Emergence de l’inclusion : vers une « école pour tous »

Emergence de l’inclusion : vers une « école pour tous » 

Place du handicap dans la société, de l’Antiquité au XXème siècle

Dans l’Antiquité, la naissance d’un enfant présentant un handicap est perçue comme une manifestation du mal qui pèse sur la famille. Certains enfants, notamment les trisomiques, sont la plupart du temps considérés comme des démons, et sont alors éliminés à la naissance, ou abandonnés. Les handicaps physiques représentent globalement les plus concernés par ces exterminations. Pour ce qui est des troubles mentaux, moins visibles à la naissance, une plus grande tolérance est de mise, notamment du fait de la frontière pas encore existante entre «raison » et « déraison » . À cette époque, une certaine forme d’eugénisme va jouer en la défaveur des enfants présentant des difformités. L’anomalie fait peur, il ne faut pas qu’elle se transmette. On préfère donc éliminer les enfants porteurs. À noter, le handicap acquis, notamment lors de batailles, est en revanche pris en charge par la société et toléré. Le christianisme, par le biais de la Bible, va permettre une meilleure prise en compte des handicaps physiques, notamment les aveugles et infirmes. Cependant, l’ambiguïté est de mise concernant la place du handicap dans la société : si, pour la religion, les hommes naissent libres et égaux, ils ont également été créés à l’image de Dieu, ce qui donne lieu à une certaine forme de malaise. Au début du Moyen Age, c’est la marginalisation, par le biais de la mendicité et de la bouffonnerie qui prévaut. Selon la religion, il est salutaire de faire l’aumône et de donner aux miséreux. En parallèle, les « bouffons du roi » apportent du divertissement et se voient attribuer une place de saltimbanques dans la société . À la fin du Moyen Age, l’enfermement est de mise avec la création des hospices et des Hôtels-Dieu. Les infirmes, mendiants et marginaux sont placés dans des asiles, car leur présence en société dérange. Cette politique de «renfermement» se poursuit jusqu’au règne de Louis XIV qui crée notamment en 1656 l’hôpital de la Salpêtrière pour accueillir les miséreux ainsi que de nombreux asiles . La mort de Louis XIV, et le siècle des Lumières aux idéologies fondées sur la science, la raison et le respect de l’humanité apportent une dimension nouvelle à la prise en compte du handicap dans la société, notamment par le biais du développement de la médecine, et par la perte d’influence de la religion . En 1749, dans sa « Lettre sur les aveugles, à l’usage de ceux qui voient », Diderot écrit : « Nous en avons institué (ndlr : des signes) pour les yeux, ce sont les caractères ; pour l’oreille, ce sont les sons articulés ; mais nous n’en avons aucun pour le toucher […]. Faute de cette langue, la communication est entièrement rompue entre nous et ceux qui naissent sourds, aveugles et muets. ». Cette lettre, bien que très mal accueillie à l’époque, marque les débuts d’une réelle prise en compte du handicap dans la société. Il faudra cependant attendre 40 ans et la Révolution française pour distinguer une véritable reconnaissance des personnes sourdes et aveugles par l’Etat, par le biais d’une prise en charge en institution. En 1790, le devoir d’assistance par la Nation est reconnu devant l’assemblée constituante, suivi en 1796 par la proclamation du « droit des pauvres » et la création du bureau des bienfaisances. Un siècle plus tard, en 1889, une charte de l’assistance est rédigée, qui sera suivie de « lois  d’assistance » telles que la loi de 1905 relative aux « vieillards, infirmes et incurables ». En parallèle, les progrès de la science ont pour finalité de faire accepter l’absence de lien entre handicap et volonté divine.

De l’Antiquité à la fin du XIXème siècle, l’intégration des personnes présentant un handicap reste relativement abstraite, se limitant à des aides, de l’assistance, et fait suite à une ère de rejet total et d’exclusion. Le handicap est finalement accepté, mais sa place au niveau sociétal est encore difficilement établie. Les deux guerres du XXème siècle vont apporter une dimension nouvelle à la conception du handicap dans la société.

L’après-guerre : une nouvelle conception du handicap qui questionne l’insertion professionnelle

À la suite des deux guerres mondiales, la société s’interroge sur la place des anciens soldats mutilés, et sur la nécessité de leur réserver des emplois dédiés afin de favoriser leur réinsertion. La question de l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap est alors soulevée . En 1957, la dénomination « travailleur handicapé » apparait. En 1967, un rapport intitulé « Étude du problème général de l’inadaptation des personnes handicapées » est rendu au Premier ministre par M. Bloch-Lainé, dans lequel l’angle d’approche est réduit à l’aspect médical du handicap. Le « travailleur handicapé » est caractérisé ici par une « diminution de ses capacités physiques ou mentales». En 1975, la « loi d’orientation en faveur des personnes handicapées » garantit 3 droits fondamentaux que sont le droit au travail, le droit à une garantie minimum de ressources et le droit à l’intégration scolaire et sociale. La définition du handicap est affinée, il est dorénavant question de « handicapés physiques, sensoriels ou mentaux ». La loi du 10 juillet 1987 « en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés » impose un taux d’emploi de 6% de personnes en situation de handicap. Par ailleurs, l’appellation de « débile mental » est supprimée des textes officiels au profit de celle de « déficient intellectuel ». En 2005, la loi pour « L’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » donne une définition actualisée duhandicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. ». L’environnement est pris en compte dans cette définition, ce qui amène l’idée d’une possible adaptation de celui ci. De plus, de nouvelles formes de handicap sont officiellement reconnues. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) sont créées. En 2018, la « loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » institue de nouvelles dispositions venant confirmer et renforcer les engagements pris en matière d’insertion des personnes en situation de handicap dans le milieu professionnel .

La réflexion relative à la prise en compte d’un public handicapé a donc été menée conjointement à la volonté de pouvoir l’intégrer dans la société et plus particulièrement dans le monde professionnel. Ainsi, le terme de « handicap » est apparu pour la première fois dans les textes dans l’expression « travailleur handicapé », puis « handicapé ». Au fil des textes législatifs, et de l’évolution de la conception du handicap, cette expression a ensuite évolué vers l’idée de « personnes handicapées », puis de « personnes en situation de handicap », encore admise aujourd’hui. On remarque dans cette modification en apparence anodine un changement de regard sur le handicap en lui-même : d’abord restreint à la notion de déficience, celui-ci a ensuite été interrogé sous l’angle de la personne qui en est atteinte, avant d’être finalement considérée comme une situation . En parallèle, la définition du handicap s’est affinée, et a inclus une dimension nouvelle : celle de l’environnement, et de son adaptation possible afin de diminuer ou faire disparaitre cette situation de handicap. La définition donnée par la loi de 2005 est celle qui prévaut encore aujourd’hui, couplée à la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé, pour laquelle « est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouve compromises ». À l’heure actuelle, le handicap fait donc plus référence à un fait social qu’à un diagnostic médical.

L’évolution de la conception du handicap depuis l’Antiquité a permis une prise en charge grandissante au sein de la société, marquée notamment chez les adultes par une recherche d’insertion professionnelle pour le plus grand nombre. Cependant, une intégration dans le milieu professionnel repose sur l’obtention de diplômes et sur les apprentissages généraux dispensés en milieu scolaire. Il convient alors de s’interroger sur la place réservée au handicap au sein de l’institution scolaire.

Handicap et scolarité : place des élèves en situation de handicap à l’Ecole

Le courant de la philosophie des lumières au XVIIIème siècle est le premier mouvement à initier une éducation pour tous, incluant le public handicapé. Cependant, tous les enfants ne peuvent pas bénéficier d’une éventuelle instruction : outre le fait de la condition sociale, seuls les enfants à problèmes dits «sensoriels» peuvent aller à l’école. Les autres enfants sont qualifiés d’aliénés ou d’idiots. Par ailleurs, aucune prise en charge ou reconnaissance n’est faite pour les enfants aux troubles cognitifs. Il faut attendre 1905 pour voir l’apparition des premières écoles spécialisées, destinées à l’accueil des enfants « idiots » ou «débiles ». A cette époque, il existe une distinction entre ces deux derniers termes : le qualificatif « idiot » est réservé aux anormaux d’hospices, tandis que le nom de « débile » est réservé aux anormaux de l’école primaire. Cette classification des élèves est le résultat d’une problématique majeure. Depuis 1882 et l’obligation scolaire, la diversification du public accueilli par l’école a pour résultat une très forte hétérogénéité des classes de l’enseignement primaire. À mesure que cette massification scolaire se développe, les professeurs se rendent compte des problèmes de nombreux élèves pour lesquelles les classes dites « normales » ne semblent pas adaptées. C’est sous ce constat qu’en 1904, Léon Bourgeois (ministre de l’instruction publique) demande la tenue d’une commission ayant pour objectif de réfléchir à un protocole permettant une classification des enfants, dans le but de garantir une meilleure application de l’obligation scolaire « aux enfants anormaux des deux sexes ». Les enfants doivent alors passer des tests psychologiques les plaçant en trois catégories : les normaux, les anormaux d’hospices et les anormaux d’école primaire. S’opère ensuite une répartition entre ceux qui dépendent de l’éducation nationale et ceux qui relèvent de la santé. Il faudra attendre la seconde moitié du XXème siècle que l’Etat prend le relai des initiatives et écoles privées. Avec mai 68, la fin des années 1960 voit émerger une remise en question totale du système éducatif français, et une nouvelle conception de celui-ci. De nombreuses critiques sont alors formulées concernant le constat d’une ségrégation relative aux dispositifs mis en œuvre dans l’accès à l’école des enfants et adolescents handicapés .

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Table des matières

Introduction
Partie I : Cadre théorique
I. De la prise en compte des hétérogénéités à la prise en charge différenciée : le handicap, une inclusion progressive
I.1. Emergence de l’inclusion : vers une « école pour tous »
I.1.1. Place du handicap dans la société, de l’Antiquité au XXème siècle
I.1.2. L’après-guerre : une nouvelle conception du handicap qui questionne l’insertion professionnelle
I.1.3. Handicap et scolarité : place des élèves en situation de handicap à l’Ecole
I.2. Un accompagnement qui nécessite des mises en œuvre particulières
I.2.1. Ecole inclusive et élèves en situation de handicap
I.2.2. De la reconnaissance du handicap à la mise en place de mesures d’inclusion
I.2.3. Les différentes modalités de scolarisation des élèves en situation de handicap
II. Le handicap, l’inclusion scolaire et le lycée professionnel
II.1. Le lycée professionnel, un monde avec ses spécificités
II.1.1. Historique de l’enseignement professionnel
II.1.2. Son fonctionnement et ses difficultés
II.2. La formation professionnelle, un monde ouvert à tous ?
II.2.1. De l’inclusion à l’exclusion
II.2.2. Le DDFPT, son rôle dans le lycée professionnel et l’inclusion
II.2.3. Un déficit d’aménagement pour une inclusion totale
III. Constats actuels sur l’inclusion scolaire en lycée professionnel: enjeux et difficultés
III.1 : Qu’en est-il de l’élève ?
III.1.1. L’inclusion perçue par l’élève lui-même
III.1.2. La place de la famille dans l’inclusion de l’élève
III.1.3. La formation des enseignants
III.2. Les limites de l’inclusion au niveau sociétal : constats et conception du handicap
III.2.1. L’inclusion scolaire, une politique nécessaire, mais avec ses limites
III.2.2. L’insertion professionnelle : Beaucoup d’élus, peu d’appelés
Partie II : Enquête de terrain
IV. De la problématique au terrain
IV.1. La problématique
IV.2. Les hypothèses de recherche
IV.3. L’échantillonnage
IV.3.1. Lieux d’enquête
IV.3.2. Profils des enquêtés
IV.4. Les outils
IV.4.1. L’entretien semi-directif
VI.4.2. Les axes de questionnement
IV.4.3. La méthode d’analyse
V. Présentation et traitement des données récoltées
V.1. Le rapport au handicap au quotidien en tant que professionnel
V.1.1. Des adaptations présentes mais variables
V.1.2. L’implication personnelle des membres de la communauté éducative
V.1.3. Collaboration et stratégie d’équipe
V.2. Mises en œuvre institutionnelles pour permettre l’inclusion
V.2.1. La formation des encadrants éducatifs et de santé
V.2.2. Des équipements adaptés dans les ateliers ?
V.3. La réussite de l’inclusion… une illusion ?
VI.3.1. Une inclusion scolaire réussie
V.3.2. Des difficultés de mise en stage à l’insertion professionnelle
V.3.3. Un diplôme synonyme de réussite ?
VI. Discussion
VI.1. Retour sur les hypothèses
VI.2. Nouvelles pistes de réflexion
VI.2.1. La sécurité comme facteur sanctionnant l’accès à certaines filières
VI.2.2. La pré-sélection selon l’inaptitude
Conclusion
ANNEXES

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