Elaboration du guide d’entretien
Matériel et méthode
L’objectif de ce travail était de comprendre en quoi les réunions pouvaient aider les MG. La méthode qualitative recueillant et analysant le discours permettait de comprendre les actions et leurs déterminants ainsi que le vécu dans la réalité14. Ce choix s’imposait pour chercher à comprendre comment les réunions de coordinations aidaient les médecins. De ce fait, il était nécessaire de les rencontrer directement pour identifier les besoins et d’éventuelles améliorations possibles. Il a été décidé de réaliser des entretiens individuels plutôt que des entretiens en groupe pour pouvoir aborder des sujets plus personnels, notamment vis-à-vis de leur ressenti concernant leur patient en situation palliative15. Les focus groupes n’ont pas semblé adapter à ce travail risquant d’empêcher l’expression des sentiments autour de ces situations pénibles en relation avec la mort, par peur du regard des autres. De plus, un focus groupe aurait nécessité plus de contraintes organisationnelles pour des MG confrontés à une forte charge de travail. Afin de favoriser l’expression la plus libre possible il a été décidé d’utiliser l’entretien semi dirigé pour cette étude.
Elaboration du guide d’entretien Le guide d’entretien proposait au médecin interviewé de raconter une situation palliative exposée en réunion, pour débuter l’entretien sur du concret plus facile à rapporter. Les questions ouvertes étaient ensuite proposées au fil du discours, sans ordre établi si le sujet n’avait pas été spontanément abordé. Des relances non inductives permettaient d’approfondir les propos exprimés préalablement. Le guide d’entretien comprenait des questions ouvertes dont l’ordre pouvait être modifié au cours de chaque entretien. Les caractéristiques sociodémographiques de chaque MG étaient recueillies à la toute fin de l’entretien quand il n’y avait plus rien à ajouter. On se concentrait ainsi sur la situation palliative et la réunion.
Critères d’inclusion et mode de recrutement. Afin d’étudier l’apport des réunions de coordination avec l’EMSP, il convenait d’interroger des médecins y ayant déjà participés. Il a été décidé de proposer un entretien à tous les MG ayant participés aux réunions en 2012, 2013 et 1er semestre 2014. Initialement il avait été décidé de n’interroger que les médecins ayant participés en 2013 et 1er semestre 2014. Le nombre de médecin étant trop restreint, il a été décidé d’élargir à une année de plus pour augmenter le recueil de données. Ainsi 27 médecins pouvaient être inclus dans l’étude. Il n’y avait pas de critères d’exclusion. Tous les médecins ont été contactés par téléphone, via leur numéro de leur cabinet sur la période de juin à août 2014. Certains médecins ont été contactés à plusieurs reprises en raison de leurs indisponibilités. L’enquêteur se présentait et donnait des informations générales afin de ne pas biaiser l’entretien ensuite, à savoir : « Je réalise actuellement une thèse de médecine générale sur le thème des soins palliatifs, vous avez été sélectionné car vous avez participé à des réunions de coordinations avec l’équipe mobile de soins palliatifs ». Il a été demandé d’essayer de consacrer 30 minutes afin de ne pas être dérangé lors de l’entretien.
Les entretiens sur la base du volontariat étaient réalisés sur un temps dédié, rendez vous pris à l’avance par téléphone idéalement au cabinet du médecin sauf si celui-ci préférait ailleurs. Ils se sont déroulés de juin 2014 à novembre 2014. L’idéal était l’absence de bruits parasitant, coups de téléphone, fax, secrétaire, ce qui n’a pu être obtenu dans la moitié des entretiens. Au début de l’entretien il était précisé que celui-ci serait enregistré afin d’obtenir l’accord du participant et qu’il resterait anonyme pour l’analyse des données. Les entretiens ont été enregistré grâce à un enregistreur numérique de type Olympus VN 731 PC. L’enquêtrice se présentait puis débutait l’entretien comme précédemment décrit. Les items principaux étaient repris afin d’être précisés. Tous les entretiens se sont terminés par « Avezvous autre chose à rajouter sur les soins palliatifs en général ? », apportant des données qui se sont révélées importantes. S’il arrivait qu’après l’extinction de l’enregistreur numérique, l’interviewé rajoute des données intéressantes, elles étaient rajoutées par écrit immédiatement après l’entretien. Enfin, chaque médecin avait donné son accord pour être recontacté si les données retranscrites devaient être complétées.
Ressentis des médecins généralistes vis à vis des situations palliatives La prise en charge de la fin de vie à domicile compliquait le travail des MG « le maintien à domicile, dans ces conditions, les situations deviennent de plus en plus lourdes ». Les MG décrivaient les situations palliatives comme des situations rares, inhabituelles, exceptionnelles et marquantes. La majorité en parlait comme des situations qui leurs échappaient. Ces situations étaient décrites comme angoissantes, anxiogènes, bouleversantes, difficiles sur le plan psychologique. Les médecins déclaraient souffrir et ressentir une angoisse importante face à ces situations. Quand la situation palliative ne se passait pas bien, un médecin allait jusqu’à parler de « traumatisme psychologique » avec un retentissement sur sa vie personnelle. Un médecin parlait également d’une ambivalence entre le fait de souhaiter l’arrêt de la prise en charge devenue trop lourde psychologiquement et de devoir tenir pour son patient « Ce sentiment d’avoir envie que ça se termine, c’est très culpabilisant. D’un côté on bosse et intérieurement on se dit pourvu que ça s’arrête, on souhaite la mort de son malade et ça m’a toujours perturbé. En tant que médecin c’est un peu choquant. ». Dans ces situations, malgré les multiples intervenants à domicile, le MG se sentait seul, isolé, abandonné sous le poids de la situation. Un médecin a dit « on a du mal à gérer tout seul une histoire », un autre « c’est sur vous que tout repose ». Ils ne se sentaient pas soutenu par l’hôpital.
Le MG était angoissé à l’idée que les intervenants à domicile puissent baisser les bras. Le sentiment de responsabilité était important, s’accompagnant parfois d’un sentiment de culpabilité de n’avoir pas fait le diagnostic plus tôt. La remise en cause plus fréquente des prises en charge par les familles était vécue par les médecins comme jugeant et accusatrice « La fille nous accusait de vouloir absolument le mettre en maison de retraite car la situation devenait quand même difficile pour madame, pour les aides à domicile aussi avec des niveaux exigence de plus en plus haut ». Plusieurs médecins rapportaient que le manque de temps nuisait à une prise en charge adéquate, favorisant un manque de communication entre les différents intervenants confrontés à leurs propres difficultés et interrogations. La majorité des médecins se plaignaient d’un manque de formation, de maîtrise et de connaissance dans les soins palliatifs autant en termes de savoir faire, de savoir être et de techniques. L’accès à la formation leur paraissait difficile. Quelques médecins rappelaient le manque de moyen à domicile, notamment en terme de personnel mais aussi du fait de la non disponibilité en ambulatoire de certains médicaments.
Les apports de l’Equipe Mobile de Soins Palliatifs
Tous les médecins interrogés rapportaient que l’apport principal était la disponibilité à la fois dans le temps et dans l’espace. L’équipe était facilement joignable par téléphone (un numéro de portable) et se déplaçait selon les besoins au cabinet ou au lit du patient. Il y avait une possibilité de réévaluation et un suivi dans le temps et dans l’espace. Il y avait différentes possibilités de recours: à domicile ou à l’EHPAD. Pour certains, il s’agissait d’une ressource de premier recours. Ils permettaient un maintien à domicile et limitaient les hospitalisations. L’EMSP avait une action de soutien, d’aide au MG, l’un d’eux disait « je peux avoir de l’aide le jour où je ne peux plus ». Ce soutien concernait le MG dans la prise de décision mais aussi, les aidants, le patient et les familles. L’un des MG rajoutait que cela lui donnait le sentiment « que l’on ne faisait pas rien ». Cela permettait de retrouver de la sérénité. Un médecin signalait que la non intervention de l’EMSP lors de situations difficiles, les rendait encore plus difficile à gérer. La majorité des médecins interrogés considéraient l’EMSP comme des experts de la discipline de part leur expérience et habitude de ces situations. Ils étaient reconnus comme compétents, professionnels, pédagogues.
L’EMSP permettait de valider une prise en charge. Il s’agissait d’une prise en charge globale psychologique et physique, comme la douleur, en respectant la dignité et les choix du patient avec humanité. Ils apportaient une aide technique avec des conseils pratiques, comme des soins locaux. Ils aidaient à anticiper les périodes de déséquilibre. Un médecin considérait qu’ils avaient une mission de préparation à la fin de vie. Plusieurs médecins déclaraient qu’en cas de difficultés relationnelles avec la famille, l’EMSP, de part leur extériorité à la situation, permettait de rétablir la communication « donc cela a pu temporiser un peu, dans le sens où la fille a vu que l’on faisait quand même un effort ». Pour ces médecins, l’EMSP avait aussi d’autres missions, notamment d’information de la population générale. Ils abordaient des sujets, tels que la personne de confiance ou les directives anticipées, le plus souvent éludés. Un apport propre à l’équipe de Château Gontier, d’après les interviewés était qu’ils avaient une réelle confiance en l’équipe. Pour plusieurs c’était une équipe sur laquelle on pouvait compter.
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Table des matières
Liste des abréviations
Résumé
I Introduction
II Matériel et méthode
2.1 Choix d’une méthode qualitative
2.2 Elaboration du guide d’entretien
2.3 Critères d’inclusion et mode de recrutement
2.4 L’entretien
2.5 L’analyse
III Résultats
3.1 Données socio démographiques des médecins interrogés
3.2 Ressentis des médecins généralistes vis à vis des situations palliatives
3.3 Les apports de l’Equipe Mobile de Soins Palliatifs
3.4 Les limites de cette EMSP
3.5 L’apport des réunions de coordination
3.6 Les limites des réunions de coordination
IV Discussion
4.1 Validité interne : l’étude est elle fidèle à la réalité
4.2 Discussion sur les résultats
V Conclusion
VI Bibliographie
VII Annexes
7.1 Guide d’entretien
7.2 Exemple de deux entretiens
7.2.1 2ème entretien
7.2.2 19ème entretien
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