Elastomères non chargés ou faiblement chargés
Elasticité non-linéaire entropique
Les élastomères vulcanisés peuvent supporter une très grande déformation d’une façon quasiréversible parfois jusqu’à 700% grâce aux caractéristiques spécifiques de leurs microstructures. Une courbe de traction uni-axiale à rupture représente un comportement fortement non-linéaire élastique (cf. Figure 1-25). Cette courbe se compose en trois régions correspondant à l’élongation. La première région caractérise un comportement élastique linéaire pour une déformation inférieure à 10%. Ensuite, nous constatons un adoucissement du comportement associé au désenchevêtrement des chaines macromoléculaire. Cette adoucissement est suivit d’un fort raidissement qui dénote la limite d’extensibilité des chaines macromoléculaires et/ou éventuellement de la cristallisation de ces chaines. Pour les élastomères, on peut constater que l’énergie de déformation est directement liée à la variation de l’entropie (cf. Figure 1-25). On parle alors d’élasticité entropique.
Pour modéliser ce type de comportement il existe principalement deux approches : les modèles phénoménologiques et les modèles basés sur la physique statistique. L’approche phénoménologique cherche à reproduire les données expérimentales d’un point de vue purement mathématique. Elle consiste à proposer une fonction d’énergie libre qui reproduise le comportement macroscopique du matériau. Les modèles phénoménologiques les plus utilisés sont : Mooney (1940), Mooney-Rivlin (Rivlin, 1948), Ogden (1972) et Gent (1996). La deuxième approche s’appuie sur la loi de Boltzmann qui lie l’entropie à une fonction de probabilité d’états d’une chaine macromoléculaire. En changeant la densité de probabilité (gaussienne ou non gaussienne) et en intégrant l’entropie de la chaine sur un réseau de chaine plus ou moins complexes on peut obtenir une expression de l’énergie libre d’un élastomère (Treloar, 1943, 1975; Arruda et Boyce, 1993). Ces modèles peuvent également prendre en compte des contraintes topologiques pour décrire l’influence des chaînes les unes par rapport aux autres, le lecteur est invité à se référer à la thèse de [Marckmann, 2004].
Dans la plupart des cas de chargements, les variations de volumes sont faibles mais peuvent être dans certains cas non négligeables. Ainsi, par la suite nous ne supposerons que le comportement des élastomères est faiblement-compressible ou quasiment-incompressible et nous utiliserons un cadre de modélisation adapté à cette hypothèse .
Inversion thermo-élastique
A faible taux d’élongation, la température décroit puis la tendance s’inverse et l’on a une croissance monotone de la température comme prévue par l’élasticité entropique. Cet effet est encore une signature du fort couplage thermomécanique dans les élastomères : à faible niveau de déformation l’énergie de dilatation thermique peut prendre le pas sur l’énergie de déformation et conduire à une diminution de la température si les conditions d’essais imposent une très faible variation de volume. Dans la seconde partie de la courbe, les chaines se réorientant, l’entropie diminue et la température est donc augmentée dans ce matériau.
Elastomères chargés
Viscoélasticité
Le comportement mécanique des élastomères chargés dépend de la température, de l’amplitude du chargement mais également de l’histoire du chargement. On peut trouver dans la littérature de très nombreux travaux expérimentaux sur ce sujet (on peut citer par exemple [Mullins, 1948], [ Lion, 1996], [Robisson, 2000]). Pour un chargement dynamique cyclique, on trouve par exemple dans [Martinez, 2005] une comparaison de la réponse du mécanique d’un silicone chargé et non-chargé. On remarque une augmentation de la raideur dynamique et de l’angle de perte (dissipation) sur la comparaison des réponses stabilisées .
D’un point de vue microscopique et de façon simpliste, les charges accentuent des mécanismes de glissements ou de frottement visqueux charges/chaines voir charges/charges. Ces phénomènes de dissipations sont très sensibles à la vitesse de sollicitation et l’on n’observe généralement pas de déformations permanentes macroscopiques suite à un essai de charge-décharge. On parle dans ce cas d’élastomères purement viscoélastiques.
Trois grandes approches de modélisation peuvent être utilisées pour traduire le comportement nonlinéaire viscoélastique : les approches intégrales ou à dérivées fractionnaires, les approches phénoménologiques à variables internes et les approches micro-physiques. Les approches intégrales considèrent les contraintes comme une fonction de l’histoire de déformations. Les modèles les plus utilisés sont les modèles F.L.V (Finite Linear Viscoelasticity) de [Coleman et Noll, 1961], M.F.L.V (Modified Finite Linear Viscoelasticity) de [Morman, 1988] et le modèle B.K.Z (Bernstein Kearlsey Zapas) de [Bernstein et al., 1963]. Les approches à variables internes, sont basées sur la théorie de l’état associé des matériaux standards généralisés ou des relations d’ONSAGER et sur la généralisation aux grandes déformations des modèles rhéologiques. On peut citer par exemple les travaux de [Sidoroff, 1974], [Reese et S. Govindjee, 1998], [A. Boukamel, 2006]. Enfin les approches microphysiques tentent de rendre compte de chaque phase du matériau et des interactions entre ces phases, elles sont principalement basées sur des techniques d’homogénéisation non-linéaires, analytique (voir [Göktepe et Christian Miehe, 2005; Lahellec et Suquet, 2004; Castañeda, 1996]…) ou numériques ([Khédimi, 2011; Göktepe et Christian Miehe, 2005]…).
Viscoplasticité
Les élastomères chargés peuvent également présenter un caractère viscoplastique. On a vu précédemment que l’élastomère cru présente ce type de comportement (voir par exemple [M. Kaliske et al., 2010]). En effet, pour certains élastomères, on peut observer une faible déformation permanente qui demeure après relâchement de la sollicitation. Cette faible déformation permanente peut avoir plusieurs origines (endommagement, évolution chimique, …), mais au final il est facile d’imaginer que d’’un point de mésoscopique le glissement entre chaines ou entre chaine et charge lors d’une sollicitation mécanique puisse avoir une partie irréversible qui expliquerait pour partie la déformation permanente observée (ceci est certainement d’autant plus vrai que le taux de réticulation est faible).
Certains auteurs ont émis cette hypothèse et intègre de la plasticité dans leur modèles (voir [Christian Miehe et Keck, 2000; Alexander Lion, 2000; Cantournet et Desmorat, 2003], [Martinez 2005]).. Certains constats expérimentaux vont également dans le sens de cette hypothèse, comme l’essai de charge alterné (avec paliers de relaxations) de la Figure 1-29, on voit clairement avec cet essais qu’une part de la dissipation n’est pas de nature viscoélastique puisque les contraintes relaxées ne se rejoignent pas en une courbe d’équilibre mais forme une hystérésis. Dans littérature, on trouve les mêmes approches que celle décrites au paragraphe précédent.
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Table des matières
Introduction
CHAPITRE 1 Généralité sur les élastomères
1.1. Domaines d’applications des produits à base élastomère
1.1.1. Rôles et conditions d’utilisation
1.1.2. Quelques exemples d’applications
1.2. Description physico-chimique du matériau
1.2.1. La matrice élastomérique
1.2.1.1. Bref aperçu de la composition et structure chimique
1.2.1.2. La densité de réticulation
1.2.1.3. La température et l’état de la matière
1.2.1.4. La cristallisation
1.2.2. Les charges
1.2.2.1. Charges inactives
1.2.2.2. Charges actives
1.2.2.3. Interaction Charges-Gomme
1.3. La vulcanisation
1.3.1. Vulcanisation au soufre
1.3.2. Vulcanisation au péroxyde
1.3.3. Caractérisation du procédé de vulcanisation
1.3.3.1. Analyse chimique
1.3.3.2. Analyse thermique
1.3.3.3. Analyse mécanique
1.3.4. Les facteurs influant le procédé de vulcanisation
1.3.4.1. Le système de vulcanisation
1.3.4.2. La température
1.3.4.3. La pression hydrostatique
1.3.5. Les effets du procédé de vulcanisation
1.3.5.1. Retrait chimique
1.3.5.2. Autres effets
1.4. Comportement thermo-mécanique
1.4.1. Elastomères non chargés ou faiblement chargés
1.4.1.1. Elasticité non-linéaire entropique
1.4.1.2. Inversion thermo-élastique
1.4.2. Elastomères chargés
1.4.2.1. Viscoélasticité
1.4.2.2. Viscoplasticité
1.4.2.3. Auto-échauffement
1.4.2.4. Effet Payne
1.4.2.5. Effet Mullins
1.4.2.6. Endommagement sous chargement monotone
1.4.2.7. Endommagement sous chargement cyclique en fatigue
1.5. Conclusion
CHAPITRE 2 Etat de l’art du couplage Thermo-Chimio-Mécanique
2.1. Thermocinétique
2.1.1. Modélisation de la vulcanisation
2.1.1.1. Modèles de cinétique mécanistiques
2.1.1.2. Modèles de cinétique empiriques ou phénoménologiques
2.1.2. Simulation du procédé de vulcanisation par un modèle thermo-chimique
2.2. Modélisation thermo-mécanique dans les élastomères
2.2.1. Modèle du couplage thermo-élastique entropique
2.2.2. Modèle du couplage thermo-mécanique avec dissipation mécanique
2.3. Couplage thermo-chimio-mécanique
2.3.1. Modèles en petites déformations
2.3.2. Modèles en grandes déformations
2.4. Conclusions
CHAPITRE 3 Un modèle du couplage thermo-chimio-mécanique pour les élastomères
3.1. Cadre thermodynamique
3.1.1. Description d’avancement de réaction
3.1.2. Cinématique
3.1.3. Principes thermodynamiques et hypothèses
3.1.4. Loi de comportement
3.1.5. Lois complémentaires
3.1.6. Conservation de la masse
3.1.7. L’équation de la chaleur
3.2. Lois de comportement TCM pour les élastomères
3.2.1. Un modèle simple basé sur Kelvin-Voigt
3.2.1.1. Loi de comportement mécanique
3.2.1.2. Loi de comportement chimique
3.2.1.3. Loi de comportement thermique
3.2.2. Loi de comportement basée sur un modèle de Bingham
3.2.2.1. Loi de comportement mécanique
3.2.2.2. Loi de comportement chimique
3.2.2.3. Loi de comportement thermique
3.2.3. Loi de comportement basée sur un modèle de Bingham-Maxwell
3.2.3.1. Loi de comportement mécanique
3.2.3.2. Loi de comportement chimique
3.2.3.3. Loi de comportement thermique
3.2.4. Admissibilité thermodynamique des paramètres du modèle
3.2.5. Equations bilan
3.3. Identification des paramètres thermo-mécaniques
3.4. Evaluation des modèles sur des tests élémentaires
3.4.1. Cisaillement harmonique sous rayonnement thermique
3.4.2. Tests oedométriques adiabatiques sous rayonnement thermique
3.5. Conclusion
CHAPITRE 4 Simulation du couplage thermo-chimio-mécanique
4.1. Introduction
4.2. Formulation variationnelle multi-champs
4.2.1. Position du problème en configuration mixte
4.2.2. Forme faible du problème
4.3. Discrétisation de la forme faible
4.3.1. Principe de linéarisation
4.3.2. Discrétisation temporelle et linéarisation du problème couplé
4.3.3. Discrétisation spatiale par la méthode des éléments finis
4.4. Intégration locale de la loi complémentaire mécanique
4.5. Implémentation numérique
4.5.1. Condensation statique
4.5.2. Implémentation logicielle
4.6. Applications numériques
4.6.1. Flux normal de chaleur nul aux bords
4.6.2. Température imposée et flux normal nuls
4.7. Conclusions
Conclusions