Anodisation locale
Définition et enjeux Historiquement, l’étude de l’anodisation de l’aluminium, et plus généralement des métaux, a toujours été réalisée sur des échantillons de taille macroscopique, allant du cm² pour les études en laboratoires à quelques m² pour les pièces anodisées dans l’industrie. Le terme d’anodisation locale désigne alors l’anodisation d’une surface inférieure aux surfaces macroscopiques habituellement traitées dans la littérature, sans pour autant qu’une limite ne soit précisément définie. Dans ce cas généralement, les films formés localement ne dépassent pas une centaine de micromètres dans leur plus petite dimension, sans prendre en compte l’épaisseur du film [25-28]. L’anodisation locale est en fait grandement associée à l’apparition de nouvelles techniques de mesures électrochimiques locales plus précises, permettant d’effectuer des analyses électrochimiques jusqu’à l’échelle des grains [28-30]. Par ailleurs, l’anodisation locale permet d’élaborer avec une précision de l’ordre du micromètre des films anodiques dont les propriétés – épaisseur et porosité notamment- sont facilement contrôlables. Cette méthode peut être opérée de différentes façons, qui seront détaillées dans la partie suivante. Malgré tout, peu d’auteurs se sont consacrés à l’étude de l’anodisation locale en tant que telle, certains considérants que cette nouvelle approche dimensionnelle ne modifiait pas les caractéristiques des films ainsi formés, en comparaison avec l’anodisation de surfaces macroscopiques [31,32]. En outre, les différences expérimentales parfois observées au regard des modèles théoriques issus de l’anodisation classique, sont soit ignorées [33], soit imputées à d’autres paramètres opératoires – composition du substrat, de l’électrolyte, etc… – sans que la différence d’échelle ne soit prise en compte ni même mentionnée [26].
Différentes approches existantes L’apparition de l’anodisation locale est intimement liée au désir de pouvoir caractériser électrochimiquement une surface avec la meilleure résolution possible, afin le plus souvent de pouvoir effectuer des analyses sur un seul grain de matière ; la principale difficulté étant de délimiter une zone d’intérêt suffisamment petite. Il existe plusieurs stratégies pour y parvenir, toutes n’étant pas initialement du domaine de l’anodisation à proprement parler.
– Techniques d’oxydation locale : La formation d’une couche d’oxyde à l’échelle locale peut être réalisée à l’aide d’un laser, et ce aussi bien dans l’air [29] que dans un électrolyte [34]. Schultze et Bade ont montré que, sur un échantillon d’oxyde de titane polarisé anodiquement, l’irradiation causait la formation d’un courant (appelé dans ce cas photocourant), et induisait la formation d’un oxyde sur le point du faisceau laser [Fig. I.5]. Ils ont ainsi pu étudier la microstructure de l’oxyde à une échelle de l’ordre du micromètre. Cependant, les hautes températures atteintes conduisent à la formation d’un film d’oxyde très différent de ceux habituellement formés par anodisation [31]. Les progrès de la microscopie ont conduit dans le milieu des années 80 à l’invention de la microscopie à sonde locale. Ce terme regroupe plusieurs types de microscopies, dont le fonctionnement repose sur l’interaction entre une sonde et une partie de la surface d’un échantillon. La zone d’analyse dépendra alors principalement de la taille de la sonde, dont l’échelle de grandeur varie de l’angström au micromètre. Le microscope à force atomique (AFM) fait partie de cette catégorie, mais il en existe d’autres, notamment le microscope à effet tunnel (scanning tunneling microscope – STM). Sugimura a ainsi montré [35] qu’en présence d’eau, les analyses STM pouvaient conduire à la formation locale d’une couche d’oxyde sur du titane ; il a utilisé par la suite la sonde du microscope pour élaborer des films d’oxyde à l’échelle du nanomètre. Dans ce cas, l’eau présente dans l’atmosphère suffit à créer un « pont » électrolytique entre la pointe du microscope et le substrat. Cette technique a été reprise plus tard afin de créer des diodes planes de type métal/isolant /métal (MIM) [36]. Une autre méthode pour oxyder localement un substrat a consisté à utiliser un microscope à force atomique (atomic force microscope – AFM) en phase gaz. Certains auteurs sont ainsi parvenus à élaborer des films d’oxydes à l’échelle du nanomètre, en faisant passer un courant entre le substrat, polarisé anodiquement, et la pointe du microscope, polarisée cathodiquement, par exemple pour créer de nouveaux types de transistors [37] [Fig I.6] ou élaborer des rubans de graphène [38].
– Anodisation locale avec utilisation de masques : Smith et Pingel [30] ont été les premiers à utiliser une méthode de type « masque », via un film plastique déposé sur le substrat et percé à l’aide d’un microduromètre, et ce afin d’effectuer des mesures de potentiel directement sur des grains d’aluminium. Toutefois, leur méthode restera peu employée par la suite, car les progrès techniques réalisés dans le domaine de la microélectronique, ont permis de réaliser des masques par photolithographie. Cette méthode a pour avantages de pouvoir réaliser de nombreux masques de manière rapide et précise. En résumé, dans ce cas le métal est recouvert d’une résine photosensible, qui a la propriété de se désagréger sous irradiation UV. La destruction locale de cette résine, à l’aide d’un masque laissant passer les UV, permet de faire apparaitre le métal à nu sur de très petites surfaces (de l’ordre de la dizaine de µm²). De telles pièces peuvent ensuite être anodisées, en vue de créer des microcapteurs [25,33] ou des circuits intégrés biocompatibles et résistants à la corrosion [26,39,40]. Pribat [32] a par exemple anodisé localement des bandes d’aluminium, horizontales et gainées d’oxyde de silicium [Fig. I.7]. Plus rarement, d’autres types de masques peuvent être utilisés. Par exemple, Asoh a utilisé des microbilles de polystyrène de 3µm de diamètre pour jouer le rôle du masque [27]. Les microbilles sont ici disposées en monocouche sur la surface du métal, qui est anodisée une première fois entre les sphères. Après dissolution de ces sphères, l’échantillon est anodisé une seconde fois, préférentiellement sur les zones où le film précédemment formé est le moins résistant électriquement, c’est-à-dire là où il est le moins épais [Fig. I.8].
– Anodisation locale par utilisation de sondes électrochimiques : Si l’utilisation de sondes locales, à l’exemple des pointes AFM et STM employées en un mode d’élaboration (plutôt qu’en mode d’analyse), permet d’oxyder une surface à l’échelle du nanomètre, ces méthodes restent cependant éloignées de l’anodisation conventionnelle, puisqu’il n’y a pas d’électrolyte ou de réel contrôle en tension ou en température, contrairement aux techniques en solution, utilisant un masque. Une autre stratégie d’anodisation locale est apparue avec la microscope électrochimique à balayage (scanning electrochemical microscopy – SECM), qui permet habituellement d’effectuer des mesures en solution de la réactivité de surface d’un échantillon ou d’en modifier les propriétés, à l’échelle du micromètre [41,42]. Cependant, si la résolution de la SECM est bien de l’ordre du micromètre, elle ne permet pas de modifier – en conditions d’anodisation – les propriétés de l’échantillon sur une surface définie. En effet, la formation initiale d’un film anodique isolant va conduire les lignes de courant à s’étaler en passant par les chemins de moindre résistance. S’ensuit un élargissement progressif de la zone anodisée, sans que la taille du film finalement formée ne puisse être définie précisément. C’est dans les années 90 que Hassel et Lohrengel [28] ont mis au point la technique analytique de la cellule à goutte balayante (scanning droplet cell – SDC), qui permet de s’affranchir des inconvénients associés à la SECM. Dans ce cas, un capillaire contenant l’électrode de référence et la contre-électrode est placé au-dessus du substrat, qui constitue l’électrode de travail, l’obtention d’un dispositif à trois électrodes permettant alors d’effectuer toutes les techniques communément utilisées en électrochimie, telles que la spectroscopie d’impédance ou la voltammétrie cyclique [43]. Une goutte d’électrolyte est alors placée entre le capillaire et le substrat, ce qui permet ainsi de délimiter la zone d’intérêt de manière plus précise que la SECM. Grâce à sa tension de surface, la taille de la goutte ne change pas, et celle-ci suit le capillaire dans ses déplacements sur différentes zones du substrat. Par la suite, les améliorations apportées à cette technique ont permis un renouvellement en continu de l’électrolyte [44]. Certains auteurs [44-48] ont également utilisé cette technique dans un but d’élaboration, en anodisant localement la surface d’un échantillon, la surface traitée étant dépendante de la taille de la goutte et de son déplacement éventuel [Fig. I.9]. De plus, il est également possible de contrôler l’épaisseur du film anodique formé en modifiant la vitesse de déplacement du capillaire. Les films ainsi formés peuvent être utilisés comme capteurs optiques [45,46], dans l’électronique [47], voire dans le cas du titane, dans des microcellules solaires tirant parti des propriétés photocatalytiques de l’oxyde de titane [44].
Polissage mécanique
Bibliographie En raison de leur fragilité, le polissage de la pointe des microélectrodes est une étape délicate du processus de fabrication, mais pourtant nécessaire pour obtenir des microélectrodes planes et de bonne qualité. Les méthodes de polissages diffèrent selon les auteurs, mais peuvent être dissociées en deux groupes, suivant le profil de l’électrode désiré.
– Dans le cas où l’extrémité de l’électrode doit être biseautée, le polissage est effectué à l’aide d’une polisseuse avec plateau tournant. L’électrode est ensuite maintenue à 45° par rapport au disque, et délicatement mise au contact de celui-ci à l’aide d’un micromanipulateur [3]. D’autres montages, permettant un contrôle plus fin du contact de l’électrode avec le disque, ont également été rapportés [4].
– Dans les autres cas, le polissage peut s’effectuer soit à la main, en utilisant un tissu imbibé de suspension diamantée ou d’alumine, ou bien en montant l’électrode sur un système rotatif (électrode tournante) avant de descendre celle-ci au contact d’une surface abrasive [5]. Les électrodes sont polies en utilisant, a minima, une suspension d’alumine à 0,05 µm afin d’atteindre un poli « miroir » [6,7]. Mais certains auteurs peuvent également utiliser au préalable du papier abrasif plus ou moins grossier – notamment pour faire affleurer le métal s’il était recouvert d’une couche de passivation – puis dessuspensions diamantée et d’alumine de taille décroissante [8], ou une combinaison des deux [9].
Protocole expérimental Le polissage de l’électrode est ici précédé de son enrobage dans une pastille [Fig. II.9] de 1,5 cm de diamètre et d’une épaisseur d’environ 1 cm, d’une résine acrylique (Presi Résine KM Back), ayant la propriété de se dissoudre dans l’acétone. De cette manière, la résine peut être ensuite dissoute, après polissage, sans endommager l’électrode. Le polissage est ici manuel et est effectué à l’aide d’une polisseuse à disques rotatifs. Les disques employés sont une série de disque en carbure de silicium avec une taille de grains décroissante, puis un disque en feutre associé à une suspension d’alumine. Le polissage dure environ 30s sur chaque disque, avant de passer au suivant. La rugosité a été observée par interférométrie, afin d’obtenir la valeur de la rugosité moyenne arithmétique surfacique (Sa), qui correspond à la hauteur moyenne de chaque point par rapport au plan médian, ainsi que l’écart-type des hauteurs (Sq). Le profil de la rugosité est également mesuré, suivant la diagonale de chaque image.
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre I : Bibliographie
I.1 – Anodisation de l’aluminium
I.1.1 – Historique et principe général
I.1.2 – Structure et composition des films anodiques
I.1.3 – Propriétés et surfaces traitées
I.2 – Anodisation locale
I.2.1 – Définition et enjeux
I.2.2 – Différentes approches existantes
I.2.2.a – Techniques d’oxydation locale
I.2.2.b – Anodisation locale par utilisation de masques
I.2.2.c – Anodisation locale par utilisation de sondes électrochimiques
I.2.3 – Avantages et inconvénients des techniques existantes
I.3 – Les ultramicroélectrodes
I.3.1 -Définition et caractéristiques
I.3.2 – Fabrication d’UME disque-plan
I.3.2.a – Approche par fusion/frittage
I.3.2.b – Approche par étirage simultané
I.3.2.c – Approche par enrobage
I.4 – Conclusions
I.5 – Références
Chapitre II : Elaboration de microélectrodes en aluminium
II.1 – Approche par fusion/frittage
II.1.1 – Protocole expérimental
II.1.2 – Résultats et discussion
II.2 – Approche par étirage
II.2.1 – Protocole expérimental
II.2.2 – Résultats
II.2.3 – Discussion
II.3 – Approche par enrobage
II.3.1 – Protocole expérimental
II.3.2 – Résultats et discussion
II.4 – Synthèse des approches d’élaboration
II.5 – Polissage mécanique
II.5.1 – Bibliographie
II.5.2 – Protocole expérimental
II.5.3 – Résultats
II.5.4 – Discussion
II.6 – Contact électrique
II.6.1 – Bibliographie
II.6.2 – Protocole et résultats expérimentaux
II.7 – Conclusion
II.8 – Références
Chapitre III : Anodisation et caractérisations de microélectrodes en aluminium
III.1 – Protocole expérimental
III.1.1 – Prétraitements
III.1.2 – Anodisation
III.1.3 – Caractérisations
III.2 – Electrolyte sulfurique
III.2.1 – Influence de la tension
III.2.1.a – Réponse en courant
III.2.1.a.i – Résultats
III.2.1.a.ii – Discussion
III.2.1.b – Evolution de la porosité
III.2.1.b.i – Résultats
III.2.1.b.ii – Discussion
III.2.1.c – Croissance du film
III.2.1.b.i – Résultats
III.2.1.b.ii – Discussion
III.2.2 – Influence de la température de l’électrolyte
III. 2.2.a – Réponse en courant
III. 2.2.a.i – Résultats
III. 2.2.a.ii – Discussion
III.2.2.b – Evolution de la porosité
III. 2.2.b.i – Résultats
III. 2.2.b.ii – Discussion
III.3 – Electrolyte phosphorique – Influence de la tension
III.3.1 – Réponse en courant
III.3.1.a – Résultats
III.3.1.b – Discussion
III.3.2 – Evolution de la porosité
III.3.2.a – Résultats
III.3.2.b – Discussion
III.3.3 – Croissance du film
III.3.3.a – Résultats
III.3.3.b – Discussion
III.4 – Conclusion
III.5 – Références
Chapitre IV : Etude du dépôt de nickel sur films anodiques montés sur microélectrodes
IV.1 – Bibliographie spécifique et approche d’élaboration
IV.2 – Etapes préliminaires au dépôt de nickel
IV.2.1 – Potentiel de réduction du nickel
IV.2.1.a –Protocole expérimental
IV.2.1.b – Résultats
IV.2.1.c – Discussion
IV.2.2 – Adaptation du film anodique
IV.2.2.a – Protocole expérimental
IV.2.2.b – Résultats
IV.2.2.c – Discussion
IV.2.3 – Amincissement de la couche barrière
IV.2.3.a – Protocole expérimental
IV.2.3.b – Résultats
IV.2.3.c – Discussion
IV.3 – Dépôt cathodique par chronoampérommétrie pulsée
IV.3.1 – Protocole expérimental
IV.3.2 – Résultats
IV.3.3 – Discussion
IV.4 – Conclusion
IV.5 – Références
Conclusion générale et perspectives
Références
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