Emergence et développement des coopératives en santé et services sociaux

Situation relative à la pérennité de l’organisation

Le mécénat duquel dépend la coopérative pour la pérennité de ses activités concourt à l’insécurité financière de la petite organisation de même qu’à une sorte de dépendance vis-à-vis des donateurs. La subvention de la FIQ assurant le fonctionnement de l’organisation jusqu’au 1er mai 2016, la coopérative devait entre temps trouver d’autres sources de financement afin de poursuivre le mandat qu’elle s’était donné6. Plusieurs demandes de subvention ont été effectuées à cet effet. Parallèlement, SABSA poursuit des démarches entreprises l’été 2015 auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) dans l’optique d’établir un partenariat avec le réseau local de santé et de services sociaux (RLSSS) et lance une campagne de socio-financement.

La petite coopérative fait également l’objet de plusieurs articles de presse, reportages radiophoniques et télévisés. Sa visibilité médiatique atteint son apogée à la suite de deux conférences de presse : celle de mars 2016 qui fait part de la survie compromise du volet clinique de proximité faute de financement ainsi que celle d’avril 2016 qui partage les résultats de la mise à jour du rapport préliminaire par l’équipe de recherche ESPI et qui réitère la situation précaire de la clinique de proximité. Les acteurs ayant participé à ces conférences de presse ont également interpellé à nouveau le MSSS en vue d’assurer la pérennité de cette initiative.

Cette médiatisation a largement contribué à faire connaître la coopérative dans la région de Québec et, à moindre échelle, dans le reste de la province. La campagne de socio-financement a permis de réunir un peu plus de 250 000$ (dont 130 000$ proviennent d’un donateur anonyme) tandis que les discussions avec le ministère ainsi que le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale ont finalement abouti à une entente. Entérinée au cours de l’été, cette entente doit, dès septembre 2016, permettre d’assurer le salaire de l’IPSPL, d’un travailleur social et l’approvisionnement du matériel nécessaire pour dispenser les soins, tout en permettant à l’organisation de conserver son autonomie et son identité. Cette subvention provenant du CIUSSS octroyée à une organisation telle que SABSA nous porte à nous interroger sur les raisons pour lesquelles d’autres projets similaires (ex. clinique communautaire de proximité dans Montréal-Nord (FIQsanté, 2017; Porter, 2017)), qui reposeraient également sur les principes du système de santé public et qui subviendraient aux besoins de santé des populations non rejointes par le réseau, ne seraient pas également financés.

Mentionnons en dernier lieu que cette entente entre SABSA et le CIUSSS ne couvre pas tous les salaires des employés et les frais nécessaires au fonctionnement de l’organisation. La petite coopérative poursuit donc la recherche de subventions essentielles à la rémunération des autres employées (coordinatrice, réceptionniste, infirmière clinicienne, intervenante psychosociale) et au financement des locaux.

Définitions des coopératives en santé et services sociaux

L’Alliance coopérative internationale (2017) suggère une définition de la notion de coopérative qui est reconnue à l’échelle internationale : « une coopérative est une association autonome de personnes volontairement rassemblées en vue de réaliser leurs aspirations et de satisfaire leurs besoins économiques, sociaux et culturels communs au travers d’une entreprise gérée de manière démocratique et détenue collectivement ». Les membres d’une coopérative partageraient un sens de l’éthique basé sur l’honnêteté, l’ouverture, la responsabilité sociale et le souci de l’autre. Ce modèle repose fondamentalement sur des valeurs d’entraide, de responsabilité individuelle, de démocratie, d’égalité, d’équité et de solidarité. Accompagnent également cette définition sept principes coopératifs:

1) l’adhésion volontaire et ouverte à tous, 2) le pouvoir démocratique exercé par les membres, 3) la participation économique des membres, 4) l’autonomie et l’indépendance, 5) l’éducation, la formation et l’information, 6) la coopération entre les coopératives et 7) le souci de la communauté. Le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité a développé une définition de la coopérative qui offre des services dans le domaine de la santé.

Cette définition met en évidence les liens entre l’identité coopérative et le mandat que l’entreprise se donne dans le secteur de la santé. Selon cette définition, une coopérative de santé est « […] une entreprise collective qui produit des services pour promouvoir, maintenir et améliorer l’état de santé et les conditions de vie des communautés, tout en impliquant ses membres à l’organisation des services sur une base décisionnelle.

La participation démocratique, l’égalité, la gestion collective, qui caractérisent la coopérative, sont des conditions potentiellement porteuses de transformations sociales et d’amélioration de la santé pour répondre aux besoins du milieu » (Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, 2005, p.10, cité par Girard, Bussière et Larouche, 2007, p. 6). Au Québec, les entreprises d’économie sociale dans le domaine de la santé détiennent différentes fonctions, soit le financement, la réglementation et la prestation des soins et services (Comeau et Girard, 2005). Selon la Fédération des coopératives de services à domicile et de santé du Québec (FCSDSQ) (2017a), les coopératives de santé ont pour missions de « rendre accessibles des services de proximité de première ligne pour répondre aux besoins de services de santé d’une communauté » ainsi que de « faire la promotion d’une prise en charge globale et préventive en santé ».

Ses principes organisationnels sont les suivants : pratique médicale en équipe multidisciplinaire, médecine préventive, accessibilité améliorée des services de santé, mobilisation citoyenne et éducation populaire. La majorité des entreprises coopératives en santé au Québec auraient adopté une approche centrée sur la prévention et l’éducation pour la santé dans l’optique d’améliorer les conditions de vie de la communauté, tout en favorisant la participation citoyenne et en travaillant en complémentarité avec le réseau de la santé et des services sociaux (Brassard et Darou, 2012).

Contextes d’émergence partagés mondialement

Le portrait des coopératives dans le domaine socio-sanitaire réalisé par les Nations Unies (1998), L’entreprise coopérative dans les secteurs de la santé et des services sociaux. Une étude à l’échelle mondiale, fait figure de premier rapport sur les coopératives de santé et de services sociaux à l’échelle mondiale. Ce rapport publié en 1998, l’année suivant le décret de la Déclaration de Jakarta sur la Promotion de la Santé au XXIe (OMS, 1997), mentionne que la crise de l’État-providence a joué un rôle décisif dans le développement croissant du modèle coopératif dans ce secteur.

Il constate par le fait même que, dans une multitude de pays, une variété de formules coopératives en santé et services sociaux (travailleurs, producteurs, usagers, mixtes) émerge depuis la fin des années 1980. Les crises économiques et politiques auraient favorisé une remise en question du rôle de l’État dans les services de santé, notamment en ce qui a trait à l’accès, à la prestation et au financement des services publics tandis que le processus de mondialisation aurait alimenté les changements et les transformations rapides auxquels les systèmes de santé font face depuis plusieurs années (OMS, 2008). Considérée comme un effet de la mondialisation, la perte progressive des pouvoirs des États et des citoyens au bénéfice des marchés qui transcendent les frontières provoquerait une recherche active de solutions. Ces dernières se trouvent selon certains auteurs dans la responsabilisation et la participation des citoyens à la démocratisation et à la transformation des institutions sociales et politiques plutôt que dans une plus grande concentration des pouvoirs (Béland, 2006). La mondialisation et l’affaiblissement du rôle de l’État dans les affaires sociosanitaires sont plus précisément nommés comme des déterminants de la privatisation progressive des services de santé (Arteau, Brassard et Malo, 2006).

De façon générale, les chocs politiques, les crises économiques et les mesures d’austérité entreprises par les gouvernements constitueraient les vecteurs principaux de la privatisation du financement, de l’administration ou de la prestation des soins de santé19 (André et al., 2016) alors que ses déclencheurs peuvent être de l’ordre des politiques publiques comme de la demande (Starr, 1988). Le premier cas implique une action délibérée du gouvernement qui peut prendre plusieurs formes différentes20, implicites ou explicites. Le second suppose un choix individuel ou collectif qui se manifeste quand la demande supplante l’offre assurée par le secteur public. La cause de cette demande peut être une réduction, une stagnation ou une croissance lente des services offerts. Des individus ou groupes se tournent dès lors vers le secteur privé, et cela, sans rencontrer d’obstacle si le gouvernement est peu enclin ou incapable de les contrôler ou de satisfaire leurs besoins (Starr, 1988). C’est d’ailleurs le plus souvent pour combler des besoins insatisfaits que des coopératives de santé et de services sociaux apparaîtraient (Girard et al., 2007; Giroux, 2008; Health Care Co-operatives Federation of Canada, 2016).

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : OBJET D’ÉTUDE ET PROBLÉMATIQUE
1.1 BREF PORTRAIT DE LA COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ SABSA
1.1.1 Les origines de la Coopérative de solidarité SABSA
1.1.2 Un partenariat avec une équipe de chercheurs
1.1.3 Une entente pour le financement du projet pilote de clinique de proximité
1.1.4 Quelques caractéristiques du modèle
1.1.5 Situation relative à la pérennité de l’organisation
1.2 MODELE COOPÉRATIF
1.2.1 Éléments de classification
1.2.2 Les coopératives et l’économie sociale
1.2.3 Définitions des coopératives en santé et services sociaux
1.2.4 Différentes formules coopératives
1.3 CARACTÉRISTIQUES SOUHAITABLES DES MODÈLES DE SOINS DE PREMIÈRE LIGNE
1.4 ÉMERGENCE ET DÉVELOPPEMENT DES COOPÉRATIVES EN SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX
1.4.1 Perspective mondiale
1.4.2 La situation du Québec
1.5 CONTRIBUTIONS DES COOPÉRATIVES DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX À LA SANTÉ DES COMMUNAUTÉS
1.5.1 Participation citoyenne
1.5.2 Vitalité du territoire et renforcement des services de première ligne
1.6 DÉFIS ET ENJEUX INHÉRENTS DU MODÈLE COOPÉRATIF EN SANTÉ
1.6.1 Participation des membres
1.6.2 Identité coopérative
1.6.3 Accessibilité, cotisations, parts sociales et vente de services
1.6.4 Stratégies d’avantages financiers et recrutement des médecins
1.6.5 Place des coopératives dans le système de santé et de services sociaux québécois
1.7 SYNTHÈSES DE LA PROBLÉMATIQUE ET BUT DE L’ÉTUDE
1.8 OBJECTIF GÉNÉRAL, QUESTION DE RECHERCHE ET SOUS-QUESTIONS DE RECHERCHE
CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS
2.1 CONDITIONS D’ÉMERGENCE DES INITIATIVES ISSUES DE L’ÉCONOMIE SOCIALE
2.1.1 La nécessité et la cohésion sociale comme double condition d’émergence
2.1.2 Perspective philosophique de l’origine du modèle coopératif
2.1.3 Contextes politiques et socioéconomiques récents
2.1.4 Les systèmes de santé et de services sociaux
2.1.5 Caractéristiques des acteurs et appuis au développement
2.2 REGARD SUR LE CONTEXTE QUÉBÉCOIS
2.2.1 Émergence de l’économie sociale et des coopératives de services à domicile
2.2.2 Émergence des coopératives de santé
2.3 SYNTHÈSE DE L’ÉTAT DES CONNAISSANCES
2.4 PERTINENCE DE L’ETUDE
2.5 CADRE CONCEPTUEL
CHAPITRE 3 : DEMARCHE METHODOLOGIQUE
3.1 APPROCHE METHODOLOGIQUE
3.2 DEVIS DE L’ÉTUDE
3.3 UNE PERSPECTIVE MÉTHODOLOGIQUE INSPIRÉE D’UNE ÉPISTÉMOLOGIE DU PARTICULIER
3.4 LA SÉLECTION DES PARTICIPANTS À L’ÉTUDE
3.5 LA COLLECTE DES DONNÉES
3.5.1 Entrevues semi-dirigées
3.5.2 Utilisation secondaire de données
3.5.3 Déroulement des entrevues réalisées dans le cadre de cette étude
3.6 TRAITEMENT ET ANALYSE DES ENTREVUES INDIVIDUELLES
3.7 CONSIDÉRATIONS ETHIQUES
CHAPITRE 4 : RÉSULTATS
4.1 BREF PORTRAIT DES PARTICIPANTS
4.2 CONTEXTES D’ÉMERGENCE DE L’ORDRE DU MICROSOCIAL
4.1.1 Les acteurs à l’origine de la création de SABSA
4.1.2 L’expérience professionnelle des membres fondateurs
4.1.3 Les origines de l’idée de créer une structure indépendante
4.2 CONTEXTES D’ÉMERGENCE DE L’ORDRE DU MÉSOSOCIAL
4.2.1 Le milieu
4.2.2 Les contextes institutionnels
4.3 CONTEXTES D’ÉMERGENCE DE L’ORDRE DU MACROSOCIAL
4.3.1 Les contextes politiques et socioéconomiques
4.4 RETOUR SUR LE CAS : LA COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ SABSA EN SOI
4.4.1 Mission première
4.4.2 Second volet : clinique de proximité
4.4.3 Fonctionnement général de SABSA
4.4.4 Participation des membres
4.4.5 Relations avec le réseau
4.4.6 Distinction du modèle du point de vue des effets sur la santé
4.5 DEUX PÉRIODES CHARNIÈRES : FACILITATEURS ET OBSTACLES LORS DE LA MISE SUR PIED DU PROJET (2011) ET EN CONTEXTE DE NÉGOCIATION POUR UN FINANCEMENT PÉRENNE ET PUBLIC (2016) 124
4.5.1 Mise sur pied du projet (2011)
4.5.2 En contexte de négociation pour un financement pérenne et public (2016)
CHAPITRE 5 : DISCUSSION
5.1 BREF RETOUR SUR LE CAS DE SABSA ET LE CADRE CONCEPTUEL
5.2 PRÉCISIONS RELATIVES AUX INDIVIDUS ET LEUR EXPÉRIENCE
5.2.1 Influence des caractéristiques et du parcours professionnel et personnel des membres fondateurs
5.2.2 L’effet de la presque absence de facteurs dynamiques
5.2.3 Le souci de l’autre et la proximité comme motivations transversales
5.2.4 L’indignation et la révolte à l’origine d’une transformation
5.3 PRÉCISIONS RELATIVES AUX CONTEXTES SOCIOÉCONOMIQUES ET POLITIQUES
5.3.1 Le contexte socioéconomique des quartiers Saint-Sauveur et Saint-Roch
5.3.2 Les contextes socioéconomiques et politiques
5.4 PRÉCISIONS RELATIVES À LA RÉPONSE INSTITUTIONNELLE
5.5 LA COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ SABSA : UN RÉVÉLATEUR DES LACUNES DU SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS
5.6 RÉFLEXION SUR LE CHOIX DU MODÈLE ET SON INSTRUMENTALISATION
5.7 RÉFLEXION SUR LA PLACE DES COOPÉRATIVES DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ QUÉBÉCOIS
CONCLUSION
REFERENCES
ANNEXE 1 : CADRE CONCEPTUEL DES VALEURS, PRINCIPES ET ELEMENTS D’UN SYSTEME DE SANTE AXE SUR LES SOINS DE SANTE PRIMAIRES
ANNEXE 2 : GRILLE D’ENTREVUE POUR LES MEMBRES FONDATEURS DE LA COOPÉRATIVE DE SOLIDARITÉ SABSA
ANNEXE 3 : AUTORISATION DE SABSA POUR LA RÉALISATION DU PROJET DE MÉMOIRE
ANNEXE 4 : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT POUR L’UTILISATION SECONDAIRE DES DONNEES DU PROJET SABSA
ANNEXE 5 : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT POUR LES MEMBRES FONDATEURS DE LA COOPERATIVE DE SOLIDARITE SABSA

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