Quel est leur intérêt ?
Les capteurs électrochimiques sont particulièrement appréciés en sciences analytiques en raison de leur sensibilité élevée et de leur fiabilité sur le long terme. Rapides et simples à mettre en œuvre ils ne représentent en outre qu’un faible coût [Anderson 98b]. Leur miniaturisation aisée les rend de surcroit facilement intégrables dans une chaine de mesure. L’un des grands intérêts de ces dispositifs est qu’ils peuvent être implémentés in situ et permettre ainsi la mesure de paramètres cibles (nature et concentration d’espèces en solution, intermédiaires réactionnels, en macro concentration ou à l’état de trace) et de leur évolution au cours du temps.
Electrodes usuelles et critères de performances
Au cœur du dispositif de détection électrochimique se trouve l’électrode de travail, élément sensible du capteur électrochimique. On attend d’une électrode de travail d’une part qu’elle soit inerte chimiquement au regard de l’électrolyte support dans lequel est elle plongée et d’autre part que la plage de potentiel dans laquelle elle peut être utilisée (également appelée fenêtre de potentiel ou domaine d’électro-activité) soit pertinente par rapport à l’objet de l’étude électrochimique. L’électrode de travail doit en outre être capable de discriminer les éléments à détecter (résolution) et délivrer une réponse rapide (cinétique) et stable dans le temps. La qualité d’une électrode de travail dépend considérablement de la nature du matériau électro-actif employé. Plusieurs matériaux ont successivement été utilisés en fonction de l’application visée et surtout de la nature des substances chimiques à détecter. En solution aqueuse, l’électrode la plus couramment utilisée est l’électrode de platine. Son domaine d’électro-activité s’étend approximativement de -0.5 V à 1 V par rapport à l’électrode standard à hydrogène (ESH). Très sensible à la réduction de l’oxygène dissout et à l’adsorption des protons, elle génère en outre des courants résiduels (courants mesurés en l’absence de couple redox) importants susceptibles de masquer le signal (figure 3). L’or, un autre métal dit « noble », est également couramment employé comme matériau d’électrode. Son utilisation permet à la fois de réduire les courants résiduels par rapport à l’électrode de platine, surtout du côté cathodique, (figure 3) et d’atteindre des potentiels légèrement plus négatifs (d’approximativement 500 mV). Les électrodes d’or sont de surcroit plus inertes visà-vis des agents oxydants. Elles sont en revanche sujettes à l’adsorption des espèces soufrées et azotées (NOX, SOX, NH2, etc.). Si elles rencontrent un grand succès notamment en raison de leur inertie à la corrosion et de leur stabilité, les électrodes de platine et d’or souffrent de limitations sévères liées à leurs fenêtres de potentiel restreintes. Pour résoudre ces difficultés, les électrodes de mercure ont été couramment mises à profit en réduction, pour la détection de traces de métaux lourds par exemple. Cependant le mercure est aisément oxydable (0,2V/AgAgCl saturée en KCl) et hautement toxique. Sa surface exige en outre un fréquent renouvellement pour assurer la reproductibilité des mesures (d’où la conception d’électrodes à gouttes de mercure tombantes ou pendantes). Les matériaux carbonés tels que le graphite et le carbone vitreux constituent une alternative intéressante car ils présentent une large fenêtre de potentiel en milieu aqueux. Malheureusement, les courants résiduels du carbone vitreux comme du graphite sont très élevés en raison d’effets capacitifs importants, et surtout instables. Ces électrodes doivent de plus être régulièrement polies pour conserver leur réactivité et souffrent d’un manque de stabilité à haut potentiel. Le carbone vitreux, moins sensible à l’adsorption que le graphite, reste néanmoins sujet à l’encrassement par accumulation de matière à la surface de l’électrode (phénomène de fouling).
Large fenêtre de potentiel
La très large fenêtre de potentiel électrochimique du diamant, en milieu aqueux (plus de 3 V) [Vinokur 96, Bouamrane 96, Martin 96, Swain 98] comme en milieu non aqueux [Wu 98, Li 97, Yoshimura 02] est l’un de ses atouts majeurs. Plus étendue que la très grande majorité des électrodes usuelles (voir figure 6), elle couvre de vastes plages du côté cathodique comme du côté anodique. Elle permet ainsi l’exploration de plages de potentiel inaccessibles aux autres électrodes en raison de la décomposition électrochimique du solvant. Cette large fenêtre est mise à profit pour la détection de couples redox dont le potentiel électrochimique est extrême, la production de radicaux, l’oxydation de composés organiques ou encore l’électro-synthèse [Kraft 07, Fujishima 05a, Panizza 05]. C’est également un atout pour la compréhension des phénomènes électrochimiques. En effet, en vertu de la loi de Nernst, le potentiel apparent se déplace positivement lorsque le pH décroit. Une large fenêtre de potentiel permet donc d’étendre la plage de pH utilisable. De la même façon, en voltampérométrie cyclique, lorsque la vitesse de transfert de charge est cinétiquement limitante, la séparation des pics d’oxydation et de réduction s’accroit avec la vitesse de balayage. Une fenêtre de potentiel étendue donne ainsi à l’électrochimiste plus de liberté dans la variation de ses conditions expérimentales, ce qui est favorable à l’optimisation des conditions de détections ou à l’analyse des mécanismes mis en jeu [Spataru 02, Mitadera 04]. Sa large fenêtre de potentiel est donc un avantage décisif du diamant par rapport aux autres électrodes pour un grand nombre d’applications, ce qui nous amène à nous intéresser à son origine physique. Ce domaine électroactif étendu est la conséquence des importantes surtensions nécessaires à l’oxydation et à la réduction de l’eau [Martin 96]. Les cinétiques particulièrement lentes de dégagement d’hydrogène et d’oxygène à l’électrode de diamant peuvent être attribuées à la rareté des sites d’absorption pour les intermédiaires réactionnels en surface. Il a en effet été démontré au travers de l’étude de la densité du courant correspondant au dégagement de l’hydrogène à la surface d’un matériau (courbes de Volcano) que plus la liaison M-H était forte, plus limitée était l’absorption de l’hydrogène. Or l’énergie de la liaison C-H est particulièrement élevée (81 kcal). A l’image du phénomène observé sur les électrodes de mercure [Vinokur 96], une faible adsorption de l’hydrogène serait ainsi à l’origine de la surtension constatée pour le dégagement de l’hydrogène [Fujishima 05a]. Le diamant n’est cependant pas totalement inerte à l’adsorption d’hydrogène puisque le dégagement de l’hydrogène a lieu à des potentiels bien inférieurs à la valeur thermodynamique de production directe d’hydrogène atomique (-2,11 V/ESH) [Anderson 98a]. Les conditions d’élaboration ont de plus un impact considérable sur l’étendue de la fenêtre de potentiel. Les influences de la terminaison de surface [Notsu 05, Tryk 01, Angus 04], de la concentration du dopant (bore) [Ndao 00, Levy-Clement 99, Levy-Clement 05], de l’orientation cristalline [Kondo 02] et des phases non diamant [Bennett 04, Martin 96, Pleskov 98] sont ainsi mentionnées dans la littérature. La figure 6 suggère ainsi qu’une réactivité croissante, induite tout d’abord par l’augmentation de la concentration de bore dans les couches semiconductrices puis par une meilleure qualité de matériau et une terminaison hydrogénée dans les couches quasimétalliques conduit à des efficacités d’hydrolyse plus élevées (pente accrue du courant en fonction du potentiel) et par voie de conséquence, une fenêtre de potentiel qui parait moins étendue. Cette hausse de la réactivité serait de cette façon la principale cause des variations de l’allure des courbes de voltampérométrie en fonction du dopage en l’absence de couple sonde [Levy-Clement 03, 99, Ndao 00]. Il est intéressant de noter que dans le cas de capteurs faradiques une plage de potentiel étendue n’est cependant utile que si la réactivité électrochimique reste raisonnablement élevée. Il n’est donc pas forcément intéressant d’élargir le domaine électroactif au prix d’une réactivité très abaissée.
Désinfection de l’eau
La désinfection électrochimique consiste à générer des agents désinfectants à partir de l’eau ou de ses sels minéraux sans addition de produits chimiques. Efficace et respectueuse de l’environnement, cette technique rencontre un succès grandissant. Presque toutes les formes d’oxygène actif peuvent être formées à partir de l’eau et plus précisément des radicauxhydroxyles adsorbés à la surface de l’électrode [Michaud 03]. De surcroit, l’hypochlorite [Ferro 00], les persulfates [Furuta 05] et les percarbonates [Saha 03] peuvent être produits à partir des chlores, sulfates et des carbonates naturellement présents en solution. Les électrodes ont entre autres été appliquées à l’inactivation des légionelloses, au traitement de l’eau potable [Furuta 05] et à l’entretien des piscines. Certaines de ces applications vouées à la remédiation et au traitement sont dores et déjà commercialisées : Condiapure (Condias GmbH, Allemagne), Diacell (Adamant SA, Suisse), ou encore Esazon Systems (Esau & Hueber, Allemagne).
Conditions expérimentales de dépôt des couches
Deux grandes familles d’échantillons ont été réalisées pour les besoins de ces travaux de thèse. Les propriétés électrochimiques des électrodes sont sujettes à des évolutions dont la méconnaissance peut gravement nuire à la reproductibilité des résultats. Les échantillons de la première des deux familles ont donc été synthétisés dans un objectif principal, celui de l’étude systématique de ces évolutions. Les jeux de paramètres de croissance (A et B, tableau 9) de cette famille sont ainsi hérités d’études précédentes menées au sein du laboratoire sans optimisation supplémentaire. Une fois ces évolutions connues, l’élaboration des électrodes a pu faire l’objet d’une optimisation. Cette optimisation a été menée selon deux axes, le développement de traitements de surface, dont l’exploration commence avec la première famille pour se poursuivre avec la seconde puis l’optimisation de la concentration réalisée à partir des échantillons de la seconde famille. Les jeux de paramètres (C, D, E, F, G, H, I, et J tableau 10) de cette seconde famille se distinguent ainsi par leur flux de triméthylbore (TMB), de façon à couvrir des concentrations de bore s’étendant de la limite quasi-métallique jusqu’à des concentrations supérieures à 3.1021 at/cm3 . Un rapport méthane/hydrogène très bas ([CH4]/[H2] = 0.22 %) caractérise l’ensemble des échantillons de cette série. Cette caractéristique conduit à des vitesses de croissance considérablement réduites mais également à une meilleure qualité cristalline en termes d’ordre cristallin et de réduction des phases sp2. La vitesse de croissance déclinant au fur et à mesure de l’augmentation de la concentration du bore, la durée du dépôt est adaptée (tableau 10). Quelque soit la famille considérée, des gaz de pureté élevée ont été employés. Un générateur d’hydrogène basé sur l’électrolyse assure la production d’hydrogène à ultra faible teneur en impuretés (< 10 ppb). Les échantillons sont refroidis sous flux d’hydrogène (300 mbar) pourlimiter les liaisons pendantes et assurer une meilleure hydrogénation de la surface [Fischer 04]. Pour chaque jeu de paramètre, un ou plusieurs films (ex. Aa, Ab …) sont réalisés selon les besoins de l’étude. Chacun des films obtenus est à son tour découpé en lots d’échantillons d’1 cm² (Aa1, Aa2, ..) rigoureusement identiques.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I
1 Généralités et état de l’art
2 Méthodes et protocoles expérimentaux
CHAPITRE II
1 Revue bibliographique
2 Etude préliminaire : comportement de l’électrode commerciale D–098–SA
3 Caractérisation des électrodes non traitées réalisées au sein du laboratoire
4 Caractérisation des électrodes traitées électrochimiquement
5 Traitement électrochimique et chimique de stabilisation
6 Influence du couple sonde
7 Bilan à propos des traitements de surface
CHAPITRE III
1 Revue bibliographique
2 Analyse électrochimique
3 Etude morphologique et optique des couches de diamant
4 Comparaison du platine et du diamant
5 Conclusion
CHAPITRE IV
1 Electrodes à large fenêtre de potentiel pour l’électroanalyse
2 Electrodes pour l’analyse de mécanismes électrochimiques complexes : cas de la PSII
3 Miniaturisation et Intégration
4 Réseaux de microélectrodes réalisés dans le cadre collaboratif des projets DREAMS et MEDINAS
5 Conclusion
CONCLUSION GENERALE
Télécharger le rapport complet