En quoi le phénomène métropolitain est-il significatif de l’évolution actuelle du fait urbain dans le monde ?
Définition globale de la métropolisation et de la métropole
Les métropoles désignent les agglomérations urbaines résultantes des processus de métropolisation qui sont à l’œuvre à l’échelle planétaire depuis plusieurs décennies avec la globalisation économique. Ces agglomérations sont des produits de l’histoire qui s’inscrivent dans des contextes démographiques, socioéconomiques, culturels et politiques régionaux et nationaux depuis leur création, généralement ancienne. Les taches urbaines de la plupart des métropoles mondiales sont des extensions de noyaux urbains existants séculaires voire millénaires. Toutefois, nous pouvons identifier plusieurs aspects communs à l’ensemble des métropoles et qui sont des éléments de définition et d’appréhension de ses entités incontournables sur le plan de la recherche sur le fait urbain. D’abord, précisons que le critère de population n’est pas central. Comme nous l’avons énoncé en introduction, l’importance de la population est le seul point commun entre les métropoles et les mégapoles .
Quatre aspects permettent d’identifier des métropoles. D’abord, la concentration des populations et des activités est essentiel. Selon Halbert, la dynamique de métropolisation « s’appuie sur des régions urbaines qui se distinguent par leur capacité à polariser les grandes circulations planétaires de biens, de capitaux, de personnes, de connaissances scientifiques, de symboles, etc. » (Halbert, 2010 : p.6). Cette polarisation est à la fois la cause et la conséquence de l’abondance et de l’hétérogénéité des ressources, qui constituent l’avantage métropolitain (Halbert, 2010), en termes d’ouverture du marché de l’emploi et de lieux où interagissent centres de recherches, centres de formation et entreprises, tels que les clusters ou les districts industriels. Ce critère de concentration a en fait d’abord été utilisé pour définir le concept d’ « agglomération », avant de parler de métropoles, que l’on définit d’abord positivement comme le lieu où se font des économies d’échelle, où les coûts de production, donc de vente des produits in fine, diminuent (Ghorra-Gobin, 2010). Ensuite, la présence de fonctions de commandement permet aux métropoles d’influer sur l’échiquier politico-économique national et international, autrement dit d’exercer leur pouvoir, et donc d’être attractives sur le plan économique. L’enjeu de développement économique des territoires métropolitains repose en effet sur leur capacité à attirer des capitaux étrangers, mais aussi des touristes, d’où la mise en place des politiques de marketing territorial initiées par les pouvoirs publics. L’économie de la connaissance s’impose aussi au cœur des dynamiques métropolitaines et « repose sur l’échange des informations (en particulier pour fonctionner en temps réel et à l’échelle planétaire), des connaissances (d’où l’importance des universités) et des idées.» (Bourdin, 2015 : p.174).
Réalité européenne du phénomène métropolitain
Penchons-nous maintenant sur la réalité européenne du phénomène métropolitain, en regardant de plus près les caractéristiques fonctionnelles et économiques de plus grandes agglomérations urbaines de l’Union européenne. Cette partie vise à aborder plus concrètement la notion de métropole après l’approche théorique que nous avons eue dans la partie précédente. D’autre part, l’étude du contexte européen nous permettra par la suite de nous concentrer sur la réalité française de ce phénomène de façon à le mettre en relief. La démographie européenne est marquée par une répartition hétérogène de la population, avec une concentration le long de l’axe Nord-Sud de plus de 1500 kilomètres reliant Londres à Milan en passant par le bassin Rhénan : la mégalopole européenne, d’une population d’environ 70 millions d’habitants, voire plus si on y ajoute la population de l’aire métropolitaine parisienne.
D’abord, intéressons-nous au type d’urbanisation de ces métropoles, qui selon ce rapport de l’APUR « ont leur place sur la scène mondiale » (p. 11) et dont le développement vient dans une large mesure d’une planification par la sphère publique, même si les partenariats entre public et privé sont aujourd’hui considérables dans les projets de constructions. Nous pouvons identifier trois modèles de développement urbain européen: le modèle continental, de Londres et de La Randstad, qui est un réseau de villes néerlandaises formé par Amsterdam, Rotterdam, La Haye et Utrecht. Les agglomérations dont la formation relève du modèle continental (Paris, Madrid, Milan et Berlin, dans le cadre de notre étude) sont caractérisées par un cœur de ville très peuplé, dont la trame viaire ainsi que l’organisation spatiale et l’architecture du bâti sont des traces de l’histoire de la ville, et une densité qui chute rapidement au-delà d’un rayon de dix kilomètres du centre ville. Londres, en revanche, à l’instar de Tokyo ou New-York, a un cœur de ville plus dense en emploi qu’en population, et la tache urbaine de son aire métropolitaine s’étend plus loin en périphérie. Enfin, le modèle de la Randstad est marqué par une tache urbaine plus clairsemée en raison du caractère réticulaire de cette métropole, puisque les quatre villes composant ce réseau sont séparées les unes des autres par des espaces agricoles.
Ensuite, ces métropoles sont caractérisées par une population considérable à l’échelle européenne, un dynamisme économique relativement bon de part un revenu par habitant bien supérieur à la moyenne européenne dans ces métropoles et une connectivité importante en termes d’insertion dans les flux internationaux de transport. Pour observer la population des métropoles européennes, la délimitation de périmètre est délicate car les calculs statistiques démographiques varient d’un pays à l’autre. Le périmètre choisi est celui du bassin d’emploi, i-e la zone d’influence des villes centres en termes de flux de navetteurs, appelée couramment aire métropolitaine pour Londres et aires urbaines pour les autres métropoles. Précisons que la notion d’aire urbaine n’a pas ici le même sens que celui que leur donne l’INSEE pour les agglomérations françaises.
Comment le phénomène métropolitain est-il appréhendé par les politiques actuelles d’aménagement du territoire en France ?
Comment se manifeste cette dynamique en France ? Quelles sont les principales caractéristiques de la métropolisation en France ?
Approche géographique
D’un point de vue géographique, le phénomène métropolitain se traduit en France par un remodelage progressif du paysage urbain en faveur de la formation d’un système urbain national, qui met en réseau les aires urbaines, par un polycentrisme au sein de ses aires urbaines et par une hypermobilité des ménages. Autrement dit, la métropolisation est « une mutation qui progressivement donne naissance à un nouveau mode d’occupation et d’appropriation collective du territoire, et à la formation d’aires urbaines de plus en plus peuplées, mais aussi de plus en plus distendues, discontinues, hétérogènes et multipolaires » ( CERTU, 2013 : p.6). Tâchons maintenant de définir et d’identifier les composantes essentielles de ces dynamiques. L’idée de système urbain, qui est un système où «les activités et les services se répartissent de façon polycentrique et où l’habitat se disperse alentour, sans lien fortement structuré avec l’emploi » (p.8) a été formalisée par une étude publiée en 2013 par le CERTU, en partenariat avec la DATAR et d’autres structures, pour qui la connexion entre les grandes agglomérations métropolisées est un élément central de la lecture des dynamiques urbaines. Il s’agit de penser plus en termes de liens que de lieux, sans négliger pour autant l’ancrage territorial des métropoles (notion de terroir, d’identité, de ressources locales, etc.). La notion d’interconnexion que nous avons utilisée pour étudier la métropolisation à l’échelle globale est donc ici vue à l’échelle nationale, en sachant que ces deux échelles sont imbriquées.
La prédominance de Paris est nette, mais l’on peut aussi mettre en évidence l’axe Lille-Méditerranée, passant par Lyon, ainsi que des liaisons fortes du sud-est à l’ouest, en passant par Toulouse et Bordeaux. L’approche par systèmes urbains étant la mise en réseau des grandes aires urbaines, si l’on se place à l’échelle nationale, ou la mise en réseau des grandes et moyennes aires urbaines si l’on se place à l’échelle régionale, définissons maintenant précisément ce qu’est une aire urbaine. Il s’agit d’un périmètre permettant de rendre compte des déplacements entre le domicile et le travail. C’est l’agglomération élargie qui intègre le cœur d’agglomération ainsi que sa zone d’influence. Précisément, les aires urbaines sont composées des pôles d’emplois, « qui sont des unités urbaines de plus de 10000, de 5000 à 1000 ou de 1500 à 5000 emplois, selon que l’on est dans une « grande », « moyenne » ou « petite » aire urbaine » (p.14), et des communes périphériques, formant la couronne périurbaine, dont au moins 40% des actifs travaillent dans ces pôles d’emploi ou dans des communes elles-mêmes attirées par ces pôles. Elles regroupent aujourd’hui 95% de la population.
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Table des matières
Introduction
1. En quoi le phénomène métropolitain est-il significatif de l’évolution actuelle du fait urbain dans le monde ?
1.1. Définition globale de la métropolisation et de la métropole
1.2. Réalité européenne du phénomène métropolitain
2. Comment le phénomène métropolitain est-il appréhendé par les politiques actuelles d’aménagement du territoire en France ?
2.1. Comment se manifeste cette dynamique en France ? Quelles sont les principales caractéristiques de la métropolisation en France ?
2.2. L’institutionnalisation de la métropolisation
2.3. Etudes de cas
2.3.1. Lyon et Paris : des dynamiques institutionnelles différentes
2.3.2. Lyon et Lille : un consensus métropolitain pour une métropole européenne
3. La fracture métropolitaine : un défi au regard de l’équité territoriale
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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