Efficience informationnelle, sous-réaction à l’information et effet de disposition

L’hypothèse d’efficience informationnelle constitue la pierre angulaire de la finance moderne. Elle prévoit que les cours boursiers reflètent les informations fondamentales des firmes cotées et stipule que le prix d’un titre présente à tout moment une bonne estimation de sa valeur fondamentale (Fama, 1965). L’utilisation de l’information pertinente par des investisseurs rationnels est de nature à créer cette égalité entre la vraie valeur du titre et son prix sur le marché. Si l’offre et la demande ne sont influencées que par les informations pertinentes, alors le cours boursier reflète effectivement la valeur fondamentale du titre. En revanche, en présence d’investisseurs non parfaitement rationnels, leurs erreurs seraient corrigées par le mécanisme d’arbitrage qui assurera la convergence des prix vers la valeur fondamentale. Pour les actions par exemple, la valeur fondamentale est égale à la valeur actualisée des dividendes futurs. Bien entendu, le flux des dividendes est inconnu et il convient aux investisseurs de l’anticiper en fonction des informations dont ils disposent. Ainsi, pour déterminer la valeur fondamentale d’une action, l’investisseur est supposé utiliser l’information disponible de manière optimale, c’est à dire anticiper rationnellement les dividendes futurs.

Dans la réalité des marchés financiers, bon nombre de situations restent inexpliquées par l’hypothèse d’efficience informationnelle. Le 17 septembre 1998, le cours d’Alcatel, entreprise française de fabrication des équipements de télécommunications, s’effondrait de 38,4%. Serge Tchuruk, alors PDG d’Alcatel annonçait tardivement, ce jour-là, un « Profit Warning » indiquant que les bénéfices étaient moins importants que ce qui avait été prévu par les analystes. Le 23 septembre, soit six jours après l’annonce du « Profit Warning », l’action avait déjà perdu 55% de sa valeur. Carroz et Texier (1999) suggèrent que cette énorme chute du cours d’Alcatel ne peut être expliquée par une évolution fondamentale et brutale de l’entreprise. Selon les auteurs, cette réaction exagérée à l’annonce est due au comportement mimétique de certains investisseurs.

Définition de l’efficience et détection d’anomalies 

La première définition de l’efficience informationnelle a été proposée par Fama (1965). Il stipule qu’un marché est efficient si l’ensemble des informations disponibles, concernant un actif financier coté sur ce marché, est immédiatement intégré dans les prix. La formalisation de la notion d’efficience est fondée sur des hypothèses relatives à la rationalité des investisseurs, la gratuité et la disponibilité de l’information, la liquidité totale des titres et l’absence des coûts de transaction. Cette première définition de l’efficience informationnelle est toutefois littéraire. Ce n’est que par la suite que Fama (1970, 1976) a modélisé le lien entre la notion d’information, la valeur fondamentale et le prix de marché. En distinguant différentes catégories d’informations, Fama (1970, 1991) a défini trois formes d’efficience à savoir faible, semi-forte et forte. Dans la forme faible d’efficience, l’ensemble de l’information disponible comprend uniquement l’historique de la série des prix. La forme semi-forte renvoie à un ensemble d’information comprenant toute l’information publique (annonces de bénéfices, annonces de dividendes, etc.). La dernière forme d’efficience, la forme forte, est la plus restrictive puisque l’ensemble informationnel comprend, en plus de l’information publique, toute l’information privée.

Dès les années 1960, l’hypothèse d’efficience informationnelle a été confortée sur ses trois formes (Fama, 1965, 1970 ; Fama et al., 1969 ; Kerr, 1980). Toutefois, plusieurs situations non conformes aux prédictions de cette hypothèse et qualifiées d’anomalies ont été décelées (par exemple l’effet Taille, l’effet Book To Market, les sous- et sur-réactions à l’information, etc.). Berk (1995) définit le concept d’anomalie comme étant une observation empirique qui ne peut être expliquée par une théorie existante. La découverte des anomalies sur les marchés financiers a entrainé l’extension des modèles fondamentaux, notamment le Modèle d’Evaluation Des Actifs Financiers (MEDAF), afin de mieux expliquer la dynamique de la formation des prix.

Chordia et al. (2009) suggèrent que la sous-réaction à l’information constitue une anomalie robuste et mérite d’être étudiée. Michaely et al. (1995), Ikenberry et Ramnath (2002) et Truong (2011) soulèvent l’existence de rendements anormaux sur des fenêtres d’observations comprenant plusieurs mois et concluent à la sous-réaction des investisseurs au moment de l’évènement. En effet, les prix ne s’ajustent pas complètement à l’information fondamentale au moment de l’annonce (sous réaction). Cette erreur d’évaluation est suivie par une correction des prix pendant les périodes ultérieures (tendance après l’événement).

En déployant une série d’explications rationnelles, une partie de la littérature s’est attachée à analyser les rendements anormaux suite aux annonces. On trouve, d’une part, les problèmes de microstructure à savoir l’illiquidité des titres (Bossaert et Plott, 2000 ; Chordia et al., 2009) et l’impact des coûts de transaction sur la fluidité des échanges (Lesmond et al., 2004 ; Ng et al., 2008 ; Chordia et al., 2009), et d’autre part, les problèmes méthodologiques avancés principalement par Fama (1998). Selon cet auteur, les rendements anormaux sont dus à des faiblesses méthodologiques et à des problèmes économétriques. Le changement de méthode de calcul implique parfois des résultats différents.

Emergence de la finance comportementale

Les anomalies détectées associées aux découvertes des psychologues a initié un nouveau courant de pensée : la finance comportementale. Il est défini comme étant l’étude de l’influence de la psychologie sur le comportement de l’investisseur et l’effet subséquent sur le marché. Ce nouveau paradigme postule que les investisseurs ne sont pas tous rationnels et recommande la prise en considération du comportement humain. Les études psychologiques ont montré que les individus sont sujets à des biais cognitifs qui peuvent influer leurs décisions (Tversky et Kahneman, 1973, 1974). Ces biais cognitifs se définissent comme étant la capacité limitée des individus à prendre en compte et à traiter toutes les informations disponibles (Drozda-Senkowska, 1995). Ils impliquent des erreurs de jugements systématiques qui s’écartent des normes de traitement rationnel de l’information.

La finance comportementale se base sur la rationalité limitée des investisseurs et les limites à l’arbitrage (Ritter, 2003). Elle a obtenu sa consécration avec l’attribution du prix Nobel d’économie, en 2002, à Daniel Kahneman, pour ses travaux fondateurs sur la théorie des perspectives (« Prospect Theory »), développée conjointement avec Amos Tversky. La théorie des perspectives (Kahneman et Tversky, 1979 ; Tversky et Kahneman, 1992) constitue un substitut à la théorie de l’utilité espérée. Elle prévoit que les décisions des individus sont prises sur la base des gains et pertes à l’égard d’un point de référence, et non sur la base des richesses finales.

La finance comportementale propose des explications à la sous-réaction à l’information en se basant sur les biais cognitifs et l’hétérogénéité des investisseurs. Barberis et al. (1998) expliquent la sous-réaction à l’information par le biais d’ancrage. Celui-ci est définit comme étant un processus mental par lequel les agents économiques s’accordent à leurs points de vue antérieurs ou à leurs prévisions au détriment des nouvelles informations (Edwards, 1968). Daniel et al. (1998) stipulent que le biais d’auto-attribution entraîne une sous-estimation de la qualité des informations publiques, surtout quand ces dernières sont en opposition avec le signal privé des investisseurs informés. Les études psychologiques antérieures définissent le biais d’auto-attribution comme étant la tendance des gens à attribuer les succès passés à leur capacité personnelle et les échecs à des facteurs externes (Miller et Ross, 1975 ; Fischhoff, 1982 ; Taylor et Brown, 1988). Alors que Barberis et al. (1998) et Daniel et al. (1998) partent des biais cognitifs pour expliquer la sous-réaction des investisseurs à l’information, Hong et Stein (1999) identifient deux groupes d’investisseurs en fonction de leur rationalité limitée. Le premier englobe les « newswatchers » qui sont les investisseurs informés et qui se basent sur l’information relative aux données fondamentales de la firme. Le second est composé par les « momentum traders » qui se réfèrent à l’évolution récente des cours et qui ont le caractère de suiveurs des investisseurs les plus informés. Bien que le premier groupe d’investisseurs a tendance à sous-réagir à l’information privée, le deuxième groupe, celui des « momentum traders » exploitant la sous réaction initiale, engendre une sur-réaction à l’information.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : DE L’HYPOTHESE D’EFFICIENCE INFORMATIONNELLE … A LA FINANCE COMPORTEMENTALE
CHAPITRE 1 : FONDEMENT THEORIQUE DE L’HYPOTHESE D’EFFICIENCE ET DETECTION D’ANOMALIES SUR LES MARCHES FINANCIERS
Section 1 : Fondement théorique de l’hypothèse d’efficience
Section 2 : La détection d’anomalies sur les marchés financiers
Section 3 : Explications rationnelles du phénomène de sous-réaction
CHAPITRE 2 : LA FINANCE COMPORTEMENTALE : UNE REPONSE AUX INSUFFISANCES DE L’HYPOTHESE D’EFFICIENCE
Section 1. Avènement et apports de la finance comportementale
Section 2. L’effet de disposition
Section 3. Impact de l’effet de disposition sur la formation des prix
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : ETUDE EXPERIMENTALE DE L’IMPACT DE L’EFFET DE DISPOSITION SUR LA FORMATION DES PRIX
CHAPITRE 3 : METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Section 1. Protocole expérimental
Section 2. Mesure des variables et méthodes d’analyse des données expérimentales
CHAPITRE 4 : LES RESULTATS DE LA RECHERCHE
Section 1. Etude de l’efficience informationnelle
Section 2. Etude descriptive de la sous-réaction à l’information
Section 3. Les déterminants de la sous-réaction à l’information
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES ANNEXES
ANNEXES

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