Zone de turbulences (2007 à 2009)
Guillaume Marion a déjà décidé de voguer vers d’autres horizons en 2007. Il a recruté de nouvelles personnes, dont Élodie Ferrer, déjà mentionnée pour l’atelier de Beyrouth sur le poste de coordination de Produire au Sud. Il a aussi choisi Guillaume Mainguet (au pôle sensibilisation et jeune public), qui deviendra coordinateur de Produire au Sud en 2010, et Jérôme Baron qui est l’actuel programmateur de la structure, après avoir construit la programmation du F3C avec les frères Jalladeau. Dans les moments qui entourent le départ du Délégué Général, le festival va connaître une crise sans précédent. Querelle générationnelle qui débouchera sur un changement quasiment complet de l’équipe, mais aussi crise financière qui mènera le festival à un redressement douloureux. C’est donc une 30ème édition (2008) sous des auspices peu festifs, contrairement à ce qu’il eut été possible d’imaginer, qui se profile.
Quand Guillaume Mainguet évoque la crise198, il la borne même un peu plus largement que nous ne l’avons fait dans cette recherche. Il considère le moment où le festival est vraiment revenu à une situation plus saine comme fin (2013), alors que dans notre présentation historique, il a été envisagé la fin de la crise extrême et la reprise en main du festival par une équipe resserrée comme clôture (2010) : « Globalement pendant la période 2008-2012, le festival concentre ses efforts sur la survie. C’est la lutte permanente, d’une année sur l’autre, on ne sait pas à quelle sauce on sera mangés. On ne sait pas si le minimum de soutien financier de nos financeurs reviendra […]. On est tenus à des résultats donc on travaille la tête dans le guidon, à serrer les vis. Aussi, il n’est pas question dans cette période-là de déploiement du projet, ni de réflexion autour du projet, on est vraiment dans une situation larvée, de crise, d’où intervention d’un prestataire extérieur, pour essayer de mettre à plat les difficultés humaines. La période est aussi marquée par une explosion du conseil d’administration qui a besoin d’être assaini. Et c’est évident qu’à partir du moment où on n’est plus que Jérôme [Baron] et moi, c’est plus simple de parler. Mais on est déjà en 2013, au moment où Sandrine [Butteau] est partie. »
Les problèmes financiers que le festival connaît à cette époque, doublés de conflits entre membres de l’association et salariés (ce qui aura des conséquence sur l’engagement de certains partenaires et intervenants), sont liés en partie au dispositif qui va être présenté ci-après. Cependant on peut considérer que celui-là va aggraver le déficit, fausser la perception de la trésorerie de manière générale et qu’il est symptomatique d’une manière peu rigoureuse de gérer la structure.
Le FACMAS
Puisqu’il n’a pas été développé d’atelier en Afrique, une autre action est lancée. Guillaume Marion présente ce qu’est le Fonds d’Appui aux Courts Métrages d’Afrique Subsaharienne créé en 2006 (FACMAS) comme une grande opportunité pour le F3C d’enrichir son activité, avec toujours cette idée de faire travailler l’équipe toute l’année :
« GM : Avec l’équipe, j’avais quand même énormément développé le festival à l’extérieur. C’est-à-dire que le Festival coûtait toujours 300 000 € ou un plus mais on avait mis en place les Produire au Sud à l’étranger, on avait mis en place le Pavillon Les Cinémas du Sud, j’avais vendu au ministère des Affaires étrangères l’idée du FACMAS, qui était le Fonds d’Appui au Court Métrage d’Afrique Subsaharienne, qui était une façon de répondre à la difficulté qu’on avait de faire émerger des talents nouveaux en Afrique via le court métrage. Je crois que ça a été abandonné depuis. J’avais proposé au ministère des Affaires étrangères ce programme là qui est quand même un programme de 200 000 € par an. On finançait des courts métrages en Afrique Subsaharienne parce […] qu’il fallait mettre le pied à l’étrier à de jeunes réalisateurs pour que des talents autres que les vieux crocodiles du marigot puissent tourner des films et se faire connaître. Et ça fonctionnait bien. C’était intéressant. Ça aurait nécessité un investissement plus important204. » Mise en place par le ministère des Affaires étrangères (souvent abrégé en MAE), le fonds vise à soutenir des cinématographies balbutiantes dans des territoires où l’industrie cinématographique est très peu développée. Ce programme artistique fait partie de la politique culturelle de la France à l’étranger, au soutien à la francophonie. Le choix du MAE de proposer des financements pour des courts métrages n’est pas anodin. Le ministère espère ainsi permettre à de jeunes réalisateurs et producteurs de faire leurs premières armes et de pouvoir se lancer dans des projets plus ambitieux par la suite et d’accroître le rayonnement culturel de la France en même temps qu’il soutient les ressortissants africains. On a retrouvé sur le site Africultures, qui rend compte de projets culturels en Afrique, le descriptif du dispositif.
Le F3C dans la tourmente
Cette partie de la recherche s’est particulièrement appuyée sur les archives des comptes-rendus des Conseils d’Administration et d’Assemblées Générales du F3C durant la période 2007-2010 et sur la presse de l’époque (Ouest-France, Presse- Océan, Le Monde, le journal satirique La Lettre à Lulu), ainsi que l’entretien avec Guillaume Mainguet. L’étude des délibérations de l’association a permis de comprendre dans leur ensemble l’enchaînement des événements qui ont menés à une quasi faillite du festival nantais, ainsi qu’à rationaliser et vérifier les échos qui en ont été faits dans la presse, et vice-versa. Les problèmes ont vraisemblablement commencé en 2007 par une dégradation des relations entre les salariés de l’association et les frères Jalladeau. Une plainte pour harcèlement (finalement classée sans suite) a même été déposée par cinq des salariés du festival contre Alain Jalladeau. Une lutte à couteaux tirés semble s’être engagée entre les
fondateurs, l’équipe des salariés, plus jeunes, et les membres de l’association gestionnaire.
Le procès verbal de l’Assemblée Générale du 17 juin 2008, au cours de laquelle le président de l’époque Alain-Pierre Daguin n’est pas réélu au Conseil d’Administration à la faveur d’un vote qui semble reposer sur des procédés peu démocratiques, fait apparaître des problèmes graves pour l’association qui porte le festival. Lors de cette instance administrative, le Bureau révèle en plus d’une relative mauvaise gestion une non maîtrise des dépenses, doublée d’une mauvaise évaluation des ressources réelles du festival, de sa trésorerie propre. Il est noté qu’il n’y a pas eu de malversation.
L’argent du FACMAS, qui a transité par les comptes du F3C avant d’être redistribué aux sociétés de production africaines, (soit environ 200 000 € deux années de suite) semble avoir été intégré au fonds de roulement de la trésorerie du festival, donnant une fausse impression d’aisance financière. Pour être claire, l’argent du FACMAS a servi a payer des factures du festival, intégré à la comptabilité globale, alors que ces fonds auraient dû être mis à part, sur une ligne budgétaire dédiée, en attente d’être redistribués aux projets de courts métrages africains auxquels ils étaient destinés. Le festival a en réalité vécu au-dessus de ses moyens, et le déficit pour le bilan 2007 est d’environ 85 000 €. Les raisons invoquées pour ce résultat sont une baisse de la fréquentation des spectateurs pour une part (la fréquentation de l’édition 2007 du F3C n’a pas été bonne), des recettes publicitaires d’autre part (les achats traditionnels d’encarts promotionnels sont en chute libre avec l’évolution des pratiques liées au numérique) et une masse salariale qui a beaucoup augmenté suite à la politique menée par le Délégué Général. Il y a en effet huit salariés permanents à l’année et trente en période de festival. Guillaume Marion a peut-être vu grand. Il est également raisonnable d’avancer l’hypothèse que la tenue des comptes n’a pas été faite jusque là avec une rigueur extrême (pas de « trésorerie analytique », façon de gérer les finances qu’on pourrait qualifier de minutieuse et détaillée). Le suivi des finances par les bénévoles n’a pas permis d’anticiper le déficit constaté en 2008 sur l’exercice 2007.
Guillaume Marion s’est félicité d’avoir beaucoup oeuvré à trouver des financements et à augmenter le budget du festival et d’avoir pu donner du travail à l’année à une équipe agrandie, mais il a aussi admis qu’il était jeune et peu formé pour porter tout cela à l’époque. Il quitte le festival en septembre 2007 pour rejoindre la semaine de la critique à Cannes, mais garde dans un premier temps une délégation à Nantes pour suivre Produire au Sud. Un autre directeur général, Philippe Reilhac, lui succède en mars 2008. Mais la mésentente de Guillaume Marion avec le F3C s’est fortement aggravée et son licenciement sera prononcé en septembre 2008 puis réalisé en novembre 2008. La phrase : « Alain Jalladeau met en cause le délégué général» est très sobre mais rend compte d’une guerre qui sourde entre les directeurs artistiques et les salariés du festival, ainsi que ceux qui portent l’association. On peut interpréter cette déclaration comme se référant plutôt à Guillaume Marion, car il n’y aurait pas vraiment de sens à reprocher encore le déficit de 2007 à Philippe Reilhac, qui vient juste d’être embauché. Quoi qu’il en soit, une série de conflits est en cours au F3C. Philippe Jalladeau, qui a essayé de retarder au maximum son départ inéluctable, a décidé de vendre la marque Festival des 3 continents, pour une somme de 34 500 €212 (session jusqu’en 2011), à laquelle viennent s’ajouter des frais de négociation par un avocat d’un montant de 9300 €. De plus, comme le montre l’extrait présenté précédemment, le licenciement de Guillaume Marion a aussi un coût pour le festival (22 000 €). Même si la ville de Nantes vote une subvention exceptionnelle de 61 000 €, le festival ne peut espérer redresser ses comptes pour l’édition 2008213, le directeur général travaille sur une hypothèse de budget qui générera 30 000 € de déficit supplémentaire. Ainsi, la 30ème édition se prépare dans la douleur. Philippe Reilhac doit composer avec des salariés éprouvés, le nouveau président Georges Cavalié (toujours président à l’heure actuelle), doit travailler d’arrache-pied avec l’équipe associative pour trouver des postes d’économie.
L’année où Produire au Sud n’eut pas lieu à Nantes (2009)
À l’Assemblée Générale de 2008, le déficit cumulé atteint 183 000 € (les sommes qui avaient été injectées artificiellement dans la trésorerie en provenance du FACMAS ont été ôtées des lignes budgétaires). Les relations avec Alain Jalladeau, encore programmateur avec Jérôme Baron, se sont dégradées également. Le frère fondateur s’absente pendant deux semaines, peu avant le festival, au moment où il y a besoin de lui, ce qui lui est fortement reproché par l’association. Il semble qu’il quitte le festival à ce moment-là. En fait, les contrats des deux directeurs artistiques ne sont simplement pas renouvelés au 15 décembre 2008 et il apparaît aussi que les représentants de la ville de Nantes ont poussé en ce sens. Des mentions en sont faites dans des comptes-rendus et dans la presse. La sphère politique locale a ainsi pris part aux changements qu’elle estime nécessaire au F3C et a souhaité le départ des fondateurs, jugés trop âgés et incontrôlables.
C’est certainement à cette période qu’Élise Jalladeau, qui a déjà fondé sa société de production Charivari Films en 2005 va quitter Produire au Sud. Elle sera ensuite engagée dans une autre plate-forme européenne (EAVE) pour organiser des formations du même type que celles dispensées par l’atelier nantais, elle a récemment obtenu le poste de directrice du festival de Thessalonique en Grèce. On peut penser que ses liens familiaux avec les deux créateurs ont aussi joué un rôle dans ce départ. Elle évoque le moment du conflit et ses effets sur Produire au Sud.
En ce qui concerne les finances, les problèmes s’intensifient. Le ministère des Affaires étrangères se saisit du dossier FACMAS et réclame à présent des justifications sur la gestion des aides versées aux bénéficiaires africains. Certains cinéastes ayant reçu un financement n’ont en effet pas livré leurs courts métrages.
Cela met une pression importante sur l’association qui se trouve, de surcroît, en quelque sorte taxée de mauvaise gestion des fonds publics. De plus, les litiges avec Guillaume Marion et Philippe Jalladeau ont pesé lourd dans le budget ainsi que la rémunération élevée du poste du nouveau Directeur Général ; et les perspectives ne sont pas bonnes. Les collectivités territoriales tirent la sonnette d’alarme car elles ne vont pas être à même de financer le déficit du festival encore longtemps. Elles le soutiennent et manifestent leur attachement, voire augmentent leurs subventions, mais d’autres partenaires privés se désengagent dans le même temps, ne permettant pas de résorber un tant soit peu le déficit. Un choix discutable est opéré par Philippe Reilhac pour redresser le budget. Préférant opter pour une ligne de prestige et défendant l’idée que c’est le festival en lui-même qu’il faut sauver avant toute chose, il prend le parti d’annuler l’édition nantaise 2009 de Produire au Sud (dont le budget pèse 52 000 €, comparé à 460 000€ pour le festival). Toutefois, les processus de sélection sont allés jusqu’au bout pour l’atelier, les invitations officielles
ont déjà été envoyées. Il faut alors annoncer aux porteurs des projets sélectionnés qu’il ne seront pas accueillis à Nantes, ainsi qu’aux intervenants. C’est Élodie Ferrer qui se charge de cette tâche difficile. L’image de Produire au Sud et du festival en souffre. C’est un coup très dur pour l’atelier dont les sessions à l’étranger (Nairobi au Kenya et Recife au Brésil), n’ont pas été impactées pour autant et se sont tenues comme prévu. Dans cette période plutôt noire, arrive une « agréable surprise », l’édition 2009 du festival nantais est plutôt mieux réussie qu’espéré et cela donne envie aux membres de l’association de continuer à se battre. Un plan de redressement drastique va être mis en place par l’équipe de Georges Cavalié. Le Conseil d’Administration vote la consultation d’une structure extérieure à l’association pour réaliser un diagnostic conseil début 2010, fortement poussé par les collectivités territoriales. C’est l’agence Catalys qui est choisie pour mener l’audit et le redressement du F3C. La conclusion est que la masse salariale pèse beaucoup trop lourd et que le festival n’est pas assez rigoureux et n’a pas une culture de maîtrise des dépenses. Philippe Reilhac, qui avait été présenté comme un sauveur se révèle un assez mauvais dirigeant. Il s’entend très mal avec l’équipe. Il propose sa démission qui est acceptée au 13 mars 2010.
L’évolution récente de l’atelier et les perspectives (2010- 2016)
2010-2012 : maîtrise de l’outil
C’est donc une équipe réduite qui pilote le F3C : le sélectionneur, Jérôme Baron, et Guillaume Mainguet à la relance de Produire au Sud et en 2011, Sandrine Butteau, une administratrice salariée par le festival de 1998 à 2002, qu’ils rappellent avec la volonté de sauver la structure. Elle occupe un poste d’attachée audiovisuelle à New-York à partir de 2006 (et reprendra le chemin de New-York en 2013). Elle aide la structure à mener sa transition vers plus de rigueur budgétaire et à sortir de cette période noire.
2013-2016 : appropriation et développement
Guillaume Mainguet s’est approprié les outils ; il les développe et les propose pour que les participants soient le plus impliqués possible dans les ateliers et puissent interagir au mieux avec les autres producteurs et réalisateurs. Il crée notamment des fiches de présentation des projets qu’il fournit à l’ensemble des participants avant la tenue de la session. Il élabore également un document récapitulatif qui rend compte de tous les dispositifs existants (plates-formes, marchés de coproduction, fonds dédiés au cinéma du Sud, résidences d’écritures, ateliers de coproduction, etc.). Une sorte de bible que les candidats à la coproduction peuvent s’approprier et qui est remise à jour très régulièrement. De plus, les outils de communication actuels permettent de fédérer et d’informer très simplement les membres de la « communauté Produire au Sud », via notamment un groupe facebook qui compte à ce jour 1558 membres, et qui permet d’échanger de nombreuses informations : sorties de projets passés par Produire au Sud, appels à candidatures, marchés, etc.
L’atelier nantais retrouve un budget raisonnable (autour de 50 000 €) en 2013, et s’organise depuis de façon harmonieuse avec une équipe d’intervenants stable, et, comme la présentation des ateliers 2014 et 2015 en rendra compte, un niveau professionnel en hausse des participants. Malgré ce budget plus confortable, le festival ne peut malheureusement pas créer de deuxième poste et valoriser au mieux le travail de Produire au Sud, ce que le coordinateur aimerait pouvoir faire (créer une DVDthèque des projets passés par Produire au Sud, élargir l’expertise sur plus de territoires). Il a bénéficié, en appui, de l’aide de Thomas Cesbron qui a été embauché sur Produire au Sud, à la gestion des candidatures, à l’accueil des participants, à la logistique, de 2012 à 2015. On sait désormais que cette combinaison ne pourra pas être reconduite car d’autres choix budgétaires ont été opérés pour 2016, écartant la possibilité d’une telle collaboration pour la prochaine session. La politique interne au festival et la prudence financière vont demander une autre organisation de l’atelier nantais, qui n’est pas encore connue. Lorsqu’on pose la question de la « stratégie » de développement de Produire au Sud à l’étranger, le coordinateur de la structure tient à nuancer fortement ce terme, qui à son sens relèverait d’une posture un peu agressive ou calculatrice.
Perspectives
Dans les pistes développées par Guillaume Mainguet, un atelier est envisagé au Japon en 2017. Il n’y sera très probablement reçu que des projets japonais, car l’île est coupée politiquement et linguistiquement de ses voisins et qu’il est difficile d’y envisager un atelier régional, comme à Bangkok par exemple. Un projet de nouvel atelier à Bichkek au Kirghizstan est aussi en préparation pour août 2016.
Il y a donc deux tendances qui coexistent : l’envie d’aller vers des territoires peu favorisés et peu irrigués en ce qui concerne le cinéma et de générer un courant porteur pour y développer des projets de cinéma, ou bien, dans les endroits où l’industrie existe déjà bel et bien, comme en Israël ou au Japon, l’orientation de fournir des pistes de travail et de réflexion pour pouvoir y encourager la production de films indépendants.
L’un des axes de développement évoqués par Guillaume Mainguet est d’améliorer le suivi des projets régionaux, qu’il réalise déjà de façon formelle en prenant régulièrement le pouls des projets qui ont fréquenté l’atelier. Pour aller plus loin, il souhaite offrir la possibilité aux participants de retravailler avec les mêmes experts huit ou dix mois après leur rencontre, afin de confirmer la dynamique insufflée en atelier. Une expérimentation de cette idée a été réalisée à Paris au mois de février 2016 pour les projets qui avaient été présentés à Taipei en 2015.
On voit dans le programme du suivi à Paris des projets de Taipei qu’au delà des rendez-vous individuels sur la production et l’écriture, des sessions collectives sur des sujets qui n’ont pas forcément le temps d’être abordés dans les ateliers à l’étranger ont été mises en place : gérer les problèmes de contrat avec des coproducteurs, rédiger une candidature pour un fonds européen, gérer une sélection dans un festival international, etc. En proposant un atelier bicéphale, Guillaume Mainguet parvient à fournir aux participants de Taipei autant d’informations qu’à ceux qui passent par Nantes, voire plus. On remarque dans le programme de l’atelier de suivi de Taipei à Paris la volonté d’efficacité et de concret qui apparaît dans le programme :« Comment construire une candidature pour un fonds européen ? », « Que pouvez-vous accepter, envisager, accepter et refuser de la part d’un coproducteur ? Comment tirer profit d’une sélection dans un festival ? » sont les thèmes de certaines sessions. Le suivi post Taipei souhaite emmener les participants encore plus loin dans leur connaissance du fonctionnement du système européen.
La satisfaction a été grande, tant pour les participants que pour les intervenants. Guillaume Mainguet aimerait donc généraliser cette démarche à d’autres ateliers, mais la ressource humaine va peut-être ne pas être suffisante du côté des intervenants. En effet, mobiliser ces experts plusieurs semaines dans l’année en plus de leurs activités professionnelles respectives sera certainement difficile.
Une des autres pistes de réflexion qu’il est possible d’entreprendre pour rendre l’action de Produire au Sud encore plus rayonnante, au niveau local cette fois.
Proposer aux intervenants aguerris d’intervenir auprès de jeunes professionnels locaux en plus de ceux de l’atelier et optimiser les sorties des films qui sont passés par la formation pour valoriser le travail accompli, même si ce n’est pas une fin en soi, sont des actions simples qui permettent de mieux faire connaître l’atelier. Et ce, à l’intérieur du festival également, où il souffre régulièrement d’un manque visibilité.
Pour conclure la partie historique de l’atelier, il est important de réaffirmer son ampleur politique. La formation est à la fois instituée dans une association dont le but premier est d’organiser un festival de cinéma des trois continents, Afrique, Asie et Amérique du Sud, gérée par des bénévoles. Des tensions peuvent parfois se faire jour entre eux et l’équipe salariée, surtout, comme nous l’avons vu, quand la situation financière est tendue. L’association est soumise aux politiques culturelles locales : ville de Nantes, Conseil Départemental de la Loire-Atlantique, Région des Pays de la Loire. Elle doit aussi composer avec un certain nombre de partenaires publics nationaux : CNC, Institut Français, ou privés : fondation GAN pour le cinéma, Marché International du Film de Cannes, etc. De plus, l’atelier dépend des relations qu’il entretient avec la sphère diplomatique française, dont le soutien financier et culturel est indispensable. Par ailleurs, les relations avec les festivals de cinéma et la promotion de l’atelier dans le paysage mondial pour susciter l’émergence d’une demande sont aussi nécessaires. Produire au Sud a un fort rayonnement à l’étranger, malgré sa taille modeste.
La façon dont a été retracée l’histoire de l’atelier au sein du festival des trois continents rend compte, au mieux, de l’entremêlement de ces niveaux d’influence, du local au global. Sa personnalité et ses évolutions au gré des directions différentes et des aléas politiques et financiers qui ont émaillé les époques qu’il a traversées, et au gré des changements de personnels qui ont pu l’affecter ont permis de saisir, souhaitons-le, la dimension profondément humaine et la passion pour le cinéma qui anime les créateurs et intervenants de cet atelier unique en son genre.
Les pays sélectionnés à Nantes (sur 15 années)
Il semble significatif de faire un point sur l’origine géographique de tous les projets qui ont été retenus pour l’atelier nantais depuis sa création, en essayant de comprendre ce que ces chiffres disent éventuellement de l’état de l’industrie cinématographique des lieux concernés et de l’apport d’un programme comme Produire au Sud à la variété culturelle des territoires.
Ce sont entre 4500 et 5000 films environ qui sont produits dans le monde chaque année d’après l’UNESCO249. Produire au Sud a accompagné, entre Nantes et les pays du Sud, 237 projets identifiés. Ils sont en réalité un peu plus nombreux, mais les archives sont lacunaires sur certains ateliers à l’étranger, ne permettant de donner un chiffre exact. On peut pousser l’estimation à 250 films. Aussi, même si les notions de réseaux et de communication entre pairs sont importantes, et que la formation donnée à un groupe de personnes bénéficie certainement à un ensemble plus large, l’impact de l’atelier est quand même limité.
Pour comparer Produire au Sud avec des les ateliers européens ACE et EAVE, on peut dire que le dispositif étudié ici est en effet le plus modeste des trois en terme de moyens. Créé en 1993, ACE a accompagné à ce jour 200 producteurs répertoriés sur 23 pays européens, ce qui le place à peu près au même niveau que la formation nantaise en terme de nombre de projets pris en charge. Ses ateliers sont donnés à 15 projets européens qui sont suivis pendant une année et qui bénéficient de plusieurs sessions intensives et notamment un atelier de développement et un atelier de financement. Toutefois, la formation est payante et il faut débourser 5 500 € pour y participer. Des sessions de formation continue sont proposées aux producteurs qui souhaitent rester membres du réseau, ainsi qu’un certain nombre d’avantages liés à cette adhésion. « L’effet réseau, ce sont les expériences de chacun qui bénéficient à tous250. ». ACE a réussi à obtenir des budgets de Média Mundus et développe depuis 2009 un programme à destination des producteurs non européens.
Ce programme, ACE Mundus, n’est pas payant pour les participants. Il faut passer les sélections pour y prétendre. ACE a également des programme réguliers au Japon et en Israël (depuis 2013). On remarque que ce sont des endroits où Guillaume Mainguet a installé des programmes (Sderot en Israel en 2014), ou qu’il projette d’en monter (au Japon). On peut vraiment parler de tendance ou de territoires repérés comme porteurs. Élise Jalladeau situe l’atelier vis à vis des autres.
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Table des matières
Remerciements
Introduction
• On dirait le Sud
• De l’attention aux films des auteurs du Sud au soutien à leur production : Produire au Sud dans le projet du F3C
• Éduquer les producteurs
• Méthodologie
• Annonce du plan
• Addendum
Première partie : Histoire de l’atelier Produire au Sud
1. Émergence de l’atelier Produire au Sud (1999-2001) au sein du F3C : son positionnement, ses particularités
1.1 Les débuts de l’atelier : 2000-2002
1.1.1 2000 : l’édition test
1.1.2 Budget de la manifestation
1.1.3 Colloque public du 25 novembre 2000
1.1.4 Compte-rendu du colloque
1.1.5 Compte-rendu du premier atelier
1.2 2001 : deuxième phase expérimentale
1.2.1 Mode de sélection
1.2.2 Perspectives d’évolution
2. Développement de l’atelier (2002-2004)
2.1 2002, l’année du Consortium
2.2 Un nouveau duo à la tête de Produire au Sud
2.2.1 La redéfinition du projet
2.2.2 2003-2004 : Création des premiers ateliers à l’étranger
2.2.3 L’atelier de Cannes, le pavillon des cinémas du Sud (2004)
3. Stabilisation (2004-2006)
3.1 Produire au Sud à l’étranger
3.1.1 Amérique du Sud
3.1.2 Asie
4. Zone de turbulences (2007 à 2009)
4.1 Le FACMAS
4.2 Le F3C dans la tourmente
4.3 L’année où Produire au Sud n’eut pas lieu à Nantes (2009)
5. L’évolution récente de l’atelier et les perspectives (2010-2016)
5.1 2010-2012 : maîtrise de l’outil
5.2 2013-2016 : appropriation et développement
5.3 Perspectives
Deuxième partie : Le modèle Produire au Sud
Introduction
1. Produire au Sud en chiffres
1.1 La Convention de l’UNESCO de 2005 (Diversité des expressions culturelles)
1.2 Les pays sélectionnés à Nantes (sur 15 années)
1.3 Les pays candidats entre 2012 et 2015
1.3.1 Afrique
1.3.2 Asie
1.3.1 Amérique du Sud
1.4 Les ateliers à l’étranger
1.5 Les sorties de films
1.6 Les thématiques
2. Espèces de producteurs (et réalisateurs)
2.1 De quels producteurs parle-t-on ?
2.2 Formation initiale
3. Présentation croisée des éditions 2014 et 2015
3.1 Construction de la formation : constantes et écarts
3.2 Les participants des deux éditions
3.2.1 Projets 2014
3.2.2 Projets 2015
3.3 Analyse croisée des deux éditions
3.3.1 Le lancement de l’atelier
3.3.2 La prise en charge individuelle
3.3.3 Le « pitch »
3.3.4 Les cas d’études
3.3.5 Bilan de la formation et retours sur questionnaires
Conclusion
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