Eléments traces métalliques dans les sols contaminés et technosols

L’origine anthropique

Les activités industrielles Les activités industrielles sont des sources importantes d’ETM, pour l’environnement en général et pour les écosystèmes terrestres en particulier. Les sources de contaminations industrielles sont la production de batteries ou d’accumulateurs, de matières plastiques, de vernis, de pigments, de produits phytosanitaires et d’engrais (Rieuwerts et al. 1999; Stepniewska et Bucior 2001). Les rejets industriels, notamment composés de métaux lourds, sont les plus toxiques pour le sol même en faibles quantités et causent des problèmes de phytotoxicité et polluent les eaux souterraines.
Les activités minières Avec la révolution industrielle, en particulier depuis le début du 20ème siècle, l’exploitation des mines métallifères en vue de la production de produits manufacturés a augmenté de façon considérable les sources de pollutions (Nriagu, 1990; Douay et al. 2008). La métallurgie (mines, fonderies) participe de façon importante à la contamination des sols via les rejets atmosphériques et le stockage des déchets (van Alphen 1999; Goodarzi et al. 2002).

Labilité des espèces mesurées par la technique DGT

      L’utilisation de la technique DGT peut permettre d’obtenir des informations sur la cinétique de dissociation des complexes métalliques et d’échange du métal entre la phase solide des sols et les eaux interstitielles, via l’interprétation des flux d’accumulation du métal sur la résine chélatrice. Ces flux sont régulés par: la taille des pores de l’hydrogel de diffusion, la nature et l’épaisseur du gel diffusif, la concentration du métal en solution et la capacité de dissociation de ces complexes pendant leur parcours vers la résine (Hooda et al. 1999; Lehto et al. 2006). Selon le flux mesuré par les DGT et la concentration métallique à l’interface DGT/sol, il est possible de distinguer 3 cas (Fig. 1.5) :
i. Complètement soutenu : la disparition des métaux de l’eau interstitielle est compensée par le relargage de ces mêmes métaux depuis la phase solide. Le flux mesuré par les DGT est toujours maintenu à sa valeur maximale tout le temps du déploiement de la sonde. La concentration moyenne Ci calculée par les DGT correspond à la concentration Cb de l’eau interstitielle du sol.
ii. Diffusion seulement : la phase solide ne relargue pas de métaux. L’approvisionnement des métaux vers les DGT n’est réalisé que par diffusion des métaux dans l’eau interstitielle du sol. Le flux métallique mesuré par les DGT diminuera avec le temps d’exposition en raison de l’appauvrissement de la phase dissoute. Pour un DGT standard avec un gel de diffusion de 0,8 mm d’épaisseur, le flux mesuré par ce dernier au bout de 24 heures correspond à 10 % du flux initial. Autrement dit, la concentration moyenne mesurée par les DGT est 10 fois inférieure à celle de la phase dissoute Ci ≈ 0.1Cb (Harper et al. 1998).
iii. Partiellement soutenu : le sol relargue des métaux mais la cinétique de désorption ou de dissolution de ces phases n’est pas assez rapide pour compenser la diminution des concentrations de l’eau interstitielle du sol induite par la présence de la DGT. La concentration moyenne mesurée par les DGT sera inférieure à celle de la phase dissoute mais à un degré moindre du cas ii (0.1Cb < Ci < Cb).

Le plomb (Pb)

      Le plomb est un métal gris dense et malléable du groupe IV-A du tableau périodique, de masse atomique 207,2 g/mol. Il possède une structure électronique [Xe] 4f145d106s26p2. Le plomb est un élément non essentiel ; il est moins biodisponible que les autres métaux (van der Perk 2006). Depuis 1970 le développement de nouvelles technologies ainsi que la prise en compte des problèmes environnementaux et de santé publique ont conduit à la diminution ou à l’arrêt de l’utilisation du Pb dans certaines applications (canalisation d’eau, soudure, pigments, additifs dans l’essence, gaines des câbles et dans les pesticides). Les principaux minéraux de plomb sont extraits de minerais sulfurés. Le minéral plombifère le plus répandu est la galène (PbS). Les minerais sulfurés plombifères se trouvent généralement associés avec d’autres minerais sulfurés, principalement ceux contenant du zinc, mais également ceux renfermant du cuivre. Parmi les autres minéraux plombifères, on trouve la cérusite (PbCO3) et l’anglésite (PbSO4). Les teneurs de plomb dans les sols naturels sont en moyenne de 32 mg kg-1 (Pais et Benton 2000) et varient entre 2 et 200 mg kg-1. En France les teneurs de plomb dans les sols naturels varient entre 9 et 50 mg kg-1 (Baize 1997). Le plomb est lié aux phases solides du sol par adsorption, précipitation et formation de complexes ioniques ou de chélates. Il présente une forte réactivité vis-à-vis des oxydes de fer et de manganèse mais également vis-à-vis des phosphates et de la matière organique (McKenzie 1980; Hettiarachchi et Pierzynski 2002). Ces interactions avec la phase solide contribuent à la faible solubilité et mobilité de cet élément par rapport aux autres métaux et les concentrations relativement faibles de Pb dans les solutions de sols naturels confirment cette hypothèse (Eick et al. 1999; Badawy et al. 2002). Les plus grandes concentrations de Pb sont souvent trouvées dans les horizons supérieurs riches en matière organique des sols non cultivés ; par conséquent la matière organique doit être considérée comme un important puits d’accumulation de plomb dans les sols pollués. Le facteur pH a un rôle important sur la solubilité du Pb: en effet un pH élevé du sol peut précipiter le Pb sous forme d’hydroxyde, de phosphate ou de carbonate et favoriser la formation de complexes Pb-organique. Il joue également un rôle important dans le transfert du plomb du sol vers les végétaux. En effet la toxicité du plomb vis-à-vis des plantes dépend de l’espèce végétale considérée, de sa spéciation, des propriétés du sol et enfin du substrat de culture (25 mg kg-1 pour la tomate à plus de 2000 mg kg-1 pour le riz (Adriano 2001), 0.1 – 5 mg kg-1 pour les feuilles d’haricot (Theodoratos et al. 2002), 2 – 11.9 mg kg-1 dans les racines, 0.45 – 9.5 mg kg-1 dans les tiges et 4.20 – 32.5 mg kg-1 dans les feuilles de Ricinus communis L. (Vwioko et al. 2006). La bioaccumulation la plus élevée de Pb est généralement rapportée pour les légumes-feuilles (principalement la laitue) cultivée dans un environnement à proximité de fonderies de métaux non ferreux où les plantes sont exposées à des sources de Pb via le sol et l’air.

Utilisation de Populus euramericana génotype Dorskamp en  phytoremédiation

      Pour décontaminer ces sols, il existe différentes techniques, principalement physicochimiques et thermiques, qui sont lourdes à mettre en place, coûteuses et qui au final perturbent de façon importante l’équilibre des sols et la fertilité de l’écosystème (Hazrat et al. 2013). La phytoremédiation apparait alors comme une méthode alternative, écologique et peu coûteuse (Chaney 1983) pour décontaminer un sol pollué. Elle consiste à utiliser des plantes pour diminuer l’effet toxique des EM présents dans le sol. Son objectif est double, elle permet : (i) une phytostabilisation des contaminants dans le sol pour limiter leurs dispersions dans l’environnement et (ii) une phytoextraction des polluants (Vangronsveld et al. 2009). Pour cela, une plante efficiente en terme de phytoremédiation doit : (i) présenter une forte production de biomasse, (ii) être facilement cultivable et (iii) présenter une forte tolérance visà-vis de la translocation et de l’accumulation d’EM au niveau de ses parties aériennes. Actuellement, environ 450 plantes sont connues pour être hyperaccumulatrices d’EM, la plupart le sont pour le nickel et/ou le zinc. Parmi celles-ci, la famille des Brassicaceae occupe une place importante malgré sa faible production de biomasse (Kumar et al. 1995). Une alternative à l’usage de plantes herbacées consiste à utiliser des espèces ligneuses présentant une forte production de biomasse ainsi qu’une importante capacité à stocker les EM dans cette biomasse, on parle alors de dendroremédiation (Gonzälez-Oreja et al. 2008). De plus, ces espèces ont la capacité de prospecter un grand volume de sol, ce qui potentiellement permet une meilleure phytostabilisation et phytoextraction des EM. Parmi celles-ci, les salicacées sont de bon candidat (Mala et al. 2010), car ce sont des espèces rustiques qui présentent une croissance rapide et une importante production de biomasse dépendante d’une forte consommation en eau. De plus, leur utilisation en Taillis à Courte Rotation (TCR) ou en Taillis à Très Courte Rotation (TTCR) permet la formation d’une biomasse suffisante pour être valorisée dans diverses filières économiques (bois-énergie, construction, papier,…etc.) (Algreen et al. 2013, Toillon et al. 2013). Ainsi certains terrains contaminés et laissés à l’état de friches industrielles pourraient être réutilisés pour la production de biomasse énergie, sans entrer en compétition avec les terres utilisées pour les productions alimentaires, ce qui permettrait également de réduire  l’utilisation des énergies fossiles (McKendry, 2002a, b). A ce titre, le peuplier fait l’objet d’études dans ce double objectif de phytoremédiation et de production de biomasse (Laureysens et al. 2005).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1. Contexte scientifique
2. Les objectifs et la structure de la thèse
CHAPITRE 1 : Synthèse bibliographique
1. Les éléments traces métalliques dans les sols contaminés
1.1. Définition des éléments traces métalliques
2. Les origines des éléments traces métalliques dans le sol
2.1. Origine naturelle
2.2. L’origine anthropique
2.2.1. Les activités industrielles
2.2.2. Les activités minières
3. Le comportement des éléments traces métalliques dans le sol
3.1. Spéciation
3.2. Mobilité
3.3. Biodisponibilité
4. Les différentes techniques de mesure de la spéciation, mobilité et biodisponibilité des éléments traces métalliques
4.1. Les méthodes instrumentales
4.2. Les méthodes chimiques
4.2.1. Extraction simple (sélective)
4.2.1.1. L’eau déionisée
4.2.1.2. Solutions salines
4.2.1.3. Acides dilués
4.2.1.4. Complexants organiques
4.2.2. Extraction séquentielle
4.2.2.1. La fraction échangeable
4.2.2.2. La fraction associée aux carbonates
4.2.2.3. La fraction réductible
4.2.2.4. La fraction oxydable
4.2.2.5. La fraction résiduelle
4.3. Limite des schémas d’extractions séquentielles
4.4. L’eau interstitielle du sol
4.4.1. Définition
4.4.2. Biodisponibilité et l’eau interstitielle du sol
4.5. La technique du gradient diffusif en couche mince (DGT)
4.5.1. Labilité des espèces mesurées par la technique DGT
5. Effet des propriétés physico-chimiques et rhizosphèrique sur le comportement des éléments traces métalliques dans les sols
5.1. Le pH
5.2. Le potentiel redox
5.3. Température du sol
5.4. Effet de l’environnement rhizosphèrique
5.4.1. Acidification/alkalinisation
5.4.2. Exudation
6. L’interaction des ETM avec les constituants du sol
6.1 Adsorption
6.1.1. Adsorption non spécifique (physisorption)
6.1.2. Adsorption spécifique (chimisorption)
6.2. Précipitation et co-précipitation
6.3. Complexation
6.4. Fixation par la matière organique
7. Présentation des éléments traces métalliques considérés dans cette étude 
7.1. Le zinc (Zn)
7.2. Le plomb (Pb)
7.3. Le cadmium (Cd)
7.4. L’arsenic (As)
7.5. L’antimoine (Sb)
8. Utilisation de Populus euramericana génotype Dorskamp en phytoremédiation
CHAPITRE 2: Les méthodes instrumentales utilisées dans la présente étude pour quantifier les éléments traces métalliques
1. Introduction
1.1. Spectrométrie de Fluorescence X (XRF)
1.1.1. Principe de la technique
1.1.2. Les composants de la spectrométrie XRF
1.1.3. Forces et limites de la spectrométrie XRF
1.2. La spectrométrie de masse par plasma à couplage inductif (ICP-MS)
1.2.1. Les composants d’ICP-MS
1.2.1.1. ICP
1.2.1.2. Interface d’échantillonnage
1.2.1.3. Optique ionique
1.2.1.4. Spectromètre de masse
1.2.1.5. Détecteur d’ion
1.2.2. Force et la faiblesse de l’ICP-MS
1.3. Optimisation de la digestion micro-ondes
1.4. Les Sources principales d’incertitude dans l’analyse des éléments traces métalliques de l’environnement
1.4.1. La collecte et le stockage des échantillons
1.4.2. Préparation de l’échantillon
2. Les sites d’étude
CHAPITRE 3 : Spéciation, mobilité et phytodisponibilité des éléments traces métalliques
Chapitre 3.1 : Fractionnement des éléments potentiellement toxiques dans les technosols à l’aide de deux techniques d’extraction séquentielle
Résumé de l’article 1 (Publié dans : Journal of Environmental Science and Polution Research)
Article 1: Potentially toxic elements fractionation in technosols using two sequential extraction schemes
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Soil sampling
2.2. Reagents and standards
2.3. Analysis of the soil physico-chemical properties
2.4. X-ray fluorescence spectrometer (XRF)
2.5. Soil mineralogical characterization
2.6. Sequential extractions
3. Results and discussion
3.1. Physico-chemical properties of the studied soils
3.2. Soil mineralogical composition
3.3. Fractionation of the PTE
3.3.1. MDN site
Zinc
Lead
Cadmium
3.3.2. LPF site
Arsenic
Antimony
Lead
3.4. Potential mobility of PTE in the technosols
4. Conclusion
Chapitre 3.2: Évaluation de la phytodisponibilité des éléments potentiellement toxiques dans les technosols d’anciennes zones minières et industrielles
Résumé de l’article 2 (Publié dans : Journal of Environmental Science and Pollution Research)
Article 2: Potentially toxic elements phytoavailability assessment in technosols from former smelting and mining areas
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Soil sampling
2.2. Reagents and standards
2.3. Aqua regia/hydrofluoric acid digestion
2.4. Single extraction method
2.5. Germination tests
2.6. Plant analysis
2.7. Statistical analysis
3. Results and discussion
3.1. Physico-chemical properties of the studied soils
3.2. PTE extractability
3.3. Evaluation of single extraction efficiency
3.4. PTE bioavailability
3.5. Correlation of soil single extraction and bioavailability
4. Conclusion
Chapitre 3.3 : Utilisation de gradients diffusifs en couches minces, l’eau interstitielle du sol et plantes indicatrices afin de prédire la phytodisponibilité d’éléments potentiellement toxiques dans des technosols contaminés
Résumé de l’article 3 (Accepté dans : Journal of Environmental Science and Pollution Research)
Article 3: Diffusive gradients in thin films, soil solutions and indicator plants to predict the bioavailabilities of potentially toxic elements in contaminated technosols
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Soil sampling
2.2. Soil total PTE analysis
2.3. Germination test and plant analysis
2.4. Soil pore water sampling
2.5. DGT deployment
2.6. Reagents and standards
2.7. Statistical analysis
3. Results and discussion
3.1. Soil properties
3.2. Physico-chemical analysis of the SPW
3.3. Concentrations of PTE in SPW and as measured by DGT
3.4. PTE phytoavailability
3.5. Correlation between PTE concentrations in soil solution, as measured by DGT devices and PTE accumulated in plant leaves
4. Conclusion
CHAPITRE 4 : Effets rhizosphèriques sur la mobilité des éléments traces métalliques
Chapitre 4.1 : Effets rhizosphèriques du Populus euramericana Dorskamp sur la mobilité du Zn, Pb et Cd dans les technosols contaminés
Résumé de l’article 4 (Accepté dans: Journal of Soils and Sediments)
Article 4: Rhizospheric effects of Populus euramericana Dorskamp on the mobility of Zn, Pb and Cd in contaminated technosols
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Soil sampling
2.2. Soil physico-chemical properties
2.3. Reagents and standards
2.4. Rhizobox and cultivation experiment
2.5. Soil pore water collection and analysis
2.6. Statistical analysis
3. Results and discussion
3.1. Studied soil properties
3.2. Soil pore water pH and DOC concentrations
3.3. Zn, Pb and Cd concentrations in rhizosphere soils
3.4. Plant growth and metals uptake
4. Conclusion
Chapitre 4.2 : Effet de la fertilisation en azote (sous forme de nitrate et d’ammonium) sur la phytostabilisation du Zn, Pb et Cd par la Populus euramericana Dorskamp dans les technosols contaminés
Résumé de l’article 5 (Publié dans : Journal of Environmental Science and Pollution Research)
Article 5: Effect of nitrate and ammonium fertilization on Zn, Pb and Cd phytostabilization by Populus euramericana Dorskamp in contaminated technosol
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
2.1. Soil sampling
2.2. Experimental design and plant analysis
2.3. Soil solution collection and analysis
2.4. Statistical analysis
3. Results and discussion
3.1. Rhizopsheric soil solution pH and dissolved organic carbon concentration
3.2. Zn, Pb and Cd concentrations in rhizospheric SPW
3.3. Plant growth and uptake of Zn, Cd and Pb
4. Conclusion
Conclusion générale et Perspectives
1. Conclusions générale
2. Perspectives
Références bibliographiques

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