Elaboration de la politique documentaire
Les différents outils
Chaque bibliothèque détermine, selon le temps et les ressources qu’elle a à disposition, les outils nécessaires à sa politique documentaire. Les documents sont principalement définis pour un usage interne, seul la charte des collections vise à informer les publics, les partenaires et les autorités des décisions et principes qui régissent la constitution des collections. Chaque outil peut donner des indications générales valables pour toutes les collections, mais des outils spécifiques peuvent aussi être développés en fonction des segments de collection qui ont besoin d’une attention particulière. La politique de sélection tout d’abord, permet de donner les lignes directrices afin de faire un choix réfléchi et stratégique dans l’offre éditoriale générale et spécialisée.
Elle contient des informations sur les sources utilisées, les types et niveaux des documents et précise les critères de sélection et d’exclusion des ressources, en gardant en tête une vision globale des collections existantes afin de maintenir une certaine cohérence. On peut la compléter si nécessaire par une politique de gestion des dons et/ou propositions d’achat. Après avoir fait un choix dans la production éditoriale, la bibliothèque s’engage à commander certains documents lors du processus d’acquisition. Lors de cette étape, la bibliothèque veille à respecter l’équilibre budgétaire ainsi qu’une répartition cohérente en fonction de chaque domaine. La connaissance des circuits commerciaux, des différents éditeurs et des librairies de la place est indispensable, tout comme la gestion et le suivi des commandes. La politique de désherbage fait référence aux méthodes d’élimination des documents afin de faire de la place et/ou de proposer des collections actuelles et pertinentes. C’est une étape délicate mais cruciale qu’il convient d’effectuer en accord avec la direction et selon des critères et une procédure précise. Pour finir, le plan de développement des collections montre les intentions de la bibliothèque pour faire évoluer ses collections. Cet outil a pour objectif de faciliter les choix lors de la sélection tout en informant des directions poursuivies pour chaque domaine de la bibliothèque. La bibliothèque définit ici ses objectifs généraux sur le long terme et détermine des objectifs plus spécifiques à atteindre sur le court terme.
Quelle utilité pour la bibliothèque de l’ECAL ?
La principale raison qui a poussé la bibliothèque de l’ECAL à vouloir se doter d’une politique documentaire est de sortir de cette base intuitive nourrie par l’expérience grâce à des procédures formalisées pour assurer une certaine pérennité à ses pratiques. Face à la multiplication des sources d’information et à une production éditoriale toujours plus diversifiée, comme dans le domaine du design par exemple, les critères de sélection ont besoin d’être clairement définis et les sources les plus pertinentes identifiées afin d’amener à une gestion la plus efficace possible. Ce travail permet également de « […] provoquer une réflexion sur les collections, sur leur constitution, leur exploitation et leur conservation » (Calenge 1999, p.20) qui ne peut être que bénéfique pour la bibliothèque quel qu’en soit l’issue. La justification budgétaire n’est à ce jour pas une priorité pour la bibliothèque de l’ECAL, mais être capable de présenter des arguments précis et convaincants face à la direction peut toujours s’avérer pertinent. Le grand défi pour la bibliothèque de l’ECAL face aux changements qui s’opèrent dans son environnement et dans la production documentaire, est de trouver le meilleur équilibre possible entre les besoins immédiats des étudiants, les ressources à acquérir lors de la venue d’intervenants extérieurs, tout en essayant d’anticiper les attentes de chacun en proposant des ouvrages inattendus et originaux, mais en gardant la juste proportion d’ouvrages de référence qui sont essentiels.
Le design industriel
Le design, quant à lui, est définit comme une «discipline visant à une harmonisation de l’environnement humain, depuis la conception des objets usuels jusqu’à l’urbanisme ». Son histoire débute en général en 1851 avec la première Exposition universelle qui se tint à Londres (Bony 2006, p.3). Le mot tire ses origines du latin designare (concevoir, dessiner) et signum (signe) : le designer exprime donc une idée au moyen d’un projet écrit ou dessiné et signe son oeuvre comme un artiste (Baker 2016, p.12). Mais contrairement à l’art, le design entretient un rapport étroit entre forme et fonction, en répondant bien souvent à un besoin précis. Le design industriel est une discipline phare de l’ECAL, il se caractérise par sa grande diversité : des objets qu’il conçoit, du mobilier à l’utilitaire en passant par l’automobile et les luminaires, mais aussi des matériaux qu’il utilise, toujours plus innovants et qui intègrent un aspect écologique et durable. L’esthétique occupe également une place primordiale, tout comme la qualité, le prix ou encore l’innovation. Le designer, quasi entrepreneur, conçoit des objets fonctionnels, beaux et utiles, contrairement à l’artiste qui crée en se souciant de l’esthétique sans forcément attribuer une fonction à son oeuvre. Il est influencé par la société et les besoins des individus, mais doit aussi collaborer avec d’autres corps de métier et des marques : « Le design est un métier de service, pas seulement un métier artistique. » (Bony 2006, p.224) Le designer s’invite même à la bibliothèque, comme à la Bibliothèque de la Cité à Genève, où Matali Crasset, designer industriel, a repensé les espaces et le mobilier lors de la rénovation des lieux en 2015. Nicolas Le Moigne, designer diplômé de l’ECAL, est commissaire de l’exposition Qu’en lira-t-on ? La lecture sous toutes les formes qui se tient jusqu’au 28 octobre 2017 dans cette même bibliothèque.
L’ECAL et sa bibliothèque : analyse de l’existant Pour pouvoir élaborer une politique documentaire cohérente et en adéquation avec l’environnement dans lequel s’inscrit la bibliothèque, il a fallu analyser la situation sous différents angles pour bien en saisir toute l’envergure. Pour cela, j’ai fait un état des lieux en collectant des données statistiques sur les points essentiels, à savoir les missions, les publics, les collections et l’environnement (SAB CLP 2014). La bibliothèque étant dépendante de l’ECAL, elle est directement influencée par les différents choix de l’institution qui se reflètent dans la structure-même des collections, du fonctionnement et de son organisation globale, c’est pourquoi ces deux entités seront ici analysées ensemble. Pour cette analyse de l’existant, j’ai recueilli les chiffres concernant les étudiants, les professeurs et le personnel administratif auprès des ressources humaines de l’ECAL. Les données en rapport avec les collections ont été récoltées grâce au système intégré de gestion de la bibliothèque (sigb), BiblioMaker. Les résultats les plus significatifs ont ensuite été sélectionnés et présentés de manière lisible grâce à différents graphiques et tableaux. Le but de cette première partie est de bien comprendre le contexte et l’environnement dans lequel s’inscrit la bibliothèque, tout en ayant un regard éclairé sur ses collections et ses publics. Cette étape indispensable permettra par la suite d’élaborer une politique documentaire pertinente et adaptée en fonction de ces différents facteurs déterminants.
Le lieu et les infrastructures
Un bâtiment imposant, des stores multicolores, rouges, jaunes et bleus évoquant les couleurs primaires et une façade métallique dont l’ondulation rappelle les bas résilles. Cette renaissance architecturale on la doit à l’architecte franco-suisse Bernard Tschumi. Celui-ci, en collaboration avec le Bureau d’architecture Fehlmann, a repensé l’espace de l’ancienne usine de bas et collants Iril située à l’avenue du Temple à Renens afin d’offrir aux étudiants et professeurs de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne 25’000 m2 d’espace pour laisser parler leur créativité (Pastori 2009). En effet, après plusieurs déménagements, c’est finalement en 2007 que l’Ecole cantonale d’art de Lausanne trouve un bâtiment à la dimension de ses ambitions. Ce vaste site abrite, outre l’ECAL, l’EPFL+ECAL Lab, un laboratoire qui explore le potentiel des nouvelles technologies à travers le design, ainsi que l’elac (l’espace lausannois d’art contemporain), une galerie qui présente régulièrement au public le fruit du travail des étudiants, organise des expositions autour de l’ECAL et invite également des artistes de renommée internationale.
L’école offre aux étudiants des infrastructures de qualité dans les différents domaines enseignés, comme par exemple un studio photo et un de cinéma, un centre d’impression avec notamment une machine offset et différents ateliers de gravure et une bibliothèque. 5.1.2 La bibliothèque Cette dernière occupe une place de choix au sein du bâtiment, sur plus de 540 m2, au premier étage à côté du secrétariat. Un véritable élément central au coeur du fonctionnement de l’école. En arrivant par les escaliers, la bibliothèque nous fait face, laissant voir une partie de sa collection derrière une large baie vitrée. Elle est ouverte du lundi au vendredi, de 8h30 à 17h30 sans interruption, et reste fermée au public lors des vacances scolaires. Sur cette surface, 40 m2 d’espace ouvert sont consacrés au travail des professionnels, sélection, catalogage etc., tout le reste étant accessible au public. La bibliothèque totalise 40 places de travail, 2 postes informatiques pour les recherches ainsi que pour effectuer des scans, très prisés par les étudiants, et 2 tablettes numériques, une à l’entrée qui permet d’effectuer des recherches dans le catalogue en ligne, et une à disposition dans le coin «détente » qui permet une utilisation étendue à tout l’Internet. La totalité de la collection est en libre accès.
En effet, la bibliothèque dispose de deux petites caves au sous-sol du bâtiment pour entreposer du matériel, les mémoires d’étudiants ainsi que les anciens numéros de revues, mais aucun document en magasin étant donné que la surface en libre accès est pour le moment suffisamment grande pour accueillir l’entier de la collection. Particularité significative, la bibliothèque ne dispose pas d’un système de prêt. En effet, l’ancien directeur, Pierre Keller, en avait décidé ainsi afin d’assurer la disponibilité des ouvrages à tous les étudiants. Face à la cherté de certains livres d’art et à un budget non extensible, cette décision bénéficie à la fois au public et à l’institution, mais on le verra par la suite, elle ne facilite en rien la collecte d’information sur l’utilisation et la pertinence des collections. Depuis la fin de l’année 2016, l’ancienne salle de travail Ernest Manganel s’est modifiée pour abriter la Matériauthèque, gérée par un professeur en design industriel. Cette espace au coeur de la bibliothèque met à disposition des échantillons de matériaux, des objets ainsi que des informations sur les procédés industriels et les technologies de production.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
1. Introduction
1.1 Le mandat
1.1.1 Objectifs
1.1.2 Etapes
1.1.3 Méthodologie
2. Les politiques documentaires
2.1 Définition
2.2 Les enjeux de la politique documentaire
2.3 Les grandes étapes de la politique documentaire
2.3.1 Les différents outils
2.4 Quelle utilité pour la bibliothèque de l’ECAL ?
3. Les spécificités d’une bibliothèque spécialisée en art contemporain et design
3.1 L’art contemporain
3.1.1 Le design industriel
3.1.1.1 Impact sur la bibliothèque
3.2 L’édition d’art
3.2.1 Diversité des acteurs
3.2.2 Diversité et typologie des documents
3.3 Evaluer, choisir et se tenir informé
3.3.1 Critères de sélection
3.3.2 Le désherbage
3.3.3 L’importance croissante du numérique
3.4 Conclusion
4. Enquête auprès de bibliothèques comparables
4.1 Enquête par mail
4.1.1 Bibliothèques ayant répondu à l’enquête
4.1.2 Analyse des réponses
4.1.2.1 Utilité de la politique documentaire
4.1.2.2 Politique documentaire formalisée
4.1.2.3 Absence de politique documentaire
4.1.2.4 Politique documentaire en cours d’élaboration
4.2 Enquête auprès de la bibliothèque de la HEAD
4.2.1 La Haute école d’art et de design de Genève
4.2.2 La bibliothèque de la HEAD
4.2.3 Pratiques documentaires
4.2.3.1 La sélection
4.2.3.2 L’acquisition
4.2.3.3 Le plan de développement des collections
4.2.3.4 Le désherbage
4.2.3.5 Le numérique
4.2.4 Positionnement par rapport à la politique documentaire
4.3 Conclusion
5. L’ECAL et sa bibliothèque : analyse de l’existant
5.1 Le lieu et les infrastructures
5.1.1 L’ECAL
5.1.2 La bibliothèque
5.2 Les filières proposées
5.2.1 L’impact sur la bibliothèque
5.3 Les missions
5.3.1 De la HES-SO
5.3.2 De l’ECAL
5.3.3 De la bibliothèque
5.4 Les publics
5.4.1 Les étudiants
5.4.2 Le corps enseignant et les intervenants
5.5 Les collections de la bibliothèque
5.5.1 Types de collections, organisation intellectuelle et physique
5.5.2 Types de documents et de supports
5.5.3 Niveaux de complexité des documents
5.5.4 Langues existantes
5.5.5 Statistiques des collections
5.6 Le budget
5.7 Les procédures existantes : sélection, acquisition et désherbage
5.8 L’environnement de la bibliothèque
5.8.1 Réseaux
5.8.2 Autres centres d’information documentaire
5.9 Comparaison avec les normes en vigueur
5.10 Enquête auprès des étudiants
5.10.1 Méthodologie
5.10.2 Profils des répondants
5.10.3 But du questionnaire
5.10.4 Analyse des réponses
5.10.5 Réponses ne figurant pas dans le questionnaire
5.10.6 Conclusions concernant l’enquête
5.11 Analyse SWOT de la bibliothèque et des collections
6. Elaboration de la politique documentaire
6.1 Documents existants
6.2 Méthodologie
6.3 Les outils choisis
6.3.1 Politique documentaire globale
6.3.2 Fiches de sélection par domaines
6.3.3 Calendrier des principaux évènements
6.4 Recommandations
6.4.1 Veille documentaire
6.4.2 Critères pour le désherbage des périodiques
6.4.3 Indicateurs et statistiques
6.4.4 Collaboration avec les responsables de filière
6.4.5 Gestion des propositions d’achat
6.5 Regard critique et axes non traités
6.6 Difficultés rencontrées
6.7 Bilan personnel
7. Conclusion
7.1 Enjeux actuels et futurs : pistes de réflexion
Bibliographie
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