Aux yeux des jeunes malgaches, notamment ceux issus des quartiers défavorisés, l’ « étranger » est perçu comme un univers paradisiaque ou l’eldorado convoité des jeunes ayant raté leurs études et qui veulent changer de vie. Jalonnée de crise, la vie à Madagascar continue d’être exaspérante et le goût de « partir loin» pour chercher du travail ou tout simplement pour changer de vie se fait ardemment sentir dans les ménages abandonnés par les entreprises franches. Sous informés, les jeunes arrivent jusqu’à dépenser tout ce qu’ils ont pour s’envoler alors que dans le chemin inverse, des corps rapatriés venant des pays arabes ne cessent de fluctuer. Certains membres des familles des victimes dévoilent les maltraitances dont sont victimes leurs enfants. D’autres déplorent la disparition du corps de la personne elle-même.
A partir des années 1998, le nombre de personnes, des femmes surtout, travaillant dans les pays arabes n’a cessé de croitre. De ce fait, l’Etat malgache a tenu de contrôler les flux de migration des femmes souhaitant travailler à l’étranger, dans les pays arabes surtout, par le contrôle des bureaux de placement privés qui les y envoient. Ainsi, le 28 Juin 2005, le décret n°2005-396 fixant les conditions et modalités d’exercice des bureaux de placement privés et les modalités d’octroi et de retrait d’agrément a été mis en vigueur. En effet, ces bureaux de placement doivent avoir l’agrément du Ministre chargé de l’Emploi qui se fait par le biais d’un arrêté après une longue procédure déterminée par le décret et reprise par l’arrêté N°01- 013/2010 fixant les modalités d’octroi et de retrait d’agrément des Bureaux de Placement Privés pris par le Ministre de la fonction publique, du travail et des lois sociales le 10 Février 2010.
Pourtant, depuis ces six dernières années, le phénomène fait couler beaucoup d’encres aussi bien dans la presse locale que dans les médias des autres pays. En effet, des faits plutôt alarmants se sont produits autour de la violation des droits fondamentaux de l’homme et surtout ceux des femmes malgaches migrantes travaillant comme domestiques dans lesdits pays.
L’ENCADREMENT JURIDIQUE DES DROITS FONDAMENTAUX DES TRAVAILLEURS MIGRANTS
La protection dans le cadre général des droits fondamentaux des travailleurs migrants dans le golfe
Les droits fondamentaux sont en principe des droits de premier rang dont tous les êtres humains doivent bénéficier . Cependant les réglementations de migration varient d’un pays à un autre mais il est de coutume de considérer quand même un minimum standard que tous les Etats doivent respecter. Malheureusement, ce degré minimum de droits a des contours indéterminés mais elle demeure quand même une nécessité .
Les droits fondamentaux : un dénominateur commun des tous les travailleurs de toutes les catégories
Les droits fondamentaux des travailleurs est une valeur qui permet à tous les travailleurs d’avoir une condition de vie meilleure et une chance de réussite équitable et fondée sur les droits et l’OIT a déjà apporté un appui à ce concept de droits fondamentaux à travers la déclaration relative aux principes et droits fondamentaux en 1998 en véhiculant des normes fondamentales dont elle poursuit la promotion jusqu’à maintenant .
Consécration des droits fondamentaux pour les travailleurs domestiques
Les droits fondamentaux permettent à tous de se procurer d’un travail équitable et son respect est une obligation implicite de tout membre de l’OIT .
Les droits fondamentaux au travail : une des conditions pour un travail équitable
Depuis les années 1970, le flux migratoire n’a cessé de fluctuer dans le monde. Les travailleurs issus des pays pauvres d’Afrique, d’Amérique latine (exemple: Népal), et d’Asie sont souvent les plus touchés. La migration est un phénomène intimement lié à la pauvreté car c’est la misère qui pousse les gens à abandonner temporairement leur famille pour trouver un l’emploi meilleur. Pourtant, c’est justement ce désir de trouver du travail dans des conditions meilleures qui est le point de départ de l’exploitation des employeurs dans les pays de destination. Souvent, les employeurs soumettent les employés immigrés dans des conditions inhumaines et indésirables. Le mot qui résume bien cette situation est « l’exploitation ». En effet, les travailleurs sont toujours moins protégés. La loi ne leurs accorder guère les mêmes protections que les autres travailleurs, notamment les travailleurs nationaux.
Dans la réalité, les travailleurs immigrés travaillent d’arrache-pied en déployant leurs énergies pour satisfaire les besoins des employeurs de leur pays d’accueil. Malheureusement, Les pays d’accueil ne ressentent pas toujours cet effort que les immigrés ont fait pour eux. A noter toutefois que les demandes de mains d’œuvre étrangères sont très fluctuantes dans les pays Arabes. En outre ce n’est pas uniquement dans les ménages que ce besoin est très ressenti mais également dans les entreprises où l’on compte de nombreux ouvriers étrangers. Cette inégalité des avantages montre bien que les avantages perçus par les Employeurs et Employés sont inéquitables. Les employeurs font tout pour profiter au maximum la vulnérabilité des travailleurs et pour faire croître leur économie.
Dans l’optique de réajuster et d’équilibrer les avantages perçus par les Employeurs et les travailleurs, l’OIT, dans sa déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail rappelle que la croissance économique est vitale mais n’est pas suffisante . Il faut aussi de l’équité qui tient compte des droits fondamentaux. Autrement dit la croissance économique doit nécessairement être conjuguée avec le progrès social pour que chacun puisse récolter dignement les fruits de ses efforts .
Le respect des droits fondamentaux : une obligation implicite des membres de l’OIT
Les conventions, lignes directrices et recommandations sur les normes de travail élaborées par l’OIT depuis sa création sont désormais jusqu’ici très nombreuses et tellement variées. Elles couvrent presque toutes les facettes du monde du travail. En dépit de cette dynamique normative, le nombre des pays qui ratifient les conventions ― notamment les conventions qui touchent les Droits fondamentaux ― est encore insuffisant et n’atteint pas encore la totalité de tous les Membres de l’OIT. Poussée par l’ambition d’insister les pays dans la ratification de ces conventions fondamentales et au lieu d’obliger les pays à s’y prendre, l’OIT adopte une approche plutôt incitatrice. La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux de l’OIT de 1998 a été l’occasion pour l’OIT d’affirmer que « Tous les membres, même lorsqu’ils n’ont pas ratifié les conventions en question, ont l’obligation, du seul fait de leur appartenance à l’organisation, de respecter, promouvoir et réaliser de bonne foi et conformément à la constitution, les principes concernant des droits fondamentaux qui sont l’objet desdites conventions ». Comme c’est une déclaration, elle n’est pas dotée d’une force contraignante alors que les droits objets de la protection sont des droits fondamentaux.
Cette Déclaration reconnait huit conventions qu’elle considère comme fondamentales pour l’OIT, à savoir :
– La convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;
– La convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949;
– La convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930;
– La convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957;
– La convention (nº 138) sur l’âge minimum, 1973;
– La convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999;
– La convention (nº 100) sur l’égalité de rémunération, 1951;
– La convention (nº 111) concernant la discrimination (emploi et profession) 1958.
Ces conventions fondamentales se sont déjà dessinées instinctivement dans la Déclaration de Philadelphie en 1944 qui énonce les buts et principes de l’OIT et met en relief la particularité du travail fourni par l’employé en affirmant que « le travail n’est pas une marchandise ». Ceci implique que l’employeur n’a pas de droit de propriété sur le travail et le travail doit être fourni par l’employé sous des réglementations strictes imposées par des dispositions spécifiques (politique nationale de l’emploi, législation ou réglementation de travail) pour éviter l’arbitraire de l’employeur. La Déclaration invite également les Etats à promouvoir les libertés d’expression et d’association dans le but d’obtenir un environnement harmonieux et communicatif dans les milieux du travail. A noter toutefois que le dialogue social est un élément clé dans le domaine du travail. Même pendant les conférences annuelles de l’OIT, les débats sont nourris d’échanges tripartites (Etats, Employeur, Employé).
Le droit de négociation collective, un autre principe fondamental souligné par la Déclaration de Philadelphie en 1944, est une résultante des libertés d’expression et d’association.
La Déclaration de Philadelphie se penche également sur la dignité de la personne de l’employé quel que soit son âge. Elle cherche par exemple à « protéger l’enfance et la maternité » et à promouvoir l’égalité des chances dans le domaine éducatif et professionnel. Enfin, Elle vise l’extension des mesures de sécurité sociale pour que le travail soit vraiment un milieu permettant à tout individu de sortir de la pauvreté, travailler en sécurité et atteindre des objectifs à long terme.
De ce fait bon nombre d’Etats arabes de destination des travailleurs domestiques migrants font preuve d’indifférence dans la protection des droits fondamentaux car on ne peut pas obliger un Etat à se conformer à des obligations internationales qui n’a pas reçu son consentement.
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I. ENCADREMENT JURIDIQUE DES DROITS FONDAMENTAUX DES TRAVAILLEURS MIGRANTS
TITRE I. La protection dans le cadre général des droits fondamentaux des travailleurs migrants dans le golfe
Chapitre I. Les droits fondamentaux : un dénominateur commun des tous les travailleurs de toutes les catégories
Section I. Consécration des droits fondamentaux pour les travailleurs domestiques
SECTION II Les droits fondamentaux promus par l’OIT
Chapitre. II Caractéristiques des droits fondamentaux des travailleurs étrangers : entre une nécessité aux contours flous et encadrement juridique non uniforme
Section 1 : les standards minimum de protection des droits des travailleurs migrants : une nécessité
Section 2 historique et évolution des normes de protection des droits fondamentaux des travailleurs migrants
TITRE II. L’exemple particulier des domestiques malgaches et le vécu des domestiques dans le Golfe
Chapitre I. Les travailleurs migrants dans les pays du golfe : le cas des domestiques malgaches
Section I La situation contextuelle des travailleurs malgaches dans les pays du golfe
SECTION II ASPECT SOCIOLOGIQUE DU TRAVAIL DOMESTIQUE
CHAPITRE II. Les réalités des conditions de vie des domestiques dans le golfe
SECTION 1. L’esclavage moderne des femmes : Une nouvelle forme d’exploitation des domestiques migrantes
Section 2. Les organismes acteurs dans le processus migratoire
PARTIE II. L’INCOHERENCE DES ACTIONS INTERNATIONALES DE PROTECTION DES TRAVAILLEURS MIGRANTS
Titre I. Des protections internes et internationales insuffisantes des droits des travailleurs migrants
Chapitre I. La précarité des conventions internationales sur les travailleurs migrants
Section I. Manque de Responsabilité des Etats à l’égard des victimes
Section II. L’ineffectivité du contrôle dans la mise en œuvre des conventions
Chapitre II. L’accès à la justice des domestiques migrants: une protection judiciaire inéquitable et discriminatoire
Section 1. Inégalité de traitement entre nationaux et étrangers : les employeurs toujours en position de force
Section 2. La lourdeur procédurale: un écueil dans les demandes de réparation des victimes
Titre II. Une protection des travailleurs mal organisée par les Etats concernés par la migration mais avec un changement positif
Chapitre I. manquements partagés entre le pays d’accueil et le pays d’origine dans la protection des travailleurs migrants
Section I. Les failles internes dans le système de protection des travailleurs migrants dans le golfe
Section II. Manquement de l’Etat Malgache dans l’assistance des travailleurs
Chapitre II. La situation de la protection par l’Etat malgache des domestiques à l’étranger: une avancée palpable depuis 2013 mais encore devant un vaste chantier
Section I. Vers une légère amélioration de la migration des domestiques dans les pays du Golfe
Section II. Recommandations pour une bonne gouvernance du mouvement migratoire
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE