Élaboration d’un protocole de rééducation de l’orthographe morphologique

« Il y a  » les  » donc on met un « -s ». » ,
Cette formule, bien souvent employée comme maxime par les jeunes lecteurs, demeure encore trop souvent dénuée de sens pour certains d’entre eux. C’est notamment à cause de ce manque de sens que nous trouvons parfois des accords absurdes, tels que « je les manges ». Malgré de nombreuses situations répétées au cours de leur scolarité, certains enfants ne retiennent pas ces règles d’accords, ou les mémorisentsans en comprendre le sens.

En 2010, les troubles du langage écrit représentaient à eux seuls plus d’un quart des prises en charge en orthophonie (ONDPS, 2011). Les patients présentant des difficultés en langage écrit sont donc nombreux, et les stratégies de remédiation multiples.

Aussi, bien que les notions d’accords et de règles orthographiques aient une connotation très scolaire, il demeure important de prendre en compte ces dimensions en rééducation orthophonique. Attention, il ne s’agit pas de proposer un soutien scolaire à ces enfants, mais bien d’appréhender ces idées avec un regard orthophonique, en amenant le patient à retrouver le sens de ce qu’il écrit. En proposant de nouveaux termes, de nouveaux moyens, ainsi que de nouvelles stratégies de réflexion, nous devons amener le patient à se sensibiliser aux graphèmes d’accord et à se poser les bonnes questions en cours d’écriture, pour affiner son orthographe en permettant une compréhension plus globale du monde écrit. Pour ce faire, il nous semble opportun de proposer des alternatives telles que la manipulation, ou encore l’utilisation d’un vocabulaire non-scolaire. Dès 1907, Maria Montessori vantait les mérites d’une approche didactique multisensorielle, associant le toucher, le visuel, l’auditif, voire l’olfactif afin d’optimiser les apprentissages. Depuis, plusieurs études ont argué de l’intérêt d’une approche multisensorielle, notamment lors de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (Hatwell, 1986 ; Hatwell et al., 2000 ; Gentaz, 2009).

Au sein de ce travail, nous nous sommes donc intéressées à l’orthographe, ainsi qu’aux qualités nécessaires à son acquisition. Dans un premier point, nous parlerons des caractéristiques propres à la langue. Nous expliciterons certains termes et définitions, puis développerons les difficultés liées au français et les possibilités d’erreurs correspondantes.

PARTIE THEORIQUE

Alors que la lecture ne demande qu’un processus de reconnaissance partielle, l’écriture (c’està-dire, le fait de transcrire des mots) implique un processus de rappel précis. En effet, s’il est possible de lire un mot en n’identifiant que certains indices (visuels ou phonologiques) dans un contexte donné, il est impossible d’orthographier un énoncé si l’on ne connaît pas, dans l’ordre, tous les graphèmes le composant. Par exemple, il est possible de lire le mot « hélicopt _ _e », même si nous n’avons pas toutes les lettres qui le composent. En revanche, si nous demandons à un enfant de transcrire ce mot, il est probable qu’il ne puisse pas l’écrire correctement du fait des multiples possibilités de transcription (« hélicoptaire », « hélicopters », hélicopterre », etc). La transcription est donc une tâche qui demeure souvent complexe pour beaucoup de lecteurs, y compris experts. Bien orthographier nécessite une coordination entre trois conditions fondamentales :
– L’intégration des caractéristiques spécifiques de la langue,
– Le bon fonctionnement des processus cognitifs du lecteur-scripteur,
– Et la cohérence de l’instruction reçue.

CARACTERISTIQUES DE LA LANGUE 

Historique et définitions

Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) définit l’orthographe comme la « manière, considérée comme correcte, d’écrire un mot », mais également comme « l’ensemble des règles fixées par l’usage, la tradition, qui régissent l’organisation des graphèmes, la manière d’écrire les mots d’une langue ; connaissance et application de ces règles » (« Orthographe », 2012).

Encore jusqu’au milieu du XXème siècle, l’orthographe est vue comme un ensemble de listes de mots et de règles, mais sans cohérence ni lien les unissant. A partir des années 1960, des linguistes comme Gak, Benveniste ou Chervel, ont mis en avant l’organisation singulière et unique de l’orthographe. Le système orthographique est décrit comme indépendant de l’oral, avec ses fonctionnements propres. En s’appuyant sur les études linguistiques antérieures, Catach (Catach, 2003) propose les premières organisations du système orthographique.

Dans les années 1980-1990, les linguistes s’aperçoivent que les différents fonctionnements observés dans le système de Catach reposent en réalité sur deux principes fédérateurs : le principe phonographique et le principe sémiographique.
– La phonographie définit le fait de faire correspondre les unités de l’oral avec celles de l’écrit, que ce soit des syllabes ou des phonèmes.
– La sémiographie, quant à elle, fait correspondre les unités de l’écrit à des unités porteuses de sens de la langue. Elle est issue des évolutions de la langue, et prend en compte l’étymologie des mots.

Si nous prenons le mot « immangeable » comme exemple : d’un point de vue phonographique, ce mot est composé de sept phonèmes /ɛ/̃, /m/, /ã/, /Ʒ/, /a/, /b/ et /l/, retranscrits par onze graphèmes. D’un point de vue sémiographique, nous distinguons trois unités : une base /mange-/ à laquelle nous avons associé un préfixe /im-/ qui permet de donner le sens contraire de celui porté par le radical, et un suffixe /-able/ qui signifie « qui peut être ».

Fayol et Jaffré (Fayol et al., 2008) rappellent l’importance du principe sémiographique dans la compréhension du langage écrit. En effet, ce principe met en évidence les unités porteuses de sens, ce qui est primordial afin de saisir les caractéristiques sémantiques des mots.

Orthographier, en français

Pour orthographier correctement, il est nécessaire de prendre en compte les caractéristiques de la langue dans laquelle nous souhaitons transcrire des mots. Au sein des paragraphes suivants, nous allons étudier les caractéristiques propres à la langue française. Nous allons d’abord définir les différents types d’orthographes présents en français, puis, nous allons présenter les difficultés engendrées par le manque de transparence de la langue.

Les différentes orthographes

L’acquisition de l’orthographe est un processus particulièrement complexe, et il demeure souvent coûteux au niveau attentionnel pour les lecteurs experts. En effet, orthographier en français impose de prendre en compte trois types d’orthographe :
– L’orthographe phonologique, qui correspond à la maîtrise de la conversion phonographémique.
– L’orthographe lexicale, ou orthographe d’usage, correspondant au mot tel qu’il pourrait être écrit dans un dictionnaire. Il s’agit de son orthographe en dehors de tout contexte phrastique.
– L’orthographe morphologique, qui correspond quant à elle aux formes fléchies des mots. Cette orthographe est dépendante de la place des mots, des relations qu’ils entretiennent entre eux, de leurs natures et de leurs fonctions dans la phrase.

Au sein de l’orthographe morphologique, nous distinguons la morphologie dérivationnelle et la morphologie flexionnelle (Tamine, 1981).
– La dérivation permet de créer de nouvelles unités grâce à l’ajout d’un affixe. Elle peut créer des unités de nature différente (par exemple : livrer/livreur), et est souvent imprévisible, ne pouvant être généralisée (par exemple, nous pouvons dériver livrer/livreur, mais pas colorier/colorieur).
– La morphologie flexionnelle permet l’étude des relations entre les différentes formes fléchies d’une unité lexicale. La flexion traite des variations de forme d’un mot, sans en changer la nature. Contrairement à la dérivation, elle est régulière (par exemple : nous livrons, nous mangeons, nous colorions, etc).

La morphologie flexionnelle permet l’étude :
o Des marqueurs morphosyntaxiques : le genre et le nombre dans le groupe nominal ; le mode, le temps et la personne pour le verbe,
o Des mots-outils : prépositions, conjonctions ou déterminant,
o Des auxiliaires : les verbes « être » et « avoir » lorsqu’ils entrent dans la composition des temps composés.

Ces trois types de morphèmes appartiennent à des classes dites fermées (c’est-à-dire qu’il existe un nombre fini de morphèmes dans chacune des classes), et relativement stables (les évolutions ne sont perceptibles que sur des temporalités longues).

Les difficultés liées au français

L’acquisition de l’écrit est donc complexifiée par la différenciation des trois types d’orthographes. De plus, à cela s’ajoute trois difficultés majeures, souvent àl’origine d’erreurs orthographiques :
– L’opacité de la langue : la langue française est souvent décrite comme ayant une orthographe particulièrement difficile. Cela est dû à son faible niveau de transparence. En effet, la correspondance phono-graphémique est très peu régulière : nous avons la possibilité de retranscrire environ 36 phonèmes, grâce à plus de 135 graphèmes (Riegel et al., 2014). A un phonème peuvent correspondre de multiples graphèmes, ce qui impose l’acquisition d’une orthographe lexicale la plus riche possible, afin de faire le bon choix. Par exemple, en début d’apprentissage, un enfant ne saura pas si « bateau » s’écrit « bateau », « batau », ou encore « bato ». Certaines des erreurs orthographiques sont donc dues à l’opacité de la langue française.
– L’existence de lettres muettes : le français compte de nombreuses lettres muettes, notamment pour marquer le genre et le nombre des mots. Ces lettres ne s’entendent pas à l’oral, or, elles sont extrêmement importantes, car elles sont porteuses de sens. L’omission des marqueurs morphologiques peut donc entraver la compréhension syntaxique. Par exemple : si nous prenons la phrase « Seule, l’enfant jouait dans le parc. », nous devons impérativement prendre en compte le «e » final de « seule » pour comprendre qu’il s’agit d’une petite fille. Si nous ne transcrivons pas cette lettre muette, le sens de la phrase sera modifié, et cela pourra engendrer des difficultés de compréhension pour le lecteur.
– La présence d’homophones : la troisième source d’erreurs en français vient du fait que les homophones lexicaux sont hétérographes, c’est-à-dire qu’ils ont une orthographe différente. Le scripteur doit alors porter une attention particulière sur ces mots, et faire appel à ses connaissances sémantiques et syntaxiques afin de les différencier. Par exemple, il conviendra qu’il ne peut écrire « les hommes chantent en cœur », mais « les hommes chantent en chœur ». Or, différencier les homophones et faire appel au système sémantique demande une prise de recul importante et des compétences métalexicales et métasyntaxiques, ce qui est souvent très coûteux pour les enfants en cours d’apprentissage.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. PARTIE THEORIQUE
2.1. Caractéristiques de la langue
2.1.1. Historique et définitions
2.1.2. Orthographier, en français
2.1.3. Expressions des différents types d’erreurs
2.2. Processus cognitifs nécessaires à l’acquisition de l’orthographe
2.2.1. Modèles d’acquisition de l’orthographe
2.2.2. Difficultés et troubles du langage écrit
2.3. Instruction reçue
2.3.1. Apprentissage de l’orthographe
2.3.2. Difficultés liées à l’instruction
2.4. Montessori et orthophonie
2.4.1. Le docteur Montessori et sa méthode pédagogique
2.4.2. Intérêts en orthophonie
3. PROBLEMATIQUE
4. PARTIE PRATIQUE
4.1. Sujets, matériel, méthode
4.1.1. Population
4.1.2. Matériel
4.1.3. Elaboration du protocole
4.2. Résultats
4.2.1. Résultats quantitatifs
4.2.2. Résultats qualitatifs
5. DISCUSSION
5.1. Recontextualisation
5.2. Analyse des résultats
5.2.1. Résultats quantitatifs
5.2.2. Résultats qualitatifs
5.2.3. Lien entre les résultats quantitatifs et qualitatifs
5.3. Limites et perspectives
5.3.1. Hypothèses initiales infirmées : analyse critique
5.3.2. Perspectives d’amélioration du protocole
5.3.3. Apports pour l’orthophonie
6. CONCLUSION
7. BIBLIOGRAPHIE
8. ANNEXES

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