État de l’art sur les matériaux dopés
Doper un matériau est le fait de lui apporter, dans des quantités plus ou moins importantes, un ou plusieurs éléments supplémentaires en vue de lui conférer des propriétés physiques ou chimiques complémentaires ou supplémentaires (de conductivité pour les semiconducteurs, d’optique pour les oxydes…). Le cas étudié couramment au laboratoire dans le groupe de Chimie du Solide est celui des oxydes de terre rare comme les vanadates d’yttrium que l’on dope par des ions europium (noté par la suite YVO4:Eu ou Y1 – xEuxVO4) pour former un matériau luminescent (luminophore). Lorsque la propriété recherchée est la luminescence, on dopera alors à l’europium16, 27,40, 89, 97, au manganèse16, au néodyme13, 44, 64, au terbium80, au cérium15, 32, à l’erbium83, à l’ytterbium et au terbium37, à l’europium et au terbium92. Manzani dope au praséodyme ses verres InF3 pour des diodes bleues, avec des propriétés intéressantes pour des taux inférieurs au pour cent.56 Si la propriété recherchée est magnétique, le dopant sera du gadolinium. Le dopage pourra permettre aussi le stockage des radionucléides (dopage à l’actinium-22590, 91 ou au praséodyme96). Les matériaux luminescents peuvent être considérés sous différentes formes. D’une part les cristaux, verres ou céramiques massifs, de taille millimétrique au moins, étudiés pour leur effet laser, et qui doivent donc être transparents, et d’autre part les matériaux en poudre de taille micronique ou nanométrique. Dans les deux cas, les propriétés (avec des applications dans les domaines de l’éclairage ou des écrans, des scintillateurs à rayons-X 31,…) dépendent à la fois du taux de dopage et de la distribution spatiale du dopant. Les céramiques transparentes cumulent deux difficultés : elles doivent être transparentes car elles ont le laser pour application principale mais voient leurs dopants s’accumuler aux joints de grains, comme le montre la Figure 1 – 1. Les propriétés de luminescence des nanoparticules sont fortement dépendantes du taux de dopage et de la méthode de synthèse. Il est bien connu que le rendement de luminescence est plus faible dans une nanoparticule que dans un matériau massif.74 La Figure 1 – 2 montre ainsi que, pour un même matériau (YVO4:Eu), selon qu’il est sous forme massique (c’est-àdire sous forme de cristaux de taille micronique) ou sous forme colloïdale (solution dans laquelle sont dispersée des nanocristaux), le rendement quantique q se comporte différemment. Quand le matériau est massif, q atteint un maximum avec une quantité de dopant x = 5 % puis décroît très vite alors que lorsqu’il est sous forme de nanoparticules, q est faible mais reste constant. La concentration en ions dopants portée en abscisse est une valeur théorique, ou plus exactement la valeur attendue pour la concentration compte tenu des quantités de précurseurs employés. En effet, celle-ci peut varier d’une synthèse à une autre selon, par exemple, la température de synthèse.
Analyse élémentaire par EDX ou WDX
Souvent associée à un microscope électronique (à balayage ou à transmission),l’analyse par EDX ou WDX s’appuie sur la fluorescence-X générée par un faisceau d’électrons d’énergie de l’ordre de la dizaine de kiloélectronvolts. L’impact électronique sur l’échantillon provoque l’émission des rayons-X caractéristiques des éléments qui le constituent : cette fluorescence sera étudiée en énergie (cas de l’EDX) ou en longueur d’onde (cas du WDX). La quasi-totalité des éléments à partir de l’azote est détectable par ces techniques. En EDX, la limite de détection peut aller jusqu’à 0,1 pour cent. Elle reste néanmoins fonction de la tension d’accélération des électrons (plus celle-ci est grande, plus faible est la limite, mais plus grande est la zone irradiée, communément appelée poire d’excitation). Elle atteint l’ordre du ppm en WDX, pour peu que l’échantillon soit parfaitement poli. À noter que les erreurs sont plus grandes pour les éléments légers (en particulier pour l’oxygène et l’azote) que pour les éléments lourds. En effet, les photons X qu’ils émettent sont de faible énergie et sont absorbés par la fenêtre (en béryllium) qui protège le détecteur. Utilisée par Palke65 en 2011, cette technique lui permet de constater la présence de phases parasites riches en précurseurs oxydes non visibles par diffraction des rayons-X, mais sa faible résolution spatiale (une poire d’excitation de l’ordre du micromètre, c’est-à-dire d’une taille supérieure à celle des particules) lorsqu’elle est employée avec un microscope à balayage, n’en fait pas une technique précise. A contrario, lorsque l’émetteur d’électrons est un microscope très haute résolution du type STEM-HAADF (Scanning Transmission Electronic Microscopy – High-Angular Annular Dark Field), la zone à analyser peut être plus fine, de l’ordre du nanomètre, comme dans l’étude de Lyberis et coll.55 Ainsi la Figure 1 – 6 montre que la concentration d’ions Yb3+ peut être connue en des points bien déterminés et que le pourcentage de dopants, au lieu d’être constant à 6,4 %, varie entre 5 et 9 %. Mais cela reste une technique d’analyse de surface, en ce sens où l’objet ne doit pas faire plus d’une centaine de nanomètres d’épaisseur pour que le faisceau soit transmis.
Détermination de l’homogénéité d’un échantillon par microscopie
L’enregistrement d’images peut se faire à partir de la collection d’électrons rétrodiffusés, produits par le bombardement d’électrons à la surface d’un échantillon. Ces images sont obtenues par microscopie électronique à balayage ou à transmission. Le rendement d’émission des électrons rétrodiffusés est proportionnel à la racine carrée du numéro atomique de l’élément. Ainsi, nous pouvons déterminer en observant le contraste des images si une zone est plus ou moins riche en un élément donné (Figure 1 – 7). Le contraste est également fonction de la rugosité de l’échantillon. Il faut donc polir l’échantillon pour que le contraste ne soit dû qu’au numéro atomique de l’élément observé. Il existe toutefois des microscopies au niveau atomique, comme le STEM. Deux modes existent dont l’un, le HAADF-STEM, est sensible à la composition chimique. Le mode Bright Field est lui sensible aux orientations des grains. Les grains d’un échantillon de céramique de CaF2 dopé en ytterbium sont visibles sur la Figure 1 – 8a) tandis que la distribution des ions le sont sur la Figure 1 – 8b). Les légères différences de contraste sur cette image permettent de se rendre compte de l’inhomogénéité de l’échantillon autour d’une valeur moyenne, ici de 6,4 %. L’inconvénient majeur est la taille de l’échantillon, qui ne doit pas dépasser la centaine de nanomètres d’épaisseur. Nous pouvons considérer ce mode comme une analyse de surface.
Détermination de l’homogénéité d’un échantillon par mesure du temps de vie de fluorescence
Jennifer Czerepinski a montré pendant sa thèse que la mesure du temps de vie de fluorescence pouvait être un bon moyen pour déterminer l’homogénéité du dopage, ici des particules de NdF3 de taille nanométrique, dans une céramique, LaF3 (micronique).18 Comme le rendement de luminescence de LaF3:Nd est à son maximum pour un taux de 0,5 % et diminue fortement pour des quantités supérieures en dopant, les mesures de temps de vie de fluorescence ont été faites à cette concentration. Les particules de LaF3 et de NdF3 ont été soit mélangées (à sec ou en présence d’eau), soit non mélangées avant d’être recuites ensemble. Czerepinski montre que le temps de vie présente différents comportements selon le mode de mélange. Lorsque le mélange se fait en présence d’eau, les ions Nd3+ n’ont qu’un seul environnement et il n’y a qu’un seul temps de vie ; au contraire, lorsqu’il n’y a pas de mélange, les ions néodyme voient des environnements différents, et il y a donc plusieurs temps de vie
La RMN : principes, interactions et matériel
La Résonance Magnétique Nucléaire est la méthode principale utilisée pour ce travail. De nombreux ouvrages traitent de cette méthode. Parmi ceux-ci, le lecteur se référera utilement aux livres de Daniel Canet, Anatole Abragam ou Malcolm H. Levitt . Mise au point en 1946 par Bloch et Purcell dans deux laboratoires différents, cette technique a connu un développement important durant les années 1980, avec des applications en chimie organique (et plus particulièrement en pharmacie), en médecine avec l’Imagerie par Résonance Magnétique et en chimie des matériaux (études sur des matériaux poreux, des clusters). Dans un premier temps, les bases seront rappelées, puis les différentes interactions décrites. Ensuite, le phénomène de relaxation sera présenté, en ne considérant que la relaxation dipolaire. Pour finir, le matériel du laboratoire sera présenté et quelques travaux proches du notre détaillés.
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Table des matières
Liste des symboles et abréviations
Introduction
Contexte, Techniques Expérimentales et Matériau Modèle
1 État de l’art sur les matériaux dopés
2 Comment déterminer les taux de dopage et l’homogénéité des dopants ?
2.1 Détermination des paramètres de maille à partir de la DRX
2.2 Analyse élémentaire par ICP-MS
2.3 Analyse élémentaire par EDX ou WDX
2.4 Analyse élémentaire par XPS
2.5 Détermination de l’homogénéité d’un échantillon par microscopie
2.6 Détermination de l’homogénéité d’un échantillon par mesure du temps de vie de fluorescence
2.7 Emploi de la RPE pour déterminer l’homogénéité d’un échantillon
3 Problématique de la thèse
4 La RMN : principes, interactions et matériel
4.1 Quelques rappels
4.2 Les différentes interactions
4.2.1 Interaction Zeeman
4.2.2 Déplacement chimique
4.2.3 Interaction dipolaire nucléaire
4.2.4 Interactions quadripolaire et scalaire
4.3 Relaxation
4.3.1 Relaxation directe
4.3.2 Relaxation via la diffusion de spin
4.4 Mesures
4.4.1 Acquisition one-pulse
4.4.2 Détermination du temps de relaxation spin-réseau
4.5 Matériel
4.6 Emploi de la RMN dans des études connexes
5 Nos échantillons
5.1 Synthèse
5.2 Caractérisations structurales
5.2.1 ATD/ATG
5.2.2 Microscopies
5.2.3 Diffraction des Rayons-X
5.2.4 Analyse élémentaire
6 Conclusion
Application à un Composé Modèle
1 Caractérisation du LaPO4 par spectroscopie RMN
2 Relaxation RMN
2.1 Principe de la mesure
2.2 Mesures en rotation
2.2.1 Échantillon non dopé
2.2.2 Échantillons dopés au néodyme
2.2.3 Comparaison avec la mesure du taux de dopage par DRX
2.3 Mesures en statique
2.3.1 Dopage au néodyme
2.3.2 Dopage au gadolinium
3 Application de l’outil pour étudier l’homogénéité du dopage
3.1 Échantillons non dopés
3.2 Échantillons dopés
4 Approche théorique de la valeur de T1
4.1 Mesures de Résonance Paramagnétique Électronique
4.1.1 Échantillons dopés au gadolinium
4.1.2 Échantillons dopés au néodyme
4.2 Comparaison entre les mesures de relaxation nucléaire et électronique
5 Échantillons codopés au gadolinium et au néodyme
6 Conclusion
Application à d’autres Matériaux
1 Composés cristallins
1.1 Phosphate d’yttrium YPO4
1.1.1 Synthèse
1.1.2 Caractérisation
1.1.3 Relaxation
1.2 Phosphate de scandium et d’yttrium Y0,8Sc0,2PO4
1.2.1 Synthèse
1.2.2 Caractérisation
1.2.3 Relaxation
2 Composé amorphe
2.1 Synthèse et caractérisation des verres
2.2 Caractérisation par RMN
2.3 Caractérisation par absorption UV-visible
2.4 Relaxation RMN
3 Comparaison entre les composés cristallins et amorphe
4 Conclusion
Conclusion & Perspectives
Bibliographie
Annexes
1 Fullprof
2 RPE
2.1 Le facteur ?
2.2 La structure hyperfine
2.3 Enregistrement des spectres
2.4 Simulation
2.5 Relaxation
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