Electrolyse et électrolyse au pinceau
Des débuts scientifiques
Si les procédés électrochimiques étaient probablement déjà utilisés pour le placage-or des métaux dans le Pérou précolombien, ou peut-être du placage-argent dès le IIIe siècle av. J.-C. en Europe, voir même dès le IIIe siècle av. J.-C. au Liban, il faut attendre l’époque charnière du XVIIIe au XIXe siècle pour que leur fonctionnement soit compris puis développé sur des bases scientifiques.
Ce sont des personnages tels que Luigi Galvani – activant en 1786 un muscle de grenouille à l’aide de deux métaux et d’un autre conducteur électrique, tels que le comte Alessandro Volta – qui confirme en 1800 que deux métaux et une solution aqueuse permettent de générer de l’électricité, ou encore tels que Michaël Faraday et ses lois de l’électrolyse en 1834, puis Walther Hermann Nernst et ses lois d’équilibres chimiques en 1888 (redox) qui vont permettre de mieux comprendre le phénomène dans un premier temps. Durant le XXe siècle, les progrès de l’électronique permettront d’approfondir cette science, en particulier entre 1940 et 1960 (Jaroslav Heyrovský et la méthode polarographique notamment). La recherche élémentaire s’essouffle ensuite pour laisser dans les années 70 la place libre à l’électrochimie appliquée, animée surtout par des ingénieurs : d’où le développement de l’électrosynthèse, des procédés de surface, etc7.
jusqu’à la conservation-restauration
Quant à la conservation-restauration, l’un des premiers utilisateurs attestés de l’électrochimie est un certain Friedrich Rathgen. Celui-ci utilisait vers la fin du XIXe siècle la polarisation cathodique de bronzes archéologiques pour les stabiliser. Vers le milieu du XXe siècle, Harold Plenderleith procèdera en ayant recours à une anode sacrificielle ainsi qu’à des nettoyages mécaniques pour traiter des bronzes et ferreux, tout en proposant un premier protocole pour l’utilisation de l’électrolyse. On se dirigera toutefois peu à peu vers des techniques permettant de fournir des électrons au métal à régénérer par le biais de générateurs de tension plutôt que d’anodes sacrificielles. Dans les années 70, D.L. Hamilton traitera électrochimiquement des objets issus de fouilles sous-marines, avant que N.A. North n’envisage de stabiliser ces objets en les soumettant à une tension constante et non plus à un courant constant. Puis, avec les recherches du laboratoire Valectra d’Electricité de France dans les années 80 et 90, les traitements sont établis sur la valeur de potentiel imposée à l’objet – tel que dans notre cas. Les avancées en la matière permettent d’établir des conditions de traitement précises qui évitent d’endommager les objets (tel que réalisées par des laboratoires comme Arc’Antique dès 1995). Reste qu’il s’agit encore là de traitements par bain électrolytique et plus ou moins imprécis.
Dans un premier temps on utilise un générateur de tension ou une batterie. Puis on contrôle l’évolution des réactions à l’aide d’un potentiostat, évitant ainsi un bullage d’hydrogène aux effets potentiellement abrasifs.
Concepts d’embouts
Le pinceau électrolytique tel qu’envisagé se présente sous la forme d’un tube pouvant être tenu en main par l’utilisateur et devant pouvoir être promené sur la surface de l’objet à traiter. Il contient les ER et CE ainsi que les tuyaux d’apport et d’extraction de l’électrolyte. La conception du prototype et le choix des matériaux est du ressort de Romain Jeanneret. Quant à mon rôle, il s’attache à concevoir un embout venant au contact de l’objet à traiter et se fixant au pinceau par le biais d’un bouchon à vis. Avant d’entrer dans les détails, une première étape a été d’attribuer une typologie à l’embout. Ci-dessous les typologies qui seront utilisées tout au long de ce travail pour évoquer les parties élémentaires de l’embout et du pinceau:
La base a pour objectif de s’adapter au bouchon à vis qui se fixe sur le tube du pinceau électrolytique.
La tête est la partie visible de l’embout lorsqu’il est mis en place sur le pinceau. Elle contient le réservoir.
Le réservoir est la partie qui accueille l’électrolyte, les embouchures des tuyaux d’arrivée et d’extraction ainsi que les extrémités des ER et CE et la partie supérieure du tampon.
L’ouverture est la zone ouverte qui doit être obstruée par le tampon – par exemple. Elle est étroite pour des embouts sans tampon (3mm de diamètre maximum, sur l’exemple du prototype d’Arie Pappot) et plus ou moins large pour les autres (environ 10mm).
Les lèvres sont les bords de l’ouverture.
Les tuyaux d’arrivée et d’extraction passent dans le tube du pinceau , de même que l’ER et la CE.
Le tampon est un dispositif obstruant l’ouverture de l’embout et limitant l’épanchement de l’électrolyte, pour autant que le concept dispose d’un matériau tampon (voir plus bas).
Embout à tampon massif
Il s’agit de disposer d’un matériau absorbant faisant barrière entre le réservoir du pinceau et l’objet. Par conséquent, c’est ce matériau qui est en contact avec l’objet à traiter et qui doit pouvoir transmettre un courant électrique en étant imbibé d’électrolyte. Le tampon est inséré dans l’embout par l’ouverture alors que sa partie inférieure dépasse de celle-ci. Il est creusé en son centre de manière à disposer d’un plus grand volume d’électrolyte au contact des électrodes et d’amincir la barrière électrique qu’il constitue par rapport à la surface de l’objet à traiter.
Le tampon souple est maintenu par sa largeur supérieure au diamètre intérieur du réservoir qui le contient et le rétrécissement à l’ouverture de l’embout. La rondelle de maintien des tuyaux était prévue au cas où la pression du circuit d’électrolyte faisait bouger ceux-ci, mais s’est avéré inutile, le tout tenant très bien en place.
Avantages :
Limitation optimale de l’épanchement de l’électrolyte ;
Meilleure adaptation aux reliefs de l’objet traité ;
Possibilité de nettoyer l’embout dans un bécher annexe, par surpression à l’arrivée et par pincement du tampon.
Inconvénients :
Saturation potentielle du tampon, nécessitant de le nettoyer de temps à autre (voir plus haut) ;
Résistance électrique du tampon ajoutée au système et retardant la réaction électrochimique.
Réalisation d’un joint en silicone pour l’embout
Lors des tests préliminaires décrits dans le chapitre suivant, il a été parfois observé que la surpression et l’augmentation du niveau d’électrolyte dans le réservoir causaient des fuites au niveau du bouchon à vis qui enserre l’embout et le maintient contre le tube du pinceau. Pour remédier à ce problème, des joints en silicone ont été réalisés. Ils sont placés entre la base de l’embout et l’ouverture du tube du pinceau contenant les électrodes et les tuyaux du circuit d’électrolyte . Pour garantir que les joints aient une épaisseur constante, les joints ont été réalisés en pressant le silicone n’ayant pas encore pris entre deux plaques de PMMA au moyen de pincettes . Une fois le silicone sec, un patron est utilisé pour marquer au feutre les formes à découper au scalpel.
L’élément extérieur du moule pour le faisceau de fibres de l’embout à garde-électrolyte a été utilisé pour ce faire (image de droite, coin en haut à gauche). Les joints ont été réalisés dans deux épaisseurs différentes. Le dispositif de l’image du milieu présente la version la plus mince avec des joints d’un cinquième de millimètre d’épaisseur. La plaque de silicone en cours de découpe sur l’image de droite représente les joints d’1mm d’épaisseur (réalisés grâce aux intercalaires en carton qui maintenaient cette épaisseur lors de la pression des deux plaques de PMMA, la pression étant exercée sur les bords où se trouvaient ces intercalaires).
Les joints d’épaisseur régulière se sont avérés efficaces, l’électrolyte ayant trouvé son chemin dans le tube plutôt qu’en suintant depuis les bords du bouchon par la suite.
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Table des matières
Introduction générale
Restauration du Trésor de l’Abbaye de St-Maurice d’Agaune
Projet de pinceau électrolytique
1. Electrolyse et électrolyse au pinceau, état de l’art
1.1. Des débuts scientifiques
1.2. … jusqu’à la conservation-restauration
1.3. Principe de fonctionnement
2. Concepts d’embouts
2.1. Embout à tampon massif
2.2. Autres embouts
2.3. Choix d’un embout à tester
2.4. Réalisation d’un joint en silicone pour l’embout
3. Choix de matériaux tampons
3.1. Réalisation de tampons
3.2. Définition des critères de tests
3.3. Tests de tampons
3.3.1. Tests préliminaires (durabilité, ergonomie, épanchement, saturation)
3.3.2. Test d’abrasion par les matériaux tampons
3.3.3. Test de décomposition des matériaux tampons dans du nitrate de sodium (durabilité)
3.3.4. Evaluation de la porosité des matériaux tampons (épanchement, circulation, saturation)
3.3.5. Test de rétention de NaNO3 dans les matériaux tampons (saturation)
3.3.6. Test de renouvellement de l’électrolyte (circulation)
3.3.7. Test de résistivité des matériaux tampons
3.3.8. Test de mise en solution d’ions par les matériaux tampons (traitement)
3.3.9. Tests d’efficacité des tampons par voltammétrie linéaire (traitement)
3.4. Résultats
Synthèse
Conclusion générale
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