Quelques cas existants
Le phénomène d’effondrement connote une chute soudaine des propriétés mécaniques qui se traduit généralement par l’apparition de déformations importantes et irréversibles dues à un réarrangement brutal des particules. Les facteurs qui conduisent à l’effondrement d’un sol sont multiples. En géotechnique, deux types d’effondrement sont observés : effondrement par liquéfaction et effondrement par imbibition. Quel que soit le type d’effondrement, un sol effondrable est toujours assez lâche pour pouvoir se densifier au cours de l’effondrement. La liquéfaction statique ou dynamique intervient lorsque les surpressions interstitielles de l’eau au sein du sol ne se dissipent pas suffisamment rapidement lors de son cisaillement. Cette instabilité touche surtout les sols saturés et se traduit par des phénomènes rapides tels que des glissements de terrain. Ce type d’effondrement n’est toutefois pas traité dans cette thèse. C’est au contraire l’effondrement par imibibition qui nous intéresse, dans lequel une venue d’eau déclenche un phénomène d’effondrement et constitue un problème géotechnique « non-saturé », c’est-à-dire relatif aux sols non-saturés.
Dans cette thèse, le terme « effondrement » est réservé exclusivement au phénomène d’effondrement par imbibition. Notons que le phénomène d’effondrement par séchage existe mais n’est jamais traité en géotechnique, car n’inquiète que les bâtisseurs de châteaux de sable.
Contrairement aux sols compactés ou remaniés, la plupart des sols naturellement effondrables sont des sols relativement secs et se situent donc en zone aride et semi-aride. Chaque continent est donc susceptible de posséder des zones à risques à partir de ce critère. L’eau à l’origine de l’effondrement par imbibition provient le plus souvent de chutes d’eau de pluie mais peut aussi être amenée par l’homme volontairement (barrages, canaux) ou involontairement (fuites d’eau provenant de canalisations, inondations … (Goldschtein 1969)). Cet apport d’eau entraîne, suivant les cas, des problèmes de tassements de sols sous différents types d’ouvrages. Les exemples d’instabilités sont nombreux dans la bibliographie, et nous choisissons d’en présenter quelques-uns.
Nous pouvons par exemple citer la ligne LGV Nord en France qui, sur son tracé rencontrait des loess (Delage et al. 2005), des sols sensibles à l’apport d’eau faisant apparaître des cavités après décapage de la terre végétale et fortes précipitations . Un autre exemple d’effondrement d’un sol intact, c’est-à-dire non remanié par l’homme, est le phénomène de subsidence à grande échelle observé dans les années 50 au cours de la construction du canal de la vallée de San Joaquin, en Californie (Poland et al. 1975). Les changements de conditions hydriques dans le sol initialement sec par l’ensemble du réseau (canal, pipelines, irrigation par l’agriculture) ont engendré d’importants tassements. Le sol sensible était une argile du Pléistocène déposée dans un bassin sédimentaire (Prokopovich 1986). Pour stabiliser le sol, le compactage mécanique s’est révélé moins efficace que l’inondation du sous-sol par la mise en place de bassins. A certains endroits, les tassements mesurés atteignaient 9 mètres de hauteur.
Bien que les exemples concernent généralement des sols fins, le sable est aussi sujet au problème d’effondrement sous imbibition. Au Koweït, un niveau trop faible de compactage d’un sable calcaire a entraîné des dommages aux infrastructures routières et aux bâtiments alentours (Ismael et al. 1987) et a engendré des coûts importants de remise en conformité.
Le compactage insuffisant de matériaux remaniés est un problème récurrent pour l’ingénieur. Penman (1980) a montré l’exemple du barrage en terre de Marte R. Gomez au Mexique qui a connu jusqu’à 1 mètre de tassement et présentait d’importantes fractures. Une humidification du barrage au moment de la construction a été réalisée pour minimiser les tassements, mais sans réel succès. Ce même défaut de compactage a été observé dans un remblai d’accès d’un pont (Delage 1989). Le compactage du schiste résiduel n’était pas suffisant (été sec et énergie de compaction sans doute trop faible) et des tassements jusqu’à 25 cm sont apparus. Des pluies importantes et une montée de la nappe phréatique étaient les éléments déclencheurs, comme l’ont montré les essais en laboratoire et les données pluviométriques. Booth (1977) a observé le même phénomène pour un remblai d’Afrique du Sud. D’un point de vue pratique, l’étude a montré que la teneur en eau de compactage ne doit pas être inférieure à l’optimum Proctor (teneur en eau garantissant la plus grande densité pour une énergie de compaction donnée), et que cette teneur doit être maintenue tout au long de la construction où le chargement mécanique augmente. Une teneur en eau faible au moment du compactage augmente le potentiel d’effondrement. Cependant trop d’eau complique le travail sur chantier, et un compromis doit donc être trouvé.
Le dernier exemple que nous souhaitons aborder est un cas d’effondrement par séchage. Relativement rare mais meurtrier, ce phénomène s’observe sur les plages où des structures en sable (tunnels, trous) s’effondrent brutalement, piégeant parfois des victimes (Maron et al. 2007). L’évaporation de l’eau initialement présente est à l’origine de la perte de stabilité. Sur ces accidents, les secours ont beaucoup de mal à repérer et dégager ces victimes piégées dans un milieu au comportement complexe.
Ces exemples montrent la variabilité des niveaux d’effondrement et la diversité des sols susceptibles de s’effondrer, appuyant donc l’importance d’une bonne reconnaissance des sols afin de diagnostiquer la présence ou non de sols effondrables.
Reconnaissance des sols effondrables et critères d’identification
L’ingénieur doit être capable de reconnaître les sols effondrables, dans le but de prescrire les essais de sols adaptés et de pouvoir décider des solutions à mettre en œuvre. Une reconnaissance préalable du sol est donc une étape importante car elle conditionne le type d’études plus précises à réaliser au moment de la conception détaillée de l’ouvrage.
Pour ce faire, Clemence et Finbarr (1981) ont proposé une méthode simple qui consiste à prendre deux morceaux de sol de même taille. Un morceau est gardé intact tandis que l’autre est désagrégé, humidifié et modelé à la main. Si le volume du morceau intact est plus grand que celui du morceau reconstitué, alors le sol est potentiellement effondrable d’après Clemence et Finbarr (1981). La connaissance de la stratigraphie du sol est une information sûrement plus précieuse, généralement obtenue à partir des connaissances générales du terrain ou d’essais localisés en place (pénétromètres, pressiomètre Ménard parmi d’autres). Des faibles résistances révèlent une faible portance et un possible comportement effondrable (Rust et al. 2005, Abbeche et al. 2010).
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Motivations
1.2 Objectifs
1.3 Organisation du manuscrit
2 Effondrement des sols non saturés : un problème géotechnique « non saturé »
2.1 Quelques cas existants
2.2 Reconnaissance des sols effondrables et critères d’identification
2.3 Paramètres importants et mécanismes d’effondrement
2.3.1 Nature géologique du sol
2.3.2 Granulométrie
2.3.3 Nature des agents de liaison
2.3.4 Niveau de contrainte
2.3.5 Degré de saturation
2.3.6 Densité et microstructure initiales
2.4 Méthodes de traitement
2.5 Conclusions
3 Comportement des sols non saturés
3.1 L’eau dans les sols
3.1.1 Méthodes de mesure et de contrôle de la succion
3.1.2 Propriétés de rétention d’eau
3.1.3 Film d’eau
3.2 Observations expérimentales
3.2.1 Essai œdométrique
3.2.2 Essai triaxial
3.2.3 Un effondrement contrôlable ?
3.3 Modélisation mécanique à l’échelle macroscopique
3.3.1 Contrainte effective dans les sols saturés
3.3.2 Contrainte effective dans les sols non-saturés
3.3.3 Modèle de Barcelone
3.4 Modélisation mécanique à l’échelle du grain : pont capillaire
3.4.1 Tension de surface et pression capillaire
3.4.2 Effort capillaire
3.5 Passage de l’échelle du grain à l’échelle macroscopique
3.5.1 Méthodes analytiques ou numériques par homogénéisation
3.5.2 Méthode des éléments discrets
3.6 Conclusions
4 Observation macroscopique de l’effondrement
4.1 Effondrement des sables
4.1.1 Constat et stratégie
4.1.2 Sable d’Hostun
4.2 Essai préliminaire de foisonnement
4.2.1 Démarche adoptée
4.2.1.1 Méthodes de remplissage
4.2.1.2 Incertitudes de mesure
4.2.2 Résultats
4.2.2.1 Foisonnement proprement dit
4.2.2.2 Microstructure
5 Conclusion
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