Efficacité des mesures actuelles de conservation de la biodiversité en milieu agricole

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Prise en compte des considérations environnementales dans les politiques agricoles : vers la définition des objectifs de la thèse

Les politiques environnementales actuelles

En 1992, 168 pays se sont engagés dans la conservation de la biodiversité en signant la Convention sur la diversité biologique (CDB). En 2002, avec ce qui a été appelé l’accord de conservation le plus important du début du 21e siècle (Balmford et al., 2005), les dirigeants mondiaux avaient fixé l’objectif concret de parvenir à une réduction significative du taux de perte de biodiversité d’ici 2010 (Secretariat of the Convention on Biological Diversity, 2003). Des outils importants – la plupart étant déjà préexistants – avec lesquels cet objectif devait être atteint comprenaient un éventail de traités internationaux, tels que la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction (Convention de Washington), la Convention sur la Conservation des Espèces Migratrices (Convention de Bonn) ou encore, la Convention de Ramsar sur les zones humides, ainsi que divers outils stratégiques, tels que la directive « Nitrates », le réseau Natura 2000 (mis en place en application de la Directive « Oiseaux » de 1979 et de la Directive « Habitats » de 1992) et les programmes agro-environnementaux de l’UE.
La PAC est l’instrument de financement le plus important au niveau de l’UE ayant le potentiel de promouvoir la biodiversité associée à l’agriculture à l’échelle européenne, étant donné qu’elle influence la gestion de la majorité des terres agricoles. Le maintien, l’amélioration et la restauration de la biodiversité ont été une des priorités clés des mesures environnementales au sein de la PAC, depuis qu’elles ont été introduites dans les années 1980-1990, la priorité principale étant sur les mesures visant à influencer les pratiques de gestion des terres. La conservation de la biodiversité sur les terres agricoles englobe un éventail de mesures différentes, dont la majeure partie est subventionnée dans le cadre de ces programmes agro-environnementaux (Encart 1). Les mesures agro-environnementales (MAE) visent à encourager les agriculteurs à protéger et à valoriser l’environnement en les rémunérant pour la prestation de services environnementaux (European Commission, 2009). Les agriculteurs s’engagent, pour une période minimale de cinq ans, à adopter des techniques agricoles respectueuses de l’environnement allant au-delà des obligations légales. En échange, ils perçoivent une aide financière qui compense les coûts supplémentaires et les pertes de revenus résultant de l’adoption de ces pratiques, prévues dans le cadre de contrats agro-environnementaux. Les MAE peuvent être définies au niveau national, régional ou local, et peuvent donc être adaptées pour répondre à des systèmes agricoles et des conditions environnementales spécifiques. Cela leur permet de cibler et de réaliser des objectifs environnementaux. Les MAE sont diverses, mais elles permettent de faire face à quatre grands enjeux environnementaux :
 la gestion et la qualité de l’eau, en encourageant par exemple les cultures intermédiaires-pièges à nitrate et la protection des captages ;
 la biodiversité animale et végétale, en incitant notamment à la préservation des habitats, la préservation des milieux humides et des prairies permanentes ;
 le paysage, l’entretien d’éléments fixes du paysage comme les bosquets, les arbres isolés et les mares ;
 le sol, en encourageant la lutte contre l’érosion et en favorisant la couverture des sols en hiver.
Concernant les MAE relatives à la gestion des paysages, bien qu’elles soient dissociées de l’enjeu environnemental « Biodiversité », les modes d’action de cette catégorie de mesure sont attendus pour avoir des effets positifs directs ou indirects sur la biodiversité, en particulier sur les espèces agricoles animales. Les MAE relatives à la gestion de l’eau et la préservation de l’intégrité des sols n’ont quant à elles pas pour objectif principal de bénéficier à la biodiversité ; il n’est cependant pas exclut que ces mesures puissent avoir, de manière très indirecte, des effets sur la biodiversité agricole (AND International, 2008). La réduction de l’apport en fertilisants et la modification des pratiques de labour, par exemple, visant à fournir un couvert du sol plus hétérogène et à augmenter la fertilité des sols, peuvent également avoir des effets positifs indirects sur les pollinisateurs (en augmentant la richesse en plantes) ou sur l’avifaune agricole en augmentant la disponibilité des ressources… (voir par exemple Decourtye and Bouquet, 2011; Potts et al., 2009).
Alors que de réels progrès ont été faits ces dernières années grâce aux efforts pour inverser les tendances au déclin de la biodiversité agricole dans l’UE, les pressions auxquelles la biodiversité doit faire face sont telles que ces traités et les instruments associés ont été des moyens insuffisants pour atteindre les objectifs fixés pour 2010 (Butchart et al., 2010). Il y a de nombreuses raisons à cela. Cependant, il est clair que le cadre politique actuel fournit une bonne base sur laquelle s’appuyer pour effectuer les changements requis pour réussir à atteindre, à plus ou moins long terme, de nouveaux objectifs de biodiversité et les objectifs agricoles qui y sont relatifs. C’est dans cet esprit notamment que la Stratégie pour la Biodiversité de l’UE, adoptée en 2011, souligne l’importance du secteur agricole pour atteindre l’objectif prioritaire de biodiversité de l’UE. La Stratégie inclut un objectif spécifique pour « étendre au maximum les zones cultivées dans les prairies, les terres arables et les cultures permanentes couvertes par des mesures de biodiversité au titre de la PAC, afin d’assurer la conservation de la biodiversité et d’améliorer sensiblement l’état de conservation des espèces et des habitats tributaires de l’agriculture ou subissant ses effets, ainsi que la fourniture des services écosystémiques par rapport au niveau de référence fixé par l’UE en 2010, en contribuant ainsi à une gestion plus durable ».

Les oiseaux nicheurs, indicateurs de biodiversité

Il est certain que la biodiversité est un terme à multiples facettes, défini comme la somme totale de toutes les variations biotiques à partir du niveau des gènes jusqu’aux écosystèmes (Purvis and Hector, 2000). En tant que telle, elle peut être mesurée de différentes façons, et une seule métrique ne peut être susceptible de décrire de manière adéquate la biodiversité dans son ensemble. Le défi réside donc dans le choix d’un groupe d’espèces et l’élaboration de statistiques synthétiques qui décrivent de manière précise et robuste les tendances de tous les composants de la biodiversité (Butchart et al., 2010), de sorte à pouvoir communiquer cette information aux décideurs politiques (Gregory et al., 2005). L’élaboration des indicateurs a sensiblement progressé depuis que l’objectif 2010 a été fixé (Butchart et al., 2010), renforçant par ailleurs le développement de suivis appropriés, devenu un enjeu majeur de conservation (Pereira and Cooper, 2006).
Les différents travaux de cette thèse sont basés sur l’étude d’un groupe : les oiseaux communs nicheurs, qui sont largement utilisés comme indicateurs de biodiversité du milieu agricole. Les espèces communes occupent une large gamme d’écosystèmes, sont par ailleurs constituées de grandes quantités d’individus – à l’inverse des espèces rares caractérisées par une faible abondance – et contribuent donc le plus au fonctionnement des écosystèmes et à leurs évolutions. Le suivi de ces espèces permet donc d’assurer la valeur statistique et la robustesse des indicateurs. Les oiseaux constituent l’un des groupes les mieux connus du point de vue biologique compte tenu de la grande quantité d’informations disponibles sur ces espèces (un critère prédominant de jugement de la qualité de ce groupe taxonomique à être utilisé comme indicateur de l’impact des changements affectant les écosystèmes). Ce groupe fait l’objet de nombreux suivis populationnels à grande échelle sur tous les continents, et parfois avec de longues séries temporelles (aux Etats-Unis le « North American Breeding Bird Survey » a été initié en 1966 et est toujours en cours ; en Angleterre le programme de suivi actuel « Breeding Bird Survey » fait suite au « Common Bird Census » qui a été actif de 1962 à 2000). Enfin, le choix des oiseaux communs nicheurs pour appréhender la biodiversité en milieu agricole repose sur différents aspects :
 Les augmentations de l’intensité agricole ont été associées à d’importants déclins dans les populations d’oiseaux des terres agricoles en Europe (Donald et al., 2006). La sensibilité de ce taxon à l’évolution de l’agriculture a été mise en évidence dans de nombreuses études (e.g. Donald et al., 2001; Doxa et al., 2010; Gregory et al., 2005).
 Ces populations – situées à un niveau élevé dans la chaîne alimentaire – sont indirectement sensibles aux perturbations que subit l’ensemble des composants de l’écosystème (Sekercioglu et al., 2004). Leur évolution offre donc un indicateur qui permet de mesurer l’état de santé des écosystèmes.
 Ils assurent de nombreux services écologiques tels que la régulation des ravageurs des cultures ou la dissémination des espèces végétales (Fischer et al., 2006; Sekercioglu et al., 2004).
 La présence d’espèces « spécialistes », i.e. à la niche écologique fondamentale réduite, mais très performantes dans l’exploitation de conditions environnementales à l’intérieur de cette niche fondamentale est aussi un avantage majeur (Hilty and Merenlender, 2000). En effet, dans un contexte de perturbation spatiale et temporelle des écosystèmes, la théorie de la niche prédit un relatif succès des espèces « généralistes », i.e. possédant une niche écologique fondamentale plus large (Clavel et al., 2010; Devictor et al., 2007; Julliard et al., 2004). De ce fait, suivre le devenir des espèces spécialistes au sein de ce groupe revient à mesurer l’intensité de l’impact du changement auquel il se trouve confronté.
 Ils constituent un indicateur visible du grand public par lequel il est facile de faire passer un message (Ormerod and Watkinson, 2000). De fait, l’indicateur oiseaux communs été choisi par l’UE comme indicateur structurel de développement durable pour la biodiversité (Balmford and Bond, 2005; Eurostat, 2010).
L’analyse des données issues des suivis des populations d’Oiseaux Communs permet la quantification de l’impact des pressions anthropiques, telles que le changement climatique (Devictor et al., 2012) et les changements d’usage des sols, ainsi que celle des réponses (politiques de gestion de la biodiversité) lorsqu’elles existent (Gregory et al., 2005). Afin d’atteindre ces deux objectifs, l’étude des variations d’abondance des espèces communes semble particulièrement intéressante, pour au moins deux raisons. La première est la simplicité potentielle des méthodes de mesures permettant la multiplicité des sites d’observation (donc de distinguer l’impact de nombreux facteurs) à travers la coordination de réseaux naturalistes. La seconde raison est que la biologie des populations fournit un cadre théorique pour interpréter par des mécanismes les variations observées. Lorsque l’on connaît les mécanismes, on peut alors développer des scénarios de devenir de la biodiversité et quantifier les pressions anthropiques et les réponses de la biodiversité. L’abondance des espèces communes est dès lors considérée comme un indicateur d’état de la biodiversité, les variations de cette abondance sont, elles, un indicateur de la dynamique de la biodiversité.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, les indicateurs Oiseaux Communs sont construits à partir d’une source d’information facilement accessible et répartie de manière relativement homogène sur le territoire. En France un réseau d’observateurs bénévoles sur les oiseaux communs a ainsi pu être mis en place et générer un grand nombre de données ces dernières années (voir Encart 2). Le premier objectif de ces relevés des oiseaux nicheurs est de mesurer les tendances temporelles afin de détecter les déclins ou augmentations potentiels des espèces (Figure 6). La combinaison des indices annuels d’espèces partageant des affinités écologiques ou un statut fournit de plus des indicateurs de biodiversité pour les décideurs politiques. Deux grands types d’indicateurs sont couramment calculés à partir de ces données : les indicateurs de variations d’abondance et les indicateurs relatifs à la structure des communautés. Un premier indicateur est disponible pour les espèces spécialistes des milieux agricoles, il s’agit du Farmland Bird Index (FBI) qui a montré dans de nombreuses études sa pertinence pour comprendre l’impact des changements agricoles sur la biodiversité (Doxa et al., 2010; Doxa et al., 2012; Gregory et al., 2005). D’autres indicateurs tels que l’indicateur de spécialisation des communautés (CSI), mesurant le degré moyen de spécialisation de l’habitat entre les individus formant une communauté locale (Julliard et al., 2006), se sont également montrés utiles pour évaluer la biodiversité. Au cours de cette thèse nous avons utilisé différents indicateurs, présentés dans Encart 3 (les formules détaillées des calculs à l’échelle régionale et à l’échelle nationale sont détaillées dans les Annexes du Manuscrit 5).

Quelle efficacité des mesures agro-environnementales françaises pour la conservation de l’avifaune commune à l’échelle nationale ?

Les mesures agro-environnementales en France

Avant 1999, en France, les principales mesures ayant un lien avec la biodiversité étaient celles qui visaient l’entretien de l’espace naturel. Ainsi, des mesures nationales telles que la prime à l’herbe (PHAE) pour le maintien des pâturages et la prime au maintien des systèmes d’élevage extensif (PMSEE) ont été introduites pour faciliter le maintien de certains agriculteurs éleveurs et entretenir les milieux. Néanmoins, ces primes uniformes à l’échelle du pays ne reflétaient pas les disparités entre exploitations ou zones géographiques. Bien que certaines mesures plus locales aient été mises en place à la même époque, elles étaient souvent peu rémunératrices ou proches des pratiques déjà existantes. Avec la mise en place du Plan de Développement Rural National (PDRN) pour la période 2000-2006 et l’introduction du Contrat Territorial d’Exploitation (CTE), plusieurs mesures concernant la préservation de la biodiversité et des habitats semi-naturels des zones agricoles ont fait leur apparition. Des paiements ont été accordés aux agriculteurs pour le retrait de certaines ressources de la production à travers par exemple la conversion de terres arables en prairies temporaires ou permanentes ou l’implantation de dispositifs enherbés autour des parcelles proches de zones à enjeu environnemental important comme les cours d’eau (Ministère de l’agriculture et de la pêche, 2006). D’autres paiements visaient à inciter les agriculteurs à adopter ou maintenir des pratiques respectueuses de le faune et de la flore comme l’entretien d’éléments du paysage constituant des écosystèmes particuliers (haies, arbres, mares, bosquets, talus, fossés…), le respect de contraintes sur les dates de récolte ou de fauche des parcelles, l’amélioration de prairies déjà existantes en prairies favorables au maintien de certaines espèces menacées (Outarde Canepetière par exemple) ou encore la réduction des traitements phytosanitaires préjudiciables à la faune et à la flore. Enfin, des paiements structurels ont été mis en place pour financer les investissements liés à la réimplantation d’arbres, de haies, de bosquets ou en encore à la réhabilitation d’anciennes mares ou de cours d’eau. Le soutien à l’agro-environnement, en France, repose sur un grand nombre de mesures élémentaires, appelées également « actions », mises en œuvre dans le cadre de différents dispositifs. Bien que très diverses, ces mesures peuvent être regroupées en grands types d’action (Table 2), répondant eux-mêmes aux grands enjeux environnementaux que nous avons déjà évoqué dans l’introduction.

Efficacité des mesures actuelles de conservation

En termes d’occupation du territoire agricole, la surface totale contractualisée était, en 2006, proche de 9 millions d’hectares, dont environ la moitié dans le cadre des CTE. La carte de la Figure 9 illustre le taux de couverture à l’échelle des Petites Régions Agricoles Départementales. Elle montre un taux de contractualisation nettement plus élevé au sud d’une ligne Bordeaux – Strasbourg, La corrélation entre cette carte et celle des zones à handicap naturel (zones de montagne et autres zones défavorisées), qui est aussi celle des zones d’élevage herbager extensif, apparaît nettement; ceci est cohérent avec la part prédominante des MAE herbagères dans le total des MAE surfaciques. La PHAE couvrait à elle seule une surface équivalente à 3,2 millions d’hectares et moins de 10 % des surfaces contractualisées l’ont été dans le cadre d’un contrat d’agriculture durable (qui a succédé au CTE en 2003).
Les MAE dites « herbagères » visent à maintenir la prairie et l’élevage extensif, tant pour des raisons sociales (maintien de l’agriculture dans les zones de montagne) qu’environnementales (biodiversité, qualité de l’eau). Elles ont constitué, aux côtés des indemnités compensatoires de handicap naturel (ICHN, Figure 10), l’une des deux « mesures de masse » du deuxième pilier de la politique agricole commune en France pendant la période de mise en œuvre du premier règlement européen de développement rural (RDR), couvrant la période 2000-2006. La large diffusion de ces mesures tient à leur caractère peu contraignant pour les systèmes d’élevage à l’herbe extensifs existants à qui elles offrent une alternative à l’intensification ; elles ont été conçues dans cet objectif en France, pour compenser l’aide au maïs mise en place après la réforme de 1992, pouvant être perçue comme une prime à l’intensification.
Par ailleurs, les réalisations financières pour les MAE engagées à partir de 2000, ont été très concentrées sur quelques types d’actions. Il s’agit, en premier lieu, des MAE herbagères (code 19 et 20) pour 57 % des dépenses, des MAE conversion à l’agriculture biologique (7,5 %) tandis que celles concernant plutôt les cultures atteignent 14 % des dépenses.

Evaluation des effets des MAE sur la biodiversité agricole en France, à travers les oiseaux nicheurs

Les MAE ayant été lancées avant la mise en place d’un système d’évaluation préalable ou conjoint, l’évaluation de ces dernières a pris un retard assez important en France comparée à d’autres pays d’Europe tels que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Espagne, etc. Les seules études relatives aux initiatives de conservation en milieu agricole concernent l’agriculture biologique (Geiger et al., 2010) et des mesures spécifiques à la préservation d’espèces ciblées telle que la Perdrix grise (Bro et al., 2004) ou l’Outarde canepetière (Bretagnolle et al., 2011). Aucune étude jusqu’à ce jour n’est parue sur l’évaluation de l’efficacité des MAE à but « biodiversité » en France, à large échelle spatiale. Nous avons donc cherché à évaluer l’efficacité globale des MAE françaises à l’échelle nationale, en nous intéressant particulièrement à leur impact sur l’avifaune commune des paysages agricoles. Le développement récent des programmes de suivis, et en particulier du suivi des oiseaux communs en France (STOC, voir Encart 2), nous fournit des jeux de données importants, particulièrement adaptés pour analyser les tendances temporelles et spatiales des populations à l’échelle nationale. De plus, cette vaste base de données permet des analyses à la fois au niveau spécifique et au niveau de la communauté.
Dans une première étude, nous nous sommes donc intéressés à l’efficacité globale des MAE – implantées dans le cadre du PDRN 2000-2006 – à large échelle spatiale (i.e. à l’échelle nationale). Sur la base des données du programme STOC, nous avons cherché à mettre évidence l’effet de la densité de MAE sur les tendances temporelles des populations d’oiseaux appartenant à l’indicateur des espèces spécialistes des milieux agricoles (Voir Manuscrit 1 pour des détails des méthodes et résultats). Pour chaque espèce, j’ai estimé les effets des proportions de deux catégories de MAE, celles ayant des effets attendus forts (directs et indirects) sur la biodiversité versus celles n’ayant a priori pas d’effets forts attendus sur la biodiversité (voir Manuscrits 1 et 2 pour des détails sur les données et les méthodes), ainsi que l’effet de ces deux catégories de mesures dans le temps sur l’abondance des espèces (interaction MAE x temps). Les effets de ces variables ont, par ailleurs, été ajustés aux caractéristiques des systèmes de production locaux, c’est-à-dire à l’intensité de production agricole et au type d’agrosystème et de sol (voir Encart 4).
La France est divisée en 713 Petites Régions Agricoles (PRA) constituées par le croisement du département et de la Région Agricole (RA). Ces entités territoriales sont relativement homogènes du point de vue des contextes pédologiques, hydro-climatiques et du relief, lesquels déterminent à la fois un potentiel agronomique, conditionnant les formes d’agriculture qu’il est possible de pratiquer, et un cadre environnemental (paysage, biodiversité, ressources…) plus ou moins influencé par l’agriculture.
Comme nous l’avons précisé précédemment, afin d’ajuster l’évaluation ‘biodiversité’ (basée sur l’abondance et les variations d’abondance des Oiseaux) aux caractéristiques des systèmes de production locaux : intensité de production agricole, types d’agriculture et de sol, nous avons utilisé plusieurs variables relatives à ces caractéristiques au sein de chaque PRA. Le type d’agriculture correspond à l’agrosystème principal de chaque PRA. Les PRA peuvent être classées au sein de 10 agrosystèmes (Figure 11 ; AND International, 2008), sur la base des modes dominants d’utilisation de la surface agricole utile (SAU) et l’orientation technico-économique des exploitations. L’indice d’intensité de production (IP) est basé sur des taux standardisés de rendements agricoles et de densité d’herbivores par commune (Bas et al., 2009). Cependant, cet indice peut être critiquable car l’intensité de production agricole peut-être la même sur deux types de sol complètement différents (exemple : un sol pauvre et un sol riche) alors que l’intensification des pratiques agricoles permettant cette production sera, elle, différente. La quantité d’intrants à implémenter sur le sol pauvre sera plus importante que sur le sol riche pour obtenir au final une intensité de production similaire. Pour réduire ce biais, nous avons corrigé l’indice d’intensité de production par l’effet du type de sol en extrayant les résidus du modèle linéaire (IP ~ SOL). Nous avons utilisé ces résidus comme nouveaux indices IP dans nos modèles statistiques évaluant la réponse des oiseaux agricoles aux mesures agro-environnementales. La Figure 12 illustre la répartition spatiale de l’intensité de production ajustée à la typologie des sols sur l’ensemble du territoire français.
Afin de prédire l’abondance de chaque espèce sous différents modes de gestion agro-environnementale, nous avons choisi une approche statistique bayésienne utilisant les méthodes de Monte-Carlo par chaînes de Markov (MCMC). L’utilisation de statistiques bayésiennes, de part leur flexibilité, permet l’analyse de jeux de données de tailles conséquentes sous des modèles incorporant un grand nombre de paramètres et, dans notre cas, avec peu de données de comptages bruts pour certaines espèces (voir Encart 5 pour des détails sur le principe de l’analyse bayésienne).

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Table des matières

Introduction
1. Contexte général : la biodiversité face aux changements globaux
2. Agriculture & Biodiversité
2.1 L’évolution des paysages agricoles au cours des dernières décennies
2.2 Impacts de l’intensification agricole sur la biodiversité
2.3 Enjeux de conservation de la biodiversité en milieu agricole
3. Prise en compte des considérations environnementales dans les politiques agricoles : vers la définition des objectifs de la thèse
3.1 Les politiques environnementales actuelles
3.2 Quelles solutions pour l’avenir ? Intégration des nouveaux enjeux
3.3 Les objectifs de la thèse
4. Les oiseaux nicheurs, indicateurs de biodiversité
5. Structure des travaux
I. Efficacité des mesures actuelles de conservation de la biodiversité en milieu agricole
1. Contexte général : le besoin d’évaluation à large échelle spatiale
2. Quelle efficacité des mesures agro-environnementales françaises pour la conservation de l’avifaune commune à l’échelle nationale ?
2.1 Les mesures agro-environnementales en France
2.2 Evaluation des effets des MAE sur la biodiversité agricole en France, à travers les oiseaux nicheurs
3. Conclusion partielle : une efficacité mitigée des mesures agro-environnementales
II. Quels futurs possibles pour la biodiversité en milieu agricole ?
1. Les scénarios, un outil de prédictions
2. Que nous apprennent les scénarios agricoles existants ?
2.1 Evaluation de l’impact de scénarios de la PAC sur l’indicateur des oiseaux agricoles à l’horizon 2020
2.2 Conclusion partielle : vers des scénarios de changements d’usage des sols à plus fine échelle spatiale
3. Scénarios de biodiversité sous changements climatiques et d’usage/couverture des sols agricoles
3.1 Développement de scénarios de changements régionalisés d’assolement
3.2 Prédictions des impacts potentiels des changements agricoles sur les communautés d’oiseaux sous contraintes climatiques
Conclusion générale
1. Synthèse des principaux résultats
2. Perspectives
2.1 Efficacité des mesures actuelles de conservation en milieu agricole
2.2 Les scénarios d’évolution de l’agriculture : des outils d’aide à la décision
Bibliographie

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