Microfissuration matricielle
Différents travaux [32, 33] accordent un rôle précurseur à l’endommagement matriciel lors d’un impact sur composite stratifié. Celui-ci prend souvent la forme de fissurations mais aussi de décohésions entre les fibres et la matrice. Il est possible de distinguer deux types de fissurations :
Les premières fissures sont dues au cisaillement transverse et apparaissent dans les premiers plis, à une certaine distance de la zone impactée (Figure 1.8a). Elles sont inclinées à 45°et se propagent dans la direction des fibres ;
Les secondes fissurations sont dues à la flexion de la plaque, elles sont verticales et apparaissent sous le projectile, dans le pli le plus éloigné de l’impact (Figure 1.8b). Dans un deuxième temps, un cisaillement important en modes I et II (Figure 1.9) induit par la flexion du stratifié provoque la propagation des fissures dans les plis [34]. La croissance des fissures continue ainsi jusqu’à ce que celles-ci atteignent une interface fibre/matrice. Si la contrainte à l’extrémité d’une fissure est suffisamment importante, elle peut provoquer la rupture de la fibre. La fissure est aussi susceptible de se développer en s’ouvrant le long de la fibre et de provoquer la formation de délaminages.
Vitesse d’impact
Comme cela est schématisé Figure 1.13a, lors d’un impact à basse vitesse, la plaque est préférentiellement sollicitée en flexion. Ainsi, la structure a la possibilité d’emmagasiner une partie de l’énergie incidente de manière élastique. Sa rupture est ensuite initiée par des ruptures de matrice et de fibres sur la face opposée à l’impact. A haute vitesse, il n’y plus d’effets de structure (Figure 1.13b). Le temps de contact entre le projectile et la cible est trop court et les ondes n’ont pas le temps d’aller chercher les conditions aux limites. Par conséquent, les modes de rupture dominants sont entrainés par une réponse locale du matériau. Plusieurs études [29, 41] ont permis de séquencer le comportement sous impact à haute vitesse d’une structure composite en trois étapes représentées Figure 1.14.Dans un premier temps, lors du contact avec les plis supérieurs, l’énergie cinétique élevée du projectile entraîne une rupture locale des fibres par cisaillement transverse (« shear »). Le processus se poursuit ainsi à travers les couches suivantes, jusqu’à ce que le projectile ait suffisamment perdu d’énergie pour permettre aux fibres sollicitées de résister au cisaillement. Les fibres en contact direct avec le projectile sont alors enfoncées (« punching ») et forment un bouchon (« plug »). Le diamètre de ce dernier est proche de celui de l’impacteur dans les premiers plis puis augmente légèrement dans l’épaisseur du stratifié (Figure 1.15). Sa profondeur dépend de la vitesse d’impact. Dans un second temps, des ruptures de fibres en traction se produisent de part et d’autre de l’impacteur. Durant l’impact, les contraintes sont progressivement relaxées au sein du pli sollicité pendant que le pli suivant est chargé à son tour. Ceci occasionne une décohésion entre le pli libre et le pli chargé, entraînant l’apparition de délaminages dans un troisième temps. En début d’impact, lorsque la vitesse du projectile est encore élevée, les délaminages n’ont pas le temps de se propager. Ceux qui se produisent en face d’impact (Figure 1.16) résulteraient d’une réponse tardive du stratifié suite à l’onde de choc initiale. Le projectile ralentissant progressivement, l’aire délaminée augmente graduellement dans l’épaisseur de la plaque. Seul le comportement macroscopique est représenté par ces modes d’endommagement. En effet, pour des vitesses d’impact élevées, les micro-dommages ne participeraient que de façon insignifiante à l’absorption de l’énergie cinétique du projectile. Cantwell et Morton [40] ont mesuré les différences de comportement d’un stratifié soumis à des impacts à basses et hautes vitesses. Un dispositif poids tombant a été utilisé pour réaliser l’impact basse vitesse : un impacteur de 680 g a été lâché sur le stratifié depuis une hauteur de 2 m. L’impact à haute vitesse a été réalisé à l’aide d’un canon à gaz comprimé : un projectile de 1 g a impacté la cible à une vitesse d’environ 100 m.s-1. Les premiers dommages apparaissent pour une énergie plus grande à basse vitesse d’impact (Figure 1.17). En effet, une large part de l’énergie est absorbée par la flexion de la plaque. Pour une même énergie d’impact, il a été observé que l’aire délaminée augmente avec la vitesse du projectile (Figure 1.18), ce qui reste en accord avec le résultat précédent.
Principe du dispositif de poids tombant
Le principe du poids tombant consiste à lâcher une masse instrumentée et guidée dans un tube sur une plaque composite maintenue par une fenêtre de bridage. Les principaux composants sont :
Une masse de 2 kg. Cette valeur a été fixée de manière à atteindre des énergies d’impact suffisamment importantes, avec une hauteur de chute maximale d’environ 3 m qui permet de réaliser des impacts jusqu’à 8 m.s-1;
Un capteur d’effort, positionné sous la masse, qui mesure la force entre l’impacteur et l’éprouvette lors de l’impact. Il s’agit d’une rondelle piézoélectrique Kistler de capacité 120 kN ;
Un impacteur hémisphérique de diamètre 25 mm ;
Un capteur optique qui mesure la vitesse de l’impacteur juste avant contact ;
Une fenêtre d’appui, de dimensions intérieures 125 mm x 75 mm, sur laquelle vient se positionner l’éprouvette. Les dimensions standards de cette dernière sont de 100 mm x 150 mm. Elles correspondent aux spécifications de la norme Airbus AITM 1-0010 [84] ;
Une fenêtre de bridage de dimensions intérieures identiques à celles de la fenêtre d’appui (125 mm x 75 mm) pour maintenir l’éprouvette durant l’impact ;
Un système d’acquisition.
Principe du dispositif d’impact au canon
Deux réservoirs d’azote de 6 litres chacun sont reliés à un tube de 3 mètres de long et de diamètre intérieur égal à 40 mm (Figure 2.9). Le canon à gaz de l’ICA permet la réalisation d’impacts jusqu’à des vitesses de l’ordre de 200 m.s-1. Ses principaux composants sont :
Un impacteur sphérique en acier haute dureté de masse égale à 64 g et de diamètre 25 mm. Cette valeur a été fixée de manière à avoir un impacteur similaire à celui du dispositif poids tombant. Le projectile est stabilisé à l’intérieur du tube du canon par un support en mousse polyuréthane (Figure 2.10) ;
Une fenêtre d’appui de dimensions intérieures 170 mm x 170 mm, sur laquelle l’éprouvette est collée à l’aide d’un ruban adhésif double face. Dans le cas de composites stratifiés, les dimensions de l’éprouvette ont été fixées à 200 mm x 200 mm. Ces dimensions ont été déterminées de manière à réduire les effets de structure au cours de l’impact ;
Deux caméras rapides Fastram Photron pouvant enregistrer jusqu’à 120000 images par seconde. Elles permettent de mesurer la vitesse du projectile avant et après impact. Le projectile est placé dans le tube et les réservoirs sont remplis jusqu’à la pression désirée pour l’impact. L’ouverture de l’électrovanne permet de déclencher le tir. Des chiffons sont disposés dans le caisson à l’arrière de la plaque pour pouvoir freiner et récupérer le projectile.
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Table des matières
Contexte et problématique
1. Etat de l’art des matériaux de blindage courants et des mécanismes d’absorption d’énergie associés
1.1. Généralités sur l’impact et solutions de blindage courantes
1.1.1. Classification de l’impact
1.1.2. Solutions de blindage courantes
1.2. Mécanismes d’absorption de l’énergie d’impact dans les composites à matrice organique
1.2.1. Flexion du panneau cible
1.2.2. Mécanismes d’endommagement sous impact
1.3. Paramètres gouvernant le comportement sous impact des composites à matrice organique
1.3.1. Influence des caractéristiques de l’impact
1.3.2. Influence des caractéristiques du composite impacté
1.4. Conclusions bibliographiques
2. Moyens d’essais et élaboration des matériaux
2.1. Moyens d’essais d’impact
2.1.1. Essai d’impact poids tombant
2.1.2. Essai de résilience Charpy
2.1.3. Essai d’impact au canon à gaz comprimé
2.2. Elaboration des matériaux
2.2.1. Choix de la séquence de drapage
2.2.2. Mise en œuvre des préimprégnés thermodurcissables par autoclave
2.2.3. Mise en oeuvre des préimprégnés thermoplastiques sous presse chauffante
2.2.4. Mise en œuvre de tissus poudrés et de systèmes film stacking par thermocompression rapide
2.3. Conclusions sur les moyens expérimentaux
3. Etude du comportement à l’impact de composites à matrice organique renforcés par des fibres de carbone
3.1. Matériaux et paramètres étudiés
3.1.1. Matériaux
3.1.2. Paramètres étudiés
3.2. Résultats des essais d’impact
3.2.1. Essai d’impact poids tombant
3.2.2. Essai de résilience Charpy
3.2.3. Essai d’impact au canon à gaz comprimé
3.3. Conclusions sur le comportement à l’impact des composites à renforts carbone
4. Evaluation de différentes solutions de blindage composite à matrice PEEK
4.1. Matériaux et paramètres étudiés
4.1.1. Matériaux
4.1.2. Paramètres étudiés
4.2. Etude comparative du comportement sous impact basse vitesse
4.2.1. Influence de la nature des fibres de composites tissés à matrice PEEK
4.2.2. Influence de la contexture de composites renforcés par des fibres de basalte
4.2.3. Influence du taux de porosité intra-mèche
4.3. Etude comparative du comportement sous impact haute vitesse
4.3.1. Influence de la nature des fibres de composites tissés à matrice PEEK
4.3.2. Influence du taux de porosité intra-mèche
4.4. Conclusions sur les différentes solutions de blindage composite à matrice PEEK
5. Etude des voies d’optimisation de diverses solutions de blindage composite
5.1. Influence de la porosité inter-plis sur le comportement à l’impact des composites stratifiés
5.1.1. Fabrication des matériaux et introduction des porosités
5.1.2. Effets de la porosité inter-plis sur le comportement à l’impact de composites renforcés de tissus de basalte
5.1.3. Effets de la porosité inter-plis sur le comportement à l’impact de composites renforcés de plis UD de carbone
5.1.4. Influence de la porosité inter-plis dans un composite T700/M21
5.2. Influence de la présence d’éléments aux inter-plis sur le comportement à l’impact de composites renforcés de tissus de basalte
5.2.1. Fabrication de composites avec éléments d’inter-plis
5.2.2. Effets des différents éléments d’inter-plis sur le comportement à l’impact du stratifié
5.3. Conclusions sur les voies d’optimisation de solutions de blindage composite
6. Essais d’impact à haute vitesse sur combinaisons de matériaux composites multifonctionnelles
6.1. Multimatériaux testés et scénarii d’absorption d’énergie visés
6.2. Essais d’impact sur combinaisons de matériaux composites multifonctionnelles à 170 m.s-1 (0,9 kJ)
6.3. Essais d’impact sur combinaisons de matériaux composites multifonctionnelles à 250 m.s-1 (2,5 kJ)
6.4. Synthèse et discussion
Conclusions générales et perspectives
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