Elaboration et caractérisation des revêtements graphite-alumine et NTC-alumine

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Le carbone en tribologie

Les matériaux carbonés, notamment les nanocarbones, sont l’objet d’intenses efforts de recherche à l’échelle internationale pour leur utilisation comme charge lubrifiante dans des revêtements ou des matériaux massifs pour des applications tribologiques [1,18–30]. Le nombre de publications annuelles sur le sujet a augmenté d’un facteur 6 ces 10 dernières années (Figure I-7) [21]. Dans les paragraphes suivants, nous présenterons brièvement les principaux matériaux carbonés utilisés en tribologie.

Graphite et graphène

Le graphite est la forme allotropique du carbone la plus stable à pression et à température ambiante. Il est composé d’une succession de plans atomiques de carbone, appelés plans graphène (Figure I-8.a) liés entre eux par des liaisons de van der Waals pour former une structure hexagonale (Figure I-8.b). Dans chaque plan, les atomes de carbone hybridés sp2 sont fortement liés par des liaisons de type σ et par des liaisons de type π pour leur électron de valence non-hybridé (pz). Les liaisons π sont des liaisons conjuguées avec les trois atomes voisins, les électrons y sont très mobiles ce qui explique la grande conductivité électrique et thermique du graphite. Cette structure particulière en feuillets, ou lamelles, se traduit par une forte anisotropie, notamment par un clivage aisé sous une contrainte de cisaillement, ce qui confère au graphite des propriétés intéressantes de lubrification.
Le graphite a été étudié pour ses propriétés tribologiques depuis 1948 [31,32]. Ces études ont montré que le graphite lubrifie mieux en atmosphère humide. Ceci a été expliqué par l’adsorption d’eau entre les feuillets de graphène réduisant les forces de liaisons inter-feuillets et facilitant ainsi le clivage. Le graphite est très sensible à l’environnement et perd ses propriétés lubrifiantes en atmosphère sèche ou à haute température.
Le graphène est l’entité de base qui constitue le graphite ainsi que les différentes nanostructures carbonées telles que les fullerènes ou les nanotubes de carbone. Il est constitué d’une monocouche plane d’atomes de carbone hybridés sp2 et liés entre eux d’une manière covalente dans un réseau bidimensionnel de type « nid d’abeille » (Figure I-8.a). Le graphène peut être constitué d’une seule couche (graphène monocouche), de deux couches (graphène bicouche ou Bi Layered Graphene BLG) ou de plusieurs couches (entre 3 et 10) (Few Layered Graphene FLG). La plupart des études réalisées sur le graphène pour des applications tribologiques concernent des essais ou des simulations à l’échelle micrométrique [33–35] ou nanométrique [36–39] et concernent du FLG ou du graphène contenant quelques dizaines de couches. Dans le but de comparer l’effet lubrifiant du graphite à celui du graphène, Berman [40] a déposé quelques gouttes d’une suspension d’éthanol contenant du graphite ou du graphène (5% mass.) sur un substrat en acier inoxydable 440C avant de réaliser des essais tribologiques en configuration bille-plan avec une bille en acier 440C (charge normale 1 N, vitesse 9 cm/s). Deux séries d’essais ont été réalisées sous air humide et sous azote. Les résultats (Figure I-9) montrent que le graphène a un coefficient de frottement semblable (≈ 0,1) quelle que soit l’atmosphère utilisée, contrairement au graphite qui présente un faible coefficient de frottement (≈ 0,2) uniquement sous air humide. Bien que les performances tribologiques soient très intéressantes, l’utilisation d’une charge lubrifiante sous la forme d’une suspension dans l’eau ou l’éthanol limite son application. Nous nous intéresserons donc dans la suite de cette étude bibliographique qu’aux espèces carbonées déposées sous forme de revêtement ou incorporées dans un matériau composite.

Les nanotubes de carbone

Iijima [41] a observé la formation de filaments de carbone creux de diamètre nanométrique, auxquels il attribua le nom de nanotubes de carbone (NTC), constitués d’un ou de plusieurs feuillets de graphène enroulés et concentriques. Le diamètre des NTC varie, avec le nombre de parois concentriques, du nanomètre à quelques dizaines de nanomètres et leur longueur varie de quelques micromètres à quelques centaines de micromètres, leur conférant ainsi un facteur de forme (rapport longueur / diamètre) extrêmement élevé (103 – 105). Ils sont ainsi considérés comme des objets monodimensionnels. Un NTC peut être constitué d’une paroi unique (NTC mono-paroi, Figure I-10.a), de deux parois (NTC bi-parois ou double-parois, Figure I-10.b) ou de plusieurs parois concentriques (NTC multi-parois, Figure I-10.c). Les NTC biparois (éventuellement les 3 parois aussi) ont le même mécanisme de formation que les NTC mono-paroi, qui diffère de celui des NTC multi-parois [42]. Dans le cadre de ces travaux, nous noterons xNTC un NTC à x parois ainsi qu’un échantillon de NTC dont le nombre moyen de parois des NTC est égal à x. Si x n’est pas connu ou évaluable, nous noterons MNTC les NTC multi-parois.
Les NTC ont une très grande surface spécifique qui dépend principalement du nombre de parois puis du diamètre externe (Figure I-11.a) [43]. Une règle empirique approximative a été établie, montrant qu’un NTC a Y parois (Y 5) a un diamètre externe voisin de Y nm. (Figure I-11. b) [44].
Figure I-11 : (a) Surface spécifique des NTC en fonction du diamètre externe et du nombre de parois [43]; (b) nombre de parois en fonction du diamètre moyen d’un NTC [44].
Ces caractéristiques de base (nombre de parois et diamètre interne ou externe) ont une grande influence sur la masse d’un NTC, ainsi que le résume une abaque portant la masse de différents NTC (normalisée à celle d’un 1NTC de 1 nm de diamètre et de même longueur) en fonction du nombre de parois (Figure I-12.a) [45]. Par exemple, la masse d’un 10NTC (dint = 5 nm) est 32 fois supérieure à celle d’un 2NTC (dint = 1 nm). Pour une masse identique en carbone on aura donc 32 fois moins de 10NTC que de 2NTC dans un échantillon (Figure I-12.a). Ce fait est trop souvent négligé, notamment dans les travaux portant sur des matériaux composites, où le terme « teneur en NTC » est généralement utilisé au lieu de « teneur en carbone » [20]. Il est également important de prendre en considération lors des calculs la densité des NTC, qui varie en fonction du nombre de parois et du diamètre externe (Figure I-12.b).
Figure I-12 : (a) Rapport de la masse d’un NTC de diamètre interne dint et de longueur L à la masse d’un 1NTC de 1 nm de diamètre et de même longueur, en fonction du nombre de parois, pour différentes valeurs de dint ; (b) densité des NTC en fonction du diamètre externe pour différents nombres de parois [45].
Il est important de noter que, d’une manière générale, le nombre de défauts structuraux augmente nettement avec le nombre de parois, et aussi que l’augmentation associée des diamètres diminue très fortement la tendance des NTC à se rassembler en fagots (ou faisceaux), tendance très forte avec les 1NTC et 2NTC. Ceci, couplé à une longueur souvent plus faible pour les NTC multi-parois les rend plus faciles à disperser en milieu liquide.
Les NTC sont de très bons candidats pour une utilisation comme charge de renfort mécanique dans les matériaux composites du fait de leurs propriétés mécaniques. La liaison forte entre les atomes de carbone dans une paroi les rend particulièrement stables face aux déformations, en particulier dans le sens longitudinal. Il est important de noter que les valeurs rapportées pour telle ou telle caractéristique sont souvent dispersées, notamment pour les travaux les plus anciens [46,47]. Ceci est principalement dû à la diversité des NTC (hélicité, diamètre, nombre de parois, défauts, longueur). Il est maintenant admis que le module de Young mesuré d’un 1NTC est de l’ordre de 1000 GPa [48–51]. Le nombre de parois a peu d’influence sur cette valeur, s’il n’y a pas de défauts structuraux le long des parois. En revanche, le nombre de parois peut avoir une influence sur le comportement tribologique des NTC. En effet, les travaux réalisés par Guiderdoni [17] montrent que les 2NTC se déforment élastiquement après une sollicitation par cisaillement. Contrairement à cela, les 8NTC et les 20NTC présentent des pressions de déformation/effondrement ou d’exfoliation plus faibles permettant la formation d’un tribofilm.
Plusieurs études rapportées par Zhai et al. [21] s’intéressent au rôle des NTC dans la réduction de l’usure et du frottement des matériaux composites, en particulier les composites NTC-céramique. Ces travaux sont détaillés dans la partie I.5.

Comportement tribologique des composites carbone-céramique

De nombreuses études portent sur l’utilisation des matériaux composites, sous forme de matériaux massifs ou de revêtements, pour des applications tribologiques. Une attention particulière est portée sur l’influence de la nature des particules sur le comportement tribologique des composites. Par exemple, l’ajout de particules dures permettrait d’augmenter la résistance à l’usure et celui de particules lubrifiantes de réduire les frottements. Cependant, la nature des particules insérées n’est pas le seul paramètre modifiant les propriétés tribologiques du revêtement composite. L’orientation, la taille, le module d’élasticité, la dureté et la ténacité des particules ont aussi une influence sur la résistance à l’usure abrasive (Figure I-13) [52].
Ces travaux montrent notamment que l’ajout de particules dont la dureté et le module de Young sont supérieurs à ceux de la matrice améliore la résistance à l’abrasion du revêtement composite. Les particules orientées parallèlement au sens de glissement seront plus facilement éliminées que les particules orientées perpendiculairement à la surface. Ces résultats ont motivé le choix des particules lubrifiantes dans le cadre de ces travaux. En effet, les NTC ayant un module de Young élevé pourraient améliorer la résistance à l’abrasion et le graphite qui présente une faible résistance au cisaillement pourrait faciliter la formation de troisième corps et par conséquence le glissement.
Nous nous intéresserons dans la suite de cette synthèse bibliographique aux travaux réalisés sur des composites carbone-céramique et notamment aux composites qui font l’objet de notre étude : NTC-céramique, graphène-céramique et graphite-céramique, à matrice alumine, silice ou alumine-silice, sous forme de matériaux massifs ou de revêtements.

Les composites massifs carbone-céramique

Ahmad et al. [22] ont élaboré des composites massifs MNTC-Al2O3 par pressage à chaud (« hot-pressing »). Bien que le nombre de parois des MNTC ne soit pas cité, nous pouvons déduire qu’il s’agit de 40NTC car leur diamètre externe est de 40 nm. Les MNTC sont dispersés d’une manière homogène au sein de la matrice Al2O3. Le comportement tribologique des composites à différentes teneurs en carbone (0, 2, 5 et 10% mass.) est étudié par des essais de frottement bille-plan contre une bille en nitrure de silicium (Si3N4) sous différentes charges normales (14, 25 et 35 N). L’ajout de 10% mass. de carbone sous forme de 40NTC a permis d’augmenter de 63% la résistance à l’usure du composite par rapport à l’alumine pure pour une charge normale de 14 N (Figure I-14). Pour ces mêmes charge normale et teneur en carbone, 80% de réduction du coefficient de frottement dans le composite est relevée par rapport à l’alumine pure. Les auteurs attribuent ces améliorations au double rôle joué par les MNTC : indirectement, par leur influence sur la microstructure et les propriétés mécaniques du composite (pontage des grains et renforcement des joints de grains) et directement, en agissant comme un moyen de lubrification solide. D’après cette étude, la teneur en carbone optimale pour de meilleures performances tribologiques des NTC dans une matrice alumine serait aux alentours de 10 % mass. au moins pour les échantillons testés sous une charge normale de 14 ou 25 N (usure plus élevée sous 35 N).

Les revêtements composites carbone-céramique

Dans cette partie nous nous intéresserons aux revêtements composites carbone-céramique utilisés pour des applications tribologiques. Une attention particulière est portée sur les travaux impliquant des matrices alumine ou silice. La liste des travaux présentés ci-dessous n’est pas exhaustive. Balani et al. [28] ont étudié l’usure multi-échelle (macro-usure et nano-usure) de revêtements composites MNTC-Al2O3 déposés par projection thermique sur un substrat en acier AISI 1020. Leur macro-usure a été caractérisée par des essais tribologiques pion-plan avec un pion poli en zircone sous une charge normale de 48 N. L’ajout du carbone sous forme de MNTC (dext = 40-70 nm) à hauteur de 8% mass. a permis d’augmenter d’un facteur 49 la résistance à l’usure du revêtement composite par rapport à l’alumine pure. La dispersion homogène des MNTC au sein de la matrice Al2O3 permet une bonne densification du composite. De plus les MNTC permettent le pontage des fissures et par conséquent l’augmentation de la ténacité et de la résistance à l’usure des composites par rapport à l’alumine pure. Keshri et Agarwal [29] ont réalisé des travaux sur le même type de revêtement MNTC-Al2O3 mais à des températures et environnements différents (25°C, 600°C et eau de mer). Les essais tribologiques ont été réalisés avec une bille en Si3N4 sous une charge normale de 30 N en configuration bille-plan. Les augmentations relatives de la résistance à l’usure du revêtement composite contenant 8% mass. de carbone par rapport à l’alumine pure sont de 72% à 25°C, de 76% à 600°C et de 66% dans l’eau de mer. Ces résultats sont attribués à l’effet indirect des MNTC sur l’augmentation de la ténacité du revêtement composite par le pontage des grains d’alumine. Le coefficient de frottement du revêtement composite est légèrement plus bas (0,65) par rapport à celui du revêtement alumine (0,71) à 25°C. A 600 °C et dans l’eau de mer les coefficients de frottement sont similaires (respectivement 0,83 et 0,55). Les auteurs mettent en évidence la formation d’un film de SiO2 issu de l’oxydation de la bille Si3N4 à 25°C et dans l’eau de mer. L’effet lubrifiant de l’eau de mer est mis en évidence.
Les travaux réalisés par Lopez et al. [30] portent sur la dispersion des MNTC au sein de revêtements composites MNTC-SiO2 issus de la voie sol-gel et déposés par trempage-retrait sur un substrat en alliage de magnésium WE54. Le carbone (0,1% mass.), sous la forme de MNTC (dext ≈ 9.5 nm) préalablement fonctionnalisés (OH-MNTC), a été dispersé dans un sol contenant un précurseur de silice, le tetraethylorthosilicate (TEOS), par l’utilisation de deux techniques différentes: l’agitation dite mécanique (par barreau aimanté) et la sonication (sonde à ultrasons). Après une étape de séchage à température ambiante et un traitement thermique sous air (400 °C, 2 h), les propriétés tribologiques ont été caractérisées avec un tribomètre bille-plan (bille en acier, charge normale 1 N). Les résultats (Figure I-21) montrent que la méthode de dispersion des MNTC influe directement sur la microstructure du revêtement et indirectement sur sa résistance à l’usure. Les revêtements les plus résistants à l’usure sont ceux issus d’un sol mélangé mécaniquement, ce qui pourrait traduire une meilleure dispersion des MNTC et confirmer d’autres résultats [25] suggérant que la qualité de la dispersion des NTC a une influence directe sur le comportement tribologique des composites. En effet, l’agitation mécanique a permis d’améliorer la dispersion des MNTC au sein de la silice et d’augmenter la densification du revêtement composite. De plus, l’observation de la microstructure du revêtement montre un pontage des fissures par les MNTC. Cependant, le coefficient de frottement ne diminue que légèrement avec l’addition des MNTC. Ceci peut être expliqué par la faible teneur en carbone utilisée (0,1% mass.), insuffisante pour améliorer le comportement en frottement des revêtements composites.
Li et al. [55] ont étudié le comportement tribologique des revêtements graphène-ZrO2 déposés par projection thermique sur un substrat en alliage de titane (Ti-6Al-4V). Les essais tribologiques ont été réalisés en configuration bille-plan avec une bille en Al2O3 sous une charge normale de 100 N. L’ajout du carbone (1% mass.) sous la forme de nanofeuillets de graphène (e ≈ 5-20 nm) a permis d’augmenter de 50% la résistance à l’usure et de diminuer de 14% le coefficient de frottement du revêtement composite (0,19) par rapport au revêtement ZrO2 (0,27). Ces résultats sont attribués à la formation d’un tribofilm riche en graphène (13,7% mass.) à l’interface entre le revêtement et la bille.
Gómez et al. [56] ont élaboré, par projection thermique, des revêtements composites graphène-Y2O3-Al2O3-SiO2 (YAS) sur un substrat en SiC. La caractérisation tribologique des revêtements a été réalisée sur un tribomètre en configuration bille-plan (bille en acier inoxydable 440-C et charge normale de 10 N). Une diminution du volume d’usure (65%) et du coefficient de frottement (35%) a été rapportée pour le revêtement composite contenant 2,3% vol. de carbone sous la forme de nanoplaquettes de graphène (e ≈ 50-100 nm) par rapport au revêtement YAS. L’analyse par spectroscopie Raman et les observations par MEB de la trace d’usure ont permis de mettre en évidence la présence d’un tribofilm carboné composé de graphène endommagé. Un mécanisme de lubrification est proposé, impliquant une exfoliation progressive du graphène lors de l’essai tribologique.
Les travaux de Xie et al. [57] portent sur l’élaboration de revêtements composites graphène-CaSiO3 par projection thermique sur un substrat en alliage de titane (Ti-6Al-4V) pour des applications biomédicales (prothèse de hanche). Le comportement tribologique des revêtements est caractérisé par des essais bille-plan (bille en acier inoxydable et charge normale de 10 N). L’ajout du carbone sous forme de nanoplaquettes de graphène (e ≈ 5-25 nm) à hauteur de 1,5% mass. a permis d’augmenter d’un facteur 22 la résistance à l’usure du revêtement composite par rapport au revêtement de référence (CaSiO3). Cette amélioration de la résistance à l’usure est attribuée à une dispersion homogène du graphène au sein de la matrice et à un effet de pontage entre les plaquettes de graphène et les grains de la matrice CaSiO3. En revanche, le coefficient de frottement des revêtements composites reste élevé (≈ 1) par rapport à celui du revêtement CaSiO3 (≈ 0,9).

Matériau de l’étude : l’acier inoxydable AISI 304L

Généralités

Dans le cadre de ces travaux, l’acier inoxydable de nuance AISI 304L est choisi comme substrat d’étude. Cet acier dont la composition chimique est rappelée dans le Tableau II-1 appartient à la famille des aciers inoxydables austénitiques. Ces derniers sont très utilisés dans l’industrie, en particulier dans les industries agroalimentaire, pétrolière et chimique en raison de leur grande résistance à la corrosion ainsi que de leur bonne aptitude à la déformation facilitant la mise en forme. La structure cristallographique cubique à faces centrées des aciers austénitiques leur confère une ductilité et une ténacité exceptionnelles (150 – 250 MPa. M1/2). Le nickel (élément gammagène) permet de stabiliser l’austénite à température ambiante mais aussi à plus basse température, et favorise ainsi la mise en œuvre par déformation plastique [58]. Le chrome apporte une bonne résistance à la corrosion et à l’oxydation à chaud par la formation d’une couche de passivation à la surface [58]. La faible teneur en carbone garantit une bonne soudabilité. Les autres éléments d’addition contenus dans l’acier AISI 304L permettent d’améliorer ces propriétés. Par exemple, le molybdène améliore la résistance à la corrosion dans presque tous les milieux [58].

Nanotubes de carbone (NTC)

Elaboration et caractéristiques des NTC

Des échantillons contenant majoritairement (80%) des NTC biparois (2NTC) sont synthétisés selon le protocole adapté d’études antérieures de l’équipe NNC du CIRIMAT [59,60]. Le matériau catalytique préparé par combustion est une poudre de composition notée Mg0,98(Fe0,9Mo0,1)0,02O. Après un traitement CCVD (850 °C, Ar-H2-C2H4 avec les pourcentages molaires respectifs 74:19:7), une poudre composite NTC-Fe/Mo-MgO est obtenue. Cette dernière est broyée pendant 2 h dans un broyeur à billes afin de couper les NTC [61]. Elle est ensuite mise en suspension dans une solution aqueuse d’acide chlorhydrique à 37% afin de dissoudre la magnésie (MgO) et la plupart des particules métalliques catalytiques sans toutefois endommager les 2NTC [62]. La suspension de 2NTC est ensuite lavée à l’eau déionisée jusqu’à neutralisation avant filtration et remise en suspension.
Deux poudres de NTC multi-parois commercialisées par les sociétés Nanocyl et Nanothinx ont été utilisées dans le cadre de cette étude. Ces NTC ont également été élaborés par CCVD. Une étude antérieure [17] a montré que le nombre moyen de parois des NTC de ces échantillons est égal à 8 (Nanocyl) et 20 (Nanothinx). Ils seront donc désignés, respectivement, 8NTC et 20NTC.
Des images de MET typiques des différents NTC sont présentées sur la Figure II-2 (a, b et c). La distribution du nombre de parois Figure II-2 (d, e et f), le nombre moyen de parois, le diamètre externe moyen (Tableau II-2) ont été déterminés à partir de la mesure d’une centaine de NTC [17]. La comparaison des trois échantillons montre que le nombre de défauts structuraux augmente nettement avec le nombre de parois.

Fonctionnalisation covalente des NTC

Les NTC bruts sont hydrophobes, s’agglomèrent et sédimentent rapidement dans l’eau et dans la plupart des solvants. La fonctionnalisation covalente des NTC va permettre de modifier leurs propriétés de surface dans le but de faciliter leur dispersion dans les sols. Le protocole de fonctionnalisation décrit ci-dessous a été mis en œuvre pour tous les types de NTC utilisés lors de ces travaux. Il permet le greffage de fonctions carboxyliques sur les NTC et par conséquent la création de charges répulsives à leur surface.
Les NTC bruts sont chauffés à reflux dans une solution d’acide nitrique (HNO3 3 mol/L) à 130 °C pendant 13 h sous agitation magnétique. Le rapport entre la masse de NTC (en mg) et le volume de HNO3 introduit (en mL) est de 1 [53]. Après ce traitement d’oxydation, les NTC sont filtrés et lavés à l’eau déionisée jusqu’à l’obtention d’un pH neutre. A la suite de cette étape, les NTC sont mis en suspension dans l’eau déionisée.

Elaboration des sols et mise en œuvre des revêtements

Elaboration des sols

Sol de boehmite

Une solution de chlorure d’aluminium (AlCl3, 6H2O) à 2 mol/L et une solution d’ammoniaque (NH4OH) à 0,4 mol/L sont préparées. Après dissolution complète du chlorure d’aluminium, on introduit rapidement la solution saline dans la solution d’ammoniaque sous forte agitation (1000 tr/min). Une précipitation instantanée d’hydroxyde d’aluminium Al(OH)3 est observée (équation 1).
2AlCl 3 6NH 4 OH xH O6NH 4 Cl 2AlOH  xH O 2 3 2 (éq. 1)
L’hydroxyde d’aluminium est ensuite filtré, lavé à l’eau déionisée et séché à l’étuve à 90°C pendant 24 h afin d’obtenir la boehmite-AlOOH (équation 2). AlOH3 AlOOHH2 O (éq. 2)
La boehmite est ensuite dispersée dans l’eau déionisée en présence d’un agent peptisant (l’acide acétique) et d’un tensioactif, la polyvinylpyrrolidone (PVP) (Figure II-3). La suspension obtenue ([AlOOH] = 1,3 mol/L est laissée sous agitation magnétique (700 tr/min) pendant 24 h afin d’obtenir une dispersion colloïdale. Le pH du sol est fixé à 3,5. Ceci permet de stabiliser la boehmite sans oxyder les éventuelles espèces carbonées qui peuvent être ajoutées au sol.

Diffraction des rayons X

La détection et l’identification des phases cristallisées présentes dans le substrat et les revêtements sont réalisées en incidence rasante à l’aide d’un diffractomètre Siemens D5000 en configuration θ-2θ équipé de fentes variables. La longueur d’onde utilisée est celle de la raie Kα du cuivre (λ = 0,15418 nm). Les enregistrements sont effectués à température ambiante dans un domaine angulaire de 10 à 100° avec un pas de 0,02° et un temps d’acquisition de 0,2 s par pas. Le diffractomètre est commandé par le logiciel DIFFRACplus©. Le logiciel EVA permet le traitement des diagrammes de diffractions obtenus.

Spectroscopie Raman

La spectroscopie Raman donne des informations structurales par le biais de la détection des modes de vibrations caractéristiques des différentes liaisons chimiques. Dans le cadre de cette étude, la spectroscopie Raman a été utilisée pour la caractérisation du graphite, du graphène et des NTC dans les revêtements avant et après les essais tribologiques. Trois bandes seront étudiées particulièrement : la bande D ≈ 1320 cm-1 correspondant aux vibrations transversales (perpendiculaires au plan graphène). Elle traduit la présence de carbone sp3 et par conséquent la présence de désordre cristallin. La bande G ≈ 1580 cm–1 correspondant aux vibrations longitudinales des carbones en conformation sp2. Le rapport des intensités des bandes D et G, noté ID/IG, permet d’apporter une information supplémentaire sur la « qualité » du carbone. Il est admis que le rapport ID/IG augmente lorsque le nombre de défauts structuraux augmente. La bande 2D (2650-2680 cm-1) permet d’évaluer le nombre de feuillets de graphène [54].
L’acquisition des spectres Raman a été réalisée à l’aide d’un spectromètre LabRAM HR 800 (Jobin &Yvon), équipé d’un laser HeNe (λ = 632 nm) et couplé à un microscope confocal OLYMPUS. Trois spectres sont enregistrés à trois endroits différents afin d’avoir des données représentatives de l’échantillon. Le logiciel LabSpec 5 a été utilisé pour le traitement des spectres.

Caractérisation microstructurale

Interférométrie

Les mesures de rugosité de surface et de la profondeur des traces d’usure après les essais tribologiques ont été effectuées à l’aide d’un interféromètre optique en lumière blanche (SENSOFAR S neox) piloté par le logiciel SensoMap. Pour la rugosité, nous nous intéressons essentiellement aux paramètres surfaciques suivants selon la norme ISO 25178 [63]:
-Sa : rugosité moyenne arithmétique
-Sz (pic-vallée) : hauteur maximale entre le creux le plus bas et le pic le plus haut.
Les mesures de la profondeur d’usure ainsi que la détermination des volumes d’usure sont décrites dans la partie II.2.4.

Microscopie optique

Un microscope optique (Keyence VHX-1000E) a été utilisé pour l’observation des différents revêtements et des faciès d’usures après les tests tribologiques.

Microscopie électronique à balayage (MEB)

Les images de microscopie électronique à balayage ont été réalisées à l’aide d’un MEB-FEG (Field Emission Gun) (JEOL JSM 6700F ou JEOL JSM 7800F Prime) équipé d’un canon à émission de champ.
Ces microscopes permettent d’atteindre une résolution spatiale de l’ordre de 1 nm pour une tension d’accélération des électrons de 10 kV. Avant chaque observation, les échantillons sont métallisés au platine (épaisseur de quelques nanomètres) pour permettre l’écoulement des charges électriques et augmenter l’émission électronique du carbone. Les conditions d’observation courantes ont été : tension d’accélération de 5 kV et distance de travail de 6 mm. Les observations ont été réalisées au Centre de microcaractérisation Raimond Castaing par A. Weibel.
Un microscope électronique à balayage MEB-FIB (Focused Ion Beam) (Helios 600i) combinant un canon à émission de champ (FEG) et une colonne ionique à ions gallium (Figure II-8) a été utilisé pour préparer des lames minces dans les revêtements pour des observations en microscopie électronique en transmission, pour la réalisation de coupes transversales et pour l’observation des épaisseurs des revêtements. Les paramètres d’observations ont été : tensions d’accélération de 5 kV, courant de 0,34 nA et distance de travail de 4 mm. Les préparations ainsi que les observations ont été réalisées au Centre de microcaractérisation Raimond Castaing par C. Josse.

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Table des matières

Chapitre I Etude bibliographique
I.1 Introduction
I.2 Comportement tribologique
I.3 Revêtements à applications tribologiques
I.4 Le carbone en tribologie
I.4.1 Graphite et graphène
I.4.2 Les nanotubes de carbone
I.5 Comportement tribologique des composites carbone-céramique
I.5.1 Les composites massifs carbone-céramique
I.5.2 Les revêtements composites carbone-céramique
I.6 Conclusions du chapitre I
Chapitre II Matériaux, techniques d’élaboration et de caractérisation
II.1.1 Matériau de l’étude : l’acier inoxydable AISI 304L
II.1.1.1 Généralités
II.1.1.2 Préparation de surface
II.1.2 Charges carbonées
II.1.2.1 Graphite
II.1.2.2 Nanotubes de carbone (NTC)
II.1.2.2.1 Elaboration et caractéristiques des NTC
II.1.2.2.2 Fonctionnalisation covalente des NTC
II.1.3 Elaboration des sols et mise en œuvre des revêtements
II.1.3.1 Elaboration des sols
II.1.3.1.1 Sol de boehmite
II.1.3.1.2 Sol mixte boehmite-GPTMS
II.1.3.1.3 Sol chargé en carbone
II.1.3.2 Mise en œuvre des revêtements par trempage-retrait et traitement thermique
II.2 Techniques de caractérisation
II.2.1 Caractérisations physico-chimiques et structurales
II.2.1.1 Rhéométrie
II.2.1.2 Microanalyse élémentaire
II.2.1.3 Diffraction des rayons X
II.2.1.4 Spectroscopie Raman
II.2.2 Caractérisation microstructurale
II.2.2.1 Interférométrie
II.2.2.2 Microscopie optique
II.2.2.3 Microscopie électronique à balayage (MEB)
II.2.2.4 Microscopie électronique en transmission (MET)
II.2.3 Caractérisations mécaniques
II.2.3.1 Nanoindentation
II.2.3.2 Evaluation de l’adhérence
II.2.4 Caractérisations tribologiques
Chapitre III Revêtements composites graphite-alumine et NTC-alumine 
III.1 Elaboration et caractérisation du revêtement alumine de référence
III.2 Elaboration et caractérisation des revêtements graphite-alumine et NTC-alumine
III.2.1 Elaboration
III.2.2 Teneur en carbone des revêtements
III.2.3 Microstructure des revêtements
III.2.4 Propriétés mécaniques
III.2.5 Comportement tribologique
III.2.5.1 Essai tribologique selon la norme ASTM G99
III.2.5.2 Essai tribologique selon la norme ASTM G133 (conditions d’essais plus sévères)
III.3 Conclusions du chapitre III
Chapitre IV Revêtements graphite-alumine : pré-exfoliation du graphite
IV.1 Elaboration et caractérisation des revêtements graphite-alumine
IV.1.1 Elaboration
IV.1.2 Microstructure des revêtements
IV.1.3 Comportement tribologique
IV.2.4 Discussion
IV.2 Conclusions du chapitre IV
Chapitre V Revêtements graphite-(alumine-silice)
V.1 Elaboration et caractérisation du revêtement alumine-silice
V.2 Elaboration et caractérisation des revêtements graphite-(alumine-silice)
V.2.1 Evaluation de l’adhérence des revêtements
V.2.2 Comportement tribologique
V.2.2.1 Essai tribologique selon la norme ASTM G99
V.2.2.2 Essai tribologiques selon la norme ASTM G133 (conditions d’essai plus sévères)
V.3 Conclusions du chapitre V
Conclusion générale
Références

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