Efficacité et rémanence de la doramectine contre les parasites des bovins
Efficacité et rémanence de la doramectine contre les parasites des bovins
Efficacité de la doramectine
Dans la plupart des publications, l’efficacité thérapeutique est représentée par le pourcentage de réduction du nombres des parasites entre les animaux traités et les animaux témoins en utilisant la moyenne géométrique des comptages.
Efficacité contre les acariens responsables des gales
Trois espèces d’agents des gales infestent les bovins : Psoroptes ovis, Chorioptes bovis et Sarcoptes scabiei var. bovis. Le mode de vie et le mode de nutrition des agents des gales influent sur la quantité de médicament absorbé et donc sur l’efficacité des formulations utilisées.
Les études relatives à l’efficacité thérapeutique de la doramectine sont réalisées sur des bovins infestés, soit naturellement, soit expérimentalement. Mais dans les deux cas, l’évaluation de l’effet sur les parasites nécessite plusieurs prélèvements sur chaque animal. Cela permet de vérifier la présence d’acariens des gales, de déterminer la ou les espèces en cause et d’identifier, éventuellement, les différents stades de développement. De plus, il est fondamental de distinguer les individus morts de ceux encore vivants.
Les modalités de prélèvement ainsi que l’interprétation des résultats font l’objet d’un consensus de la part des différents auteurs. Au cours des études, seule une partie aliquote a été comptée et enregistrée lorsque les échantillons étaient très riches (la plupart des cas avant traitement). Dans le cas de prélèvements pauvres en psoroptes, tout le prélèvement a été examiné. Le nombre d’acariens ne peut être rapporté à la surface prélevée ou au poids total de l’échantillon car les lésions galeuses ne sont pas suffisamment homogènes. Il peut y avoir des croûtes plus ou moins épaisses, plus ou moins riches en acariens, etc. Les numérations ne font que donner une indication de la richesse en parasites des prélèvements et la présence des différents stades de développement montre la vitalité de l’infestation. Comme il est notoirement difficile de quantifier l’infestation d’un animal galeux, l’évaluation de la surface atteinte par des lésions actives (peau avec lésions exsudatives, suppurations, dépilations) et surtout la présence ou l’absence d’acariens dans les prélèvements cutanés ont donc été les critères retenus pour apprécier l’efficacité des traitements (Hendrickx et al., 1995).
L’évaluation de l’efficacité thérapeutique repose souvent uniquement sur la démonstration de l’absence d’agents des gales. Or, ceci peut présenter des inconvénients majeurs :
• les acariens tués peuvent être retrouvés plusieurs semaines après le traitement effectif, rendant l’interprétation des données parfois difficiles,
• la répétition des collectes de matériel infesté sur des animaux faiblement infestés peut induire une guérison spontanée,
• il existe une faible corrélation entre les comptages des acariens et l’évaluation clinique (Lonneux et al., 1997).
Psoroptes ovis
Les acariens de l’espèce Psoroptes ovis ne creusent pas de galeries mais vivent à la surface de la peau à la base des poils et dans les croûtes qu’ils engendrent. Ils se nourrissent de sérosités, de débris cutanés et même de sang en perçant l’épiderme avec leur rostre puissant.
Logan et al. (1993) et Clymer et al. (1997) ont évalué l’efficacité d’une injection sous-cutanée de doramectine à 200 µg/kg (J0) pour le traitement de l’infestation naturelle et expérimentale par Psoroptes ovis chez les bovins. Des raclages cutanés sont réalisés à J0, J7, J14, J21 et J28 en périphérie des lésions afin de dénombrer les adultes, les nymphes et les larves de P. ovis.
Les psoroptes sont retrouvés en nombre variable sur tous les animaux du groupe témoin traité avec une solution saline, démontrant ainsi la persistance de l’infestation durant toute la durée de l’étude. Au contraire, aucun psoropte n’a été retrouvé après J7 sur les animaux traités par la doramectine. L’efficacité thérapeutique de la doramectine injectable est donc de 100 % contre P. ovis.Hendrickx et al. (1995) et Losson et al. (1996b) ont évalué l’efficacité thérapeutique d’une injection sous-cutanée de doramectine à 200 µg/kg (J0) contre l’infestation naturelle par P. ovis chez des bovins de race blanc bleu belge. Des raclages cutanés sont réalisés à J0, J7, J14, J21 et J28 à la périphérie des lésions afin de dénombrer les adultes, les nymphes et les larves de P. ovis. Tous les animaux témoins sont restés porteurs de psoroptes vivants jusqu’à la fin de l’essai.
De J14 à J28, tous les animaux traités par la doramectine sont négatifs (100 % de guérison) et les différences entre les groupes traités et témoins sont hautement significatives (P < 0,01).
Hendrickx et al. (1997) ont montré que l’efficacité thérapeutique d’une application Pour-on de doramectine à 500 µg/kg (J0) est de 100 % contre l’infestation naturelle par P. ovis. De plus, la guérison des lésions et l’élimination quasi-totale des psoroptes intervient dès J14.
Chorioptes bovis
Chorioptes bovis est un agent de gale non invasif, libre à la surface de la peau. Il se nourrit de débris cutanés. Sa localisation très superficielle limite souvent l’efficacité des molécules administrées par voie parentérale.Rooney et al. (1999) ont étudié l’efficacité thérapeutique d’une application Pour-on de doramectine à 500 µg/kg (J0) pour le traitement de l’infestation naturelle et expérimentale par Chorioptes bovis chez les bovins. Des raclages cutanés sont réalisés sur les lésions de gale une fois par semaine de J0 à J35.La réduction du nombre de parasites est supérieure à 99 % de J14 à la fin de l’étude à J35. Aucun choriopte n’a été retrouvé après J7 sur les bovins traités par la doramectine pendant les études menées sur les animaux infestés naturellement.L’infestation expérimentale est réalisée 4 mois avant le traitement (J0) en déposant au moins 500 C. bovis par animal. Après J7, seuls quelques chorioptes sont retrouvés sur les animaux traités par la doramectine avec une différence hautement significative (P < 0,001) par rapport aux témoins.L’efficacité thérapeutique de la doramectine Pour-on est donc de 100 % contre C. bovis.Hendrickx et al. (1997) ont montré qu’une application Pour-on de doramectine à 500 µg/kg (J0) est efficace à 100 % contre l’infestation naturelle par C. bovis et que la guérison des lésions et l’élimination quasi-totale des chorioptes intervient dès J14.Losson et al. (1998) ont étudié l’efficacité thérapeutique d’une injection de doramectine à 200 µg/kg (J0) contre l’infestation naturelle à Chorioptes bovis chez des bovins de race blanc bleu belge. Des raclages cutanés sont réalisés tous les 7 jours de J0 à J35 afin de dénombrer les différents stades de développement de C. bovis.
De J14 à J35, les moyennes géométriques du nombre total de chorioptes vivants sont significativement différentes (P < 0,001) entre les animaux traités et les témoins. L’efficacité thérapeutique est supérieure à 99,5 % à J21 et atteint 99,9 % à J35.
Sarcoptes scabiei
Les femelles Sarcoptes scabiei var. bovis vivent sur la peau ou dans des refuges creusés dans les couches superficielles de la peau (stratum corneum). Elles se nourrissent de débris cutanés et de sérosités.Logan et al. (1993) ont évalué l’efficacité d’une injection sous-cutanée de doramectine à 200 µg/kg (J0) pour le traitement de l’infestation naturelle par Sarcoptes scabiei chez les bovins. Des raclages cutanés sont réalisés à J0, J7, J14, J21 et J28 sur les lésions afin de dénombrer les adultes, les nymphes et les larves de S. scabiei.
A J7, la diminution du nombre de parasites sur les animaux traités par la doramectine est significative (P < 0,05) par rapport aux témoins. Puis aucun parasite n’est retrouvé jusqu’à J28 sur les animaux traités.L’efficacité thérapeutique de la doramectine injectable est donc de 100 % contre S. scabiei.Hendrickx et al. (1997) et Rooney et al. (1999) ont étudié l’efficacité d’une application pour-on de doramectine à 500 µg/kg (J0) pour le traitement de l’infestation naturelle par Sarcoptes scabiei chez les bovins. Des raclages cutanés sont réalisés sur les lésions de gale une fois par semaine de J0 à J35.La réduction du nombre de parasites est de 99 % à J7 et atteint 100 % de J14 à la fin de l’étude à J35. L’efficacité thérapeutique de la doramectine pour-on est donc de 100 % contre S. scabiei.
Efficacité contre les tiques
L’activité des tiques est saisonnière avec généralement un pic au printemps et un pic à l’automne. Les infestations correspondent souvent aux pics d’activité. La climatologie est donc un facteur essentiel de l’infestation à tiques.Chez les bovins, il est possible de rencontrer de très nombreuses espèces de tiques. Les expérimantations sur les tiques sont plus limitées et se cantonnent à quelques espèces importantes chez les bovins.
Boophilus microplus
Boophilus microplus est une tique largement répandue dans l’hémisphère sud. Elle est notamment présente en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique.Cette espèce de tique suit un cycle monophasique. Les 3 stades successifs, et les 2 mues, s’observent sur le même hôte. Il y a donc suppression de 2 phases de vie libre. Par conséquent, le cycle est beaucoup plus rapide mais la période de séjour sur l’hôte est au contraire prolongée.De type monotrope, les larves, les nymphes et les adultes recherchent le même type d’hôte.Les pertes économiques engendrées par Boophilus microplus résultent de :
• la spoliation sanguine car une tique adulte peut prélever entre 0,5 et 2,0 ml de sang durant son cycle de développement,
• la transmission d’agents pathogènes tels que Babesia bovis, Babesia bigemina et Anaplasma spp.,
• l’altération des peaux et leur dépréciation pour l’industrie du cuir.
Gonzales et al. (1993) ont évalué l’efficacité d’une injection sous-cutanée de doramectine à 200 µg/kg (J0) pour le traitement et la prévention de l’infestation expérimentale à Boophilus microplus chez des génisses Hereford de 8 à 13 mois issues d’une région indemne de tiques.
Dans la première étude, chaque animal est infesté par 2500 larves de Boophilus microplus, 3 fois par semaine entre J-24 et J-1 avant le traitement, soit un total de 11 fois. Dès le début du traitement par la doramectine, les tiques meurent et commencent à se détacher des génisses traitées. L’efficacité de la doramectine, définie comme le pourcentage de réduction de tiques femelles gorgées, passe de 51 %, 24 heures après le traitement, à 96 % à J3. De J4 à J7, l’efficacité est d’au moins 99 % et atteint 100 % à J8. L’émission d’œufs décroît rapidement durant les 6 jours suivants le traitement. Après J6, aucune tique fertile n’est retrouvée et plus aucun œuf n’éclot. L’efficacité demeure totale jusqu’à la fin de l’étude à J21. La mort des tiques est possible mais non systématique car l’effet toxique est dose dépendant et la quantité de sang prélevée à chaque repas est variable.
Dans la seconde étude, chaque animal est infesté par 2500 larves de Boophilus microplus, 3 fois par semaine entre J1 et J17 après le traitement, soit un total de 9 fois. L’efficacité protectrice de la doramectine est d’au moins 99 % jusqu’à la fin de l’étude à J42.
La doramectine injectable est donc efficace tant pour le traitement que pour la prévention des infestations à Boophilus microplus chez les bovins pour une durée minimale de 42 jours.
Ixodes ricinus
En Europe, Ixodes ricinus est l’espèce la plus fréquemment isolée sur les bovins. Son cycle est triphasique : trois hôtes différents sont nécessaires pour accomplir un cycle complet. Les formes libres vivent surtout dans les bois (hêtres et chênes), les broussailles et les bords de prairies. De type télotrope, les larves et les nymphes (formes endophiles) se nourrissent sur tous les Vertébrés terrestres disponibles alors que les adultes (formes exophiles) se nourrissent sur les grands Mammifères. Actives surtout au printemps et à l’automne, la durée totale du cycle varie entre 2 et 4 ans soit en moyenne un stade par an.
Ixodes ricinus exerce un rôle pathogène (Bussieras et Chermette, 1991) :
• indirect comme vecteur de nombreux agents pathogènes et notamment de la babésiose bovine à Babesia divergens et de la maladie de Lyme à B. burgdorferi. La transmission transovarienne permet à une tique femelle adulte de transmettre ces deux agents pathogènes à sa descendance.
• direct avec l’inflammation consécutive à la pénétration du rostre dans la peau et de l’action spoliatrice, qui reste généralement limitée.
Gray et al. (1996) ont étudié l’effet d’une injection sous-cutanée de doramectine à 200 µg/kg (J0) contre l’infestation expérimentale par Ixodes ricinus chez les bovins. La doramectine exerce un effet dépressif marqué sur les capacités de reproduction d’I. ricinus. Le repas sanguin des femelles provoque la mort de certaines tiques gorgées, la diminution de la ponte chez les femelles et la diminution du nombre de métamorphoses chez les nymphes. La doramectine agit surtout sur la reproduction des tiques. Même si un effet existe, il reste très limité et insuffisant pour avoir une efficacité probante contre cette espèce de tique.
Efficacité contre les insectes
Les poux
Les poux sont des ectoparasites permanents très spécifiques d’espèce. La durée totale de leur cycle est d’environ 18 jours et les adultes vivent de 6 à 8 semaines. Leur mode de nutrition détermine deux sous-ordres :
• les Anoploures ou « poux piqueurs » sont hématophages. Linognathus vituli, Haematopinus eurysternus et Solenopotes capillatus sont fréquemment isolés sur les bovins.
• Les Mallopohages ou « poux broyeurs » ne sont pas hématophages. Ils se nourrissent de débris épidermiques comme Bovicola (anciennement dénommé Damalinia) bovis chez les bovins.
Ces quatre espèces sont à l’origine des phtirioses bovines caractérisées par du prurit, des dépilations irrégulières et du squamosis. Les animaux massivement infestés par des anoploures peuvent même manifester des signes d’anémie. Durant l’hiver, l’intensité des symptômes est généralement majorée.
De nombreux facteurs tels que l’alimentation, l’ensoleillement, la température, l’humidité, la promiscuité, la réaction cutanée de l’hôte, l’état du pelage, la longueur et la densité du pelage, l’entretien de l’animal ou la résistance de l’hôte influent sur les variations de population de poux chez les bovins (Ely et Harvey, 1969). Parmi ces facteurs, la promiscuité, la malnutrition, les températures froides et la longueur du pelage sont susceptibles de favoriser la pullulation des poux.
Les pertes économiques se traduisent essentiellement par une baisse de productivité.
Logan et al. (1993), Lloyd et al. (1996) et Phillips et al. (1996) ont étudié l’efficacité d’une injection sous-cutanée de doramectine à 200 µg/kg (J0) pour le traitement de l’infestation naturelle par Linognathus vituli, Haematopinus eurysternus, Solenopotes capillatus et Bovicola bovis chez les bovins.
Les trois espèces de poux piqueurs, L. vituli, H. eurysternus et S. capillatus, sont éliminées chez tous les animaux traités dans les 7 jours qui suivent le traitement. Aucun pou n’est réapparu pendant toute la durée de l’étude (28 jours). L’efficacité thérapeutique de la doramectine injectable est donc de 100 % contre les poux piqueurs.
A J28, la diminution de l’infestation à B. bovis varie entre 58 et 98 % avec une moyenne de 82 % par rapport au niveau d’infestation constaté avant le traitement. Même si l’efficacité contre le pou broyeur B. bovis est moindre que celle constatée contre les trois autres espèces, la doramectine permet néanmoins un contrôle significativement efficace (P < 0,005) de l’infestation. L’efficacité thérapeutique partielle de la doramectine injectable contre B. bovis est attribuable au mode de nutrition des poux broyeurs. En effet, les poux broyeurs se nourrissent de débris épithéliaux et sont donc soumis à des concentrations de doramectine plus faibles que les poux piqueurs qui se nourrissent de sang.
Gosselin et al. (1995) ont étudié l’efficacité d’une injection de doramectine à 200 µg/kg (J0) en traitement de rentrée à l’étable sur des broutards naturellement infestées par les poux piqueurs. L’examen des animaux a lieu tous les 28 jours jusqu’à J140.
A J28, tous les animaux du lot traité par la doramectine, qui étaient porteurs de poux, en sont débarrassés. Aucune réinfestation n’est apparue jusqu’à la fin de l’essai. Dans le lot témoin, l’infestation s’est maintenue durant toute la période d’essai, avec un nombre d’animaux infestés diminuant progressivement jusqu’à la fin. La différence du nombre d’animaux porteurs de poux entre les animaux traités et les témoins est statistiquement significative (P ≤ 0,05) de J28 à J112, puis non significative à J140.
Rooney et al. (1999) ont étudié l’efficacité d’une application Pour-on de doramectine à 500 µg/kg (J0) pour le traitement de l’infestation naturelle par Linognathus vituli, Haematopinus eurysternus, Solenopotes capillatus et Bovicola bovis chez les bovins. Le comptage des poux est réalisé une fois par semaine de J0 à J35.
L’efficacité thérapeutique de la doramectine Pour-on est de 100 %, à J14 contre S. capillatus,
à J21 contre L. vituli et H. eurysternus et à J28 contre B. bovis.
Hendrickx et al. (1997) ont montré qu’une application Pour-on de doramectine à 500 µg/kg est efficace à 100 % contre l’infestation naturelle par L. vituli, H. eurysternus, S. capillatus et B. bovis.
Larves d’hypodermes
Les larves d’hypodermes ou varons sont des parasites obligatoires. Deux espèces, Hypoderma bovis et Hypoderma lineatum, parasitent les bovins, leur hôte naturel. Les mouches adultes mesurent de 13 à 15 mm et pondent leurs œufs sur le pelage des bovins. A l’éclosion, une larve L1 sort de l’œuf et perfore le tégument grâce à la sécrétion de collagénases. Elle migre ensuite dans l’organisme selon un trajet spécifique à chaque espèce :
• Hypoderma bovis pond sur le tronc ou sur les membres, jamais sur la tête. Chaque œuf est pondu isolément sur un poil près de sa base. Les larves L1 migrent en suivant le tissu conjonctif lâche le long des filets nerveux puis séjournent quelques semaines dans le canal rachidien durant l’hiver.
• Hypoderma lineatum pond sur la partie inférieure des membres mais aussi sur tout le corps des bovins en décubitus. Les œufs sont pondus par série de 5 à 15 sur un même poil et sont alignés dans un même plan. Les larves L1 migrent en suivant le tissu conjonctif entre les plans musculaires puis se logent dans la sous-muqueuse œsophagienne durant l’hiver.
Mais quelle que soit l’espèce, les larves L1 migrent toujours dans le tissu conjonctif grâce à la présence d’enzymes très spécifiques telles que des collagénase, élastase, mucopolysaccharidase, enzyme fibrinolytique, dans leurs sécrétions salivaires. Ces enzymes ont un triple intérêt (Boulard et al., 1988) :
• D’une part, sécrétées régulièrement, elles empêchent l’enkystement de la larve et favorisent sa migration en détruisant toutes les structures tissulaires réactionnelles de l’hôte.
• D’autre part, ces enzymes, après avoir détruit les tissus, sont réabsorbées et s’accumulent dans le tube digestif aveugle en partie postérieure des L1 jusqu’au stade varon ; un bouchon cellulaire entre l’intestin moyen et l’intestin postérieur permet l’accumulation des tissus dégradés de l’hôte, mais également et surtout, le stockage des enzymes digestives et salivaires de la larve. C’est au cours de la première mue larvaire, lorsque s’achève la migration, et que le tube digestif se modifie et s’ouvre à ses deux extrémités, que cette masse enzymatique est rejetée et lyse le tissu sous-cutané et le derme. C’est grâce à cet orifice que les larves L2 et L3 respirent car elles sont aérobies et ne possèdent aucune de ces enzymes collagénolytiques.
• Ces enzymes jouent également un rôle primordial dans la survie des larves en migration exposées au système de défense de l’hôte. Elles ont un rôle anti-inflammatoire, immunodépresseur, mais certaines ont des propriétés antigéniques intéressantes qui ont été exploitées dans la mise au point d’immunogiagnostic.
Au printemps, les larves L1 continuent leur migration et viennent se loger dans le tissu conjonctif sous-cutané dorso-lombaire où se déroulent les mues L1-L2 et L2-L3. La présence de varrons sous-cutanés provoque la formation de nodules observables à partir de février ou mars. Des enzymes protéolytiques perforent le tégument lors de la mue L1-L2, les L2 et L3 sont aérobies, puis les larves L3 sortent par les orifices cutanés. Elles tombent ensuite sur le sol, s’y enfoncent légèrement, et se transforment en pupes. Après la métamorphose accomplie durant les 30 à 40 jours de vie pupale, la mouche adulte effectue sa sortie en été (Hendrickx et al., 1993).
Hypoderma bovis et Hypoderma lineatum sont fréquemment rencontrées dans l’hémisphère nord. Leur incidence économique dans la filière bovine est très importante. La perforation des peaux rend les cuirs inutilisables. Les propriétés immunosuppressives des enzymes produites par les larves L1 au cours de leur migration dans les tissus de l’hôte augmentent la sensibilité des animaux aux affections bactériennes, virales et parasitaires. De plus, les larves provoquent des retards de croissance chez les jeunes bovins (Hendrickx et al., 1993).
Hendrickx et al. (1993) ont évalué l’efficacité d’une injection sous-cutanée de doramectine à 200 µg/kg (J0) pour le traitement de l’infestation naturelle par Hypoderma bovis sur des Charolais de 6 à 24 mois. Une prise de sang à J0 a permis de montrer que le taux d’anticorps anti-Hypoderma n’était pas significativement différent entre le groupe témoin et le groupe traité. Ainsi, ces résultats renforcent l’hypothèse selon laquelle l’importance de l’infestation était similaire dans les deux groupes au début de l’expérience.
Dans la première étude, l’injection de doramectine (J0) a lieu au mois d’octobre. L’efficacité, définie comme le pourcentage d’animaux sans hypoderme après traitement, est de 100 % à J161 et J190.
Dans la seconde étude, l’injection de doramectine (J0) a lieu au mois de mars lorsque tous les animaux présentaient des nodules mâtures contenant une larve L2 ou L3. La présence de larves vivantes dans chaque nodule a été déterminée par l’observation des plaques stigmatiques et l’aspect de l’orifice respiratoire. L’efficacité, définie comme le pourcentage de larves mortes au sein des nodules, est de 100 % à J14.
La doramectine injectable est donc très efficace pour le traitement des infestations par les larves L1, L2 ou L3 d’Hypoderma bovis chez les bovins.
Les traitements de l’hypodermose bovine, notamment les insecticides organophosphorés, sont traditionnellement associés à des effets indésirables imputables à deux types de facteur :
• la toxicité du principe actif en lui-même, liée à l’activité anticholinestérasique dans le cas des insecticides organophosphorés,
• et la mort brutale des larves qui provoquent la libération d’antigènes et de toxines dans les tissus de l’hôte. Ces antigènes et ces toxines possèdent de puissantes propriétés inflammatoires, sources potentielles de réactions toxiques et anaphylactiques généralisées, parfois mortelles (Hendrickx et al., 1993).
Si les larves L1 sont détruites sur les sites correspondant à leurs localisations hivernales, soit dans le canal rachidien pour Hypoderma bovis, soit dans la paroi œsophagienne pour Hypoderma lineatum, il s’ensuit une réaction inflammatoire susceptible de se manifester par une ataxie ou une paralysie des membres postérieurs dans le premier cas, et par la dysphagie et le météorisme dans le second cas. Le risque d’apparition de ces symptômes est maximal lorsque la majorité des larves L1 se situent sur les localisations hivernales. Cette période varie d’une année à l’autre en fonction de l’espèce d’hypoderme, des conditions météorologiques et de la position géographique. En France, il est recommandé de traiter les animaux soit avant la mi-novembre, soit après la mi-février. Malgré cette recommandation, il est possible d’observer occasionnellement des réactions accidentelles, notamment chez des animaux massivement infestés (Hendrickx et al., 1993; Gosselin et al., 1995).
Bien que les animaux inclus dans l’étude d’Hendrickx et al. (1993) fussent massivement infestés, aucun symptôme imputable à la mort des larves L1 ou à la doramectine n’a pu être observé chez les animaux traités. L’absence de réaction indésirable s’explique par le mode d’action de la doramectine. L’augmentation de la perméabilité membranaire aux ions chlorures provoque une hyperpolarisation à l’origine de la paralysie et de la mort progressive des arthropodes. La destruction progressive des larves sur quelques jours permet d’éviter la libération brutale et massive des toxines larvaires comme c’était le cas avec les insecticides organophosphorés.
La doramectine présente donc une grande sécurité d’utilisation lorsque le traitement des larves d’hypodermes est correctement planifié.
L’éradication d’H. bovis et H. lineatum , au Danemark, en Irlande, en Scandinavie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et dans certaines régions d’Allemagne et de France, est le résultat d’un traitement larvicide efficace et d’une lutte simultanée dans les régions voisines. Les programmes d’éradication élaborés à l’échelle régionale ou nationale sont à ce titre nécessaires. De par sa très grande efficacité sur tous les stades larvaires, la doramectine, comme les autres lactones macrocycliques, constitue le traitement larvicide de choix.
De plus, une administration de doramectine à l’automne, lors de la rentrée à l’étable par exemple, alors que les mouches sont devenues inactives (T < 18°C), permet de tuer les larves d’hypoderme avant qu’elles n’endommagent les peaux.
Dermatobia hominis
Dermatobia hominis est une espèce de mouche largement répandue dans les régions tropicales et subtropicales d’Amérique du Sud jusqu’à 1500 m d’altitude. Elle est à l’origine de pertes économiques considérables.
Les bovins constituent l’hôte naturel du parasite mais les larves peuvent se développer chez toutes les espèces homéothermes, y compris les humains et les oiseaux. Les larves se développent dans le tissu sous-cutané de l’hôte où elles s’enkystent et forment des nodules parasitaires. Ces nodules sont similaires à ceux produits par Hypoderma bovis et Hypoderma lineatum. Cependant, les stades larvaires de Dermatobia hominis se déroulent exclusivement sur le lieu de pénétration initial des larves. De plus, la mouche femelle utilise des espèces de moustiques ou de petites mouches (19 espèces répertoriées) pour transporter et déposer ses œufs sur l’hôte (phénomène de phorésie).
Moya-Borja et al. (1993a) ont évalué l’efficacité d’une injection sous-cutanée de doramectine
à 200 µg/kg (J0) pour le traitement et la prévention de l’infestation expérimentale par Dermatobia hominis chez des taurillons Holstein de 10 à 12 mois ne présentant aucun nodule visible de Dermatobia hominis.
Dans la première étude, chaque animal est infesté par 25 larves L1 de Dermatobia hominis à J-24 par rapport au traitement. Le nombre de nodules a diminué de 74 %, 48 heures après l’injection de doramectine. L’efficacité, définie comme le pourcentage de nodules disparus, est de 95 % à J4 et atteint 100 % de J6 à la fin de l’étude, à J11.
Dans la seconde étude, chaque animal est infesté par 25 larves L1 de Dermatobia hominis à J21, J28 ou J35 selon les groupes. Les observations sont réalisées 6, 12 et 18 jours après chaque infestation car ces délais correspondent respectivement aux temps de développement connus pour les larves L1, L2 et L3 de Dermatobia hominis. Aucun nodule n’a été identifié sur les animaux traités.
La doramectine injectable est donc efficace tant pour le traitement que pour la prévention des infestations à Dermatobia hominis chez les bovins pour une durée minimale de 35 jours.
Cochliomyia hominivorax
Cochliomyia hominivorax est une mouche de 8 à 10 mm, largement répandue sur le continent américain. Cochliomyia hominivorax est un parasite obligatoire, dont les larves peuvent se développer chez toutes les espèces homéothermes, y compris les humains et les oiseaux. Les femelles adultes pondent leurs œufs sur les plaies cutanées ou muqueuses puis les larves carnassières se nourrissent de tissus sains et creusent des galeries à l’origine de lésions très sévères. Elles achèvent ensuite leur développement en tombant sur le sol pour former une pupe et devenir adulte.
Véritable fléau de l’élevage en amérique tropicale, cause de pertes économiques considérables, Cochliomyia hominivorax a été éradiquée avec succès en Amérique du Nord grâce à des lâchers de mâles stériles.
Moya-Borja et al. (1993b) ont évalué l’efficacité d’une injection sous-cutanée de doramectine injectable à 200 µg/kg (J0) pour le traitement et la prévention des infestations expérimentales
à Cochliomyia hominivorax chez des taurillons croisés Holstein de 6 à 13 mois n’ayant aucun antécédent de myiases.
Dans la première et dans la deuxième étude, 50 larves L1 de Cochliomyia hominivorax sont placées respectivement sur chacune des quatre plaies longitudinales ou circulaires réalisées à J0. L’efficacité, définie comme le pourcentage de myiases disparues, atteint 100 % 48 heures après le traitement et la cicatrisation des plaies est complète à J5.
Dans la troisième étude, 30 larves L1 de Cochliomyia hominivorax sont placées sur chacune des quatre plaies à J3, J7 ou J14 selon le groupe. L’efficacité atteint 100 % 24 heures après l’infestation dans les trois groupes. Les animaux infestés à J3, J7 et J14 présentent une cicatrisation complète respectivement 5, 3 et 2 jours après l’infestation.
La doramectine injectable est donc efficace tant pour le traitement que pour la prévention des infestations à Cochliomyia hominivorax chez les bovins pour une durée minimale de 14 jours.
Haematobia irritans
Haematobia irritans , dénommée aussi mouche des cornes ou horn fly, est une mouche hématophage de 3 à 5 mm. Présente de façon quasi permanente sur le corps des bovins, les mâles et les femelles prennent une vingtaine de repas par jour. Ces nuisances se traduisent cliniquement par l’anémie, l’agacement des bovins et la transmission éventuelle d’agents pathogènes. Quasiment ubiquitaire, elle est la cause de pertes économiques importantes par la perte de poids et la baisse de production laitière qu’elle occasionne.
Farkas et al. (2000) ont évalué l’efficacité d’une application de doramectine pour-on à 500 µg/kg (J0) pour le contrôle de l’infestation naturelle par Haematobia irritans chez des bovins de 11 mois à 8 ans. L’activité de Haematobia irritans étant maximale durant la période estivale, cette saison a été retenue pour réaliser l’étude.
L’efficacité, définie comme le pourcentage de réduction du nombre de Haematobia irritans sur les bovins, est d’au moins 92,8 % jusqu’à J42 après le traitement.
La doramectine pour-on est donc efficace pour le traitement des infestations à Haematobia irritans chez les bovins pour une durée minimale de 42 jours.
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Table des matières
Introduction
1. La doramectine : un endectocide de la famille des avermectines
1. 1. Origine
1. 2. Structure chimique
1. 3. Propriétés physico-chimiques
1. 4. Propriétés pharmacodynamiques
1. 5. Propriétés pharmacocinétiques
1. 6. Métabolisme
1. 7. Résidus de doramectine
1. 8. Toxicité
1. 9. Impact sur l’environnement
2. Efficacité et rémanence de la doramectine contre les parasites des bovins
2. 1. Efficacité de la doramectine
2. 2. Rémanence de la doramectine contre les gales et les phtirioses des bovins
2. 3. Comparaison de l’efficacité et de la rémanence de la doramectine avec les autres antiparasitaires
3. Utilisation de la doramectine dans les gales et les phtirioses des bovins
3. 1. Les gales
3. 2. Les phtirioses
3. 3. Utilisation de la doramectine dans les gales et les phtirioses des bovins
3. 4. Les résistances
Conclusion
Bibliographie.
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