L’infection à VIH /SIDA pose un problème majeur de santé publique à l’échelle mondiale (première cause de mortalité d’origine virale) [5]. Aucune région du monde n’est épargnée. Le sida est devenu la première cause de morbidité et de mortalité reléguant le vieux fléau du paludisme au deuxième rang [27]. Depuis l’avènement du VIH en 1981, la communauté scientifique et internationale s’est fortement mobilisée afin de trouver des solutions efficaces pour lutter contre cette pandémie. La découverte de la première molécule antirétrovirale en 1987 et le début des combinaisons thérapeutiques d’antirétroviraux à partir de 1996, ont permis de lutter considérablement contre l’avancée de la maladie.
Entre 1996 et 2012, la thérapie antirétrovirale a permis d’éviter 6,6 millions de décès liés au sida dans le monde, dont 5,5 millions dans les pays à revenu faible et intermédiaire. L’Afrique subsaharienne est la région la plus touchée. Elle concentre 69 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde. A l’instar des autres pays de la zone subsaharienne, au Sénégal, l’épidémie du SIDA constitue un véritable problème de santé publique, un contraste au développement et un facteur aggravant la pauvreté. Le Sénégal est considéré comme pays pionnier dans la lutte contre le VIH/sida en Afrique, avec une décentralisation de la prise en charge au niveau national et des structures dites de référence. Il capitalise ainsi un succès important dans la prévention et le traitement, mais son nouveau challenge est le maintien de ses acquis grâce à l’Initiative Sénégalaise d’Accès aux Antirétroviraux (ISAARV) mise en place depuis 1998. Une décennie de recherche vaccinale n’a pas permis d’envisager à moyen terme l’utilisation des stratégies d’immunothérapie spécifique ; le sida est devenu, sous l’effet de la trithérapie, une maladie chronique.
DEFINITION
L’infection à VIH est une maladie infectieuse, virale et chronique transmissible par voie sexuelle, sanguine et maternofoetale due aux Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH-1 et VIH-2), caractérisée par la diminution des moyens de défense de l’organisme. Elle est marquée par la survenue de nombreuses maladies opportunistes qui profitent de la baisse de l’immunité de l’organisme pour se développer. Le SIDA correspond au dernier stade de l’infection à VIH.
SITUATION EPIDEMIOLOGIQUE DE L’INFECTION A VIH
DANS LE MONDE
L’infection à VIH constitue un problème de santé publique majeur qui concerne tous les pays du globe. Les dernières estimations fournies par le rapport ONUSIDA confirment qu’elle reste très préoccupante surtout en Afrique subsaharienne. A l’échelle mondiale, on estimait que 35,3 millions (32,2-38,8) millions de PVVIH en 2012 avec près de 2,3 (1,9-2,7) millions de nouvelles infections VIH. Depuis 2001, les nouvelles infections ont diminué de 33 %, elles étaient estimées à 3,4 (3,1-3,7) millions. Parallèlement le nombre de mort du sida a également diminué depuis 2005 : 2,3 (2,1-2,6) millions de morts en 2005 et 1,6 (1,4-1,9) million de mort du sida en 2012. D’après les estimations les femmes, les plus touchées, représentaient 15,7 (14,2- 17,2) millions de la population infectée et 2,1 millions d’adolescents (10-19 ans) vivaient avec le VIH en 2012 dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
En 2012, la majorité des PVVIH se trouvait en Afrique subsaharienne avec 22,4 millions de personnes séropositives; soit plus de deux tiers du total mondial. Les efforts de prévention continuent de porter leurs fruits, comme en témoigne le nombre de nouvelles infections à VIH chez les adultes dans les pays à revenu faible et intermédiaire qui était de 1,9 (1,6-2,3) million en 2012, soit une baisse de 30 % par rapport à 2001. Divers pays d’Afrique subsaharienne ont enregistré une diminution notable de la prévalence du VIH chez les jeunes des deux sexes (15-24 ans), qui a chuté de 42 % dans la région entre 2001 et 2012. La féminisation de l’épidémie y est également plus marquée avec un taux de prévalence du VIH chez les jeunes femmes demeure plus du double de celui des hommes en Afrique subsaharienne.
AU SENEGAL
Au Sénégal, l’analyse de la prévalence à travers différentes sources montre une épidémie de type concentré : la prévalence est basse dans la population générale et élevée chez les populations clés les plus exposées au VIH comme les travailleuses de sexe (TS) et les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) .
Population générale
La prévalence du VIH dans la population générale est évaluée à 0,7% alors qu’elle est de 18,5% chez les professionnelles du sexe [32], 21,8% chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) et 9,2 chez les injecteurs de drogues intraveineuses. Cette prévalence varie selon les régions et les taux de prévalence les plus élevés sont retrouvés au sud du pays : 3% à Ziguinchor et 2,8% à Kolda alors que partout ailleurs, elle est inférieure à 1,2%. Comme partout ailleurs en Afrique, on note une féminisation de l’épidémie avec sex-ratio (femme/homme) de 1,6 alors qu’au début de l’épidémie, on comptait une femme contaminée pour trois hommes [6]. L’analyse comparative de la prévalence du VIH en milieu urbain et en milieu rural montre une prévalence dans les sites situés en zone urbaine de 0,9% contre 0,6% pour ceux situés en zone rurale. Les résultats par zone sentinelle montrent que dans la plupart des zones, la prévalence est plus élevée pour les sites situés en milieu urbain. Cependant, les résultats enregistrés dans les zones de Kaolack (0,8% en milieu urbain et 1,1% en milieu rural) et Thiès (0,7% en milieu urbain et 1,1% en milieu rural) vont dans le sens contraire.
Populations clés les plus exposées
Chez les travailleuses de sexe
Plusieurs études ont été réalisées sur les travailleuses de sexe (TS) au Sénégal. En effet depuis le début de l’épidémie, les TS ont constitué une cible particulière qui a été suivie régulièrement. La prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe est de 18,5% [32]. La surveillance sentinelle montre que la prévalence du VIH chez les travailleuses du sexe varie en fonction des régions, elle est de 19,4% à Dakar, 11,9% à Thiès et 29% à Ziguinchor. Cette prévalence augmenterait avec l’âge c’est-à-dire 10,1% dans la tranche d’âge des moins de 30 ans contre 30,1% entre 30 et 39 ans et 37,7% chez les 40 ans et plus [32].
Chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes
Les dernières données épidémiologiques sur la prévalence du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) datent de 2007 selon une enquête spéciale ELIHoS (Etude d’Evaluation des Interventions chez les Homosexuels au Sénégal) [32]. A l’instar des travailleuses du sexe, la prévalence du VIH chez les HSH augmenterait avec l’âge, cette prévalence est plus importante chez les HSH qui ont plus de 25 ans (34,4%) que chez les moins de 25 ans (12,7%).
RAPPELS SUR L’INFECTION A VIH/SIDA
HISTORIQUE
– C’est le 5 juin 1981 que les Centers for Disease Control d’Atlanta rapportent quelques cas d’une forme rare de pneumonie qui touche spécifiquement des jeunes hommes homosexuels (3 cas avait été relevés en 1980). Cette sortie permettra de recenser en 15 jours seulement 31 cas identiques. On sait très peu de choses de la maladie qu’on dénomme, entre autre, « gay syndrome », Gay Related Immune Deficiency (GRID). À la fin de cette même année, on sait que la maladie provoque une immunodéficience et qu’elle se transmet par voie sexuelle et sanguine. On sait également qu’elle ne touche pas seulement les homosexuels mais également les utilisateurs de drogues injectables (UDI) et les personnes transfusées;
– En mai 1983, dans la revue « Science », l’équipe de Jean-Claude Chermann de l’Institut Pasteur décrit pour la première fois le virus responsable de la maladie qu’on nomme « Lymphadenopathy Associated Virus » ou LAV (futur VIH-1). Après quelques mois de recherches, les chercheurs démontrent le lien de causalité entre ce virus et la maladie; on travaille également sur un test de dépistage. Les premiers travaux sur la transmission possible du virus chez des chimpanzés sont entrepris. Il y a désormais 1300 cas de sida aux Etats-Unis et 460 personnes sont décédées de la maladie. Les premières directives quant à des relations sexuelles plus sécuritaires sont données par divers organismes en santé publique;
– En 1986, la communauté scientifique adopte le nom de VIH (virus d’immunodéficience humaine). La première thérapie à l’AZT est disponible mais elle demeure coûteuse et très toxique. Les Nations Unis mettent sur pieds un premier programme de lutte contre le sida.
– En 1987, le test de dépistage du VIH-2 est mis au point par « Diagnostics Pasteur». On retrouve également la « Déclaration universelle des droits des malades et des séropositifs ». Sept ans après le début de la maladie, le Président américain Ronald Reagan fait sa première déclaration publique sur le sida; le pays décide également de fermer ses frontières aux immigrants et touristes atteints. Au Québec, le Dr Rejean Thomas et le Dr Clément Olivier mettent sur pied la clinique « Actuel » spécialisée dans les soins pour les personnes atteintes. Le gouvernement provincial pour sa part reconnaît la nécessité de tenir compte de la dizaine de groupes communautaires impliqués auprès des personnes atteintes;
– En 1996, on parle désormais de la trithérapie, soit de la combinaison de trois médicaments; l’efficacité est démontrée.
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INFECTION A VIH
Agents pathogènes
Une des caractéristiques essentielles du VIH est sa très grande diversité génétique. Le VIH appartient à la famille des RETROVIRIDAE, vaste famille de virus à ARN équipés d’une enzyme structurale appelée transcriptase inverse ou reverse transcriptase (RT). Il est classé dans le genre des LENTIVIRUS qui a pour caractéristique d’entraîner des infections virales lentes toujours mortelles. On distingue deux types viraux majeurs :
– le VIH-1 découvert en 1983;
– le VIH-2 isolé en 1985 en Afrique de l’Ouest.
L’organisation génétique des VIH-1, VIH-2 et du SIV est similaire [18]. Sur la base des distances génétiques entre les VIH-1 retrouvés chez les patients, une classification en trois groupes distincts appelés M, N et O a été établie [2,44]. Le groupe M (majoritaire) regroupe jusqu’à présent, au moins 10 sous types VIH-1 désignés de A à J. Au niveau mondial ce sont les infections par le sous type C qui sont majoritaires. Des phénomènes de recombinaison génétique chez les sujets coinfectés par des sous types distincts de VIH-1 sont également à l’origine de nouveaux virus recombinants [42]. Les VIH-1 du groupe O (outlier) identifiés au Cameroun et au Gabon sont plus rares [28]. Il en est de même des infections au VIH-1 du groupe N, également identifiés au Cameroun. Les liens phylogénétiques récemment établis entre les virus N et des SIV (Simian immunodeficiency virus) de chimpanzés indiquent que des événements d’anthropozoonose pourraient être à l’origine de l’infection VIH-1 [14]. Ces virus sont définis par leur mode de réplication qui passe par une étape de rétro transcription de leur matériel génétique constitué de deux molécules d’ARN identiques, en ADN. Cette étape indispensable à la multiplication du virus est possible grâce à une enzyme présente dans le virus : transcriptase inverse.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. Définition
2. Situation épidémiologique de l’infection à VIH
2.1 Dans le monde
2.2 En Afrique subsaharienne
2.3 Au Sénégal
2.3.1 Population générale
2.3.2 Populations clés les plus exposées
2.3.2.1 Chez les travailleuses de sexes
2.3.2.2 Chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes
3. Rappel sur l’infection à VIH/SIDA
3.1 Historique
3.2 Physiopathologie de l’infection à VIH
3.2.1 Agents pathogènes
3.2.2 Structure du VIH
3.2.3 Réplication virale
3.2.3.1 Tropisme du virus
3.2.3.2 Etapes de la réplication virale
3.2.4 Réponses immunes à la réplication virale
3.3 Modes de transmissions du VIH
3.3.1 Transmission par voie sexuelle
3.3.2 Transmission par voie sanguine
3.3.3 Transmission verticale
3.3.4 « Fausses idées » sur la transmission du virus
3.4 Histoire naturelle du VIH
3.4.1 Phase de primo-infection par le VIH (Stade 1)
3.4.2 Phase de séropositivité asymptomatique (Stade 2)
3.4.3 Phase symptomatique d’immunodépression mineure (Stade 3)
3.4.4 Phase symptomatique d’immunodépression majeure (Stade 4)
3.5 Diagnostic biologique de l’infection
3.5.1 Diagnostic indirect
3.5.1.1 Tests de dépistage
3.5.1.2 Test de confirmation
3.5.2 Diagnostic direct
3.5.3 Diagnostic précoce du VIH chez l’enfant
3.6 Prise en charge thérapeutique de l’infection
3.6.1 Buts
3.6.2 Prise en charge médicale
3.6.2.1 Prise en charge des infections opportunistes
3.6.2.2 Traitement antirétroviral
3.6.3 Mise en place du traitement antirétroviral
3.6.3.1 Quand débuter le traitement antirétroviral
3.6.3.2 Bilan préthérapeutique initial
3.6.4 Stratégies thérapeutiques
3.6.4.1 Schémas de première ligne
3.6.4.2 Quand changer de ligne de traitement
3.6.4.3 Schémas de deuxième ligne
3.6.4.4 Schémas de troisième ligne
3.6.5 Prise en charge psychosociale
3.6.6 Prise en charge nutritionnelle
3.6.7 Bilan de surveillance sous traitement antirétroviral
3.7 Traitements prophylactiques
3.8 Prévention de l’infection à VIH
3.8.1 Prévention de la transmission mère-enfant(PTME)
3.8.2 Prise en charge des accidents exposants au sang ou sexe
3.9 Observance et traitement antirétroviral
3.10 Résistance au traitement antirétroviral
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
1. Cadre d’étude
1.1 Présentation
1.2 Missions
2. Matériels et méthodes
2.1 Matériels
2.1.1 Les outils de la prise en charge clinique
2.1.1.1 Le dossier A2
2.1.1.2 Registre TARV
2.1.2 Outil de la prise en charge pharmaceutique : dossier patient
2.2 Méthodes
2.2.1 Type d’étude
2.2.2 Population d’étude
2.2.2.1 Critères d’inclusion
2.2.2.2 Critères de non inclusion
2.2.3 Recueil des données
2.2.3.1 Mode de recueil
2.2.3.2 Variables étudiés
2.2.4 Analyse des données
3. Résultats
3.1 Caractéristiques sociodémographiques des patients au moment du passage en seconde ligne
3.2 Paramètres biologiques et cliniques des patients au démarrage du traitement ARV de seconde ligne
3.2.1 Répartition des patients selon le profil
3.2.2 Répartition des patients selon le stade clinique
3.2.3 Répartition des patients selon l’IMC à M0
3.2.4 Répartition des patients selon le schéma thérapeutique
3.2.5 Les types d’échecs thérapeutiques
3.2.6 Les antécédents antirétroviraux
3.2.7 Délai d’échec
3.2.8 Répartition des patients selon le taux de CD4 à J0 seconde ligne
3.3 Evolution clinique et immunologique des patients au cours des 24 premiers mois de traitement ARV
3.3.1 Evolution clinique
3.3.2 Evolution immunologique
3.3.3 Répartition des patients selon les tranches de CV à M0 seconde ligne
3.3.4 Répartition des patients selon l’évolution
3.4 Évaluation des facteurs associes à un bon taux de survie des patients à 12 mois de traitement ARV de seconde ligne
4. Discussion
4.1 Analyse descriptive de la cohorte au moment du passage en seconde ligne
4.1.1 Sur le plan épidémiologique
4.1.2 Sur le plan clinique et paraclinique
4.1.3 Sur le plan thérapeutique
4.1.3.1 Les protocoles thérapeutiques
4.1.3.2 Les échecs thérapeutiques
4.2 Analyse descriptive de la cohorte au cours du suivi médical
4.2.1 Observance
4.2.2 Efficacité du traitement
4.2.2.1 Efficacité clinique
4.2.2.2 Efficacité immunologique
4.2.3 Aspects évolutifs
4.3 Facteurs associes à un bon taux de survie des patients à 12 mois de traitement ARV de seconde ligne
CONCLUSION