ÉLÉMENTS DE MODÉLISATION DU TBT DANS UN ÉCOSYSTÈME CÔTIER
PRESENCE DU TBT DANS L’ENVIRONNEMENT AVANT LA REGLEMENTATION
Afin d’évaluer l’ampleur du problème de la contamination par le tributylétain et ses produits de dégradation (DBT, MBT), très vite au cours des années 1980 des études environnementales sont réalisées dans les eaux douces, marines et estuariennes du monde entier. De nombreux cas de contamination sont répertoriés et le TBT ainsi que ses produits de dégradation sont détectés dans tous les compartiments du milieu marin: la microcouche de surface, la colonne d’eau, le sédiment et le biote. Les concentrations varient dans le temps et dans l’espace et les plus élevées se situent au niveau des marinas, des routes maritimes et des zones côtières de fortes activités nautiques (Waldock et al., 1986). Quelques exemples concrets sont cités ci-après.
En 1983 , dans l’estuaire de la rivière Crouch en Grande Bretagne, Waldock et al ont détecté des concentrations comprises entre < 30 et 630 ng TBT/L. Les concentrations dans les eaux de la baie de Chesapeake variaient entre < 1 et 1342 ng TBT/L (Hugget et al.1992) et entre 5 et 230 ng TBT/L dans la baie de San Diego (Seligman et al., 1986a) avec des concentrations plus élevées dans la microcouche de surface (Gucinski et al. 1986 ; Maguire et al. , 1987). Des teneurs avec des facteurs de concentrations de 103 par rapport aux eaux sus jacentes ont également été enregistrées dans les sédiments de la baie.
Dans la baie de San Diego, à proximité des aires de mouillage, les teneurs en TBT à la surface du sédiment variaient de 180 à 467 ng TBT/g (poids sec) (Stang et al., 1986).
Mais les cas les plus alarmants se retrouvaient sur la côte ouest du Canada où les teneurs atteignaient 1000 ng TBT/g dans le port de Vancouver (Maguire, 1992).
Les premières études sur le TBT en milieu naturel analysent peu ou pas la présence les organoétains dans les organismes vivants exceptés pour les organismes d’intérêt économique. On retrouve des données sur les niveaux de TBT présents dans les mollusques et plus particulièrement dans les huîtres en raison des effets néfastes observés dans certaines zones où les élevages se trouvaient à proximité des mouillages de bateaux. Sur la côte anglaise en 1983, Waldock détecte des concentrations allant de 230 à 8640 ng TBT/g poids sec. Sur des poissons d’élevage comme les saumons du Pacifique, dont les filets étaient traités au TBT, les concentrations dans les muscles atteignaient de 28xl04 à 90xl04 ng TBT/g (Short et al. , 1986).
Les conséquences économiques et environnementales obligent rapidement certains pays à mettre en place une réglementation interdisant l’usage des peintures au TBT. En 1982, la France interdit l’utilisation de telles peintures sur les bateaux dont la longueur est inférieure à 25 m. Très vite d’autres pays suivent: la Grande Bretagne en 1987, les États Unis en 1988 et la Canada en 1989.
APRÈS LA REGLEMENTATION
La conséquence immédiate de la réglementation a été une réduction des concentrations des butylétains dans plusieurs points chauds du monde (Champ, 2000; Fent et al., 1995a). Malheureusement, on constate très vite que le problème du TBT n’ est que partiellement réglé et que les peintures anti-salissures restent une source importante de pollution pour plusieurs raisons .
Pays non réglementés
Il existe encore beaucoup de pays sans aucune réglementation sur l’importation ou l’ usage des peintures anti-salissures à base d’étain. C’est le cas de la Grèce, de Malte et dela Chine où des évaluations récentes de la quantité des butylétains ont révélé leur présence dans la colonne d’eau, les sédiments et dans les organismes (Axiak et al., 2000; Gui-bin et al. , 2001 ; Tselentis et al., 2000;). Certains pays ayant une législation mais dont la côte est adjacente à des pays sans restriction comme en Afrique du Nord voient leurs efforts anéantis. C’est le cas des côtes méditerranéennes françaises (Michel et al., 2001 ; Tolossa et al., 1996). En 1997, Michel et Averty (1999) démontrent que la contamination des côtes françaises reste encore un problème après 15 ans de réglementation et qu ‘ il existe des sources de contamination dans tous les ports commerciaux et militaires.
Persistance du TBT dans l’environnement
Le risque soulevé par une substance toxique est non seulement sa toxicité mais sa présence et sa persistance dans l’environnement. S’il est confirmé que la concentration des butylétains a notablement diminué dans la colonne d’eau de multiples sites, cependant, la concentration présente dans les sédiments ne suit pas le même modèle. Plusieurs chercheurs ont noté peu ou pas de réduction dans ce compartiment, et ce plusieurs années après la mise en place de la réglementation (Dowson et al., 1993a; Fent et al. , 1995a ; Quevauviller et al. ,
1994). Au Canada, les taux de contamination demeurent élevés dans plusieurs endroits vers 1995 (Chau et al. 1997). Par exemple, des concentrations de TBT potentiellement toxiques
pour les organismes benthiques furent détectés dans les sédiments de Severn Sound dans le lac Huron où le trafic maritime est important (Wong et al., 1994).
Stewart et Thompson (1994) rapportent des taux de contamination des moules bleues, My tilus edu lis , atteignant un maximum de 314 ng TBT/g à l’embouchure de la rivière Fraser et des désordres physiologiques attribués au TBT furent observés chez les gastéropodes de l’île de Vancouver (Tester et al., 1996).
Le facteur limitant la diminution des concentrations de TBT dans le mjlieu est sa persistance dans les sédiments (de Mora et al., 1997). Ainsi, le sédiment contaminé peut devenir une source potentielle de contamination pour la faune benthique et même pour la colonne d’eau, soit indirectement via la consommation du benthos ou directement, après une remise en suspension (Sarradin et al., 1994; Svavarsson et al., 2001). D’autre part, de récentes études sur le système sédimentaire ont montré que la présence de TBT (6,5 nmol TBT m-2 ) modifie les communautés microbiennes, macro et meio-faunes du sédiment avec pour conséquence la perturbation des flux d’oxygène et ceux des nutriments (DahllOf et al. , 1999; 2001 ). A plus long terme, ces flux perturbés pourraient influencer d’ autres parties de l’écosystème.
Usage des peintures pour les navires de plus de 25 mètres Le rôle des bateaux en tant que source de pollution ne fait aucun doute, des nombreuses études le prouvent (Davies et al. , 1998; Ten Hallers-Tjabbes et al. , 1994).
Ainsi, la présence des organoétains est confirmée dans la majorité des zones côtières mondiales ayant un fort trafic maritime (Jacobsen et al. , 2000; Ten Hallers-Tjabbes et al. , 2003). Cette contamination varie selon l’achalandage et les courants marins. Il n’est pas surprenant de voir que les aires les plus polluées sont les endroits semi-fermés avec une faible circulation des masses d’eau et dans lesquels il existe une activité maritime intense (Batley, 1996). Récemment, Ten Hallers-Tjabbes et al (2003) ont démontré que l’ imposex et les concentrations des organoétains chez les gastéropodes, Buccinum undatum et Neptunea antiqua de la mer du Nord étaient fonction de la densité du trafic maritime mais également des conditions hydrographiques et du transport des masses d’eau contaminées.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PROBLÉMATIQUE ENVIRONNEMENTALE
PEINTURES ANTI-SALISSURES
COUTS ENVIRONNEMENTAUX
TOXICITE CHEZ LES ORGANISMES
PRÉSENCE DU TBT DANS L’ENVIRONNEMENT
PROBLÉMATIQUE
MODÈLE D’ÉVALUATION
LES OBJECTIFS
CHAPITRE – 1. ÉLÉMENTS DE MODÉLISATION DU TBT DANS UN ÉCOSYSTÈME CÔTIER
1. MODÈLE CONCEPTUEL
1.1.CONCEPT DE BASE
1.2.SCHÉMA CONCEPTUEL DU TBT DANS LE MILIEU MARIN
2.ÉLÉMENTS DE MODÉLISATION
2.1.DUALITÉ CHIMIQUE DU TBT
2.2.DÉGRADATION DU TBT
A.DEGRADATION CHIMIQUE
B.BIODEGRADATION
2.3.LE COMPARTIMENT DISSOUS
A.SPÉCIATION CHIMIQUE
B.TB T SOUS FORME LiBRE (IONIQUE OU NEUTRE)
C.TBT SOUS FORME COMPLEXÉE (COD)
2.4. COMPARTIMENT PARTICULAIRE
2.4.1.COEFFICIENT DE PARTITION SEDIMENT-EAU
2.4.2.SORPTION SUR LE MATÉRIEL PARTICULAIRE EN MILIEU MARIN
2.5. PROCESSUS DE TRANSPORT
A.FACTEUR DE DILUTION
B.TRANSPORT VERS LA MICROCOUCHE DE SURFACE SEDIMENTATION
2.6.COMPARTIMENT DU BIOTE
A.COEFFICIENT DE PARTITION OCTANOL – EAU
B.BIOACCUMULATION EN MILIEU MARIN
C.TBT ET LES RÉSEAUX TROPHIQUES
D.PERSISTANCE DU TBT
E.LA COLONNE D’EAU
F.SEDIMENT
CHAPITRE – II. LES BUTYLETAINS DANS LES EAUX DU FJORD DU
CHAPITRE – III. BUTYL TIN SPECIES IN BENTIDC AND PELAGIC ORGANISMS OF THE SAGUENAY FJORD (CANADA) AND IMPOSEX OCCURRENCE IN THE COMMON WHELK (BUCCINUM UNDATUM)
CHAPITRE -IV. HIGHL Y PERSISTENT BUTYL TINS IN NORTHERN MARINE SEDIMENTS: A LONG TERM THREAT FOR THE SAGUENAY FJORD (CANADA)
CHAPITRE – V. DISCUSSION GENERALES – CONCLUSIONS
1. INTÉGRATION DES RÉSULTATS
2. MODELE QUANTITATIF DU TBT ET DE SON MÉTABOLITE, LEDBT
3. VISION ENVIRONNEMENTALE
4. ATTEINTES DES OBJECTIFS ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
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