Le fonctionnement de tout organisme est sous-tendu par l’existence de plusieurs systèmes composés de forces agonistes et antagonistes en équilibre. Par exemple, lorsque l’on veut fléchir le coude, le biceps se contracte alors que le triceps se relâche, l’équilibre entre ces deux muscles antagonistes est déplacé de telle façon que le coude se fléchisse. A l’état basal, notre corps n’est jamais au repos mais est le siège de multiples activations (rejet ou destruction) et inhibitions (tolérance) qui en crée son équilibre. Lutter contre une infection crée par exemple, un déséquilibre entre nos capacités de rejet au détriment de nos capacités de tolérance, et ce de manière physiologique pour maintenir l’intégrité du corps attaqué par un agent étranger pathogène. Parfois le déséquilibre est spontané ou en tout cas intrinsèque, sans cause exogène apparente. De manière schématique c’est le cas du cancer lorsque les capacités de tolérance prennent le dessus sur les capacités de rejet. C’est le cas de ce qu’on appelle les maladies auto-immunes lorsque le phénomène de rejet surpasse celui de tolérance. Ce travail de thèse s’intéresse au traitement par anticorps monoclonal antiCD20 en particulier le Rituximab. Nous commencerons par définir le physiologique afin de comprendre le pathologique et la réflexion ayant conduit à l’élaboration de ce traitement immunosuppresseur. Nous aborderons ensuite quelques applications en pathologie clinique de ce traitement, avant de s’attarder aux enjeux de tolérance. Nous terminerons en réfléchissant à quelques alternatives de stratégies thérapeutiques visant à améliorer les problématiques soulevées avant de conclure ce travail.
Principe du système immunitaire
On appelle système immunitaire l’ensemble des processus visant à maintenir l’intégrité de l’organisme en question. Le système immunitaire fait intervenir de nombreux acteurs aux diverses fonctions et interagissant les uns avec les autres à plusieurs niveaux. On distingue deux types d’immunité (1) :
-L’immunité innée : rapide, non spécifique, médiée par les macrophages, les monocytes, les granulocytes, et les cellules lymphocytes natural killers (L NK).
-L’immunité acquise : lente, spécifique, centrée sur la distinction du soi et du non soi, adaptative, en lien avec la mémoire immunitaire, médiée par les lymphocytes B (LB) (immunité humorale), les lymphocytes T (LT) (immunité cellulaire).
Lymphopoïèse B
La lignée lymphoïde B comprend différents stades de maturation de cellules lymphoïdes B. A chaque stade est présent un élément appelé BCR « B-cell receptor», autrement dit le récepteur des cellules B, composé de deux chaines lourdes et de deux chaines légères soit de type M pour les lymphocytes naïfs, soit de type G, A ou E pour les lymphocytes dans les stades avancées de maturation, auquel s’associent les molécules CD79a et CD79b. Ce complexe BCR-CD79 est un élément fonctionnel majeur permettant la fixation de l’antigène au lymphocyte B. Associées à ce BCR, différentes molécules transmembranaires s’ajoutent dont la présence varie en fonction du stade de la lymphopoïèse (CD19, CD21, CD20…). Les premiers stades de la lymphopoièse se déroulent au sein de la moelle osseuse avec à partir des cellules souches :
– transformation en un premier géniteur lymphoïde B (BCP B-cell precusor),
– puis passage au stade B1 pro-B (CD19, CD22, CD79b),
– puis au stade B2 pré-B (apparition du CD20),
– puis au stade B3 B immature.
A ce stade un premier phénomène de sélection au sein de la moelle osseuse a lieu entrainant l’élimination des lymphocytes réagissant avec des antigènes du soi, c’est ce qu’on appelle la tolérance immune. Ce concept de tolérance immune est primordial dans le maintien de l’intégrité de l’organisme. Pour les lymphocytes restants, la maturation se poursuit avec l’adjonction d’une immunoglobuline (Ig) D à l’Ig M de surface, ce qui en fait des lymphocytes B matures naïfs (stade B4).
Ces derniers passent par la suite dans la circulation sanguine puis lymphatique et sondent l’organisme jusqu’à rencontrer l’antigène spécifique soit dans un organe lymphoide soit par le biais d’une cellule présentatrice d’antigène (macrophage). La rencontre de l’antigène entraine sa liaison avec l’Ig de surface du LB mature, par laquelle découlent des phénomènes d’endocytose ainsi que des modifications biochimiques permettant l’expression de fragments d’Antigène en surface de ces LB. Les LB ainsi activés présentent l’antigène via le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) aux LT, ce qui entraine la synthèse et la sécrétion de cytokines par les LT conduisant à la destruction de l’antigène. Parallèlement les LB ayant rencontré leur antigène poursuivent leur maturation au niveau des ganglions dans la zone folliculaire primaire puis secondaire. Ces phénomènes de maturation avancée aboutissent à la transformation de l’IgM en IgG ou A ou E, afin de sélectionner des clones de lymphocytes avec le plus d’affinité envers l’antigène rencontré, c’est ce qu’on appelle les lymphocytes B matures spécifiques. Il y a prolifération de ces lymphocytes B matures spécifiques avec par la suite deux voies possibles soit la transformation en plasmocytes producteurs d’anticorps spécifiques de l’antigène, soit la transformation en lymphocytes B mémoires circulants.
Lymphopoïèse T
La lymphopoïèse T prend source au niveau du thymus. Comme pour les LB, les LT présentent un dénominateur commun constitué du complexe TCR-CD3 (T-cell receptor) permettant la fixation des fragments d’antigène via le CMH, ainsi que la présence d’autres molécules transmembranaires présentes en fonction du type de LT et du stade de maturation.
A partir d’un progéniteur lymphoïde commun présent dans la moelle osseuse, un progéniteur lymphoide T CD34+ migre vers le thymus où les cellules vont subir plusieurs étapes de maturation comprenant notamment :
-une sélection positive : survie des LT réagissant avec les molécules du CMH 1 et 2 et apoptose des autres LT ;
-une sélection négative : survie des LT ayant une interaction faible avec des cellules dendritiques porteuses de complexe CMH1/peptide ou CMH2/peptide et apoptose des LT avec interaction forte (fortement réactifs avec les protéines du soi). Une fois ces étapes passées, les LT se partagent en LT CD4+ ou CD8+ naïfs puis passent dans la circulation sanguine. Les LT rencontrent leur antigène spécifique via les CMH. On distingue :
-le CMH 1 constitué d’une chaine a et d’une chaine béta2 microglobuline, présent sur toutes les cellules de l’organisme sauf les globules rouges. En cas de présentation d’antigène par le CMH 1, ce sont les LT CD8+ qui s’activent.
-le CMH 2 constitué d’une chaine a et d’une chaine b, présent notamment à la surface des macrophages, des lymphocytes B et des cellules dendritiques. Lorsque l’antigène est présenté via le CMH 2, l’interaction se fait avec les LT CD4+. Selon le lymphocyte activé, différentes réponses (ex. Th1 ou Th2) sont initiées avec en particulier sécrétion de cytokines pro ou anti-inflammatoires aboutissant in fine à la destruction de l’antigène par différents mécanismes d’action.
Molécule CD20
En 1980, après immunisation de souris par des cellules tumorales issues d’un lymphome de Burkitt, un anticorps anti-lymphocyte B a été mis en évidence, appelé anti-B1. Cet anticorps anti-B1 a permis d’identifier pour la première fois la molécule CD20, comme marqueur des lymphocytes B. (2,3) Il s’agit d’une molécule transmembranaire hydrophobe d’un poids moléculaire entre 33 et 37 kDa (4), présent dans la membrane des LB à différents stades notamment au stade pré-B, sur les lymphocytes immatures, les lymphocytes matures, les lymphocytes activés matures spécifiques, et lymphocytes mémoires. Cette molécule est cependant absente dans les formes très précoces des LB à savoir les cellules souches, les BCP, les pro-B ainsi que les plasmocytes (3,5). Elle est codée par le gène MS4A1 situé sur le chromosome 11 (6).
Il est à noter que la molécule CD20 serait également présente chez une souspopulation de LT CD3+CD20+ qui représenterait 3 à 5% des LT (7), bien que l’existence de cette population, son rôle pathogène, et l’effet thérapeutique des traitements anti-CD20 sur cette population soient méconnus et controversés. (3,6,8– 10). Il semblerait que ces LT CD20+ soit plus nombreux chez les patients ayant une sclérose en plaques par rapport à la population générale (9,10). Fonctionnellement, la molécule CD20 jouerait un rôle dans la signalisation calcique suite à la fixation du BCR avec l’antigène spécifique, mais sa fonction précise est mal comprise .
Cette introduction non exhaustive au système immunitaire souligne le fait que pour remplir sa fonction à savoir maintenir l’intégrité de l’organisme, le système immunitaire est un système basé sur des équilibres entre activation/destruction et inhibition/tolérance. Selon Stewart (11), le système immunitaire serait un système dit cognitif car son fonctionnement serait sous-tendu par des capacités de perception de l’environnement, d’adaptation de la réponse, d’apprentissage et de mémoire en lien avec l’identité du soi immunologique, c’est-à-dire en lien avec la distinction du soi et du non soi dans un souci de viabilité de l’organisme.
De façon très simplifiée, lorsque le phénomène de tolérance immune défini précédemment, est dysfonctionnel, c’est-à-dire, lorsque la distinction du soi et du non soi est défectueuse, certaines molécules endogènes sont attaquées par le système immunitaire de manière pathologique, c’est ce qu’on appelle les maladies autoimmunes comme la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé. De la même façon dans le cadre des cancers ou des hémopathies, il existe un défaut d’apoptose et d’élimination de certaines cellules par les voies classiques de ’immunité, de manière pathologique, entrainant une prolifération non contrôlée d’une population cellulaire à l’origine des symptômes de la maladie cancéreuse. Dans ces deux grands cas, le système immunitaire est dysfonctionnel, à un ou plusieurs niveaux, mettant en péril l’intégrité de l’organisme. Afin de contrecarrer cette auto-destruction, plusieurs traitements ont été développés, ciblant des acteurs de l’immunité, appelées immunosuppresseurs. Dans ce travail, nous nous intéresserons à une famille de traitements immunosuppresseurs, s’attaquant à la lignée des lymphocytes B via la molécule CD20, à savoir les anticorps monoclonaux anti-CD20, en particulier le Rituximab. Après un bref historique des anticorps monoclonaux anti-CD20, nous développerons ces mécanismes d’action, ces applications en pratique clinique, et ces enjeux sur la tolérance à courts, moyens et longs termes avant de conclure ce travail de thèse.
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Table des matières
Liste des abréviations
Introduction
Principe du système immunitaire
Introduction aux anticorps monoclonaux anti-CD20
I-Historique des anti-CD20
II-Mécanismes d’action des anti-CD20
III-Usages des anti-CD20 dans les pathologies non neurologiques
IV-Usages des anti-CD20 dans les pathologies neurologiques
V-Enjeu de l’utilisation des anti-CD20 : tolérance à courts, moyens et
longs termes
Problématique
Article version anglaise
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Figure
Table
Article version française
Résumé
Introduction
Méthodologie
Résultats
Discussion
Figure
Tableau
Discussion
Conclusion
Bibliographie
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