Eléments de mécanique de la rupture

Eléments de mécanique de la rupture

« Historique »

Les avancées technologiques ont souvent été associées à un contexte historique. La deuxième guerre mondiale est fréquemment citée comme étant un élément déclencheur de nombreuses avancées technologiques. L’urgence dans laquelle se font les innovations (que ce soit pour gagner une guerre ou conquérir un nouveau marché) peut entraîner des erreurs. L’évolution, au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle, des thématiques de recherche liées à la fissuration a ainsi été rythmée par une série d’accidents industriels. A l’été 1941, la préparation du débarquement débute. La course à la réduction des temps de production amène à produire les « Liberty Ships », des navires de 440 mètres et 10000 tonnes en des temps record de l’ordre de quelques jours ! Pour cela, la solution d’assemblages boulonnés ou par rivets est abandonnée au profit d’assemblages soudés ; induisant des contraintes internes et modifiant les propriétés du matériau dans la zone affectée thermiquement, notamment la résistance à la fissuration. Les défauts de soudure, présents dès la phase de fabrication, ont conduit à la rupture brutale de 30% de la flotte (Figure 4), provoquant par la suite de nombreuses études sur la prise en compte des défauts initiaux et l’introduction du concept de ténacité par George Irwin.

20 ans plus tard, c’est à nouveau une série d’accidents, cette fois-ci civils, qui alerte sur la méconnaissance des phénomènes de fissuration sous-critique (c’est-à-dire en deçà de la ténacité du matériau). En effet, le « De Havilland Comet », inauguré le 2 Mai 1952, a connu une série d’accidents en Mai 1953, Janvier 1954 et Avril 1954, malgré plusieurs années de fonctionnement sans aucun incident. A la suite de ces catastrophes, l’avion a été interdit de vol. La source de la rupture a été identifiée comme provenant de fissures s’étant propagées au cours du temps à partir de concentrations de contraintes au niveau des hublots. Des essais au sol de compression hydraulique (Figure 5) ont été utilisés pour simuler les effets de la pression atmosphérique sur le fuselage du « Comet ». Cet essai (à l’échelle 1:1) a constitué une des premières démonstrations de la propagation des fissures sous critiques.

Les pratiques permettant de considérer les défauts lors du dimensionnement des structures vis-à-vis de la rupture brutale ou de la fatigue et lors des opérations de contrôle ou de maintenance ont encore connu des évolutions suite à l’accident (arrachage d’une partie du fuselage) survenu en 1988 sur un avion Boeing de la compagnie Aloha dû à la non-prise en compte des effets de la corrosion sur la fissuration (Figure 6). On peut également mentionner l’accident ferroviaire d’Eschede en Allemagne en 1998 dû à la rupture par fatigue d’une roue de train provoquée par un changement de conception rendant plus difficile la détection des défauts (l’ajout d’un bandage autour de la roue pour diminuer le niveau de bruit a permis l’amorçage d’une fissure sur une interface interne qui n’était plus accessible au contrôle non destructif).

Hypothèses géométriques et cinématiques

Dans le cadre de la mécanique de la rupture, la fissure est supposée localement plane, à front droit, avec une extrémité parfaitement aigüe. La fissure présente alors un plan de symétrie local (Figure 7). Le mouvement peut être décomposé vis-à-vis de ce plan de symétrie en 3 composantes cinématiques élémentaires (Figure 8) correspondant aux 3 modes de rupture (Figure 8).
– Le mode I dit « d’ouverture » : correspond à la partie symétrique du champ de vitesse par rapport au plan de la fissure.
– Le mode II dit « de cisaillement » : correspond à la partie antisymétrique du champ de vitesse par rapport au plan de la fissure.
– Le mode III dit « de déchirure » : à la partie anti-plane du champ de vitesse par rapport au plan et au front de la fissure.

La géométrie de la fissure reste localement invariante par changement d’échelle, ce qui conduit à chercher des solutions dont la forme est invariante par changement d’échelle au voisinage du front de la fissure. Les coordonnées cylindriques sont les plus adaptées (Figure 7) à ce type de problème. La solution locale peut alors être exprimée sous la forme d’un produit d’une distribution spatiale (fonction de ) et d’un facteur multiplicatif (d’échelle ou d’intensité).

Remarque 1 : Ces considérations restent valables que le comportement du matériau soit élastique linéaire ou bien non linéaire. A partir du moment où la géométrie de la fissure peut être idéalisée comme localement plane à front droit (Figure 7), l’existence du plan de symétrie permet de décomposer le mouvement en modes cinématiques et l’invariance de la géométrie par changement d’échelle permet d’introduire des facteurs d’intensité comme quantité d’intérêt pour les critères.

Remarque 2 : Les fissures réelles ne sont généralement pas planes à front droit, ces hypothèses ne seront donc valides qu’au voisinage immédiat du front de la fissure et sous certaines conditions. Par exemple, le rayon de courbure du front de la fissure doit être grand devant la dimension de la zone plastique.

Solutions de Westergaard & Facteur d’intensité des contraintes 

En élasticité linéaire, Il a été montré par Williams [WIL59] que les champs mécaniques (contrainte ou déformation) au voisinage de son front s’écrivent asymptotiquement comme une somme de termes en où λ est l’ordre de la singularité et k l’ordre du terme du développement considéré. En se limitant, au premier terme du développement de Taylor, le champ de déplacement s’écrit comme une combinaison de trois champs de déplacement de référence.

Densité d’énergie totale et densité d’énergie de dilatation 

Ce critère proposé par Sih [SIH74a], [SIH91] utilise la densité locale d’énergie totale (Eq.1-12) calculée avec les équations de Westergaard. Tandis que Theocaris et Andrianopoulos [THE84] excluent la part de cisaillement de la densité d’énergie et ne considèrent que la densité d’énergie de dilatation. La fissure est alors supposée se propager dans la direction où la densité locale d’énergie totale, S, est minimale ou bien dans la direction qui maximise la densité d’énergie de dilatation. Ce dernier choix est à nouveau bien adapté à la rupture par clivage. Pour un chargement de mode III pur, la densité d’énergie totale est indépendante de l’angle et celle de dilatation est nulle, ce qui ne permet donc pas de définir une direction préférentielle de propagation. Par la suite Wong [WON87] a proposé d’étendre le nombre de termes de Westergaard présents dans le critère via l’expression des champs de contrainte en pointe de fissure.

Critère de « symétrie locale »

Ce critère proposé par Goldstein [GOL74] et Buy [AME79] utilise la distribution radiale des contraintes. La prédiction de la direction de propagation est déterminée par l’angle pour lequel le facteur d’intensité des contraintes de mode II (cisaillement) du futur plan de propagation, noté K*₁₁ est nul. Ainsi les champs obtenus suivant le plan de fissuration locale respectent une « symétrie locale ».

Critère de type « MTS » et « MTSR »

Ces deux critères, « MTS » pour Maximum Tangential Stress et « MTSR » pour Maximum Tangential Stress Range, ont été examinés par Dahlin et Olsson [DAL03]. Leur démarche, très intéressante, a été de tester une série de critères pour un éventail de matériaux aux comportements différents avec un panel de chargement de mode mixte. Ils concluent à l’impossible unicité d’un critère pour un éventail de matériaux répondant à des lois de comportement bien distinctes (mettant en avant notamment la propriété de ductilité) ainsi que l’extrême importance du rôle joué par la déformation plastique dans l’évolution de la direction de propagation de la fissure.

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Table des matières

Introduction
1. Bibliographie
1.1. Introduction
1.1. Motivations industrielles de cette étude
1.2. Eléments de mécanique de la rupture
1.2.1. « Historique »
1.2.2. Hypothèses géométriques et cinématiques
1.2.3. Solutions de Westergaard & Facteur d’intensité des contraintes
1.2.4. Critères de bifurcation
1.2.4.1. Critère de Erdogan et Sih ou « MTS »
1.2.4.2. Densité d’énergie totale et densité d’énergie de dilatation
1.2.4.3. Critère de « symétrie locale »
1.2.4.4. Critère de type « MTS » et « MTSR »
1.2.4.5. Critère de Li – Vecteur discontinuité du déplacement CTD
1.2.4.6. Critère de Hourlier et Pineau
1.3. La Fissuration par fatigue
1.3.1. La fatigue à amplitude constante – Loi de Paris [PAR61]
1.3.2. Les mécanismes usuels de propagation
1.3.3. Les effets d’histoire en mode I
1.3.4. Modèles de fissuration par fatigue avec effet retard
1.4. La Fissuration en mode mixte
1.4.1. Influence d’une charge de mode mixte II
1.4.2. Influence de séquences de mode mixte I+II
1.5. Modèle de plasticité condensé – Pommier
1.5.1. Démarche
1.5.2. Evolutions du modèle
1.6. Le matériau d’étude – 316L
1.6.1. Caractéristiques
– Composition
– Propriétés & Microstructure
1.6.2. Comportement cyclique – aspects phénoménologiques
1.6.2.1. Effet Bauschinger
1.6.2.2. Durcissement & Adoucissement cyclique
1.6.2.3. Effet d’amplitude et effet mémoire
1.6.2.4. Effet de rochet
1.6.2.5. Effet de forme
1.7. Conclusions intermédiaires
2. Fissuration par fatigue en Mode I sous chargement variable
2.1. Identification de la loi de comportement du matériau
2.1.1. Matériau d’étude
2.1.2. Démarche d’identification du comportement
2.1.3. Modèle de comportement
2.1.4. Jeu de paramètres
2.2. Essais de fissuration par fatigue en mode I
2.2.1. Dispositif expérimental
2.2.2. Essais réalisés
2.2.3. Résultats
2.3. Observations des surfaces de rupture – MEB
2.3.1. Mécanismes de fissuration
2.3.2. Essai à amplitude variable (1) – MEB
2.4. Extension : Essais supplémentaires
2.4.1. Chargement
2.4.2. Résultats
2.4.2.1. Essai à amplitude variable (2) – effet longue distance
2.4.2.2. Essai à amplitude variable (3) – effet courte distance
2.4.2.3. Essai [POM02a] – effet de relaxation de la contrainte moyenne
2.4.3. Mise en perspective de ces résultats
2.4.3.1. Essai à amplitude variable (2)
2.4.3.2. Essai à amplitude variable (3) et Essai [POM02]
2.5. Conclusions intermédiaires
3. Fissuration en mode mixte séquentiel : influence d’un chargement de mode III sur la fissuration en mode I
3.1. Bibliographie spécifique
3.1.1. Effets d’histoire dus à un chargement de mode mixte séquentiel
3.1.2. Difficultés spécifiques au mode III
3.1.3. Effets d’histoire dus à un chargement de mode I+III
3.2. Essais de fissuration en mode I + séquences de mode III
3.2.1. Dispositif
3.2.2. Simulations numériques
3.2.3. Conditions aux limites
3.2.4. Déroulement des essais
3.2.5. Résultats expérimentaux
3.3. Essais complémentaires
3.4. Observations MEB
3.5. Conclusions intermédiaires
4. Etude de la plasticité en mode mixte I+II+III par simulations par éléments finis
4.1. Modèle numérique et post-traitement des résultats
4.1.1. Modèle et conditions aux limites
4.1.2. Hypothèses pour le post traitement des simulations numériques
4.1.3. Construction de la base de champs
4.1.4. Extraction des facteurs d’intensité
4.1.5. Indicateurs de qualité de l’approximation
4.1.5.1. Non-confinement de la zone plastique
4.1.5.2. Fermeture de la fissure
4.1.5.3. Domaine d’élasticité
4.2. Simulations numériques pour la modélisation
4.2.1. Seuil de plasticité
4.2.2. Evolution du domaine d’élasticité
4.3. Utilisation pratique pour choisir des essais pertinents
4.3.1. Illustration sur un cas mode mixte I+II non proportionnel
4.3.2. Etude de trajets de chargement en mode mixte I+II+III
4.3.2.1. Chargement proportionnel I+II+III
4.3.2.2. Chargement « Cube »
4.3.2.3. Chargement « Etoile »
4.3.3. Comparaisons & discussion
4.3.4. Discussion sur le rôle du Mode III
4.4. Conclusions intermédiaires
Conclusion

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