Les encéphalites sont des inflammations rares et sévères du système nerveux central (SNC) et plus précisément du cerveau. Leur incidence, bien que difficilement mesurable, est estimée entre 4 à 9 cas pour 100 000 habitants et par an (Granerod et al., 2013). Elles affectent des sujets de tous âges et sont associées à une morbidité et mortalité élevées. Quand la pathologie n’est pas fatale, les individus conservent fréquemment des séquelles physiques, cognitives ou comportementales (Venkatesan, 2015).
Chez les individus immunocompétents, les encéphalites ont deux étiologies principales : infectieuses ou dysimmunitaires. Cependant dans un tiers des cas, l’encéphalite reste encore idiopathique (Granerod et al., 2010).
Ces dernières années le spectre des encéphalites autoimmunes s’est considérablement élargi avec l’identification de multiples auto-anticorps dirigés contre des protéines ou récepteurs impliqués dans la transmission synaptique. Actuellement plus d’une dizaine d’antigènes de la surface neuronale sont connus comme étant la cible d’auto-anticorps (Dalmau and Graus, 2018). Les anticorps antirécepteur au NMDA (N-méthyl-D-aspartate), anti-LGI1 (leucinerich glioma inactivated 1), ou encore, anti-récepteur à l’AMPA (acide α-amino-3-hydroxy-5-methyl-4-isoxazolepropionique) peuvent être cités en exemple. Ces auto-anticorps récemment caractérisés ciblent des épitopes extracellulaires, et pour certains leur effet pathogénique direct a été démontré. Ils induisent, le plus souvent, des symptômes neuropsychiatriques et peuvent survenir en présence, comme en l’absence, d’un contexte tumoral (Dalmau et al., 2011).
Encéphalite à anticorps antirécepteur au NMDA : les principales caractéristiques
Description épidémiologique
L’encéphalite à anticorps anti-NMDAR est une encéphalite dysimmunitaire médiée par des auto-anticorps. Elle se traduit par une combinaison de troubles psychiatriques et neurologiques, pouvant évoluer vers une dysautonomie avec hypoventilation, nécessitant une prise en charge prolongée en unité de soins intensifs.
La première étude d’une cohorte de patients atteints d’encéphalite à anticorps anti-NMDAR a été réalisée en 2005 (Vitaliani et al., 2005). Cette pathologie était initialement considérée comme un syndrome paranéoplasique. C’est à dire comme un ensemble d’anomalies clinico-biologiques induit par une tumeur, mais provoqué dans une région située à distance de celle-ci. En effet, dans cette cohorte sont décrits les cas de quatre jeunes femmes ayant développées une encéphalite associée à un tératome ovarien. Cependant de nombreux autres cas ont par la suite été publiés, notamment chez des hommes et des enfants, sans qu’aucune néoplasie sous-jacente ne soit retrouvée (Armangue et al., 2013). Les données épidémiologiques sont parfois discordantes, voire même contradictoires, selon les études. Ces différences inter-cohortes peuvent s’expliquer par les modalités de recrutement des patients. Cependant selon Titulaer et al., qui rapportent à ce jour la plus large cohorte de patients atteints d’encéphalite à anticorps anti-NMDAR, plusieurs observations sont possibles. L’âge médian au début de la maladie est de 21 ans, avec des extrêmes allant de 8 mois à 85 ans. Néanmoins, seulement 5% des sujets ont plus de 45 ans et 37% ont moins de 18 ans. La pathologie est donc prédominante chez l’adulte jeune et chez l’enfant. Comme dans de nombreuses maladies auto-immunes, on retrouve un biais dans le ratio homme/femme. Dans 6 à 8 cas sur 10 les sujets sont de sexe féminin (Irani et al., 2010) (Wang et al., 2019). Il est à noter que la moitié des sujets masculins sont affectés, soit avant l’âge de 12 ans, soit après 45 ans (Titulaer et al., 2013). L’encéphalite à anticorps anti-NMDAR apparaît dans 40% des cas comme une manifestation paranéoplasique (Titulaer et al., 2013). La recherche d’un cancer est absolument nécessaire, notamment chez les femmes, puisqu’une tumeur est retrouvée chez la moitié d’entre elles. Le tératome ovarien est de très loin la néoplasie la plus fréquente (85 à 95%), par rapport aux autres cancers décrits (carcinome du poumon à petites cellules, adénocarcinome utérin ou prostatique, cancer du pancréas, carcinome thymique…) (Bost et al., 2018). En revanche la présence d’une tumeur est inhabituelle chez les enfants de moins de 12 ans et les sujets masculins (Titulaer et al., 2013). Plus récemment il a été proposé que les encéphalites auto-immunes, et en premier lieu celles à anticorps antiNMDAR, pouvaient succéder à une encéphalite infectieuse. Une étude prospective a rapporté que 18% des patients atteints d’encéphalites à HSV, quelque soit leur âge et leur sexe, développaient dans les semaines qui suivent, des anticorps anti NMDAR et des signes cliniques qui leur sont associés (Armangue et al., 2018).
Caractéristiques cliniques
Phase prodromique
L’encéphalite à anticorps anti-NMDAR évolue sur un mode aigu ou subaigu. Selon les cohortes, 70 à 90% des patients présentent des symptômes avant-coureurs précédents la survenue de la phase principale de la maladie (Dalmau et al., 2008 et 2011). Ces symptômes prodromaux, non spécifiques, de types pseudo-grippaux, peuvent faire envisager un processus infectieux. En effet parmi ces individus, 97% présentent des céphalées ou de la fièvre, ou une association de ces deux symptômes (Irani et al., 2010 ; Wu et al., 2020). D’autres manifestations ont aussi été rapportées durant cette phase comme les nausées, les vomissements, les diarrhées.
Phase d’état
Dans les deux semaines qui suivent, les sujets développent progressivement un large spectre de symptômes neuropsychiatriques où prédominent les épilepsies et les troubles comportementaux. Ces derniers regroupent divers symptômes parmi lesquels on trouve, psychoses, hallucinations, manies, agitation, agressivité, dépression, insomnies, anxiétés, pensées suicidaires (Wang et al., 2019). Chez l’adulte, il est habituel que les anomalies psychiatriques soient les premiers signes à être observés. Vient ensuite l’atteinte neurologique avec des épilepsies focales ou généralisées, des dyskinésies notamment oro-faciales, des troubles mnésiques et du langage pouvant aller jusqu’au mutisme (Dalmau et al., 2008).
Une dysautonomie est retrouvée chez plus de 50% des patients, dont les manifestations les plus fréquentes sont des troubles du rythme cardiaque, une hyperthermie, une hypertension artérielle et une hypersialorrhée. Le principal facteur de gravité de la maladie vient de l’hypoventilation centrale pouvant nécessiter une admission des patients en unité de soins intensifs, et la mise en place d’une ventilation mécanique (Dalmau et al., 2011). L’ensemble des patients ne présente pas l’intégralité des symptômes mentionnés précédemment. Les personnes atteintes développent, au cours des premières semaines de la maladie, au minimum 4 symptômes différents (Titulaer et al., 2013). Cependant 4% des sujets, ont une symptomatologie exclusivement restreinte aux troubles psychiatriques (Kayser et al., 2013). Quoique rares, ces symptômes psychiatriques isolés ne doivent pas être méconnus afin de ne pas retarder le diagnostic et la prise en charge (Dalmau et al., 2011).
Cas pédiatriques
Bien qu’une majorité de cas soit observée chez l’adulte, la fréquence de la maladie chez les enfants est non négligeable. La présentation clinique est souvent différente entre ces 2 populations. Alors que chez les adultes les premiers symptômes sont souvent psychiatriques (Titulaer et al., 2013) ; chez l’enfant de moins de 12 ans, au début de la maladie, ce sont les troubles neurologiques qui sont au premier plan, notamment les épilepsies et les dyskinésies (Favier et al., 2018). Il a été suggéré que la maturation cérébrale, ainsi que les changements hormonaux observés au cours de la puberté, puissent être à l’origine des ces différences.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Contexte de l’étude
2. Encéphalite à anticorps anti-récepteur au NMDA : les principales caractéristiques
2-1. Description épidémiologique
2-2. Caractéristiques cliniques
2-2-1. Phase prodromique
2-2-2. Phase d’état
2-2-3. Cas pédiatriques
2-3. Diagnostic biologique : les examens d’intérêt
2-3-1. Analyses du LCR
2-3-2. Recherche d’une synthèse intrathécale d’immunoglobulines
2-3-3. Identification des auto-anticorps
2-4. Prise en charge thérapeutique
2-5. Pronostic et évolution
3. Physiopathologie
3-1. Récepteur au NMDA
3-1-1. Structure du récepteur
3-1-2. Distribution et fonction du récepteur
3-2. Auto-anticorps anti-NMDAR
3-2-1. Cible des auto-anticorps
3-2-2. Mécanismes médiés par les auto-anticorps
a. Internalisation des NMDAR
b. Perturbation de l’interaction avec le récepteur à l’Ephrin-B2
c. Implication du complément
3-3. Origines de la réponse immune
3-3-1. Tératomes ovariens
3-3-2. Encéphalites virales
3-3-3. Susceptibilité génétique
4. Epitopes des NMDAR
4-1. Epitopes B des NMDAR
4-2. Epitopes T des NMDAR
4-2-1. Définition d’un épitopes T
4-2-2. Complexe majeur d’histocompatibilité de classe II
4-2-3. Apprêtement des antigènes et production des épitopes T CD4
4-2-4. Implication des lymphocytes T CD4
a) Lymphocytes T CD4 dans les modèles d’immunisation active
b) Lymphocytes T CD4 dans l’encéphalite à anticorps anti-NMDAR
MATERIELS ET METHODES
CONCLUSION