Élaboration, structure et propriétés du SiC/SiC-BN-MI

L’industrie aéronautique est fortement engagée dans la diminution de l’impact du trafic aérien sur l’environnement. De son côté et dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, l’Union Européenne demande aux acteurs du secteur du transport de réduire de 90% leurs émissions [European Commission 2019]. Pour répondre à ces objectifs, les deux leviers principaux sont l’allégement des structures et l’augmentation du rendement des moteurs. Ce dernier peut être amélioré en accroissant la température de la chambre de combustion. Aujourd’hui la température de la zone chaude d’un turboréacteur est limitée par les superalliages utilisés. Aussi les principaux motoristes travaillent sur des matériaux alternatifs : les composites thermostructuraux. Développés à partir du milieu des années soixante-dix [Christin et al. 1977], les composites à matrice céramique SiC/SiC sont des composites thermostructuraux prometteurs pour des utilisations dans des conditions extrêmes. Ils présentent en effet des caractéristiques mécaniques spécifiques élevées qui restent stables à haute température. Déjà utilisés dans des moteurs militaires [Staehler et Zawada 2000], ils doivent être déployés plus largement dans l’aviation civile avec la nouvelle génération de turboréacteurs, notamment le LEAP (CFM), pour élever la température de la chambre de combustion de 1 300◦C à 1 500◦C [Naslain 2004].

Cette rupture technologique nécessite d’optimiser la structure de ces composites pour améliorer leurs performances et leur durée de vie [Zok 2016]. Le Cerasep A600 ®, dernière génération de SiC/SiC développée par Safran, est constitué de renforts tridimensionnels tissés et d’une matrice hétérogène. La complexité de sa microstructure rend la compréhension fine de son comportement mécanique difficile. Via le Projet de Recherche Concerté (PRC) MECA-COMP, dans lequel s’inscrit cette thèse, Safran et ses partenaires cherchent à améliorer leur connaissance de ce comportement et à le modéliser plus fidèlement. Ces modélisations doivent permettre de réduire de façon significative le nombre d’essais sur pièce et servir d’outil d’optimisation et de certification. Le composite étudié est sensible aux phénomènes physico-chimiques. À haute température, la matrice protège les renforts de l’oxydation. L’apparition de fissures matricielles débouchantes a alors un impact important sur le comportement et la durée de vie du SiC/SiC. L’ouverture de fissure est critique car elle augmente sa vitesse de dégradation. Le seuil d’apparition des premières fissures doit donc être caractérisé avec précision. S’il est plutôt bien connu en traction unidirectionnelle, un des enjeux est de le déterminer sous sollicitations multiaxiales.

Élaboration, structure et propriétés du SiC/SiC-BN-MI

Élaboration et structure

Les matériaux céramiques conservent de bonnes propriétés thermomécaniques à haute température. Leur faible tenacité sous forme monolithique peut être améliorée en y incorporant un renfort fibreux. On obtient ainsi un Composite à Matrice Céramique (CMC) [Naslain 2004 ; Bansal 2005 ; Camus et al. 2016]. Le CMC étudié ici est développé par le groupe SAFRAN pour des pièces destinées à fonctionner à des températures supérieure à 1 200◦C sous environnement oxydant. Il s’agit d’un SiC/SiC : les fibres et la matrice sont constituées de carbure de silicium.

Renfort tissé 3D

Le renfort est constitué de fibres longues Hi-Nicalon S (NGS Advanced Fibers) d’un diamètre nominal de 12 µm. Les fils, regroupant environ 500 fibres, sont tissés suivant une armure tridimensionnelle pour former la préforme textile. Bien que complexe, le tissage 3D permet d’obtenir de bonnes propriétés hors plan, notamment par rapport aux matériaux stratifiés ou tissés 2D qui sont sensibles au délaminage [Boussu et al. 2015]. L’armure d’une pièce aéronautique est conçue spécifiquement afin de respecter sa géométrie et de reprendre au mieux les chargements auxquelles elle sera soumise en service . Dans les zones à géométrie complexe, la préforme peut comporter des variations de densité de renfort, des fils présentant de fortes courbures et des défauts. Ces zones singulières ont des dimensions proches de celles de la pièce, la définition rigoureuse d’un Volume Élémentaire Représentatif (VER) est donc souvent impossible.

Interphase BN

L’interphase joue un rôle essentiel dans le comportement mécanique du CMC : elle assure la liaison entre les fibres et la matrice. Constituée de nitrure de bore (BN), elle est déposée autour des fibres par Chemical Vapor Deposition. La structure lamellaire et concentrique du BN créé une liaison mécaniquement faible à même de dévier la fissuration matricielle. Les fibres sont ainsi protégées et la rupture fragile est évitée. Cette liaison est toutefois suffisement forte pour assurer un transfert progressif de la charge vers les fibres. C’est donc l’interphase qui confère au composite sa capacité à s’endommager de manière progressive [Lamon 2008].

Matrice

La matrice remplit deux rôles, assurer la cohésion globale du composite et ses propriétés dans le domaine élastique et protéger les fibres et l’interphase de l’environnement extérieur. L’élaboration de la matrice du SiC/SiC-BN-MI comporte trois étapes. Une première matrice, dite SiC-CVI (pour Chemical Vapor Infiltration), est obtenue par infiltration de précurseurs gazeux. Plusieurs couches de SiC β d’une grande pureté sont ainsi déposées autour de la préforme et forment une matrice intra-fil et inter-fil qui la rigidifie. Outre son rôle mécanique, cette matrice est une barrière protectrice contre l’environnement extérieur, le SiC présentant une bonne résistance à l’oxydation jusqu’à 1 500◦C. Elle protège ainsi l’interphase BN des attaques chimiques auxquels la soumettraient l’étape de melt-infiltration [Corman et Luthra 2005]. La porosité résiduelle du composite à l’issue de cette étape est supérieure à une dizaine de pourcents. Afin de combler ces porosités, une suspension de poudre de SiC y est infiltrée sous pression lors de l’étape de slurry cast. Des fissures de retrait apparaissent lors de l’évaporation de la barbotine. Ces fissures et les agrégats de poudre de SiC sont imprégnés de silicium liquide par capillarité (melt-infiltration : MI). La porosité est ainsi réduite à quelques pourcents, le domaine élastique du composite est plus grand que celui d’un composite CVI [Morscher et Gyekenyesi 1998] et sa conductivité thermique est meilleure. Toutefois la température maximale d’utilisation est limitée par la température de fusion du silicium (1 414◦C).L’hétérogénéité de la matrice aux échelles micro- et mésoscopique vient de sa structure même mais aussi de la présence de défauts, comme les porosités, les fissures de retrait, etc. qui apparaissent lors de la fabrication. Les surfaces des pièces aéronautiques exposées à de hautes températures et à de forts flux oxydants sont protégées par une barrière environnementale et thermique en disilicate de terre rare qui ne sera pas étudiée ici [Eaton et al. 2000].

Propriétés thermomécaniques

Propriétés des constituants

Fibre Hi-Nicalon-S 

Les fibres Hi-Nicalon-S ont un module d’Young longitudinal d’environ 420 GPa et une contrainte à rupture en traction de 2,6 ± 0,7 GPa [Ichikawa 2000 ; Bunsell et Piant 2006]. Leur allongement à rupture, 0,6%, est très supérieur à ceux de matériaux céramiques monolithiques (autour de 0,05%). Cet allongement important confère au composite un potentiel de déformation bien supérieur aux céramiques. Peu sensibles à l’oxydation du fait d’une faible teneur en carbone résiduel, leur module d’Young est stable jusqu’à 1 400◦C [Colin et Gélébart 2008].

Fil sec, fil infiltré 

Lors du chargement en traction d’une mèche de fibres non infiltrée, dites sèche, les ruptures de fibres successives entrainent des reports de charge est conduisent finalement la ruine du fil. Pour prendre en compte les dispersions sur la contrainte à rupture et le diamètre des fibres et l’irrégularité du fil — plus ou moins tendues, les fibres ne sont pas toutes solicitées de la même manière — un modèle de Weibull est utilisé [Callaway et Zok 2017 ; Lamon et R’Mili 2021]. On désigne généralement par minicomposite, un fil infiltré. Lors d’essais de traction sur minicomposites, de multiples fissures matricielles transverses se propagent du bord des fils vers le centre. Les fibres créent des pontages qui diminuent la contrainte en pointe de fissure et ralentissent la propagation [Budiansky et al. 1986; Zok et Hom 1990]. Après la saturation de la fissuration matricielle, les fibres rompent progressivement, d’abord de façon diffuse puis en se localisant autour de la zone de rupture [Chateau et al. 2011]. La rupture du minicomposite n’est pas fragile, l’interphase joue son rôle en déviant les fissures tout en assurant un report de charge vers les fibres qui chacune se fissure plusieurs fois.

Propriétés de la matrice 

Si les propriétés des fibres ont donné lieu à de nombreuses études et sont bien connues, il est plus difficile de déterminer les propriétés mécaniques de la matrice seule. En effet, l’élaboration d’éprouvettes dont la microstructure soit représentative de celle obtenue au sein de la préforme est complexe. À partir d’essais sur des minicomposites, Colin et Gélébart [2008] ont déterminé le module d’Young de la matrice CVI qui enrobe les fibres , 390 GPa, et montré qu’il pouvaitêtre considéré comme constant jusqu’à 1 000◦C. Les propriétés locales du reste de la matrice sont déterminées par des essais de nanoindentation qui permettent de remonter à la dureté et au module  d’Young des différentes phases [Chollon et al. 2004].

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Table des matières

Introduction
1 Élaboration, structure et propriétés du SiC/SiC-BN-MI
1 Élaboration et structure
1.1 Renfort tissé 3D
1.2 Interphase BN
1.3 Matrice
2 Propriétés thermomécaniques
2.1 Propriétés des constituants
2.2 Comportement mécanique macroscopique
2.3 Scénario local d’endommagement
2.4 Effets de l’environnement
2.5 Propriétés thermiques
3 Exemple d’une pièce de structure : la jonction tissée 3D
3.1 Comportement de la jonction tissée 3D
3.2 Approche de modélisation basée image
4 Conclusion
2 Moyen d’essai multiaxial in situ
1 Essais suivis par micro-tomographie par rayons X
1.1 Tomographie : géométrie et fonctionnement
1.2 Étude in situ du comportement des matériaux
2 Cahier des charges pour les essais multiaxiaux
3 Définition de l’essai
3.1 Chargements étudiés
3.2 Géométrie des éprouvettes
4 Conception du moyen d’essai
4.1 Structure générale
4.2 Chargement mécanique : système de mors
4.3 Chargement thermique
4.4 Instrumentation et pilotage
5 Essai préliminaire
5.1 Chargement mécanique ex situ
5.2 Limites
6 Conclusion
3 Protocoles d’exploitation des essais
1 Traitement des données brutes
2 Tomographic reconstruction of incomplete sinogram
2.1 Introduction
2.2 Implementation of IRR
2.3 CMC sample
2.4 Beam hardening correction
2.5 Phase field regularization
2.6 Results
2.7 Conclusion
2.8 Complément à l’article : Correction du Metal Artefact
2.9 Complément à l’article : Adaptation à la tomographie synchrotron
3 Re-projection of the thermal field
3.1 Introduction
3.2 Methods: Calibration of projection matrix
3.3 Application
3.4 Result and discussion
3.5 Conclusion
4 Conclusion
4 Identification des paramètres du modèle de l’éprouvette
Conclusion

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