. AU PLAN EPIDEMIOLOGIQUE
I.1. Prévalence
I.2. Répartition des cas selon l’âge
I.3. Répartition des cas selon le sexe
I.4. Répartition des cas selon l’origine géographique
I.5. Répartition des cas selon le niveau d’instruction
I.6. Répartition des cas selon le profil économique
II. AU PLAN CLINIQUE
II.1. Antécédents
II.2. Cardiopathies sous jacentes
II.3. Signes cardiaques
II.4. Signes extracardiaques
II.5. Porte d’entrée
III. AU PLAN PARACLINIQUE
III.1. Biologie
III.2. Electrocardiogramme
III.3. Radiographie du thorax
III.4. Echographie doppler trans-thoracique
IV. CLASSIFICATION
V. AU PLAN THERAPEUTIQUE
VI. EVOLUTION – COMPLICATIONS
VII. COÛT DE LA PRISE EN CHARGE
DISCUSSION
I AU PLAN EPIDEMIOLOGIQUE
I.1. Prévalence
I.2. Répartition des cas selon l’âge
I.3. Répartition des cas selon le sexe
I.4. Répartition des cas selon l’origine géographique et Profil économique
II. ASPECTS DIAGNOSTIQUES
II.1. AU PLAN CLINIQUE
II.1.1. Terrain
II.1.1.1. Valvulopathies acquises
II.1.1.2. Cardiopathies congénitales
II.1.1.3. Endocardites infectieuses sur sonde pacemaker
II.1.1.4. Endocardites infectieuses postopératoires
II.1.2. Signesextracardiaques
II.1.2.1.Fièvre
II.1.2.2.Amaigrissement
II.1.2.3.Splénomégalie
II.1.2.4. Signes cutanéophanériens
II.1.3. Ported’entrée
II.2. AU PLANPARACLINIQUE
II.2.1.Biologie
II.2.2. Echographie doppler
III. EVOLUTION ET FACTEURS PRONOSTIQUES
III.1.Complications
III.2.Létalité
IV. ASPECTSTHERAPEUTIQUES
V. ASPECTSFINANCIERS
PROBLEMES POSES ET LES STRATEGIES PRECONISEES
I. PROBLEMESPOSES
I.1. De l’étude rétrospective
I.2. Au plan diagnostique
I.3. Retard diagnostique
I.4. Au plan de l’évolution et pronostic
I.5. Au plan thérapeutique
II. STRATEGIES PRECONISEES
II.1. De l’étude rétrospective
II.2. Au plan diagnostique
II.3. Au plan de l’évolution et pronostic
II.4. Au plan thérapeutique
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXES
Télécharger le rapport complet