Egypte alternance de guerre et paix dans le scénario électoral du pays

Ecrire un mémoire en Egypte

Avant de commencer mes recherches pour mon mémoire je ne pensais pas inclure une partie « témoignage » dans ma rédaction. Cependant, le fait d’avoir mené mes recherches et avoir rédigé le mémoire en Egypte mérite quelques mots. Pour mon mémoire n’a pas été nécessaire le travail de terrain, mais seulement quelques entretiens avec des experts sur la thématique des élections ou de la gouvernance démocratique. Aussi, j’ai eu la chance de discuter de violence électorale en Egypte avec les interviewés ou avec mon tuteur de mémoire dans des milieux assez « protégés ». Toutefois, comme j’ai dit, le fait d’avoir écrit le mémoire au Caire a eu une certaine influence sur les conclusions de ma recherche ainsi que sur les résultats de l’analyse. Même si je ne me considère pas comme étant une chercheuse —je n’ai pas ce titre, ni les compétences pour l’être—, je crois qu’en tant qu’étudiante de Master qui mène des recherches sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, il n’y rien de mieux qu’écrire un mémoire dans un pays de la région, plutôt que dans la bibliothèque de sa ville natale.
Toutefois, je trouve plus facile de pouvoir parler d’une certaine région du monde en l’ayant pas simplement connue ou étudie, mais aussi « vécue ». C’est justement en observant les dynamiques sociales de tous les jours, sur une petite échelle, que parfois on trouve la clé pour comprendre des comportements socio-politique plus complexes. Par conséquent, je crois que « vivre » dans des pays du Moyen-Orient m’a d’une certaine manière aidé à écrire ce mémoire.
En deuxième lieu, je crois que le fait d’avoir préparé le mémoire en Egypte, d’avoir réfléchi au sujet pendant mon stage en Jordanie avec le Projet de Support Electoral du PNUD pour les Etats Arabes, après un stage en Tunisie toujours dans un projet de support électoral, n’ont pas simplement influencé mon choix du sujet du mémoire, mais m’ont aussi permis de rencontrer des chercheurs, experts ou professionnels qui travaillent dans le domaine des élections ou sur des thématiques reliées. Ces rencontres ont, dans différentes mesures, contribué à ce mémoire. Toutefois, je dois dire que j’ai reçu l’une des majeurs contributions à la « naissance » de ce mémoire, lors d’un entretien, quand après avoir expliqué le sujet de mon mémoire et avoir mentionné l’expression « violence électorale », la personne interviewée a commenté à ses collègues qui étaient dans son bureau : «En voilà une autre, elle finir comme Regeni » . Je souligne qu’il a dit cela ironiquement, peut-être même avec plus de préoccupation pour moi, en tant qu’étudiante qui prétend d’analyser la violence électorale en Egypte juste maintenant, que pour lui en tant qu’interviewé. Cependant, cette phrase m’a ouverte les yeux sur deux choses dont jusqu’à cet instant je n’étais que partiellement consciente. Premièrement, j’ai pu vérifier personnellement que j’ai vécu en Egypte à une période à laquelle toutes les questions ne sont pas admises. En deuxième lieu, suite à sa réaction j’ai compris que parler de violence électorale ou violence lors des élections au Moyen-Orient n’était pas, finalement, si inapproprié comme j’avais pensé dans un moment de découragement dans mes recherches, au moins pour ce qui concerne l’Egypte. Dans le cas contraire, personne n’aurait eu raison de s’inquiéter que je finisse comme Giulio Regeni.
Finalement, je dois confesser que je me sens en dette envers mon lecteur et mon mémoire. Si d’un côté rédiger mon mémoire en Egypte a été une chance, pour les raisons que je viens d’énoncer, de l’autre se procurer des livres qui auraient été utiles pour mes recherches a été assez difficile, et je trouve que ma bibliographie, ainsi que le contenu du mémoire traduisent cet accès limité aux ressources.

VIOLENCE ELECTORALE OU VIOLENCE LORS DES ELECTIONS ?

Définition générale de la violence électorale

Pour reprendre ce qu’on a dit dans l’introduction, l’idée principale de ce travail est de montrer, d’un côté, comment les élections peuvent être catalyseurs de violence et conflits, soit à cause de rivalités politiques directement liés à la confrontation électorale, soit en raison de tensions sociales, politiques, tribales ou communautaires sous-jacentes. D’un autre côté, on essayera de montrer comment des actes de violence qui se produisent au cours du cycle électoral, mais qui n’ont pas comme objectif d’influencer la conduite électorale des parties prenants part aux élections ni les résultats des scrutins, finissent par avoir quand même unimpact sur le déroulement et les résultats des élections. Ce dernier est, par exempl e, le cas des législatives de 2015 en Turquie. Les élections turques de 2015 sont un clair exemple de comment, dans un contexte de tensions internes dues à la reprise des actions de guérilla par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et aux attentats terroristes qui ont eu lieu pendant la campagne électorale —probablement commis par la main de Da‛esh— , les actes de violence ont poussé la grand majorité de la population à abandonner le vote contestataire du premier scrutin et à soutenir le parti déjà au pouvoir, c’est-à-dire le Parti de la justice et du développement (AKP). Par contre, en ce qui concerne les élections comme catalyseur de conflits latents de caractère communautaire le cas du Liban est emblématique, et notamment le fait que les élections législatives ont été reportées au 2017. Quand dans un pays comme le Liban existent des tensions latentes déterminées par la structure communautaire de la société et par la dimension politique du communautarisme, la programmation et l’organisation des consultations en sont affectées. Si on ajoute à cela que souvent au Liban les électeurs se retrouvent à voter pour une faction politique ou une autre non parce qu’ils soutiennent le programme politique de ladite faction mais simplement parce que le parti ou la coalition pour lequel ils votent représente des alliances internes au Liban, voire les alliances du Liban avec les pays voisins, alors c’est envisageable que les élections puissent occasionner des conflits.
Comme nous explique Céline Braconnier dans son ouvrage Une autre sociologie du vote, très rarement le vote est « pragmatique » —je vote pour un parti parce que le programme politique qu’il propose est celui qui convient le plus à la société ou à moi personnellement. Beaucoup plus souvent la nature du vote est déterminée par le contexte, avant même d’être dictée par des questions d’idéologie, nonobstant que l’idéologie soit aussi beaucoup influencée par le contexte social et environnemental. Au Liban sûrement le choix électoral est conditionné par l’environnement ; toutefois, le contexte environnemental libanais correspond à des communautés religieuses, voir politico-religieuses. Par conséquent, souvent au Liban le vote est moins une question d’idéologie ou de « pragmatisme politique » et plus une question de soutenir tel ou tel politicien car il défend les intérêts de la communauté, voire le réseau ou la famille. Eventuellement, au Liban voter signifie aussi s’exprimer en faveur ou non des relations du Liban avec certains pays comme la Syrie ou l’Iran, du fait notamment des relations que certains partis ou mouvements entretiennent avec les dits pays. Finalement, seulement dans la partie du mémoire dédiée à l’Egypte on parlera de la violence comme moyen utilisé par certaines parties prenants part au processus électoral (partis politiques, candidats, forces de l’ordre, nervi, etc.) pour influencer les cours des élections et les résultats de scrutins.
Or, il est assez évident que dans ce mémoire le sujet de la violence électorale est très nuancé et qu’on ne peut pas parler de violence électorale dans l’acception la plus stricte du terme si on applique sa définition aussi aux élections turques de 2015 et aux futures élections législatives au Liban. Toutefois, on ne peut pas non plus éviter d’expliquer la violence électorale afin de pouvoir comprendre ces nuances. La violence électorale, est en fait l’idée originale de ce mémoire, et bien que dans cette analyse la définition de violence électorale ait été déclinée et adaptée, elle reste le noyau du travail. Pour cela, il est très important de définir la violence électorale, aussi afin de pouvoir déterminer si un acte ou une menace de violence qui se produit lors du cycle électorale peut être identifié comme violence électorale en tant que telle ou pas.
Cette définition a été reprise dans le guide du Programme des Nations Unies pour le Développement (UNDP), intitulé « Elections et Prévention des Conflits. Guide d’analyse, de planification et de programmation » et est issue du livre blanc de Jeffrey Fischer « Electoral Conflict and Violence : A Strategy for Study and Prevention ».
Dans les différents documents et rapports d’organisations internationales qui travaillent dans le domaine des élections et de la prévention des conflits, ainsi que dans les articles scientifiques traitant du sujet, les auteurs donnent des définitions de violence électorale très proches de celle qu’on a fourni. On peut dire qu’il y a un certain accord dans le milieu académique ainsi que professionnel dans la définition de la violence électorale. Aussi, bien que les documents qui ont servi comme référence pour parler du sujet se centrent principalement sur la prévention des conflits et sur la prévention de la violence électorale, ou bien ils se focalisent sur la violence électorale dans un pays en particulier, tous présentent d’une manière univoque les éléments déterminants de la violence électorale. A partir de ces références et de la définition donnée par Jeffrey Fischer et adoptée par le PNUD on peut en conclure que, avant tout, la violence électorale proprement dite se distingue par d’autres types de violence politique principalement par son objectif. En fait, la violence électorale vise à influencer la conduite électorale des électeurs, candidats, fonctionnaires et/ou à porter atteinte aux résultats des élections. Selon le National Democratic Institute (NDI), la violence électorale a ou peut avoir les objectifs spécifiques suivants : empêcher les électeurs de participer au vote ; contraindre les électeurs à participer ou à modifier leurs choix ; éliminer les candidats ; perturber l’ensemble du processus électoral ; faire annuler le vote ; exercer des représailles contre des opposants politiques ou contre les électeurs qui soutiennent les partis de l’opposition ; exercer des représailles contre les votes exprimés. Bien sûr, les actes de violence électorale ne visent pas forcément à atteindre tous ces objectifs, du moins pas tous ensemble. Aussi, la violence électorale ne se produit pas que lors du jour du vote ; elle peut avoir lieu à plusieurs moments du cycle électoral (période pré-électorale, jour des élections et des scrutins, période post-électorale) ou tout au long du cycle. Selon les rapports du PNUD et de NDI, les formes de violence électorale, ainsi que les causes, changent aussi en dépendant du moment du cycle électoral dont en parle.
Au-delà des contextes, causes, formes et effets de la violence électorale, les acteurs sont aussi divers. D’une manière générale, on peut dire que les acteurs principaux d’un conflit lors des élections sont les partis politiques, les candidats et l’Etat, notamment les forces de sécurité et les services de renseignements étatiques. La police, les services de renseignements, les forces armées peuvent être acteurs de violence électorale principalement dans deux situations : soit quand ils exercent de la violence contre les groupes ou les candidats opposants au gouvernement en place, soit quand ils permettent aux autres partis prenants part aux élections de commettre des actes de violence car ils ont été incapables de prévenir ou contenir les affrontements ou les agressions. Les services de sécurité non-étatiques tels que les milices, les groupes d’auto-défense, ou des factions rebelles peuvent être d’autres acteurs de violence.
Parfois, ce sont des mercenaires payés par le pouvoir à utiliser la violence contre l’opposition politique, comme les baltagiyya ou « voyous du pouvoir » en Egypte dans les élections de 2005. Selon le guide du PNUD « Elections et prévention des conflits », la société civile peut aussi être acteur et agent du conflit électoral . Cette affirmation du PNUD peut être valable dans plusieurs contextes mais pas pour ce qui concerne la violence électorale dans les pays du Moyen-Orient. Il faut constater que, au contraire, la société civile ainsi que les organisations de la société civile sont souvent victimes de violence. En plus, surtout si on considère les organisations civiles qui au Moyen-Orient travaillent dans le domaine des droits de l’homme, de l’observation électorale ou du développement, leur action est loin d’être négative. Souvent, en fait, les organisations de la société civile font un important travail de sensibilisation pour faire comprendre aux citoyens l’importance de la participation politique ; d’autres sont engagées dans l’observation électorale afin de permettre que les élections dans leurs pays se déroulent de manière transparente et crédible la force pour nuire aux personnes ou aux biens et matériaux impliqués dans le processus électoral . Par conséquent, la violence électorale n’est pas que violence physique, ni exclusivement violence matérielle mais elle peut être aussi une violence psychologique. Dans diverses disciplines, les menaces sont considérées comme violence. On parle de violence psychologique lors qu’on parle de menace parce qu’il s’agit d’un comportement moralement agressif qui généralement produit chez la personne menacée un sentiment de peur et qui l’influence de manière négative. Souvent, la peur que la menace provoque conditionne les futurs choix ou les comportements de la personne menacée qui se retrouve à suivre les volontés de l’agresseur. Par exemple, dans le contexte des élections la menace peut influencer les choix d’un ou plusieurs électeurs ou les positions politiques d’un ou plusieurs candidats lors de la campagne électorale, et avoir un impact direct sur le résultat des élections. Les menaces, en plus, peuvent parfois se transformer en actes, en passant de la sphère de la violence psychologique à la violence physique ou matérielle. Aussi, même si ça peut paraître un peu ambitieux, je voudrais avancer l’idée que certains aspects de la violence électorale rentrent aussi dans la définition de Pierre Bourdieu de violence symbolique, surtout si on considère la violence en campagne électorale. En réalité, selon Pierre Bourdieu la violence symbolique est le monopole de l’Etat , cependant comme l’explique Lauhouari Addi dans son article «Violence symbolique et statut politique dans l’œuvre de Pierre Bourdieu », l’Etat peut être le producteur de la force symbolique à travers les lois, l’école, la transmission de certaines valeurs ou habitus, mais il n’en a pas le monopole. Selon Addi, en fait, mêmes des institutions privées, comme la famille, les associations, les sectes, les différents pouvoirs sociaux, peuvent exercer la force symbolique . Afin d’expliquer la notion de violence symbolique de Bourdieu, qui est proche de celle de violence structurelle de Joan Galtung, on utilisera les mots du politologue Philippe Braud qui inclut la violence symbolique chez Bourdieu dans la définition suivante : « Au sens large, toute forme de contrôle social qui barre une aspiration, impose des opinions ou des comportements, perturbe une trajectoire sociale ou un cadre de vie est une forme de violence, qu’elle soit ressentie douloureusement ou non par le sujet » . Voulant simplifier encore plus, la violence symbolique peut être considérée comme une « imposition » d’opinions et/ou comportements sur un sujet ou un groupe d’individus qui intériorisent ces opinions ou comportements et finissent par agir et penser en
accord avec l’idée dominante (ou du dominant). Cependant, nous explique Bourdieu, les dominés ne sont pas toujours conscients de cette domination. Au contraire, comme le rappelle Addi, la violence symbolique est « opérative » quand il existe l’inconscience de cette « imposition » . Pour ce qui concerne la violence électorale, on peut définir certains de ses aspects, par exemple les discours violents de certains candidats ou la monopolisation de la scène par d’autres pendant les campagnes électorales, comme de la violence symbolique. Ces types de conduites, en fait, constituent la capacité d’imposer un discours ou une vision du monde parmi les autres et de les faire accepter comme légitimes par la majorité de l’électorat . En plus, selon Bourdieu, en légitimant son discours, celui qui a exercé la force obtient aussi de la reconnaissance et par conséquent renforce sa position de dominant. Si l’on prend le cas des élections législatives en Turquie en 2015, on pourrait lire le discours de l’AKP et du président Erdoǧan lors des campagnes à travers le prisme de la violence politique et notamment de la violence symbolique. L’AKP, et en particulier le Président de la République turque Recep Tayyip Erdoǧan, a profité des tensions qui ont investi le pays entre juin et novembre 2015 —et qui d’ailleurs continuent à investir le pays même à l’heure actuelle— pour présenter son parti comme la seule force politique capable de garantir la sécurité et rétablir la stabilité dans le pays. Avec la promotion de ce discours le pouvoir déjà en place a réussi à reconquérir l’électorat qui, lors des élections de juin, avait voté pour l’opposition et à remporter la majorité lors des consultations de novembre. Beaucoup d’auteurs ont interprété les discours de l’AKP lors des campagnes de 2015 comme une simple stratégie électorale tout à fait légitime et pas comme de la violence symbolique. Stratégie ou pas, l’AKP en tant que force déjà au pouvoir a été le parti qui a su mieux imposer son discours pendant la campagne électorale —pour des raisons d’expérience politique ainsi que de contrôle des médias clairement anti-gouvernementaux— et par conséquent celui qui a réussi avec plus de facilité à influencer le choix des citoyens.
Comme le rapporte Joseph-Marie Zambo Belinga dans son article « La scénographie de la déviance dans les scrutins politiques. La violence comme phénomène électoral d’ici et d’ailleurs », l’historien français Raymond Huard fait une distinction entre la violence électorale verbale et la violence symbolique lors des élections. Dans l’ouvrage sur les élections en France entre 1848 et 1946 intitulé Le Suffrage Universel en France, Huard affirme que « la violence électorale verbale s’exprimait à travers des cris, des injures, des obscénités entre candidats et/ou partisans opposés, lesquels ponctuaient les campagnes électorales préparatoires à la tenue des scrutins. La violence symbolique quant à elle s’exprimait à travers l’occupation de l’espace public, le regroupement des partisans d’un candidat ou d’un parti politique devant le domicile du concurrent, les marches d’électeurs d’un candidat ou d’un parti politique ». Pour autant, à partir de cette définition, au-delà de comprendre la distinction entre les deux typologies de violence, on a la confirmation que l violence symbolique est une forme de violence électorale et qu’elle n’est pas monopole de l’Etat mais elle peut être exercée par toute autre force capable de se mo biliser pour influencer les choix de l’électorat.
Si l’objectif de la violence électoral sont les élections, les élections en tant que telles ne sont pas la raison des violences, même quand on parle de violence électorale. Au contraire, comme on le verra plus tard, dans l’idéal les élections sont une période où les candidats s’affrontent et les électeurs expriment leurs choix, opinions et soutien sans devoir recourir à la force. On pourrait en fait définir les élections comme une forme d’affrontement règlementé. Il subsiste donc une subtile différence entre le fait de dire que les élections sont la « raison » ou la « cause » des évènements de violence électorale —ce qu’il est totalement incorrecte— et dire qu’elles sont « déclencheur », voir « catalyseur» ou « accélérateur » de violence. Les élections ont cette « capacité » d’accélérer ou déclencher des violences par le simple fait qu’elles représentent un concours dont les enjeux sont très importants. Qui gagne aux élections, en fait, gagne du pouvoir politique. Surtout dans les systèmes où c’est reconnu que le pouvoir tend à être rapidement monopolisé ou tend à être exercé pour des intérêts personnels ou de la minorité, alors les élections peuvent facilement devenir théâtre de violence.

Causes profondes et formes de violence électorale

Comme on le vient de dire, les élections ne sont pas la cause de la violence électorale. Généralement, ce sont les conditions dans lesquelles se déroulent les élections —ici je fais notamment référence aux règles du jeu électoral— ou la relation entre les parties opposantes dans la course aux élections à en être la cause. Des autres fois, c’est le contexte politique, économique et social dans lequel elles se déroulent à en être la raison. Les causes de la violence électorale peuvent être soit immédiates, en relation directe aux modalités d’organisation et déroulement des élections ou à ses résultats, soit sous-jacentes. Dans cette section du mémoire on va expliquer de manière plus détaillé les causes et formes de la violence électorale.
Le premier pas dans l’analyse des causes et formes de la violence électorale est se focaliser sur la nature des élections qu’on est en train d’observer. Il faut avant tout se demander : est-ce que les élections qu’on est en train d’analyser sont des élections libres, équitables, transparentes ? Ou, est-ce que plutôt elles sont des opérations de façade pour ajouter le terme démocratique à côté de celui de république ? En effet, la violence électorale se produit surtout quand les élections ne se sont pas tenues de façon crédible ou bien quand plusieurs éléments font qu’elles sont perçues comme pas crédibles par le reste de la population (par l’électorat, par les partis à l’opposition et par les autres partis prenants part aux élections). En effet, quand la personnalité ou parti politique qui remporte les scrutins ne corresponde pas au choix de la majorité des citoyens les résultats électoraux risquent d’être contestés, même avec le recours à la violence. En plus, quand les élections sont contestées car considérées d’être pas crédibles, généralement ce n’est pas juste une question de conflit entre gagnant/perdant. La contestation consiste plutôt dans l’accusation de la part de la majorité des électeurs et des médias aux autorités d’avoir truqué les résultats afin de maintenir les forces déjà au pouvoir au bien pour faire si que le candidat le plus fort économiquement, politiquement, voir militairement gagne face au plus « aimé ». « Les modalités de conception, de gestion et de mise en œuvre du processus électoral et de son administration ont une incidence forte sur la violence électorale. Des élections considérées comme libres, équitables et transparents sont moins susceptibles de générer de la violence que celles qui sont marquées par des allégations de mauvaise gestion ou de fraude délibérée.» . La fraude est considérée par plusieurs auteurs comme un « comportement électoral mauvais » et comme une des causes principales de la violence électorale. Dans son article « La scénographie de la déviance dans les scrutins politiques. La violence comme phénomène d’ici et d’ailleurs », le professeur Joseph-Marie Zambo Belinga inclue la fraude dans la catégorie de « comportement électoral mauvais » avec des autres pratiques tels que les manipulations des résultats des scrutins, les pressions multiples sur les électeurs, la corruption et la canalisation de la souveraineté du peuple . Ces comportements, nous explique Belinga, ce sont produit lors des élections présidentielles de 1992 et lors des législatives et des présidentielles de 1997 au Cameroun, c’est-à-dire suite à l’avènement du pluralisme politique en 1990 . Aussi, selon l’auteur, les élections de 1992 et de 1997 au Cameroun se sont caractérisée par une absence de liberté de choix de l’électeur et le fait que ce dernier ait été « condamné à reproduire des choix électoraux imposées par son groupe d’appartenance » . Ici, quand Belinga parle de « obligation à reproduire des choix électorale » il fait référence à la violence coercitive plus qu’à la violence symbolique. Tous ces éléments, fraude, corruption, manipulation, etc., sont généralement u+ne cause de violence électorale ou peuvent en être un risque.
D’autres fois, par contre, la violence électorale se produit à cause des rivalités entre partis ou groupes politiques opposants, ou même entre électeurs soutenants un ou autre groupe politique. Dans cette situation le conflit qui éclate en des actes de violence ne dépende pas du niveau de transparence et crédibilité des élections. Le conflit entre groupes opposants aux élections dépend principalement des enjeux électoraux. C’est notamment le système électoral et politique d’un pays à définir les règles du jeu électoral et, par conséquent, les enjeux. Le système électoral est donc un autre facteur à tenir en considération si on veut analyser la relation entre élections et conflit, en sachant que ceci n’est pas une cause de la violence électorale mais plutôt une de ces conditions. C’est-à-dire que le système électoral en place dans un pays peut établir des conditions sous lesquelles se déroulent les élections qui risquent d’attiser des tensions car elles ne bénéficient pas les électeurs ou les forces politiques de la même manière. En fait, le système électoral détermine les modalités d’organisation et de déroulement des élections, ainsi que combien et quels types des partis politiques peuvent participer aux élections ou quels partis et candidats peuvent être inclus dans des coalitions.
Pensons, par exemple, au cas des partis religieux en Egypte : c’est seulement avec l’amendement de 2011 à la Loi des Partis de 1977 que certains mouvements ou groupes politiques d’inspiration islamiste comme le Parti de la Liberté et la Justice (Ḥizb al-Ḥurriya wa al-‘Adāla) ou al-Nour ont été officiellement reconnus et acceptés par la loi comme partis politiques, à condition qu’ils étaient libres de toute formation militaire ou paramilitaire. Par conséquent, ils ont eu la possibilité de se présenter aux élections législatives de 2011-2012.
Aussi le parti al-Wasat, qui a été légalisé en février 2011 , et donc un mois avant la réforme de la loi des partis, a pu participer aux élections en tant que parti seulement dans la période 2011-2012 . Avant l’amendement de 2011 les candidats faisant partie de mouvements religieux pouvaient quand même participer aux élections mais ils devaient se présenter individuellement ou entrer dans des groupes de coalition. Or, le fait de « décider qui peut participer aux élections comme parti politique » peut être considérée comme une exclusion.
L’exclusion d’un ou plusieurs partis dans le jeu électoral, et dans des autres sphères de la vie politique du pays, peut être perçue comme une discrimination et peut donner lieu à des actes de violence ou simplement attiser des tensions qu’avec le temps peuvent éclater en conflits. Malgré on ait utilisé l’Egypte pour expliquer la discrimination à l’égard de groupes ou mouvements qui représentent une certaine idéologie, il faut bien souligner que ce n’est pas cette-ci la cause des violences qui ont eu lieu en Egypte lors des élections de 2005. Aussi, en Egypte ce n’est pas vraiment pour une raison « d’idéologie » que les mouvements religieux n’ont pas pu participer aux élections comme des partis légitimement reconnus jusqu’à 2011.
La raison est plutôt le fait qu’ils ont toujours représenté la première opposition ou pouvoir central, même avant que le multipartisme ait été adopté en Egypte en 1976 pendant les années de présidence d’Anouar el-Sadate.

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Table des matières

INTRODUCTION 
VIOLENCE ELECTORALE OU VIOLENCE LORS DES ELECTIONS ? 
I. Définition générale de la violence électorale
II. Causes profondes et formes de violence électorale
III. Le concept contradictoire de violence électorale
IV. La violence politique en démocratie
DES ELECTIONS TENDUES AU MOYEN-ORIENT 
I. Egypte : alternance de guerre et paix dans le scénario électoral du pays
II. Turquie : l’influence de la violence sur les choix des citoyens
III. Liban : des élections à risque ?
IV. Le rôle des observateurs électoraux pour des élections transparentes et sécurisées
CONCLUSION
TABLE DE MATIÈRES 
BIBLIOGRAPHIE

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