Ego et alter ego

EGO ET ALTER EGO

Dans son analyse de la conscience, Husserl à travers la phénoménologie s’engage dans une perspective qui fait voler en éclats la vision de l’initiateur, pour ne pas nommer Descartes. Ce dernier avait en quelque sorte exclu la conscience du monde, en l’enfermant dans une insularité digne d’une forteresse. Elle n’a de ce fait aucun contact avec le monde externe, et se livre par conséquent à une activité purement introspective. L’interconnexion et, plus précisément, l’altérité semblent être soustraites dans une pareille dynamique. Ce qui ne sera pas pour faciliter la tâche à Husserl, notamment dans ses préoccupations historicoexistentielles, qui avait pour ambition de répondre adéquatement à l’interpellation de la crise de l’humanité de son temps. Aussi est-il amené à développer sa théorie de la connaissance suivant l’idée selon laquelle toute conscience est conscience de quelque chose, ouvrant par là une brèche à l’interaction comme moteur même de l’existence. Sous ce rapport, la démarche phénoménologique aboutit à l’irréductibilité de la coexistence entre consciences respectives à travers l’opération de la constitution grâce à laquelle les existences s’appréhendent les unes les autres. Au cœur de cette cohabitation à tendance harmonieuse, l’ego et l’alter ego se découvrent, par le biais de leur échange évidemment, une richesse jamais soupçonnée. Toute la quintessence de l’existence humaine est donc dans l’échange. Toutefois, comment toute cette procédure s’opère t-elle.

Ego et constitution

Avec l’affirmation selon laquelle toute conscience est conscience de quelque chose, Husserl opère une rupture décisive. Il se défait de toute forme de solipsisme en situant d’emblée le moi dans le monde. Il dépose, du coup, sa casquette cartésianiste, laquelle ne lui a pas permise de trouver réponse à la question de savoir « comment sortir de l’île de ma conscience (…)  », par le seul fait que Descartes a établit une opposition entre la conscience et l’être. Ce qui aura valu au cartésianisme toutes les difficultés de retrouver le monde qu’il avait auparavant nié, après avoir posé la conscience comme une substance se suffisant à ellemême et se pensant elle-même. Aussi la conscience est-elle enfermée dans une insularité qui lui interdit toute possibilité de commerce. Par contre, la démarche qu’adopte Husserl est tout autre. Levinas nous en donne la preuve avec cette formule : « l’intérêt de la conception husserlienne consiste à avoir mis au coeur même de l’être de la conscience, le contact avec le monde  ».

La confusion entre l’être et la conscience projette directement cette dernière dans l’ambiance mondaine. A cet effet, elle n’est plus une entité fermée sur elle-même, mais se définit par cette extirpation de soi-même. Cette attitude extravertie fait de la conscience une réalité conquérante se refusant toute auto-satisfaction, ainsi que toute tentative d’embrigadement. L’analyse que Sartre a faite sur la question prend la forme d’une résolution. Dans Situation I, ce dernier soutient que « la conscience n’a pas de « dedans », elle n’est rien que le dehors d’elle-même et c’est cette fuite absolue, ce refus d’être substance, qui la constitue comme une substance  ». Cette conception, à la limite tranchante, traduit de façon géniale l’essence même de la conscience. Il est de sa nature de se projeter hors d’elle-même en vue de rencontrer l’existence autre. Rester en soi-même lui est, en effet, insupportable, voire impossible. D’où donc son éternelle posture d’être tournée vers le dehors.

Dans son mouvement de projection, l’ego s’inscrit dans une dynamique de réponse. Décrit comme une non-substance, sa réalisation n’est effective que dans la quête de son autre qui viendrait en quelque sorte combler ce vide intrinsèque. L’affaire se présente ainsi en termes de manque. Ce qui laisse augurer que la réponse à un tel manque passe par la rencontre des autres réalités de l’espace mondain. La réflexion de Ponty à ce propos est on ne peut plus révélatrice. « Le mouvement vers les choses, souligne-t-il, nous est essentiel et la conscience cherche en elles comme une stabilité qui lui manque  ». Cette posture encline à aller à la quête de l’autre trahit nettement une nature d’être de désirs, de besoins. Ce qui, du reste, range aux oubliettes toute conception substantialiste. Sartre va même plus loin en définissant l’autre comme ce qui manque à la conscience. Pour lui : « le cogito est indissolublement lié à l’être-en-soi, non comme une pensée à son objet (…) mais comme un manque à ce qui définit son manque ». Le pour soi est pour ainsi dire ouverture à l’en soi. Il ne saurait, par ailleurs, en être autrement, si nous savons que c’est l’unique condition à même de mettre un terme à cette situation de manque. La vision élargie de Husserl avec l’ajout d’un « élément nouveau » transcende, comme cela a été dit plus haut, toute perspective subjectiviste. Certes le monde est toujours déjà là, mais la nouvelle constante reste qu’il n’est plus la chasse gardée d’un moi unique. A travers cette solitude brisée, transparaît d’autres existences subjectives qui portent le même regard sur ce monde commun. La prise en compte de cette nouvelle donne devient désormais inévitable. Ainsi que le souligne Ricoeur : « Husserl (…) ramène le « je pense » à un solipsisme tel qu’il faudra tout un réseau intersubjectif pour porter le monde et non plus un simple « je pense » ». En ayant dépassé le moi qui se pense soi-même à la manière cartésienne, Husserl aboutit dans ses analyses à une logique interactive. L’interaction traduisant surtout, dans ce cas précis, le commerce entre sujets. L’existence de l’autre ne souffrant plus ainsi d’aucun doute, toute tentative de la nier serait par conséquent vaine et non avenue. A la limite, ce serait même un contresens que de supposer l’idée d’une conscience singulière dans le cadre existentiel. Aussi est-il même avéré que « si je fait abstraction des autres, au sens habituel du terme, je reste « seul ». Mais une telle abstraction n’est pas radicale, cette solitude ne change rien au sens existentiel de l’existence dans le monde, possibilité d’être l’objet de l’expérience de chacun  ». Il s’ensuit par là que l’existence est par définition plurielle. Parler d’existence, c’est d’abord et avant tout faire état de l’autre que soi. Poussant l’analyse à son extrême, Ponty fait la révélation suivante : « autrui et mon corps naissent ensemble de l’extase originelle ». Ce phénoménologue n’a donc pas failli à cette vision dialectique. L’interconnexion est le moteur qui meut toute chose, y compris l’existence moi-autrui. A la suite d’un tel constat, la question s’éclaircie davantage et semble même aller de soi.

Les analyses précédentes tendent de façon précise à l’établissement de la communauté. A partir de là, s’annonce l’entrée en jeu du Nous communautaire que vont constituer l’ego et l’alter ego. Pour rappel, le monde est dorénavant un espace commun. L’investigation et l’appréhension de ce même monde deviennent, dés lors, une affaire en partage. Husserl ne nous dément pas lorsqu’il soutient que « l’expérience du monde en tant qu’expérience constituante ne veut pas dire simplement mon expérience tout à fait privée, mais l’expérience de la communauté (…)  ». Il n’est plus alors question de penser l’avenir sans la dynamique collective qui prend effet avec la prise en compte d’autrui. Là se déclinent les ambitions de la constitution.

Dans sa démarche inclusive, Husserl s’estimait donc ne pas devoir passer sous silence certaines questions, notamment celle relative à l’autre que soi. Sur ce, il prend appui naturellement sur la définition du monde comme patrimoine commun pour donner consistance à l’histoire de la constitution. En témoigne l’interconnexion régnante au cœur même de cette dernière. L’auteur de la phénoménologie dit à ce niveau : « il est dans l’essence de cette constitution (…) que ceux qui sont « autres » pour moi ne restent pas isolés, mais que, bien au contraire, se constitue (dans la sphère qui m’appartient, bien entendu) une communauté de moi existant les uns avec et pour les autres, et qui m’englobe moi-même ».

Autrui : le proche, le lointain ou le nécessaire vivre ensemble

La dynamique intersubjective multiplie les angles d’approches quant à l’appréhension d’autrui. A travers sa saisie, autrui manifeste toute sa richesse en termes de signification pour le moi. En ce sens, rien que son expression renvoie à une dialectique sémantique. Ainsi, il se présente d’abord comme celui avec qui nous gardons une certaine proximité, ensuite comme celui avec qui nous sommes éloignés et enfin comme celui avec qui nous sommes co-présents de façon irréversible. Ces trois moments constituent les différentes phases de notre rapport à autrui. Thierry Leterre note bien ce processus lorsqu’il affirme que « il faut du même ou encore de l’unité pour saisir l’autre et, sans cette forme première d’unité, l’altérité ne peut advenir autrement que comme une absurdité ». La distinction moi-autrui passe d’abord ainsi par une identification avant de se transformer après en une sorte de synthèse accouplante.

La réception d’autrui en tant qu’organisme comme le mien traduit une forte tendance assimilatrice. Ce qui le situe dans la même station que le moi propre à travers qui il se reconnaît. Ils sont donc dans une logique de coïncidence qui fait qu’ils se comprennent mutuellement grâce l’image qu’ils se renvoient. Husserl n’indique t-il pas aussi que « « l’autre » renvoie, de par son sens constitutif, à moi-même, «l’autre» est un reflet de moi-même (…) ». Autrui n’est donc, ni plus ni moins, qu’un miroir par lequel je me vois. Par conséquent, ma relation avec lui est facilitée par l’assurance qu’il me donne de mon existence, en m’offrant l’opportunité de me saisir grâce au reflet qu’il me renvoie de moimême. Partant de là, l’identification finit par lier l’un à l’autre, de sorte en à faire la même réalité. Leur égalité ne fait donc plus l’objet d’un doute.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : EGO ET ALTER EGO
Chapitre 1 : l’ego et la constitution
Chapitre 2 : Autrui : le proche, le lointain ou le nécessaire vivre ensemble
DEUXIEME PARTIE : MUTATIONS ACTUELLES ET PROSPECTIVE
Chapitre 1 : Le cas de la mondialisation
Chapitre 2 : Une vision autre
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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